Théorie du Droit moral naturel

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Christophe
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Théorie du Droit moral naturel

Message non lu par Christophe » sam. 11 sept. 2004, 21:33

Théorie du Droit moral naturel
I. Fondements du Droit moral naturel

Qui n'a pas un jour éprouvé un profond sentiment d'injustice face à une situation pourtant consacrée par les lois civiles ?
Si la légalité n'est pas une garantie de justice, c'est donc que la justice relève d'une norme supérieure à la norme politique. Ainsi l'expression "droit moral" suppose l'existence d'une loi supérieure de la loi positive des hommes : la loi morale, qui délimite le bien et le mal.

Certains philosophes - athées ou non - ont professé que la raison pure serait le principe de la morale. Tout en reconnaissant la rationalité du droit moral, nous pensons néanmoins que Dieu est la source unique et première du droit et de la morale.

Le terme "naturel" qui qualifie le droit moral naturel doit - quant-à-lui - se comprendre dans le sens ontologique du terme : relatif à la nature des êtres. Pour le dire simplement, la nature d'une chose est son essence propre, l'ensemble des attributs qui en définissent l'être (comme par exemple, dans l'expression "nature humaine").

Parcequ'il puise son origine dans la nature des choses, et que cette nature est elle-même voulue et crée par Dieu, le droit moral naturel est donc tout à la fois immanent et transcendant : immanent parce que naturel et transcendant parce que moral.


II. Précepte fondamental du Droit moral naturel

Toute créature tient de Dieu le droit inaliénable de se réaliser, dans toute la plénitude de sa nature.
La destinée particulière de chaque être de la Création constitue le dessein unique et original que Dieu a conçu à son égard. Puisqu'il serait absurde que Dieu ait pu vouloir donner une finalité à ses créatures sans vouloir également qu'elles la réalisent, c'est donc Sa volonté que tout être accomplisse son destin et se développe intégralement selon les exigences de sa nature propre.

Le Bien étant - par essence - l'objet de la volonté de Notre Seigneur, la réalisation de la nature propre de chaque être est donc une loi du droit moral (rappellons que le droit moral délimite le bien et le mal), et la loi fondamentale du droit moral naturel.

Découlant de cette première loi, le droit moral naturel est constituée par la déclinaison selon les diverses natures présentes dans la Création des exigences propres à la pleine réalisation de celles-ci.


III. Le principe harmonique

Dieu a fait tous les êtres de la Création - animaux, végétaux et minéraux - et leurs natures, selon Sa volonté. Nul ne pouvant affirmer sans blasphémer que Sa volonté pourrait être incohérente, il faut donc que le droit moral naturel soit cohérent, c'est-à-dire que ses énoncés ne portent pas de contradictions les uns entre les autres. Le droit naturel forme un système juridique cohérent.

Cela suppose l'existence théorique d'un ordre terrestre pleinement conforme à la volonté de Dieu et à la loi morale naturelle. Cet ordre moral naturel qui voit toutes les créatures vivrent en harmonie entre elles et avec leur Créateur, c'est le Paradis originel, celui qui n'a pas été blessé par le pêché : l'ordre du monde d'avant la Chute.


IV. Le Droit et le Devoir

Dans l'ordre de la Création, l'Homme - crée à l'image et à la ressemblance du Père - tient une place singulière par l'éminence de sa dignité et le libre-arbitre dont il dispose. Cette singularité fait de l'Homme un sujet de droit - par sa dignité, et un sujet de devoir - par son libre-arbitre.

D'après ce qui a été écrit supra, nous pouvions conclure à la primauté du droit sur le devoir.
Non que le droit soit plus important que le devoir, mais parce que le droit est le fondement du devoir. Parce que certains ont des droits, d'autres ont des devoirs : les droits des uns sont les devoirs des autres. Ainsi c'est un rapport de causalité qui unit le droit et le devoir.

La question de savoir pourquoi nous devons nous soumettre à notre devoir moral peut être posée.
Respecter les devoirs moraux qui nous incombent, c'est - nous l'avons vu - respecter le droit moral, donc la volonté du Père. Par orgeuil, l'Archange Lucifer s'est rebellé contre Yahvé. Se révolter contre un maître tyrannique peut être légitime et salvateur mais Dieu n'est ni arbitraire, ni tyrannique : Dieu est Amour.
Dieu est Amour et Il ne peut vouloir que notre bien. S'opposer à Sa Volonté en contrecarrant ses desseins, c'est d'une part violer la loi d'airain de Son amour qui lie toutes les Créatures entres-elles et à leur Créateur, mais c'est aussi contrarier notre nature aimante donc entraver notre propre bien... C'est donc tout à la fois un pêché et une folie, et il est juste de dire que l'obéissance à la loi de Dieu est sagesse.

Si, comme nous l'avons vu, l'existence engendre le droit, la liberté engendre la responsabilité et - réciproquement - la responsabilité explique et justifie la liberté. "Le droit à la liberté est indissociable du devoir d’en faire un usage responsable" (Jean-Paul II)


IV. Relation entre Droit moral et Droit positif

Le législateur doit - dans sa sphère de compétence - s'efforcer de rendre le droit positif le plus conforme possible au droit moral, et notamment au droit moral naturel... Mais sans s'illusionner néanmoins sur ses capacités à rétablir l'ordre moral originel ailleurs que dans le Royaume de Dieu, après la Résurrection : ce serait là de l'utopisme messianique, et même du totalitarisme - car la souveraineté du législateur se limite à la seule sphère politique.


Christophe


Liens sur ce thème :

http://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P6N.HTM
http://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P6O.HTM
http://www.centredeformation.net/doctrine/loi_nat.htm
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Message non lu par MB » lun. 13 sept. 2004, 0:37

Bonsoir

Je viens de lire votre texte. Tout cela est intéressant, mais vous fondez votre pensée sur l'existence de Dieu. Comment fait-on avec ceux qui n'y croient pas, et qui peuvent être la majorité dans certains pays (Pays-Bas, République tchèque) ?

Je vous avouerais aussi ma gêne à vous voir citer des textes du Centre de formation. Il faudrait que vous donniez votre position sur ses interprétations souvent très restrictives de Vatican II (je pense notamment au texte de J. Ousset sur la tolérance, dont je ne connais pas la date il est vrai).

Cordialement

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Message non lu par Christophe » lun. 13 sept. 2004, 20:33

MB a écrit :Tout cela est intéressant, mais vous fondez votre pensée sur l'existence de Dieu. Comment fait-on avec ceux qui n'y croient pas, et qui peuvent être la majorité dans certains pays (Pays-Bas, République tchèque) ?
Mais on les évangélise, pardi ! :lol:
Je vous avouerais aussi ma gêne à vous voir citer des textes du Centre de formation. Il faudrait que vous donniez votre position sur ses interprétations souvent très restrictives de Vatican II (je pense notamment au texte de J. Ousset sur la tolérance, dont je ne connais pas la date il est vrai).
Malgré le nom de ce forum ;-) , je ne suis pas un disciple de J. Ousset, ni sympathisant du Centre de formation...

Néanmoins, il faut reconnaître au Centre de formation - de même qu'à l'Institut Civitas - le mérite d'exister... tant les sources internétiques sur certains sujets sont rares.
Je n'ai pas cité l'article du Centre, mais j'ai indiqué le lien - l'un des très rares existant sur le sujet - au lecteur intéressé qui, je l'espère, sera assez intelligent pour en retenir ce qui doit l'être et en rejeter également ce qui doit l'être. (Quant à l'Institut Civitas, je m'interdis catégoriquement de promouvoir les mouvances schismatiques...)

Réfléchir à certains sujets et briser le monopole de certaines tendances occupant le terrain est justement l'un des objectifs de ce forum. :arrow:

Bien à vous
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Message non lu par Invité » mar. 29 avr. 2008, 15:51

L’humanité devenue orpheline du Droit, exprime une angoisse collective compréhensible face à la montée d’un nouvel eugénisme démocratique, après l’horreur vécue au 20ème siècle d’un eugénisme d’Etat.. Je voudrais annoter avec vous que les spécialistes contemporains du Droit s’inquiètent face la montée des lois contre l’autorité même du Droit qui en est la Source, et viens proposer au forum en 12 points qqs reprises confirmantes sur ce sujet de Veritatis Splendor :
Exemple concret pour comprendre: Le statut juridique sur l’enfant situé aux origines de sa vie et le Droit dont l’objet consiste notamment à protéger ce qui paraît essentiel à la communauté humaine, se sont pourtant penchés sur cette question en faisant ombre à un grand principe de protection : la loi doit protéger l’être humain dès le commencement de la vie.

1 - Il existe une loi inscrite dans le cœur de l’homme, elle est profondément inscrite dans la raison et accessible tout naturellement à chaque être humain, il s’agit de celle qui affirme la valeur de la vie (EV 2c ) De même qu’il existe une base solide commune à la collectivité humaine qui permet de fonder la dignité de toute personne et assure le respect de ses droits essentiels au cœur de la reconnaissance du bien commun, qui la protège contre les forces contraires venant de l’individu, du groupe, de la distinction des classes et des races, de la nation et de l’Etat : il s’agit du Droit, le droit naturel (VS 99a)

2- La loi naturelle n’est pas autonome en elle-même, ses préceptes obligent non pas de l’extérieur et du dehors, mais de l’intime de l’homme, du dedans (VS 36b ). Voir les vertus enracinées dans la loi éternelle, pour le vécu personnel expérimenté dans la conscience d'amour de chacun d'entre nous, dans notre étude sur http://catholiquedu.free.fr/VERTUS1.htm
Cette loi naturelle ne s’explique que par l’existence d’une source qui lui est supérieure : le Droit, lequel ne s’est jamais manifesté à l’intelligence que par la notion de création : la sagesse créatrice dépose dans la créature une inclination de la nature vers une finalité qui reflète un fondement métaphysique profondément imprimé par le Créateur ( VS 36 )

3- Pie XII ( HG, DS 3876 ) explique certes que la grâce et la révélation sont indispensables pour que ces vérités naturelles puissent être connues explicitement par tous, avec certitude et sans mélange d’erreur. Sans elles, le droit naturel fondateur se fait connaître par l’effet d’une connaissance pré conceptuelle connaturelle qui se développe avec le temps et l’expérience, trésor des civilisations, grâce auxquelles tous en perçoivent le principe fondamental.

4- Les données de l’histoire contemporaine obligent ce discernement toujours neuf d’une part entre ce qui est immuable et invariable en ces données que l’homme n’a pas créées, mais qu’il reçoit et découvre à travers les conditionnements changeants de l’histoire, et d’autre part son adaptation aux circonstances nouvelles ( VS 53 )

5- La force intérieure du Droit, sans lequel la survie de la nature est impossible trouve sa source dans la lex aeterna ( de legibus, II, 4, 8-10 ), c’est-à-dire dans la volonté de Dieu. Ne pas regarder ni obéir à ces données profondes et réalistes, c’est se renier soi-même ( de republica 22, 23 ). Voilà pourquoi Platon et Aristote ont placé le droit à la hauteur et à la dignité de science métaphysique : elle provient pour le moins, pour le Philosophe, de l’idée transcendante de Justice.

6- Les comportements des sociétés contemporaines ont cherché à lui trouver un fondement purement humain, dans le désir de l’absolutisation de l’homme pour lui-même, et c’est ce qui explique pourquoi le Droit a perdu cette dignité, expression qu’elle reçoit de sa propre nature d’être l’unité harmonieuse entre un monde travaillé par l’homme et une loi éternelle inscrite dans la réalité naturelle voulue par Dieu. Le vide laissé par cet oubli a ouvert la porte à l’arbitraire du législateur humain, au détriment du Droit et au détriment de la personne

7- Le nominalisme d’Occam au 14ème siècle est le responsable de ce désastre ; il a voulu faire croire que tout doit être basé sur l’autorité divine, indépendamment d’une harmonie avec la nature de l’homme. Non : la loi n’est pas le domaine d’un volontarisme qui doit obéir à l’arbitraire d’un ordre supposé divin, elle relève du droit naturel et du bien imprimé par le Créateur dans le cœur de l’homme.
L’idéalisme de Kant a hérité de cette perte profonde du sens en remplaçant un arbitraire par un autre, faisant de l’impératif catégorique la source « scientifique » du droit, qui fut faussement déclaré n’être qu’un fruit de l’intuition subjective de la raison pratique. Cet ontologisme a pu être facilement démasqué par la pensée moderne : le positivisme a donc pu rejeter toute idée de Droit fondé sur la nature, ne lui laissant plus que la notion d’utilité collective comme source. Il s’ensuit que le personnalisme a fini par se libérer du joug de tout caractère rationnel et impératif de la loi. (VS 47, 50, etc..) Ainsi l’homme se retrouve orphelin du Droit qui est comme son tuteur et son père, le protecteur et l’éducateur du bien de la personne entière, de son unité profonde à sa réalisation plénière

8- Statut du droit orphelin : il hérite d’un contractualime, d’un contrat social des libertés fondamentales qui s’est inscrit en tâtonnant dans la constitution des Etats (ce qui était bien nécessaire devant l’évidente expérience que l’homme n’est pas adapté à la vie sociale, et que l’Etat de son coté est incapable d’éviter sans cette contrainte la dérive tyrannique). Il hérite en même temps d’un positivisme juridique livré à la politique qui abandonne la préservation du bien personnel et du bien commun au profit de l’intérêt de l’Etat (la nature profonde du bien ne peut plus se retrouver dans cette recherche d’un pluralisme des valeurs systématiquement agnostique devenu la seule référence pour la politique). Ces deux héritages mènent à la contradiction terrible d’une situation où le contrat politique peut refuser que des êtres humains puissent être considérés comme des personnes.

9- La déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 a pu chercher des valeurs normatives méta juridiques, les nations signataires admettant que leurs législations devaient y être conformes (Mgr Georges Cottier, Référence à la loi naturelle, NV2, 49), mais alors se pose le problème de la diversité des interprétations de cette éthique laïque sans autre légitimité que sa capacité empirique à évoluer hors d’un modèle supérieur qui le fonderait

10- L’homme n’est pas seulement objet de droit et assujetti à un droit agnostique orphelin, il est le sujet du droit : l’éthique religieuse naturelle à l’homme, et plus spécialement l’éthique chrétienne se fonde sur la nature, subordonnée qu’elle est à quelque chose qui la dépasse : la personne. Aristote disait déjà que l’homme est la seule réalité naturelle que nous constatons dans l’univers qui soit finalisée par un dépassement d’elle-même, sinon elle ne peut plus être elle-même.

11- Il faut, du point de vue de l’agonie du Droit accepter d’entendre que nous devons passer du droit de l’homme au droit de la personne (JP Perrenx, Evangile de la vie I, 160).
La personne est le « droit subsistant » (A.Rosmini, Filosofia del diritto I, Padova 1967).
Cette révolution nécessaire demande davantage de respect pour l’homme, elle réclame qu’il soit perçu comme personne, c’est-à-dire comme individualité « non réitérable » (KW, Personne et Acte, 97) en même temps qu’elle réclame davantage de respect pour la présence du Créateur, source de la personne et source de sa vivante dignité d’être doué d’esprit (l’Etre Premier, Acte pur, op. cit.)

11- L’intolérance agnostique pour la vérité trahit les fondements et les principes de la vraie démocratie, l’achemine vers un totalitarisme généralisé (EV 20b) Non fondé sur la dimension ontologique de la personne, le droit devient impensable, il caricature la démocratie (EV 97,99) et la rend criminelle puisqu’elle objective et légalise des crimes précisément normalisés au nom d’une prétention illégitime et infondée à une vérité relative (EV 70c) ; enfin il ouvre les portes des sources de la Mort en ne discernant plus la présence de la Source transcendantale de la vie, se faisant par là même son propre ennemi, parricide et déicide à la fois (lui qui a pour fonction régulatrice de représenter l’unité profonde de la paternité humaine avec la transcendance de l’Acte et du Bien).

12- L’Eglise entend cet appel universel de l’humanité à un retour sur sa vocation naturelle, à un Droit fondé sur la fécondité plus que sur le consensus de la mort du Droit naturel, elle perçoit l’angoisse collective d’un légalisme rendant l’humanité ennemie de son origine, de sa dignité, de son épanouissement et de sa propre fin. Elle sait que l’homme est fait pour rester en communion avec lui-même et avec Celui qui le maintient dans l’existence et qui lui donne la vie. Elle rappelle que l’homme est un être sacré, et dans la main de son Créateur, qu’il le perçoit, qu’il le sait, qu’il le pressent sans cesse, qu’il reste son enfant et que son Créateur restera toujours son véritable Père. Elle appelle à la restauration du respect de la liberté fondamentale de la personne : liberté de vivre en communion et dans le respect de cette Paternité vivante qui la gratifie, qui la garde, qui la dépasse, qui l’enseigne par la conscience, et qui assure son avenir, sa paix, et son
accomplissement.

13- Notons enfin que les spécialistes contemporains du Droit s’inquiètent face à la montée des lois contre l’autorité même du Droit, Source des lois ; l’Eglise confirme leurs pressentiments : nous venons de résumer les confirmations sur ce sujet de Veritatis Splendor ; c’est que ce que le Droit est aux lois, la Métaphysique l’est à l’éthique : appelons au dépassement d’une simple moralisation et d’une éthique consensuelle largement inadaptée à fonder la résurrection du droit fondamental de la Personne, dépassement de l’humain!

PAS TROP LONG?
MAIS POUR CELUI QUE SUJET INTERRESSE
CELA DONNE DES AXES PLUS RECENTS

PERE NATHAN

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Contre les théories subjectivistes du droit naturel...

Message non lu par Christophe » sam. 10 mai 2008, 23:20

Merci, Père Nathan pour ces réflexions ! :)

Pour tous ceux que le sujet intéressent, je recommande l'excellente présentation Le Droit naturel d'Alain Sériaux (Professeur à la faculté de droit et de science politique d'Aix-Marseille) dans la collection Que sais-je ?

L'ouvrage présente, dans une première partie, la théorie classique du droit naturel en s'appuyant essentiellement sur Aristote et saint Thomas d'Aquin. L'auteur en profite pour évoquer - et lever - les objections positivistes au jusnaturalisme.

Dans une seconde, intitulée "le doit naturel moderne", l'auteur présente les deux interprétations nettement distinctes du droit naturel : "Tantôt elle fut confondue avec la loi naturelle, , tantôt plus radicalement revue dans une perspective subjective : celle des droits naturels de l'homme". Cette seconde partie, moins académique, propose une critique très pertinente - à mon sens - de ces deux interprétations modernes.

Je me permets de reproduire quelques lignes de la conclusion, qui portent une objection dirimante contre la doctrine des "droits de l'homme" (mais aussi toute théorie subjectiviste du droit naturel, comme celle du libéralisme) à laquelle semble - à mon grand regret - s'être rangée l'Église depuis la seconde guerre mondiale :
La seule institution qui développe encore officiellement une pensée jusnaturaliste paraît être l'Église catholique. Mais elle l'a, de plus en plus, fait dans une perspective à notre avis radicalement contraire à celle qu'adoptaient Aristote ou saint Thomas d'Aquin (dont la doctrine sert pourtant de point de référence à ladite Église). Après avoir trop insisté sur la loi naturelle (confondue avec le droit naturel), elle s'est rangée ostensiblement sous la bannière des droits naturels de l'homme. Déjà sensible chez ses prédécesseurs, ce passage a été renforcé et généralisé par le pape actuel, Jean-Paul II. Envisageant, par exemple, les droits du travailleur, ce dernier affirme que "ces droits doivent être examinés dans le vaste contexte de de l'ensemble des droits de l'homme, droits qui lui sont co-naturels" (Laborem exercens, 1981, n°16). Le récent Catéchisme de l'Église catholique (1992), approuvé par Jean-Paul II, fait siennes les formules de l'instruction Donum vitae du 22 février 1987 de la Congrégation pour la doctrine de la foi, où il est affirmé : "Les droits inaliénables de la personne devront être reconnus et respectés par la société civile et l'autorité politique. Les droits de l'homme ne dépendent ni des individus ni des parents, et ne représentent pas même une concession de la société et de l'État : ils appartiennent à la nature humaine et sont inhérents à la personne en raison de l'acte créateur dont elle tire son origine. Parmi ces droits fondamentaux, il faut nommer le droit à la vie et à l'intégrité physique de tout être humain depuis la conception jusqu'à la mort." Nous n'entrerons pas - les pages nous manquent - dans une discussion serrée de telles formules. Bornons-nous à observer qu'elles se fondent sur une anthropologie personnaliste : la personne humaine est nantie par Dieu, son créateur, d'une dignité radicale que les pouvoirs publics et la société toute entière doivent respecter ; elle a donc des droits naturels inaliénables à l'encontre desquels nulle autorité publique ne saurait aller sous peine de nier sa fin fin objective qui n'est autre, une fois encore, que la personne. L'on trouve là comme un lointain écho de la maxime kantienne : "Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen" (Fondements de la métaphysique des mœurs, sect. II).

A notre sens, pourtant, il paraît difficile d'ancrer sur l'incontestable dignité ontologique de l'être humain un quelconque droit naturel. Le droit, répétons-le, n'est pas affaire de titre mais de mesure entre deux ou plusieurs personnes. Que des titres résultent de ces mesures, cela est clair. Mais c'est une perversion radicale de l'essence du phénomène juridique que de poser des titres antérieurs à toute mesure. Aussi convient-il d'affirmer que la personne humaine a sans doute des droits naturels, mais qu'elle ne tient pas ces droits de sa dignité : ils sont dus à une mesure antérieure déterminée par Dieu, son créateur, via l'ordre naturel des choses. Il paraît pour le moins assez discutable d'affirmer par exemple, au profit des êtres humains, un droit à la vie et à l'intégrité physique depuis la conception jusqu'à la mort. S'il en était ainsi comment pourrait-on dire en même temps que la peine de mort n'est pas forcément une injustice, qu'au nom de la légitime défense il est licite de tuer ou de blesser son assaillant ou que supprimer proprement un soldat ennemi dans une guerre juste n'a rien de répréhensible ? De deux choses l'une en effet : ou bien l'on tient que la vie humaine est un droit inné et alors on ne voit pas très bien pour quelles raisons la suppression de ce droit pourrait dans certains cas être considérée comme juste ; ou bien l'on affirme que l'homme n'a de droit à la vie que dans la mesure où cela est juste et alors il devient impossible de maintenir qu'il existe un droit inné à la vie. Seul le second terme de l'alternative nous paraît philosophiquement correct. En somme, il est peut-être possible de parler d'un droit à la vie, à condition de le regarder sub specie justitiae. C'est d'ailleurs ce que faisait saint Thomas lorsqu'il commentait le "tu ne tueras point" du Décalogue. Ce commandement devait, pensait-il, s'interpréter comme disant : "tu n'enlèveras pas injustement la vie à autrui", ce qui nous renvoie immanquablement à la recherche de la juste mesure dans les rapports interpersonnels.

De façon générale, la personne humaine d'abord, la société ensuite doivent tendre, avec l'aide de la grâce, vers la réalisation de leur propre perfection immanente. Les premiers chrétiens l'avaient parfaitement compris, eux qui voyaient dans le Christ un modèle parfait d'humanité qu'il convenait par suite d'imiter et, plus radicalement encore, d'incarner. L'imitation de Jésus-Christ (pour reprendre le titre d'un grand classique de l'ascétique chrétienne) vrai Dieu mais aussi vrai homme est au cœur du christianisme le plus authentique. Or le Christ n'incarne rien d'autre que la mesure parfaite (naturelle) de ce qu'est un homme. Il doit en aller de même pour la société : en se conformant à l'ordre requis par toute vie sociale, elle obtient son plein épanouissement en tant que société.
A l'opposé des doctrines du contrat social, la pensée catholique actuelle ne nie certes pas la dimension naturellement sociale ou politique de l'être humain, mais en tenant compte que la personne est d'abord sujet de droits sur lesquels la société n'a pas d'emprise elle se situe par la force des choses dans une perspective de séparation, voire d'opposition, entre l'individu et le social. A la personne ses droits (naturels), à la société son droit (positif). La pensée classique, si bien représentée par Thomas d'Aquin, surmonte aisément cette dualité par la quête de la fin commune aux diverses personnes en relation. Cette fin est fédératrice : au lieu d'opposer les parties, elle insiste sur ce qu'elles ont de commun et qui justifie en dernière analyse leur "départition". On le voit, c'est toute une conception générale de l'univers qui est ici en cause.
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zélie
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Qu'est ce que la Loi Naturelle?

Message non lu par zélie » mar. 10 févr. 2009, 13:26

Boris a écrit : Dieu est le Créateur de toutes choses et de la Loi Naturelle. Que serait cette Loi si Dieu peut la modifier ou aller à son encontre selon son gré ?
Cela pose un grave problème.

Il me semble que la solution est la suivante : Dieu a aussi créé le monde invisible, dont les Anges. Ceux-ci interviennent dans nos vies et cela représente une partie de la Loi Naturelle que nous ne connaissons pas bien mais que nous appelons miracle ou intervention Divine.

Je me permets de reprendre ici le propos de Boris (propos dans le fil "interrogation sur l'intervention divine"), parce que je ne connaissais pas le concept de "Loi Naturelle" sous ce nom-là, et je suis très surprise que les miracles soient rattachés à une loi... (et un grand merci au passage à Boris :clap: , qui me donne l'occasion d'approfondir mon cheminement):

De là je cherche à en savoir plus et je trouve autre chose (voir message de Benoit XVI que je cite ici): si quelqu'un peut m'aider à y voir un peu plus clair, peut définir ce qu'on entend par La Loi Naturelle et en développer l'essentiel dans les origines et les enjeux, merci beaucoup pour les candides comme moi. Parce que je me demande si j'ai pas fait un amalgame entre deux choses complètement différentes...

Il se trouve donc que Benoit XVI parle de lex naturalis dans un message, que je transmets ici :
[+] Texte masqué
Discours de Benoît XVI sur le « droit moral et naturel » (12 février)

A l’occasion du Congrès promu par l’Université du Latran

ROME, Mardi 20 février 2007 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte du discours que le pape Benoît XVI a prononcé lundi 12 février à l’occasion de sa rencontre au Vatican avec les participants au Congrès international promu par l’Université pontificale du Latran sur le thème : « Droit moral et naturel ».
* * *
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce!
Eminents professeurs,
Mesdames et Messieurs!

C'est avec un plaisir particulier que je vous accueille au début des travaux de votre Congrès, au cours duquel vous vous consacrerez dans les prochains jours à un thème d'une grande importance pour le moment historique actuel, celui du droit moral naturel. Je remercie Mgr Rino Fisichella, Recteur magnifique de l'Université pontificale du Latran, pour les sentiments qu'il a exprimés dans son hommage avec lequel il a voulu introduire cette rencontre.


Il ne fait aucun doute que nous vivons une période de développement extraordinaire en ce qui concerne la capacité humaine de déchiffrer les règles et les structures de la matière et la domination de l'homme sur la nature, qui en découle. Nous voyons tous les grands bénéfices de ce progrès, ainsi que les menaces d'une destruction de la nature à cause de la force de nos actions. Il existe un autre danger, moins visible, mais non moins inquiétant: la méthode qui nous permet de connaître toujours plus à fond les structures rationnelles de la matière nous rend toujours moins capables de percevoir la source de cette rationalité, la Raison créatrice. La capacité de voir les lois de l'être matériel nous rend incapables de voir le message éthique contenu dans l'être, message appelé par la tradition lex naturalis, droit moral naturel. Il s'agit d'un terme qui est devenu aujourd'hui presque incompréhensible pour de nombreuses personnes, à cause d'un concept de nature non plus métaphysique, mais seulement empirique. Le fait que la nature, l'être même ne soit plus transparent pour un message moral, crée un sens de désorientation qui rend précaires et incertains les choix de la vie quotidienne. Naturellement, l'égarement frappe en particulier les générations les plus jeunes, qui doivent dans ce contexte effectuer des choix fondamentaux pour leur vie.

C'est précisément à la lumière de ces constatations qu'apparaît dans toute son urgence la nécessité de réfléchir sur le thème du droit naturel, et de retrouver sa vérité commune à tous les hommes. Ce droit, qu'évoque également l'apôtre Paul (cf. Rm 2, 14-15), est inscrit dans le cœur de l'homme et est par conséquent, aujourd'hui également, tout simplement accessible. Ce droit a comme principe premier et fondamental celui de «faire le bien et éviter le mal». Il s'agit d'une vérité dont l'évidence s'impose immédiatement à chacun. De ce droit découlent les autres principes plus particuliers, qui réglementent le jugement éthique sur les droits et les devoirs de chacun. C'est le cas du principe du respect pour la vie humaine, de sa conception jusqu'à son terme naturel, ce bien de la vie n'étant pas la propriété de l'homme, mais un don gratuit de Dieu. C'est le cas également du devoir de rechercher la vérité, présupposé nécessaire à toute maturation authentique de la personne. Une autre instance fondamentale du sujet est la liberté. En tenant compte, toutefois, du fait que la liberté humaine est toujours une liberté partagée par les autres, il est clair que l'harmonie des libertés ne peut être trouvée que dans ce qui est commun à tous: la vérité de l'être humain, le message fondamental de l'être même, la lex naturalis précisément. Et comment ne pas évoquer, d'une part, l'exigence de justice qui se manifeste dans le fait de donner unicuique suum, et, de l'autre, l'attente de solidarité qui alimente en chacun, spécialement chez les personnes en difficulté, l'espérance d'une aide de la part de ceux que le destin a favorisés? Dans ces valeurs s'expriment des normes inéluctables et coercitives qui ne dépendent pas de la volonté du législateur ni du consensus que les Etats peuvent y apporter. Il s'agit en effet de normes qui précèdent toute loi humaine: en tant que telles, elles n'admettent d'interventions ni de dérogations de la part de personne.

Le droit naturel est la source dont jaillissent, avec les droits fondamentaux, également les impératifs éthiques qu'il est nécessaire de respecter. Dans l'éthique et la philosophie actuelle du Droit, les postulats du positivisme juridique sont largement présents. La conséquence est que la législation ne devient souvent qu'un compromis entre divers intérêts: on tente de transformer en droits des intérêts privés ou des désirs qui s'opposent aux devoirs découlant de la responsabilité sociale. Dans cette situation, il est opportun de rappeler que toute ordonnancement juridique, tant sur le plan interne qu'international, tire en ultime analyse sa légitimité de son enracinement dans le droit naturel, dans le message éthique inscrit dans l'être humain lui-même. Le droit naturel est, en définitive, le seul rempart valable contre l'abus de pouvoir ou les pièges de la manipulation idéologique. La connaissance de ce droit inscrit dans le cœur de l'homme croît avec le développement de la conscience morale. C'est pourquoi, la première préoccupation de chacun, et en particulier de ceux qui ont des responsabilités publiques, devrait être de promouvoir le développement de la conscience morale. Tel est le progrès fondamental sans lequel tous les autres progrès finissent par ne pas être authentiques. Le droit inscrit dans notre nature est la véritable garantie offerte à chacun pour pouvoir vivre libre et respecté dans sa dignité. Ce qui a été dit jusqu'à présent possède des applications très concrètes si l'on se réfère à la famille, c'est-à-dire à la «communauté profonde de vie et d'amour que forme le couple, [...] fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur» (cf. Const. past. Gaudium et spes, n. 49). A cet égard, le Concile Vatican II a répété de façon opportune que le mariage est une institution «que la loi divine confirme», et donc «en vue du bien des époux, des enfants et aussi de la société, ce lien sacré échappe à la fantaisie de l'homme» (ibid.). Aucune loi faite par les hommes ne peut donc renverser la norme inscrite par le Créateur, sans que la société ne soit dramatiquement blessée dans ce qui constitue son fondement de base même. L'oublier signifierait fragiliser la famille, pénaliser les enfants et rendre précaire l'avenir de la société.

Je ressens enfin le devoir de réaffirmer que tout ce qui est réalisable sur le plan scientifique n'est pas pour autant licite sur le plan éthique. La technologie, lorsqu'elle réduit l'être humain à un objet d'expérimentations, finit par abandonner le sujet faible à la volonté du plus fort. Se fier aveuglément à la technologie comme unique garante de progrès, sans offrir dans le même temps un code éthique qui plonge ses racines dans cette même réalité qui est étudiée et développée, reviendrait à porter atteinte à la nature humaine, avec des conséquences dévastatrices pour tous. La contribution des hommes de science est d'une importance primordiale. Outre le progrès de nos capacités de domination sur la nature, les scientifiques doivent également contribuer à nous aider à comprendre en profondeur notre responsabilité envers l'homme et la nature qui lui a été confiée. C'est sur cette base qu'il est possible de développer un dialogue fécond entre croyants et non-croyants; entre théologiens, philosophes, juristes et hommes de science, qui peuvent offrir également au législateur des éléments précieux pour la vie personnelle et sociale. Je souhaite donc que ces journées d'étude puissent non seulement conduire à une plus grande sensibilité des experts à l'égard du droit moral naturel, mais qu'elles encouragent également à créer les conditions afin que l'on parvienne, sur ce thème, à une conscience toujours plus pleine de la valeur inaliénable que la lex naturalis possède pour un développement réel et cohérent de la vie personnelle et de l'ordre social. Avec ce vœu, je vous assure de mon souvenir dans la prière pour vous et pour votre engagement académique de recherche et de réflexion, tandis que je donne à tous avec affection ma Bénédiction apostolique.


L’Osservatore Romano en Langue Française, 20 février 2007 (cf. vatican.va, e-mail : ornet@ossrom.va)

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Notre Saint Père parle ici d'un droit moral naturel, axé sur un principe premier de "faire le bien et éviter le mal". Sa position a cela de bien qu'elle est pédagogique et lumineuse, pas embarassée d'équivoques. (A y être, je préfère autant, car je ne peux obéïr que si je sens une position solide...)
Du coup je ne sais plus si je suis toujours dans ce que Boris cherchait à exprimer...?

Et pour finir une remarque: il y a des jours où je comprend mieux pourquoi Benöît XVI est tant vilipendé...

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Christophe
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Re: Théorie du Droit moral naturel

Message non lu par Christophe » mar. 10 févr. 2009, 14:27

Chère Zélie, je me suis permis de fusionner votre message avec une discussion existante sur le droit naturel. N'hésitez pas à poser toutes les questions qui resteraient en suspens.

Que Dieu vous bénisse.
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Re: Théorie du Droit moral naturel

Message non lu par Serge BS » mar. 10 févr. 2009, 14:55

Intéressant débat...

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Nouveau regard sur la loi naturelle

Message non lu par Christophe » dim. 07 juin 2009, 15:11

Signalons la publication sur le site du Vatican de l'étude de la Commission Théologique Internationale (CTI) qui s'intitule : "A la recherche d'une éthique universelle : nouveau regard sur la loi naturelle". NB : la CTI n'est pas une autorité magistérielle.

:arrow: http://www.vatican.va/roman_curia/congr ... le_fr.html
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Re: Théorie du Droit moral naturel

Message non lu par aldebaran » jeu. 11 juil. 2019, 13:44

à Carhaix
La question que vous soulevez dépasse la seule peine de mort, et peut s'étendre à toutes les réformes "sociétales" et politiques qui caractérisent, depuis environ 250 ans, les pays post-chrétiens, et ont connu des avancées lors des différents épisodes de l'histoire moderne, le dernier en date étant en France le mouvement de mai 68, suivi de tout un train de réformes dans les années 70. Mais on pourrait remonter aux débuts de la démocratie au 18e siècle, l'abolition de la "question" peu avant la Révolution en France, et en règle générale, l’adoucissement des mœurs, avec cependant son corollaire : l'euthanasie, et diverses autres questions du même type.

Tout ceci est à relier à une évolution à la fois des mentalités et des conceptions philosophiques qui ont leurs sources dans les courants de pensée du 18e siècle (dont Rousseau), mais remontent peut-être au-delà.

Il y aurait de quoi écrire une thèse, si l'on voulait développer. Mais je retiens seulement une idée, qui est un aspect important. Que veut la loi, dans son principe premier ? Etablir une morale ? Non. Le but premier de la loi est de sauvegarder la paix publique, et rien d'autre. Le but de la Loi est d'empêcher que la société ne soit un far west où chacun s'entretue. Pour empêcher cela, elle détermine des listes d'interdits associés à des peines. Les peines, quelles qu'elles soient, sont fondamentalement immorales. Il est immoral d'exercer une contrainte quelconque envers qui que ce soit. Contraindre une personne à payer une amende, le priver de liberté, l'humilier publiquement, ou le mettre à mort, tout cela est immoral. Mais c'est nécessaire pour garantir la paix dans la société. Cela s'appelle la "Justice". Si la Justice n'existe pas, et ne remplit pas son rôle, chacun va se venger personnellement de ce que lui a fait son voisin.

Et là, que suis-je en train de faire ? Je suis en train d'expliquer une notion évidente, qui s'appelle la "Justice", mais que l'on a perdu de vue, car on vient de basculer dans une "quatrième dimension" ou le "Je" a été érigé au-dessus du "Nous", et où la mentalité adulte tend à être soumise à une mentalité d'enfant capricieux. Alors, il faut rappeler les vérités fondamentales, car le retour de la barbarie guette notre société en pleine décomposition décadente.

C'est bien ce que l'on observe dans l'évolution actuelle où on imagine, désormais, d'abolir carrément l'incarcération pour la remplacer par des peines plus douces (bracelets électroniques, travaux d'intérêt général, etc.). Et en parallèle, la Loi s'occupe de plus en plus de morale, ce qu'elle ne devrait pas faire, car ce n'est pas son domaine d'intervention à la base. Nous avons donc une Loi qui ne s'occupe plus de son but premier : sauvegarder la paix publique, mais se mêle maintenant prioritairement de morale, c'est-à-dire de notions de Bien et de Mal, qui relèveraient plutôt du religieux. Quelques exemples caractéristiques : l'interdiction de plus en plus contraignante de corriger ses enfants ; la préoccupation du bien-être animal qui prend une tournure de plus en plus disproportionnée ; le droit à l'enfant, etc.

Et la conséquence ne peut être que dramatique.
Ce que vous dites est furieusement intéressant, et je pourrais abonder quelque peu avec vos propos. Sauf que c'est loin d'être évident à priori, surtout pour les catholiques si je juge du peu de réactions à votre commentaire (ou sur ce fil).
De prime abord, la difficulté il me semble, est que le législateur, in fine, qui n'est jamais le peuple en réalité (on pourrait discuter s'il est vraiment son représentant) justifie bien souvent ses lois selon ce qui ressemble à une morale, une notion du bien selon lui. D'où vient cette morale et sa légitimité en droit positif, pourquoi abandonner la notion de droit naturel pour peu qu'elle soit si naturelle que cela, voilà vraiment des questions à se poser et qui méritent une réflexion. Réflexion en cours à ce que je crois chez les juristes, bien que je n'appartienne pas à ce milieu.
L'IVG, le statut des personnes homosexuelles, l'euthanasie, les droits des enfants illégitimes pour ne prendre que ces exemples dépassent le simple fait d'assurer une société dépassant la loi du plus fort ou des règlements de comptes façon Far West.
Comme le sujet dépasse en effet largement le cadre de la peine de mort, je me suis permis de le transférer ici où ce fil me parait plus approprié. La modération me corrigera si nécessaire.

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