Vers une définition du Bien Commun

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bajulans
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De Koninck et Shaka

Message non lu par bajulans » dim. 04 sept. 2005, 17:37

Merci Christophe de m'avoir communiqué ce texte que j'avais lu, je crois et dont je n'avais retenu que le fait que le bien commun est nécessairement commun.

Pourtant Shaka me semble poser une question que je n'arrive pas à résoudre : celle du soldat qui se fait déchiqueter par un obus alors qu'il poursuit un bien commun, lequel, dans ce cas ne semblerait plus commun. Excellente objection en effet, qui force à réfléchir.

Je n'ai pas tout lu, ni encore moins tout compris du texte de De Koninck qui me paraît génial, selon les petits éclairs de compréhension que j'en ai. Mais d'après ce que j'ai compris pour l'instant, le bien commun est plus divin, plus excellent, que le bien propre en tant qu'il n'est que singulier.

La difficulté que soulèvent ces textes de philosophie, c'est que leur lecture trop rapide peut induire des fausses solutions, parce qu'ils sont à un niveau tel qu'il est difficile de faire la jonction avec les réflexions et les décisions de la vie quotidiennes, mais c'est pourtant nécessaire, c'est même fondamental pour qui veut sauver son âme. Car nous sommes ici pour servir le Bien, c'est à dire Dieu, le plus grand bien commun, commun à toute la création.

Il est donc très important de les lire, de les relire, de les méditer. Quelle chance et quel honneur qu'ils aient été écrits en français. Car nous somme ici, en examinant cette question, au coeur même du problème posé par la modernité en ses expressions individualistes ou collectivistes, erreurs sur lesquelles vivent nos contemporains et moi-même parfois, et dont on constate les ravages. Il valent la peine d'être médités, et il vaut la peine d'en saisir la portée pour notre propre sanctification. En effet si le bien commun est plus divin que le bien singulier il est nécessaire d'en avoir plus soin pour assurer notre salut.

C'est "magique" de voir combien dans le texte de De Koninck notre vie de tous les jours s'enracine en Dieu. La vraie volupté est intellectuelle.

Un petit regret, le texte que j'ai ne contient pas les notes. Et les textes latins ne sont pas traduits.
Loué soit Jésus-Christ

Christian
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Message non lu par Christian » dim. 04 sept. 2005, 21:33

Bonsoir

Je viens de parcourir à l’écran (donc sans approfondir, souligner, prendre des notes) le texte de Charles de Koninck (thank you, Christophe). Je reste sur la position que je défendais plus haut dans ce fil avec Guelfo. Koninck nous donne une excellente explication du Bien commun de chrétiens, mais la question qui se pose très concrètement à nous est différente. Existe-t-il un bien qui soit commun aux 6 milliards d’être humains ?

Sans modestie, j’essaie d’ouvrir une piste dans l’article suivant.

Christian

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Message non lu par Christian » dim. 04 sept. 2005, 21:37

Bonsoir Bajulans,
Le bien commun ne s'appréciera pas non plus concrètement de la même façon dans une société multi culturelle, multi religieuse que dans une communauté soudée autour de ses croyances, par exemple, il est illusoire donc de réver, à la façon idéaliste, d'un modèle "bien commun" s'appliquant partout et dans toute les sociétés.
Il me semble que vous vous enfermez dans une impasse, si je peux me permettre de vous le dire. Car si le « bien commun » n’est pas celui de toute l’humanité, nous sommes condamnés à un choc sans fin des civilisations, à des guerres économiques constantes, puisque la poursuite de ce que les uns considèrent comme « leur » bien commun se heurtera à la vision que d’autres ont du leur. Et puisque le Bien est, par définition, la valeur suprême, aucune limite ne peut être placée aux moyens utilisés pour l’atteindre.

Le bien commun, vous le soulignez vous-même, « est en même temps et nécessairement un bien propre à chacun ». Quel est ce bien, propre à chacun, qui est aussi partagé par tous ? Je vous suggère que c’est la préservation de notre vie et de notre corps. On ne rencontre pas beaucoup de gens, il me semble, qui disent « ça m’est égal d’être poignardé ou violé au coin d’un bois ». De même, les biens que nous acquérons grâce à notre activité ou les présents que nous avons reçus nous sont chers. Qui ne ferme pas la porte de sa maison s’il pense qu’un risque de vol existe ?

Ce sentiment : 1) de vouloir persévérer dans son être ; 2) de n’être pas dépossédé de ses biens est partagé par les Chinois, les Inuits, les Parisiens, les Boliviens, il existait au temps des Pharaons aussi fort qu’aujourd’hui, il existera demain. Certes, beaucoup d’hommes l’ont surmonté. Ils donnent leur vie et leurs biens pour une cause qui leur paraît supérieure, mais tous s’accordent à dire qu’il s’agit-là d’un ‘sacrifice’. (Et s’ils le font, c’est parce que d’autres gens ne partagent pas la cause pour laquelle ils se sacrifient, cette cause n’est donc pas un ‘bien commun’).

Je pense qu’on peut énoncer ainsi le bien commun, c’est le droit de chacun de n’être pas agressé dans sa vie et dans ses biens (La réciproque de « Tu ne tueras pas, tu ne voleras pas »). Le Bien commun, c’est le Droit.

Mais le droit de faire quoi ? Assuré contre toute atteinte à ma vie et mes possessions, à quoi vais-je les employer ? La philosophie et la morale interviennent ici pour me guider. Mais quel que soit mon projet, il y a peu de chances que je puisse le réaliser seul. Je vais donc m’associer à d’autres au sein d’une communauté culturelle (par ex., les Français), religieuse, commerciale, artistique, sportive… Chacune de ces communautés a son propre bien commun (la langue française, le Coran, une liste de clients…), mais elle ne peut contraindre personne à adopter ce bien commun particulier (devenir musulman, devenir client) sans attenter à la vie et aux biens de quelqu'un, c-à-d sans violer le Droit qui constitue le Bien Commun universel.

Seulement ainsi nous pouvons concilier la recherche par chacun de son bien propre, la recherche plus haute entreprise au sein d’une communauté, et la coexistence pacifique de communautés sur la planète, jusqu’à ce moment où tout sera accompli dans le Christ.

Christian

bajulans
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bien commun, mais c'est le droit, éclairé par la prudence

Message non lu par bajulans » dim. 04 sept. 2005, 22:35

Le bien commun de toute l'humanité, source de tous droits, c'est Dieu.

Dieu veut que nous soyons tous des saints, même si nous avons une conscience mal formée, erronée.

Il existe une hiérarchie dans la sainteté. Il existe une hiérarchie dans les sociétés (Eglise, Etat, famille etc.) et chez les individus composant ces sociétés.

Il semble que nous puissions ête d'accord pour dire que le bien commun, disons un des biens communs à toute l'humanité c'est d'être en sécurité et en paix et de pouvoir accomplir son devoir dans l'honneur, sous le regard de Dieu, en fonction de sa culture propre, culture débarassée de ses erreurs au moins les plus grossières (par exemple absence de respect de la vie, de la liberté des individus).

Lorsque je dis que le bien commun est nécessairement différent selon les époques et l'état des sociétés (leurs croyances, leur culture etc.), je veux simplement dire qu'il doit aussi s'adapter. Comme on s'adapte pour canoniser Ste Clotilde, il a fallu passer sur le fait qu'elle a incité ses fils à venger les crimes commis par son oncle à l'encontre des propres parents de la sainte. Cela s'est traduit par le trépas de l'oncle. Mais, eu égard à l'état des moeurs de l'époque, particulièrement rudes, elle a été canonisée, malgré cela, mais si elle avait vécu au XXème siècle, elle aurait terminé en prison, et pas sur les autels.

Pour donner un exemple, si je suis dans une société qui admet la toxicomanie au haschish, le bien commun des individus serait d'une part de prendre conscience que le hashish est nocif à la santé, surtout mentale et cela dès la première prise, et qu'il ne doit pas être toléré, puis ensuite de l'interdire. Si l'ensemble de la population est convaincue, par erreur, que le hashish est inoffensif, je ne pourrais mettre les trafiquants en prison. Le bien de cette société sera donc nécessairement adapté à l'état des mentalités des membres de ladite société. C'est l'objet de la vertu de prudence, de la vertu de tolérance dont elle est un démembrement propre à l'autorité. La prudence chrétienne qui nous fait prendre les bonnes décisions en fonction de la situation, des circonstances. La considération de la vertu de prudence se situe à un niveau plus bas dans l'abstraction et donc plus facilement compréhensible, il me semble qu'articuler les deux notions "bien commun" et "prudence" constituerait un "pont" rendant plus accessible les vérités supérieure, par un effet de miroir.

Il existe évidemment un autre indice sur mon degré de compréhension des vérités abstraites, c'est que si au sortir de cette méditation, je prèche, contre toute raison, la guerre sainte, c'est que mes spéculations n'ont pas de bons résultats et qu'il y a quelque chose qui cloche chez elles, même si tout me semble clair : Luc VI, 43, 44, 45
43 En effet, il n'y a pas de bon arbre qui donne de mauvais fruits, ni non plus
de mauvais arbre qui donne de bons fruits;
44 car chaque arbre se reconnaît à son propre fruit. On ne cueille pas des
figues sur les épines; on ne ramasse pas de raisin sur les ronces.
45 L'homme bon sort le bien du trésor de bonté de son cœur; et, du (trésor)
de sa malice, l'homme mauvais sort le mal; car sa bouche parle du trop-plein
du cœur.
(site Jesusmarie.com)

La difficulté, c'est que lorsque nous parlons de bien commun, nous atteignons un tel degré d'abstration, qu'il nous est difficile de mesurer la portée pratique de ce dont nous parlons. Pourtant ce degré d'abstration est nécessaire à la pensée et même à la vertu, au moins pour les intellectuels, selon leurs formations et leurs capacités.

Mais cette nécessité ne doit pas nous faire tomber dans une querelle de mots, mais au contraire, je suis pour que nous cherchions, ensemble, la vérité, par confrontation des principes avec des vérités moins abstraites. J'aime beaucoup la bonne entente, comme vous, je suppose.

Donc, je vais relire et méditer De Koninck pour essayer de faire descendre à des niveaux plus immédiatement pratiques les vérités qu'il énonce avec tant de génie. Si de votre côté, vous avez des lectures sur ce point particulier... ce sera volontiers.

En tous cas, je suis heureux de pouvoir discuter avec vous, car vos objections font avancer le débat, comme celle de Shaka.

A +, Cher ami.
Loué soit Jésus-Christ

Christian
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Message non lu par Christian » lun. 05 sept. 2005, 10:23

Bonjour Bajulans,
Pourtant Shaka me semble poser une question que je n'arrive pas à résoudre : celle du soldat qui se fait déchiqueter par un obus alors qu'il poursuit un bien commun, lequel, dans ce cas ne semblerait plus commun. Excellente objection en effet, qui force à réfléchir.
Shaka n’étant pas libéral, ne peut effectivement pas résoudre la contradiction que vous relevez. Soit ce soldat, mobilisé, est sacrifié sur l’autel d’une idole, la Patrie, la Révolution, soit il se sacrifie à un idéal que lui juge plus important que sa vie (et il est le seul à pouvoir juger de ce qui est plus important que sa vie). Par exemple, ce soldat dira : ‘ma vie ne vaut pas la peine d’être vécue dans un pays occupé par l’ennemi’ ou ‘j’accepte de donner ma vie pour témoigner de mon attachement au Christ’.

Dans le premier cas, il est victime d’un crime organisé par quelques dirigeants politiques, il est un instrument (au sens kantien du terme) qu’ils utilisent pour la recherche de leur bien, qui n’est évidemment pas celui de ce soldat. Dans le deuxième cas, il identifie son bien à une cause ou une collectivité dont la défense a plus de valeur pour lui que sa vie même.

L’individu n’est pas la mesure du bien. Il peut se tromper. Je dirai que notre Eglise en sait plus sur le bien que moi individuellement. Mais la personne est seul juge de la valeur de sa vie. Et nul individu ou organisation, connaîtrait-il absolument le bien, ne peut exiger d’une personne qu’elle dévalue sa vie. Le Christ ne l’a pas exigé. Il a exhorté des personnes à Le suivre, Il ne les a pas contraintes. Alors de quel droit le faisons-nous ?

Cordialement
Christian

bajulans
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Shaka et le libéralisme

Message non lu par bajulans » lun. 05 sept. 2005, 12:38

J'ai dans l'idée d'écrire un post sur la question des droits de l'homme, des déclarations des droits de l'homme, de la philosophie sociale à la lumière de mes lectures de Gilson (Constante Philosophique de l'Etre), de De Koninck (texte que vous m'avez obligeamment communiqué, malheureusement partiel et dont je n'ai pas achevé l'étude) et d'autres textes sur la devise "Liberté, égalité, fraternité" et les dix commandements.

Personnellement, je pense que le coeur du problème se trouve là. Je comprends ce que vous voulez dire, mais ce n'est pas vraiment du libéralisme et Shaka pose une vraie question qui ne trouve sa solution que dans une réfléxion sur l'idée de bien et donc de bien commun. Mais votre solution est déjà une première approche du problème et contient une partie de mes idées, ou plutôt des solutions proposées par De Koninck.

Mais qu'il me soit permis de dire qu'il me semble que l'actuel débat est issu de l'approche idéaliste de la pensée, qui fait que l'on est dans une perpétuelle contradiction entre droit propre et bien commun, alors qu'en réalité c'est la problématique des droits de l'homme qui voit contradiction là où il n'y a qu'accord profond.

Ainsi on nous demande d'être "généreux" comme si nos droits, nos biens personnels entraient en contradiction avec le bien commun, alors que dans une perspective chrétienne, il n'y a pas lieu à être mauvais pour nous pour être bon pour les autres, mais au contraire en étant bons pour les autres, nous somme meilleurs pour nous.

A bientôt.
Loué soit Jésus-Christ

Christian
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Message non lu par Christian » lun. 05 sept. 2005, 13:32

Rebonjour Bajulans,
J'ai dans l'idée d'écrire un post sur la question des droits de l'homme, des déclarations des droits de l'homme, de la philosophie sociale à la lumière de mes lectures de Gilson (Constante Philosophique de l'Etre), de De Koninck (texte que vous m'avez obligeamment communiqué, malheureusement partiel et dont je n'ai pas achevé l'étude) et d'autres textes sur la devise "Liberté, égalité, fraternité" et les dix commandements.
J’attends cet article avec intérêt.
Personnellement, je pense que le coeur du problème se trouve là. Je comprends ce que vous voulez dire, mais ce n'est pas vraiment du libéralisme et Shaka pose une vraie question qui ne trouve sa solution que dans une réfléxion sur l'idée de bien et donc de bien commun. Mais votre solution est déjà une première approche du problème et contient une partie de mes idées, ou plutôt des solutions proposées par De Koninck.
Non, ma ‘solution’, comme vous avez la gentillesse de le dire, ne doit rien du tout à de Koninck. Comme je l'ai dit plus haut, il nous donne une excellente explication du Bien commun des chrétiens, mais la majorité des habitants de cette planète qui ne sont pas chrétiens n’ont rien à cirer des arguments de Koninck.
Ainsi on nous demande d'être "généreux" comme si nos droits, nos biens personnels entraient en contradiction avec le bien commun, alors que dans une perspective chrétienne, il n'y a pas lieu à être mauvais pour nous pour être bon pour les autres, mais au contraire en étant bons pour les autres, nous somme meilleurs pour nous.
Oui, absolument, et je dirai même plus, en étant bons pour nous, à condition de respecter le Droit, nous sommes bons pour les autres. C’est tout l’enseignement du libéralisme. On n’a pas besoin de vouloir le bien pour le réaliser, si on se refuse toujours et en toutes circonstances à commettre le mal (tuer, voler, tromper..).

Notre esprit limité, il faut bien l’admettre, ne peut pas totalement embrasser ce qu’est le bien, et les plus monstrueux crimes ont été commis par des gens animés des meilleures intentions (quand on est persuadé de faire le bien, rien ne retient notre zèle). Cessons de nous prendre pour la Providence, contentons-nous de ne pas commettre le mal, et laissons-la, elle, faire son boulot.

Christian

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Message non lu par zefdebruz » mar. 06 sept. 2005, 23:14

Christian a écrit : Cessons de nous prendre pour la Providence, contentons-nous de ne pas commettre le mal, et laissons-la, elle, faire son boulot.

Christian
Cette position n'est pas catholique, ni même chrétienne, elle pourrait au mieux s'inspirer de l'Ancien Testament, et encore...C'est à l'amour que nous serons jugés, au bien que nous aurons fait, et non pas au mal que nous n'aurons pas fait !

La recherche du bien, et bien plus encore son accomplissement, n'est pas chose obvie.La parole de Saint Paul " je fais le mal que je ne veux pas faire et je ne fais pas le bien que je voudrais faire " montre la difficulté de la pratique et le combat contre le péché que le chrétien doit mener en permanence.


Cependant, le discernement et la force de la pratique, nous sont accordés par la prière et l'action de l'Esprit Saint qui nous est donné. Et la recherche du bien et son accomplissement devrait le programme de vie de tout chrétien, même si des chutes, des lâchetés, des compromissions sont toujours possibles, l'essentiel étant de se relever et de croire en la Miséricorde. Je ne puis accepter votre proposition de se contenter de ne pas faire le mal en se limitant au respect du Droit ( lequel au fait ? Le droit naturel, le droit écrit...?).

Méditez l'épisode de l'appel du jeune homme riche : faisait il le mal ? Non, et pourtant il s'est trouvé incapable de suivre le Christ.

Bien à vous,

Zef
" Or c'est ici la vie éternelle, qu'ils te connaissent , Toi, le seul vrai Dieu et celui que Tu as envoyé, Jésus Christ" Jean 17,3

bajulans
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défense de Christian

Message non lu par bajulans » mer. 07 sept. 2005, 7:06

Cher Zefdebruz, je ne pense que l'on puisse reprocher à Christian d'énoncer des positions qui ne seraient pas catholiques, ni même chrétiennes, positions chrétiennes que vous opposez à l'Ancien Testament.

A mon avis il n'y a pas opposition entre l'Ancien et le Nouveau Testament, le Nouveau est un développement, l'expliciation de l'Ancien, mais ils ne se contredisent pas.

Ensuite s'il est vrai que nous sommes des dieux, puisque créés à l'image de Dieu et que nous sommes donc invités à nous gouverner et à gouverner ce qui dépend de nous comme Dieu le fait pour l'ensemble de la création, il me semble que la proposition de Christian est défendable en ce que nous ne sommes pas Dieu et que nos actions ne peuvent embrasser que ce qui nous regarde.

Quant au jeune homme riche, si, certes, il refuse de suivre le Christ dans la pauvreté, rien, à mon avis ne peut lui être reproché sous le rapport du bien commun. Il nuit à sa propre âme, mais c'est une affaire exclusivement entre Dieu et lui, mais qui ne nous regarde que comme exemple et sujet de méditation pour notre propre perfection, mais nullement en ce qui regarde la justice, vertu sociale.

Nous discutons ici de la "Cité Catholique" et des problèmes de spiritualité ou de morale personnelle seulement en ce qu'ils rejaillissent sur le bien commun. S'il nous sont exclusivement personnels, ils sont d'un autre ordre de discussion.

Il me semble nécessaire de le préciser, mais j'apprécie votre souci de bien marquer qu'il n'existe a pas de rupture entre le gouvernement de nous-même et de ce qui dépend de nous d'une part et gouvernement de la Providence d'autre part.
Loué soit Jésus-Christ

Charles
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Message non lu par Charles » mer. 07 sept. 2005, 9:05

Ca me fait plaisir de trouver dans ce texte de Charles de Konninck des analyses qui confirment ce que j'ai dit plusieurs fois ici au sujet du libéralisme et du totalitarisme :

"La société est alors ouvertement totalitaire quand l’État acquiert la liberté par la victoire sur les individus ; elle est ouvertement individualiste, tant que les individus dominent l’État. Mais, dans un cas comme dans l’autre, la conception de la cité est personnaliste et totalitaire."

"N’est-ce pas ce qui, sur le plan social, nous distinguera profondément du collectivisme, qui pèche par abstraction, qui demande une aliénation du bien propre comme tel, et, par conséquent, du bien commun puisqu’il est le meilleur des biens propres. Ceux qui défendent la primauté du bien singulier de la personne singulière supposent eux-mêmes cette fausse notion du bien commun."

"En fait, le personnalisme fait sienne la notion totalitaire de l’État"

"Une société constituée de personnes qui aiment leur bien privé au-dessus du bien commun, ou qui identifient le bien commun au bien privé, c’est une société, non pas d’hommes libres, mais de tyrans – « et ainsi le peuple tout entier devient comme un tyran » [18] -, qui se mèneront les uns les autres par la force, et où le chef éventuel n’est que le plus astucieux et le plus fort parmi les tyrans, les sujets eux-mêmes n’étant que des tyrans frustrés."

Christian
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Message non lu par Christian » mer. 07 sept. 2005, 10:43

Dans son discours sur le bien commun, Konninck ignore deux problèmes :

:arrow: la pluralité des sociétés politiques contemporaines
:arrow: notre ignorance de l’avenir, surtout dans un monde contemporain complexe

la pluralité des sociétés politiques contemporaines

Il existe un bien commun que l’on peut parfaitement définir au sein d’organisations auxquelles tous les membres ont adhéré volontairement. En fait, les membres ont adhéré précisément parce qu’ils identifiaient leur bien personnel au bien commun recherché par l’organisation. Il n’existe donc en ce cas seulement aucun conflit entre les deux conceptions, individuelle et collective. Un couple, un club de foot, une entreprise commerciale, un syndicat, une église, sont des exemples de telles organisations. Le bien commun est un objectif posé à l’horizon et qu’il s’agit d’atteindre (faire grandir une famille, gagner un championnat, augmenter le chiffre d’affaires, etc.) Chaque membre se soumet volontiers à la discipline requise au sein de l’organisation parce qu’il y voit le moyen d’atteindre le bien commun, et il fait de la poursuite de cet objectif son bien propre.

En fait, je dirais qu’il fait de cette poursuite son bien propre seulement en tant que membre de l’organisation. Un être humain est trop complexe pour fusionner complètement toutes ses potentialités au sein d’une seule œuvre collective ; dans un couple, un des conjoints gardera une activité à laquelle l’autre ne participera pas ; le bien de la famille échappe au bien de l’entreprise, etc. Chaque être humain poursuit donc différents biens et les réconcilie au sein de son projet personnel.

Plus la société se complexifie, regroupe des personnes d’origines, de cultures, de professions différentes, devient hétérogène, moins il est possible de même seulement imaginer un bien unique posé à l’horizon et commun à tous. Notre société n’est plus celle de St Thomas d’Aquin, tous chrétiens, presque tous ruraux, tous royalistes, etc. Quel est aujourd’hui le but de la France ? redevenir une grande puissance, le pays plus riche, ou bien le plus égalitaire, ou le plus chrétien, ou un modèle de ‘multiculturalisme’….. ? On voit qu’aucun de ces projets ne peut réunir, sinon l’unanimité, même une sérieuse majorité. Le bien ‘commun’ ne serait donc que l’imposition de leur projet par les plus puissants aux plus faibles.

notre incapacité radicale à prévoir l’avenir

Si gouverner, c’est prévoir, comme on dit, alors il n’est plus guère possible de gouverner. Jusqu’à la révolution industrielle, la visibilité de l’avenir d’une large communauté n’était troublée que par deux types d’événements, la guerre et les actes de Dieu, pandémies, accidents météorologiques conduisant aux disettes… Dans le deuxième cas au moins, les gouvernements étaient exonérés. La révolution industrielle a introduit deux autres facteurs imprévisibles, l’innovation et les décisions prises ‘ailleurs’ qui bouleversent les plans établis ‘ici’. Les entités politiques sont désormais interdépendantes, charbonnier n’est plus maître chez soi. Si même il existait une communauté politique assez homogène ethniquement, socialement, culturellement, économiquement, pour se mettre d’accord sur un bien commun à atteindre ‘à l’horizon’, son gouvernement ne pourrait absolument pas garantir, même pas qu’il l’obtiendra, mais qu’il roule dans la bonne direction.

Je ne veux pas entrer dans la polémique (qui ne soulignerait que la difficulté de s’entendre sur un bien commun futur), mais je laisse à la réflexion ces quelques exemples : C’est au nom d’une vision du ‘bien commun’, assez largement partagée à l’époque, qu’on a colonisé, laissé polluer les campagnes, entrepris des guerres meurtrières, soutenu une agriculture et un Etat social banqueroutiers… Ailleurs, la vision du bien commun a conduit aux massacres. L’enfer est pavé des meilleures intentions.

- Hic et nunc

Il ne peut pas exister un bien réellement commun à une communauté politique moderne. La citation de Konninck, citée ci-dessus, dans le meilleur des cas témoigne de son incompréhension de la diversité de nos sociétés, dans le pire des cas, de son penchant personnel à l’autoritarisme. Mais il est un bien commun, qui n’est pas à chercher dans l’avenir, mais à réaliser ici et maintenant. Qui est indépendant de la composition des sociétés, de leur niveau de prospérité, de leur histoire. Qui n’est pas une fin, mais un moyen. Ce bien commun, je l’ai déjà dit, c’est le Droit. Quelques règles simples de vivre ensemble, ne pas tuer, ne pas voler, ne pas mutiler, violer, tromper — pour dire vite, le droit de propriété). Tel est le bien commun de l’humanité. L’autorité politique ne peut avoir pour mission que de faire respecter ce bien qui nous est réellement commun, afin que chacun et chaque communauté puissent explorer et communiquer aux autres leur progrès dans leur recherche du Bien.

Les hommes de l’Etat n’ont qu’un instrument à leur disposition, la violence, et de la violence ne peut venir le Bien. Ils doivent donc rigoureusement s’abstenir de poursuivre un objectif que leurs moyens les condamnent à ne jamais atteindre. L’Esprit n’emploie pas l’autorité des hommes de l’Etat pour se faire connaître, mais le témoignage des siens.

Christian

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une vision vraiment pas gaie

Message non lu par bajulans » mer. 07 sept. 2005, 11:11

Cher Christian,

Vous avez une vision vraiment pas gaie de l'histoire, pour vous elle n'est qu'une succession de guerres, de massacres, d'injustices, c'est une erreur de perspective, le patrimoine culturel, social, juridique, artistique, intellectuel etc. s'est agrandi et cela ne va pas sans héros, philosophes, saints et leurs oeuvres. Songez que quand même, selon Régine Pernoud, dans ce Moyen Age si vilipendé, la France a connu une période de paix de deux-cent-cinquante ans, ce qui fait un bail et même de nombreux baux.

Quant à voir dans la vie sociale une simple juxtaposition de biens communs, je ne peux être d'accord. Si la famille va mal, l'entreprise ira mal, car elle ne trouvera pas de bon pesonnel, par exemple. Il n'y a pas divorce entre les biens communs, ni même une indépendance totale.

Quant à la diversité des biens communs et leur conception divergeantes selon les sociétés, ne vous inquiétez pas, on n'a pas attendu le XXIème siècle pour s'en apercevoir et De Koninck ne dit rien contre cela. Mais la loi du discours ne lui permettant de traiter toute la matière en même temps, c'est une question qu'il ne traite pas.

Vous même d'ailleurs admettez, à juste titre, et sans vous contredire, un bien commun, commun à l'ensemble de l'humanité (ne pas être maltraité etc.), donc le bien commun est plus ou moins élevé, plus ou moins évident et il faudra effectivement constamment chercher à améliorer les choses et à s'adapter aux mentalités, aux circonstances en général.
Loué soit Jésus-Christ

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Une vision enthousiasmante

Message non lu par Christian » mer. 07 sept. 2005, 16:19

Cher Bajulans,

Dans les articles forcément assez brefs d’un forum, on ne saurait couvrir tous les aspects d’un problème aussi vaste que le ‘bien commun’. Heureusement, les questionneurs perspicaces dont vous êtes obligent les intervenants à vite préciser leur pensée.
voir dans la vie sociale une simple juxtaposition de biens communs, je ne peux être d'accord
Les biens et projets poursuivis par chaque organisation ne se ‘juxtaposent pas’, comme vous dîtes. Ils se nourrissent et s’informent réciproquement. Les économistes appellent ce phénomène ‘le marché’. Le marché, c’est ça, c’est un processus de découverte à travers lequel des hommes et des femmes, au sein d’universités, de laboratoires, d’entreprises, d’assoc’, d’églises, de medias, et individuellement, explorent et expérimentent de nouveaux modes de vie. L’être humain, contrairement aux animaux, ne possède pas dans ses gènes la totalité du programme de ce qui constitue son essence. La Révélation, dont l’Eglise catholique est la dépositaire, a injecté dans le monde la plus grande partie de cette information, mais elle n’est pas reçue partout. Notre mission de chrétiens n’est pas d’interdire ce processus de recherche, même si nous savons que beaucoup se trompent. Elle n’est pas non plus d’imposer la solution (tous les professeurs savent que l’élève qui a reçu la solution toute faite sera incapable de résoudre le problème suivant, il faut passer par l’apprentissage et l’expérience, c'est-à-dire par le marché).

Comme personne ne connaît l’avenir, même les hommes de l’Etat, personne ne peut affirmer que son projet ou programme est pour le bien. Et donc il ne peut forcer légitimement autrui à le suivre, si cet autrui juge un autre projet ou programme plus conforme à son idée du bien. Le bien commun ne peut donc être un projet. Il est la règle qui permet à tous les projets et toutes les expériences de se dérouler et les informations sur ceux-ci de s’échanger. Les ‘mauvaises’ expériences sont abandonnées, les ‘bonnes’ adoptées. Les juristes appellent cette règle ‘droit de propriété’ ; c’est le droit pour chacun d’user comme il/elle l’entend de son corps et de ses biens acquis par libre échange et par don. C’est le droit pour chacun d’apprendre.

Certes, le bon sens veut que cet usage soit conseillé par les experts, les sages, l’Eglise, etc., mais seuls les mineurs et handicapés mentaux peuvent être légitimement privés de l’exercer. Des désaccords philosophiques et des déceptions amoureuses naissent entre les êtres humains, mais les conflits entre eux portent sur les droits de propriété. L’autorité politique n’a donc pour unique but que de faire respecter (en respectant scrupuleusement elle-même) ce Droit qui est notre bien commun.

Ainsi l’intelligence collective de l’humanité est mise au service de chacun pour l’éclairer dans ses expériences et le faire avancer, avec la grâce de l’Esprit, dans le plan de Dieu.

Bien à vous
Christian

zefdebruz
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Re: défense de Christian

Message non lu par zefdebruz » mer. 07 sept. 2005, 21:25

bajulans a écrit :

Nous discutons ici de la "Cité Catholique" et des problèmes de spiritualité ou de morale personnelle seulement en ce qu'ils rejaillissent sur le bien commun. S'il nous sont exclusivement personnels, ils sont d'un autre ordre de discussion.
Gloups, merci Bajulans pour cette remarque et milles excuses à Christian,
je me suis tout bonnement trompé de sujet :oops: , en ne lisant que la fin du message de Christian qui m'avait fait bondir !

Je n'oppose nullement l'A.T au N.T, l'un étant l'accomplissement lumineux de l'autre, je faisais simplement la distinction entre la Loi ancienne ( celle du Décalogue et de l'interdiction du mal) et la loi nouvelle sous la mouvance de l'Esprit, celle du commandement nouveau que nous laisse le Christ qui récapitule la Loi en la dépassant et en la parachevant . Ma remarque ne vaut évidemment que pour le bien et le salut individuel, la recherche du bien commun étant un autre sujet ( celui de ce fil, re- :oops: ! ), intégrant la justice distributive, l'organisation de la société pour faciliter la réalisation personnelle de chacun et un ensemble très complexe de requêtes qualifiant moralement toute la vie sociale.
Là dessus la remarque de Christian est fondée, puisqu'on ne sauve pas les gens à leur place ou contre leur gré, il s'agit avant tout d'offrir un cadre propice à la réalisation de la personne par le biais d'un agencement harmonieux et organisé des corps intermédiaires, en partant de la cellule familiale, "petite trinité terrestre" . J'ose espérer toutefois qu'il existe quand même des critères de discernement aux responsables politiques, syndicaux, économiques qui permettent une certaine pro-activité, car la conception minimaliste proposée par Christian me chagrine quand même un peu...

Bien à vous :)

Zef
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bien commun et individualisme et collectivisme

Message non lu par bajulans » jeu. 08 sept. 2005, 19:21

Mon post sur "liberté, égalité, fraternité" et "bien commun" va finir par arriver, mais je cherche des références.

J'ai trouvé Montesquieu, Montesquieu est représentatif de tous les auteurs modernes, sauf les thomistes :
Ces premières lois leur acquièrent la liberté les secondes, la propriété. Il ne faut pas décider par les lois de la liberté, qui, comme nous avons dit, n'est que l'empire de la cité, ce qui ne doit être décidé que par les lois qui concernent la propriété. C'est un paralogisme de dire que le bien particulier doit céder au bien public: cela n'a lieu que dans les cas où il s'agit de l'empire de la cité, c'est-à-dire de la liberté du citoyen ; cela n'a pas lieu dans ceux où il est question de la propriété des biens, parce que le bien public est toujours que chacun conserve invariablement la propriété que lui donnent les lois civiles.

Cicéron soutenait que les lois agraires étaient funestes, parce que la cité n'était établie que pour que chacun conservât ses biens.

Posons donc pour maxime que, lorsqu'il s'agit du bien public, le bien public n'est jamais que l'on prive un particulier de son bien, ou même qu'on lui en retranche la moindre partie par une loi ou un règlement politique. Dans ce cas, il faut suivre à la rigueur la loi civile, qui est le palladium de la propriété.
On constate que dans la logique de Montesquieu, il y a contradiction entre bien particulier et bien public, ils ne se confondent jamais et la société représente un sorte d'ennemie du particulier. Système, selon moi, évidemment absurde.
L'Esprit des Lois Livre XXV, CH. XV.

En effet selon la doctrine du contrat social, qui explicite la devise "liberté, égalité, fraternité", au commencement est l'individu libre. Il nait libre de tout, à l'égard de ses parents, de sa patrie, de la religion, de Dieu même. Il est riche de tout et n'est lié par rien, pas même par la piété ou la justice. C'est un éfronté petit tyran.

La deuxième partie de la triade, c'est l'égalité. Là, il va falloir que notre individu, sacrifie au prochain un certain nombre de ses prérogatives et s'il venait à réclamer son héritage, culturel, religieux, patriotique, on lui rappellera l'égalité avec les autres individus. Donc on le prive de tout ce qu'il reçoit, de toute distinction avec les autres individus, de tout ce qui ne vient pas de lui.

La troisième partie de la triade, c'est encore un idéal, une valeur sociale, qui me semble avoir une valeur de moyen : il faudra s'il venait à n'accomplir pas l'idéal de l'égalité, qu'il sacrifie ses biens, même acquis par son talent ou son industrie, pour les autres et c'est l'objet de la "fraternité". Sur ce point le dépouillement ne sera jamais total.

Donc selon cette triade, il n'existe rigoureusement aucun bien commun. Le bien commun, à la rigueur, c'est cette triade, mais sorti de là il n'existe rien de commun : soit c'est à moi et je suis entièrement libre, soit je dois le sacrifier aux autres pour atteindre l'idéal de l'égalité par le moyen de la fraternité et ce n'est plus à moi, ça m'est étranger et je suis "généreux", mais c'est dans le fond mauvais pour moi, cela m'appauvrit.

En revanche la doctrine du bien commun, va tenter et à mon avis arriver à montrer qu'il ne s'agit pas d'être méchant avec soi-même pour être bon avec les autres mais que le bien commun est meilleur pour chacun que son bien propre.

Les deux "doctrines" vont se retrouver sur le plan des réalisations pratiques. C'est d'habitude la deuxième partie des déclarations des droits de l'homme.

Pour les partisans des biens communs, comme pour les partisans de la triade, il ne faut pas être dépouillé de sa liberté de ses biens, de sa santé etc. Toutefois, les déclarations des droits de l'homme vont, jusqu'à, je crois, la déclaration européennes des droits de l'homme (influence des démocrates chrétiens ?) qui va la mentionner, passer sous silence les questions concernant les biens obtenus par et dans les familles.

Cependant pour les partisans de la triade, en raison de la contradiction interne entre les trois idéaux, qui laissent l'esprit dans la confusion, dans la contradiction, nous allons passer du libéralisme au collectivisme ou bien à toutes les nuances intermédiaires, les compromis imaginables, mais toujours sur le fondement de cette triade. Sur le plan philosophique, cela correspond à l'idéalisme, qui tout occupé à "fonder les valeurs" passe d'une idée à une autre, en en faisant des absolus contradictoires, sans s'occuper de la réalité, des choses telles qu'elles sont. Je vais m'attacher à retrouver une citation de Gilson sur la question, dans laquelle il semble conclure, si mes souvenirs sont fidèles, que l'idéalisme est le père de tous les extrêmismes.

Or dans la doctrine du bien commun, si mon voisin n'est pas injustement privé de ses biens, non seulement c'est bon pour lui mais c'est bon pour tous et donc pour moi. Si je dois renoncer à un terrain pour qu'il se construise une route, c'est bon pour les autres, mais c'est bon pour moi aussi etc.

Et même si tout le monde reçoit ce qui lui est dû, non seulement c'est bon pour ceux qui reçoivent mais c'est aussi bon pour les autres qui donnent ("Qui paie ses dettes s'enrichit", dit-on dans ce sens). Et ce bien est meilleur que mon bien propre, mon bien singulier, car non seulement il fait plus d'heureux, mais il est moralement meilleur. Il surpasse mon bien singulier en quantité et en qualité. Cela en raison de ce que, comme homme, et donc comme être raisonnable, ma participation à ce bien est meilleure pour moi, car ce bien est supérieur, donc le bien commun est plus désirable que le bien singulier, particulier. Dans ce cadre, plus de "générosité", soit c'est du bien commun et il est meilleur pour moi, soit c'est de la charité, mais ce n'est plus de la justice et donc ne concerne plus directement l'organisation sociale, mais la conscience.

Je préfère la doctrine du bien commun, qui me semble plus apaisante pour l'esprit.

A mon avis pour répondre à Christian, le bien commu se promeut tous les jours et le "programme" que l'on peut avoir n'empêche pas qu'effectivement nous ne connaissons pas l'avenir. Mais cela est le lot de toute l'humanité, nous faisons des projets, mais les hommes proposent et Dieu dispose. Ces programmes doivent évidemment tenir compte de la situation, des circonstances actuelles et celles prévisibles.

Vous me semblez, cher Christian, avoir une vue bien hobbesienne (et donc moderne) de la vie en société : l'Etat n'a pas que la violence à sa disposition, il ne l'emploie même que rarement, il a l'éducation, les arguments, le consentement général et bien d'autres choses qui ne me viennent pas à l'esprit, pour mettre en oeuvre ses obligations et sa politique.
Loué soit Jésus-Christ

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