Vers une définition du Bien Commun

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Christian
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Message non lu par Christian » lun. 26 sept. 2005, 16:02

Bonsoir Bajulans,

Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous écrivez, mais j’en reviens obstinément à ma grande question. Dans la mesure où l’humanité entière n’a pas encore accepté la grâce de la Bonne Nouvelle, dans la mesure où même en France, pays de longue culture et assez homogène, une large majorité n’est plus chrétienne ou ne l’a jamais été, comment pouvons-nous définir un ‘bien commun’ dans les termes d’un Docteur de la foi catholique qui s’adressait à des coreligionnaires ? A qui ferons-nous croire, hors les plus fervents cathos, que le célibat (compris chez Saint Thomas comme une abstinence) est un bien ‘plus élevé’ que le mariage ? :roll:

Je prends une analogie. Je surestime peut-être sa pertinence car je ne suis pas informaticien (les spécialistes sur ce forum me diront si elle est éclairante).

:arrow: Pour que les ordinateurs d’un réseau puissent échanger des données entre eux, il leur faut une plateforme commune (Unix, Windows…). Cette plateforme, appelons-la le Droit, tel que défini dans mes interventions précédentes. Etre protégé des agressions physiques (meurtre, viol, vol…) est un bien commun universel (aux hommes et aux femmes, aux riches et aux pauvres, aux Zoulous, aux Lapons et aux Indiens…). S’abstenir d’agresser physiquement est aussi à la portée de chacun, quels que soient son niveau de vie et éducation. Ce bien-là est donc commun, non seulement parce qu’il est une aspiration universelle, mais parce que chacun individuellement et aisément peut le procurer à autrui.

(les droidloms, en revanche, droit à des soins médicaux gratuits, à une bonne éducation, etc., dépendent entièrement des contingences (prospérité, éducation...) pour être exigibles ; ils ne sont le plus souvent qu’une lettre au Père Noël).

:arrow: Posséder des données n’est pas suffisant. Il faut les traiter. Il faut leur donner du sens. Les informaticiens écrivent des applications, et il en existe de nombreuses en concurrence, que les utilisateurs choisissent selon une variété de critères personnels, besoin spécifique, fonctionnalités, séduction de la présentation… Dieu nous a révélé le sens de Sa création. Mais des prophètes, sages, philosophes, scientifiques et charlatans offrent aussi leur grille de lecture. Le choix que nous opérons entre ces ‘applications’, entre ces sens possibles, constitue une morale. Elle est notre bien personnel. Mais si une application ou une morale viole les règles du système (« il est bon d’éliminer les génétiquement déficients »), elle ne sera pas supportée par la plateforme. Toute morale doit être compatible avec le Droit.

:arrow: Entre les éléments d’un système, on peut former des sous-réseaux définis par des règles spécifiques. De même, les êtres humains qui partagent des valeurs communes s’associent pour les mettre en pratique (fonder une famille, travailler, militer, prier ensemble…). Comme pour les morales, la plateforme rejetterait légitimement une association au but incompatible avec le Droit, y compris le recrutement forcé de membres. Mais pour ceux qui participent volontairement, le but de l’association et ses valeurs sont le bien commun de ses membres.

:arrow: certes, nous passons parfois devant notre bien sans l’identifier. Tous ont des oreilles pour entendre, mais ne reçoivent pas le message. Jésus en personne a vu des assemblées se détourner de Lui en hochant la tête. Telle est notre condition humaine, exaltante et tragique dans sa liberté. « J’ai reconnu mon bonheur au bruit qu’il a fait en partant » pleurait Prévert. Le Christ ne part jamais, mais nous n’avons qu’une seule vie, et la plainte du communiste et anticlérical Prévert est pour moi la meilleure description de l’enfer, découvrir l’Amour quand il est trop tard.

Mais je m’égare. Pour revenir au Bien, il se présente sous 4 formes d’après moi.

- le bien commun universel : le Droit.

- le bien individuel, qui partant des circonstances spécifiques et des qualités de chaque personne permet son plein accomplissement : la hiérarchie de ses valeurs matérielles et spirituelles, sa morale

- le bien commun aux membres d’une association, église, entreprise, club...

- enfin le bien que beaucoup ne connaissent pas, comme ceux qui vivent avec un chef-d’œuvre dans leur salon mais n’ont aucune idée de sa valeur, qu’ils montent parfois au grenier tant il dérange, mais que peut-être un jour ils reconnaîtront, car où qu’il soit, il demeure inaliénablement leur bien, la Bonne Nouvelle.

Tout cordialement
Christian

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bien commun et droit minimum

Message non lu par bajulans » mar. 27 sept. 2005, 16:48

Cher Christian,

Vous écrivez :
Pour que les ordinateurs d’un réseau puissent échanger des données entre eux, il leur faut une plateforme commune (Unix, Windows…). Cette plateforme, appelons-la le Droit, tel que défini dans mes interventions précédentes. Etre protégé des agressions physiques (meurtre, viol, vol…) est un bien commun universel (aux hommes et aux femmes, aux riches et aux pauvres, aux Zoulous, aux Lapons et aux Indiens…). S’abstenir d’agresser physiquement est aussi à la portée de chacun, quels que soient son niveau de vie et éducation. Ce bien-là est donc commun, non seulement parce qu’il est une aspiration universelle, mais parce que chacun individuellement et aisément peut le procurer à autrui.
Je crois que St Thomas pour parler du bien commun parle d'un village qui décide de se débarrasser des loups. Pour arriver à ce bien commun, but : les gens et les troupeaux vivront en sécurité. Il ne suffit pas, selon moi d'un simple droit, il faut une oeuvre commune où chacun aura un rôle, se soumettra à un chef qui lui-même aura pour but le bien de tous. C'est un peu comme dans l'histoire des "Sept SamouraÏs" ou "Sept Mercenaire" Donc à mon avis, il y faut du droit, car il ne faut que npersonne ne dévie soit par faiblesse (fuir le loup quand on attend qu'il résiste, mais, en amout il ne faudra pas avoir fait "d'erreur de casting"), soit par perversité (traitrise, jouer "perso" par exemple) etc.

Donc le bien commun est beaucoup plus large que le simple droit, qui en fait évidemment partie : il faut que chacun se sente en sécurité dans son groupe et se sente protégé par le droit, d'accord, mais le bien commun est beaucoup plus large. Dans l'histoire des sept samouraïs, il faut le chef des samouraïs, le chef du village, le contrat, les moyens humains et matériels proportionnés au but à atteindre (se débarasser des bandits) etc. Lorsque les bandits auront été mis hors d'état de nuire, le but sera atteint, mais on voit que tout concourra au bien commun, jusques et y compris le boulanger qui nourrira les samouraïs et les paysans qui fourniront le blé...

Si nous revenons à nos très complexes cités modernes, le bien commun est donc très complexe lui aussi et comprend à mon avis jusqu'à la très humble politesse ou urbanité qui ne sera pas dans le champ du droit, mais améliorera le confort de tous.

Pour ce qui concerne la sécurité apportée par les contrats d'assurances (maladie, vieillesse, maternité et autres), il est certain, selon moi, qu'il font partie du bien commun, qu'il incombe à la société civile de s'assurer que l'ensemble de la population soit couverte. Ce qui ne signifie nullement Sécurité Sociale, mais seulement veiller à rendre possible cette couverture, sans pour autant confisquer cette fonction.

Donc le bien commun est donc à la fois négatif (respect minimum de la morale élémentaire), mais aussi positif : oeuvre commune comprennant de nombreux éléments.
Loué soit Jésus-Christ

Christian
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Message non lu par Christian » mer. 28 sept. 2005, 9:23

Je crois que St Thomas pour parler du bien commun parle d'un village qui décide de se débarrasser des loups.
Vous illustrez, cher Bajulans, ce que j’écrivais à propos de Saint Thomas dans mes dernières interventions. Nous ne vivons plus dans des villages à la population socialement, culturellement, religieusement, économiquement homogène, entourés de loups. Même entre cathos pratiquants sur ce forum, nous ne sommes pas d’accord sur des grandes questions de société. Alors vous imaginez sans peine qu’au sein du pays, aucune unanimité n’est possible sur ce qui constitue nos loups modernes, et parmi ceux qui les ont identifiés, sur le moyen de les combattre.

Mondialisation, aide aux pays pauvres, terrorisme, pornographie, fiscalité, drogue, laïcité, intégration européenne, relation avec les Etats-Unis, défense nationale, privatisations, où est le Bien commun ? Qui peut le déclarer et entraîner derrière lui la même adhésion qu’auprès de villageois effrayés ?

Il me semble que seul le respect du Droit, objectif, mesurable, est le plus petit commun dénominateur entre nous tous.

Quant au ‘positif’, comme vous dîtes, ce qu’il faut construire, dans n’importe quel domaine, culturel, religieux, sportif, économique, laissons faire ceux qui souhaitent s’engager dans le projet, tant qu’ils respectent le Droit, et laissons dehors ceux que le projet n’intéresse pas.

La politique, malheureusement, et c’est sa vilénie, consiste à interdire des comportements auxquels notre conscience nous oblige (donner asile à des étrangers, porter ostensiblement une marque de sa foi) ou à obliger chacun de nous à contribuer à des projets que notre conscience réprouve (ne serait-ce que par l’impôt).

Cordialement
Christian

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Message non lu par CAPDEQUI PEYRANÈRE Lauren » mer. 28 sept. 2005, 10:01

Ce bien-là est donc commun, non seulement parce qu’il est une aspiration universelle, mais parce que chacun individuellement et aisément peut le procurer à autrui.
La seule aspiration universelle est Dieu. Nous ne pouvons rien procurer à autrui. Pour moi, tout est bien commun. Bien à vous: Laurent CAPDEQUI PEYRANÈRE

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bien particulier et animalité

Message non lu par bajulans » mer. 28 sept. 2005, 13:16

La politique, malheureusement, et c’est sa vilénie, consiste à interdire des comportements auxquels notre conscience nous oblige (donner asile à des étrangers, porter ostensiblement une marque de sa foi) ou à obliger chacun de nous à contribuer à des projets que notre conscience réprouve (ne serait-ce que par l’impôt).
Vous avez une vue trop pessimiste de la politique, que la politique serve aujourd'hui à autre chose que le bien commun, mais à mettre en oeuvre une idéologie, on le voit dans l'avortement, dans les femmes dans l'armée et dans les unités de maintien de l'ordre de la police, c'est une évidence. Ce qui est recherché, ce n'est pas le bien de l'ensemble de la société, de l'ensemble des citoyens, mais l'application d'une idéologie déconnectée de la réalité. OK.

Cet état de fait, ne doit pas nous cacher que le bien commun est malgré tout assuré sur beaucoup de point et que ce qui est important dans nos discussions, c'est de réfléchir à ce qu'est le bien commun, sans se désespérer parce que beaucoup ne sont pas d'accord avec nous. Ce n'est pas la compléxification des sociétés qui fera que ce genre de problème (se débarasser des nuisibles) ne demandera pas de solution commune, y compris au niveau du village ou de la petite ville. Mais que au contraire la mondialisation de fait des échanges et de la civilisation ne demande pas une réponse commune à l'humanité à divers problèmes humains.

A Capdequi : St Thomas parle du bien commun et du bien singulier dans Contra Gentiles, au sujet de la distinction il donne comme exemple la réponse des moutons à une attaque de loups et la réponse des hommes.

Le mouton (bélier, brebis et agneau) a une réponse unique à une attaque de loups : la fuite éperdue dans un chacun pour soi absolu. C'est l'application du bien singulier, il n'existe aucune société Il n'y a aucun bien commun, chacun cherche son salut.

Chez l'homme animal intelligent, la solution au problème posé par les loups sera sociale, on poursuivra un bien commun au différents membres et par l'organisation intelligente et réfléchie on arrivera à un but que chacun pour soi n'aurait même pas pu envisager.

Il n'empêche que le bien singulier et individuel existe encore et qu'il est un bien (chacun se nourrit, se lave, mais encore prie et s'élève vers Dieu etc.), on ne peut donc dire en rigueur de terme que tout bien est commun, ni même d'ailleurs que le bien commun l'emporte partout et toujours sur le bien particulier.
Loué soit Jésus-Christ

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