L'Église sur la laïcité

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » mer. 07 juil. 2021, 18:03

«Le Concile Vatican II, avec la nouvelle définition de la relation entre la foi de l'Eglise et certains éléments essentiels de la pensée moderne, a revisité ou également corrigé certaines décisions historiques».

- Benoit XVI, 22 décembre 2005, discours devant la Curie romaine


Corrigé certaines décisions historiques = corrigé Grégoire XVI, Pie IX, Pie X, etc. Benoit XVI signale que Vatican II corrige des décisions pontificales antérieures. Oui, à l'instar du pape François corrigeant le catéchisme officielle de l'Église catholique de 1992. Que ce soit Benoit XVI ou François : tous vont avancer que la raison du correctif serait que les temps ont changés, et qu'une nouvelle compréhension de ceci et cela aura pu se faire jour parmi le peuple de Dieu.


La nouvelle définition de la relation entre la foi de l'Église et certains éléments essentiels de la pensée moderne, Perlum Pimpum. Une nouvelle définition ... Par «nouvelle définition», personne n'est en droit de supposer qu'il faille entendre reconduction de la conception des choses comme elles se comprennent en l'an 800 à la cour de Charlemagne ou chez Grégoire XVI au début du XIXe siècle.

La correction à laquelle se réfère Benoit XVI en 2005 vaut naturellement pour la décision de Paul VI de revenir sur le concordait espagnol signé au temps de Pie XII. Paul VI corrige ...

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Perlum Pimpum » jeu. 08 juil. 2021, 12:28

.
Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 17:35, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » ven. 09 juil. 2021, 17:20

Perlum pimpum :
Mais mon cher, personne ne prétend que Dignitatis Humanae serait un pur décalque du magistère précédent. Il y a quelque chose de nouveau apporté par DH.
Bon ! Voici un premier pas. Et que même Riou accepterait, je présume.

:)

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » sam. 10 juil. 2021, 20:06

Vous écrivez, Perlum :
1) Premier point, la liberté religieuse.

a) Le magistère antécédent réprouvait le droit à la liberté religieuse entendu comme un droit positif à répandre l’erreur. Or DH continue de s’opposer à ce prétendu droit, puisqu’elle affirme le devoir grave de rechercher la vérité et d’y adhérer.

Quel est ce «droit positif à répandre l'erreur» qui se trouve prohibé anciennement, si ce n'est justement le droit positif d'adopter la religion de son choix, célébrer publiquement un culte étranger au catholicisme, propager des écrits en faveur du culte hérétique des réformés, contester le dogme catholique dans des livres ?

C'est ce droit positif anciennement interdit qui se trouve au contraire sacralisé dans Dignitatis Humanae.

Maintenant tous ont le droit positif d'exprimer publiquement leurs croyances, faire admettre leurs coutumes découlant de celles-ci auprès du législateur à égalité du catholicisme, etc. Avant le musulman n'a pas le droit, après le musulman a le droit. Un virage doctrinal de 180 degré.

Le «devoir grave de rechercher la vérité et d'y adhérer» était présent anciennement au temps de Pie X en 1907. On pourra à bon droit le dire toujours en vigueur en l'an 2000. Bien sûr ! Cela ne change pas. Mais, aussi, ce n'est pas de cela dont il est question non plus !

On parle simplement d'une reconnaissance juridique égale devant le législateur, en sorte que le gouvernement civil ne puisse plus avoir le droit fondamental de discriminer entre la religion chrétienne et les autres religions. Ça, c'est bien la nouveauté qui apparaît avec le concile en 1965. C'est exactement cette nouveauté que Pie IX, Léon XIII et les autres n'admettaient pas, ne voulaient absolument pas admettre. Ce n'est pas sorcier. Cette nouveauté correspond à l'américanisme pourfendu par Léon XIII.


La différence

La différence entre avant et après ? L'Église catholique elle-même fait sien le principe selon lequel il serait bon que l'État soit désengagé de tout espèce de biais favorable discriminant et autoritaire au profit de ce que nous catholiques considérons être la religion révélée de Notre Seigneur Jésus-Christ.


Noble coeur, le pape peut maintenant dire aux dirigeants du pays : Moi ainsi que tout le collège des cardinaux et nos fidèles n'avons plus besoin de votre protection grands princes. Nous avons Jésus pour nous soutenir et c'est suffisant. Il siérait mieux de s'attacher à donner des droits à ceux que nous avons toujours anciennement et traditionnellement discriminés, bafoués, méprisés, négligés. Comme les Juifs, tiens ! Maintenant, les rabbins auront le droit pour eux. Pas touche à la synagogue ! Il faut que le judaïsme puisse vivre, croître, éclater, exulter, s'étendre sans contrainte. Dieu le veut. D'ailleurs, la première alliance n'a jamais été révoquée. Foin de Verus Israël, - l'Église catholique -, en substitution du peuple d'élection de la Bible.

Le document conciliaire prend même la peine de préciser combien la recherche de la vérité (ce grave devoir) devra bien s'effectuer pour tous en l'absence de toutes espèces de contraintes ou pressions psychologiques des autorités. Preuve s'il en est bien une qu'entre Léon XIII et Paul VI, un changement est bien intervenu pour modifier la compréhension que l'on devrait avoir de cette liberté.

Auparavant, l'accent porte sur la liberté comprise comme le fait de se trouver déjà engagé sur la bonne voie (comme un enfant baptisé) et de pouvoir ensuite engager son propre vouloir dans cette direction que Dieu veut ("esclave pour le Christ", c'est être libre). Avec Paul VI, la liberté dont il est question fait renvoi à l'exercice même du libre-arbitre. J'ai le choix entre quinze religions. Laquelle choisir ?

Pour cela, il faudra que je me détermine moi-même. «Hors de ma vue, les inquisiteurs au bras armé !»; « Dehors le frère des écoles chrétienne avec son gourdin pour inculquer les notions du catéchisme.» Ici la liberté sera l'acte de pouvoir choisir soi-même l'islam au lieu du christianisme par exemple. En principe, l'Église affirmera maintenant qu'il ne faudra élever aucun obstacle institutionnel (pas de chantage, pas de discrimination à l'emploi, pas de boycott, pas d'ostracisme) à ce que John Doe baptisé catholique puisse choisir l'islam si ça lui plaît. «Démocratie !» «Quel détergent préférez-vous , Mesdames ?» ; «Vous mettez la croix sur le bulletin pour le candidat de votre choix, vous êtes libre !»

On ne se trouve pas dans un même type de société, à fonctionner sur un principe au lieu de l'autre. La situation de l'Église ne sera pas du tout la même.

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Perlum Pimpum » lun. 19 juil. 2021, 18:10

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Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 17:35, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » mer. 21 juil. 2021, 17:45

Perlum Pimpum,

Vous vouliez vraiment lâcher votre fou. Vous tardiez ? Au moins, là, c'est fait !

:-D


«Rude avec moi», vous dites ? Non. Prenant connaissance de votre message, la rudesse ne m'est pas venue à l'esprit. Ce serait autre chose. Faudrait que j'y revienne.

Et puis avant que je m'absente :
J’aurais préféré me cantonner au seul plan doctrinal, mais votre attitude m’est apparue symptomatique d’un état d’esprit commun aux tradissidents
Votre expression risquerait de refléter un peu mal la réalité.

En ce sens que je n'appartiens pas à la grande famille des traditionalistes. Personnellement : je n'ai rien à voir avec les chapelles de tradis, la culture traditionaliste des catholiques bourgeois de droite, l'univers de la FSSPX en France ou ailleurs, la messe en latin et tutti. Je le dirais ici juste pour situer l'affaire. Ce n'est pas une tare d'avoir pu grandir dans un milieu tradi, c'est pas une honte, c'est pas le péché originel. Mais c'est juste que cela ne fait pas partie de ma vie.

Et donc ...

Je ne traîne pas avec moi un bagage de sensibilité, état d'esprit ou expérience, qui serait "en commun" avec ceux qui tremperaient dans une sorte de sous-culture de dissidence depuis 53 ans. Je n'aurai pas eu ce bonheur de me faire instruire par des prédicateurs de ségrégations vis-à-vis les conciliaires, l'hérésie du concile et cette nouvelle messe du franc-maçon Bugnini; j'exploite ici le langage tradi pour donner de la saveur.

Mais la «tradissidence» vous comprendrez : pas vraiment.


A plus tard !

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » jeu. 22 juil. 2021, 2:43

Je reviens.

Perlum Pimpum, je suis à vous !

Je vais vous montrer comment vous vous tromper plus haut. Je vais rendre l'opération digeste.

Je disais :
Cinci :

Quel est ce «droit positif à répandre l'erreur» qui se trouve prohibé anciennement, si ce n'est justement le droit positif d'adopter la religion de son choix, célébrer publiquement un culte étranger au catholicisme, propager des écrits en faveur du culte hérétique des réformés, contester le dogme catholique dans des livres ?
Oui.

C'est votre réponse. Vous confirmer bien ce que j'avançais dans un premier temps.

Je poursuivais :
C'est ce droit positif anciennement interdit qui se trouve au contraire sacralisé dans Dignitatis Humanae.
Non.

Vous ne croyez donc pas qu'est vrai ce que j'ai ajouté ?

(un ange passe) ... :siffle:



Regardez ce qu'a déjà pu écrire le père Joseph Thomas sj, lui qui fut longtemps directeur de la fameuse revue Christus. Pas spécialement un pied de céleri, ce charmant homme cultivé.
Le conciile Vatican II

par

Joseph Thomas sj.

La liberté religieuse

« Elle se heurta, au concile, à une vive résistance puisque, lors du vote final en présence du pape, soixante-dix votes négatifs continuèrent encore de s'y opposer. [...] D'une part, cette déclaration semblait incompatible, aux yeux des opposants, avec les enseignements des papes, spécialement ceux de Grégoire XVI et de Pie IX. D'autre part, leur conception philosophique les amenait à poser la question de la vérité d'une manière rigoureusement objective. Pour eux, vérité et erreur s'opposaient comme deux réalités en soi. Dès lors, ils se posaient en champion des droits de la vérité. Ils oubliaient que seule la personne humaine peut être sujet de droits. Certes, elle a aussi le devoir de chercher la vérité. Mais son devoir le plus sacré est d'agir conformément à ce que sa conscience personnelle lui dit être la vérité et le bien. Ce devoir est le fondement du droit proclamé par le concile :«Nul ne peut être contraint à agir contre sa conscience. Il ne doit pas non plus être empêché d'agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse» (D.H. 3) Aucun pouvoir politique n'a compétence pour se substituer à la conscience personnelle ou pour la contraindre.»

- Ouvrage paru aux Éditions du Cerf en 1989, p. 99
Le père Joseph Thomas dit que ce fondement du droit proclamé lors du concile est ce devoir sacré de pouvoir agir selon sa conscience personnelle. Il est bien question de sacraliser un droit ici. Vous dites que non, je dis oui. Le père Thomas dit oui. Si vous regardez ce à quoi vous avez dit oui au-dessus (ma première phrase en exergue), me disant non ensuite vous vous contredisez parfaitement, de la manière la plus flagrante.

Il est pourtant bien évident que le concile reconnaît comme liberté inaliénable (enchâssée comme un droit civil) la capacité pour chaque individu d'exprimer publiquement ses convictions religieuses (hérésies) comprises par lui-même comme vérité ou comme le bien. Vous venez de me dire plus haut qu'anciennement l'État pouvait exercer une censure au sujet de la diffusion des hérésies. Or, cela est justement ce qu'un "bras séculier" ne pourra plus faire. désormais.

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Perlum Pimpum » jeu. 22 juil. 2021, 12:28

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Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 17:36, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » jeu. 22 juil. 2021, 14:44

Quant à votre affirmation ...
Perlum Pimpum :

L’affirmation conciliaire que tous les hommes ont le devoir de rechercher la vérité de la foi catholique, de l’embrasser et de lui être fidèles devient, au prisme déformant de votre délire obsessionnel schismatique, le droit de contester le catholicisme et de professer l’erreur…
Je me trouverais ici en présence d'une manifestation d'un mélange de terrorisme intellectuel et de paralogisme (technique de l'homme de paille), dirait-on.

Le terrorisme, cela vous branche-t-il ?



Parce que l'affirmation conciliaire n'est que l'affirmation conciliaire, et rien d'autre. Et ce n'est certainement pas le concile ou les pères conciliaires qui vont défendre l'idée - le principe, ici - que l'on serait fondé en droit de réfuter réellement le catholicisme, Jésus-Christ ainsi que de professer l'erreur. Non. Ce n'est pas ainsi que les choses se présentent. Des Jean-Paul II ou des Benoit XVI n'auraient jamais eu la balourdise de verser dans une grossièreté semblable.

Personne ne dit que l'Église catholique prétendrait fondé un quelconque droit de rejeter Jésus-Christ réellement.

Le point n'est pas là. Le point c'est plutôt que le concile opère un changement de perspective. Si le droit de professer des erreurs (hérésies, etc.) n'est toujours pas reconnu en principe, le fait est aussi que l'Église veut adopter une toute nouvelle posture (oui, du nouveau pour l'Église) par rapport à ceux qui errent, se trompent, véhiculent de l'hérésie, professent de fausses religions, etc.

L'Église se dirait désormais comme «plus soucieuse» du respect intégral de l'autre, désireuse de dialoguer, d'accompagner sans rien imposer, pour ne pas faire de forcing sur les personnes, à l'égard de ceux qui prennent le faux pour du vrai. En pratique, comme pour le droit civil dans la société : cela se traduit par le droit qui est accordé aux Juifs, aux protestants, aux musulmans, aux Témoins de Jéhovah, 1) de s'exprimer 2) professer leur culte acatholique sur la place publique 3) avoir pignon sur rue, disposer de la jouissance de leur temple, pour faire fleurir leur fausse religion, eux en vivre et pouvoir organiser leur communauté selon leurs principes (la sharia islamique, tiens !), mais en autant bien sûr que tout se passe bien, que les uns n'en profitent pas pour franchement aller pourrir la vie des autres, les maltraiter, les décapiter, battre les enfants.

Ce changement de disposition, de perspective, de politique, maintenant entériné par Paul VI et les autres les 7 et 8 décembre 1965 : c'est un changement de cap majeur qui annule l'orientation de pensée qui était celle enseignée traditionnellement par les papes antérieurs.

Ce changement n'est nié par personne dans l'Église.

De quoi s'agit-il ?

De ce que Léon XIII aurait dit que «nul n'a le droit de professer l'erreur» et que Jean-Paul II pourrait maintenant proclamer le «droit à tous de faire passer le faux pour le vrai, le vrai pour le faux» ? Non. Le point n'est pas là. Le pape actuel dirait la même chose que Léon XIII sous ce rapport. Évidemment !

Le changement est ici :
Quête de sens et don de sens

par

René Latourelle s.j.

«Face au thème des droits de la personne, on peut schématiser comme suit l'évolution du Magistère de l'Église : le pontificat de Pie XII est encore prudent; ceux de Jean XXIII et de Paul VI sont nettement ouverts, surtout avec Vatican II dans Gaudium et Spes et Dignitatis Humanae. [...] Parmi les droits fondamentaux, essentiels et supérieurs, il faut mentionner : la vie, la dignité et l'égalité de la personne, la liberté de pensée, de conscience, de religion. La base sur laquelle reposera ces droits, c'est la réalité et la reconnaissance de la nature de la personne, comprise dans sa totalité philosophique et théologique, naturelle et surnaturelle. Ces droits, de même que la personne, se situent avant tout État, et au-dessus de tout État. »

- Publié chez Novalis en 1995

« ...doyen de la faculté de théologie de l'Université Grégorienne à Rome pendant douze ans » (quatrième de couverture)
La "novelleté" consiste à placer les droits de la personne avant l'État, et au-dessus de l'État.

Il ne sera donc plus question que l'État puisse faire la police religieuse. Non pas, ici, dans le sens que «l'État ne pourrait plus mâter des intégristes déjantés et déposant des charges de dynamites dans le métro», mais dans le sens que l'État ne va pas emprisonner, ni mettre à l'amende ni simplement "sermoner" ou contredire avec autorité un Juif ou un protestant hérétique ( comme de juste) qui irait se fendre de nombreuses publications, pour expliquer au bon peuple à quel point le culte de la Sainte Vierge serait une bêtise, un gros blasphème, un scandale.

Jadis, le caudillo en Espagne aurait passé un coup de fil au directeur de la revue «Virez moi ce type svp ! On ne peut pas laisser des ennemis du Christ continuer ainsi de corrompre le peuple, vous comprenez». Et notre protestant se serait retrouvé au chômage, ses livres bannis des librairies.

Maintenant, le contradicteur sera respecté, invité sur les plateaux télé, promu, les journalistes vont pouvoir annoncer la sortie de ses écrits, les présenter avec chaleur comme ceux d'un auteur intelligent et intéressant, un autre avec qui le pape va pouvoir faire copain, chercher à découvrir le vrai dans la prose de l'autre, etc.

Non, le pape ne va pas déclarer que le culte de Marie serait du pur blasphème et donner raison à l'hérétique. Mais c'est juste que les idées (fausses) de l'autre auront le droit de circuler, d'être reprise à l'école de façon neutre (le blasphème devenant une «autre façon de voir», un point de vue qu'on peut ne pas recevoir pour vrai, sans pour autant remettre en cause la liberté de celui-là, de penser ce qu'il pense, de le dire, sans être embêté ou tracassé par les autorités.

Ce genre d'approche n'aurait jamais été avalisée par Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII, etc. Il n'aurait jamais été question d'aller placer les droits d'un hérétique au-dessus de l'État, prioritaires au bien commun de la société chrétienne par exemple (cf. le Bien du royaume de France, etc.)

Est-ce que je suis dans l'affabulation ? Non. Changement, il y a bien eu.
Jean-Paul II :

«La requête moderne d'autonomie n'a pas manqué d'exercer aussi son influence dans le domaine de la théologie morale catholique. Si celle-ci n'a jamais entendu opposer la liberté humaine à la Loi divine , ni remettre en question l'existence du fondement religieux ultime des normes morales, elle a cependant été amenée à repenser entièrement le rôle de la raison et de la foi dans la détermination des normes morales qui se rapportent à des comportements précis «dans le monde». c'est à dire envers soi-même, envers les autres [...] »

- La Splendeur de la vérité, 6 août 1993, numéro 36
Jean-Paul II dit que l'Église, par le biais de sa théologie morale, a été amenée à repenser entièrement le rôle de la raison et de la foi dans la question du rapport à autrui.

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » jeu. 22 juil. 2021, 15:35

Vous voulez voir qu'il y a bien changement ? déplacement sur une nouvelle trajectoire ?


Voici :
La liberté religieuse au défi de l'histoire

par

Denis Donetzkoff (L'abbé, communauté Saint-Martin)


Le 7 décembre 1965, les Pères de Vatican II adoptaient la déclaration sur la liberté religieuse, Dignitatis Humanae, par 2308 placet (oui), contre 70 non placet (non)

Il y est précisé au paragraphe 1, que «tous les hommes sont tenus de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Église, et, une fois qu'ils la connaissent, de l'embrasser et de la sauvegarder. Le saint concile professe également que ces devoirs touchent les hommes dans leur conscience et qu'ils lient celle-ci, et aussi que la vérité ne s'impose pas autrement que par la force de la vérité elle-même.» Le paragraphe suivant indique qu'en matière religieuse nul ne doit être «forcé d'agir contre sa conscience ni empêché d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou en association avec d'autres

Ces affirmations, qui aujourd'hui nous semblent aller de soi, ont cependant provoqué des réactions de rejet violentes. Pourquoi ?

Devenu religion officielle de l'Empire sous Théodose à la fin du IVe siècle, le christianisme est malheureusement déchiré par la crise donatiste. Donat refusait de reconnaître la validité des sacrements célébrés par les ministres ordonnés qui, par crainte, avaient accepté de sacrifier aux dieux lors de la persécution de Dioclétien.

Comment réagit saint Augustin face à cette crise ? «Primitivement, écrit-il, mon avis se ramenait à ceci : personne ne devait être contraint à l'unité du Christ ; c'est par la parole qu'on devait agir, par la discussion qu'on devait combattre, par la raison qu'on devait vaincre.» Pourquoi donc a-t-il changé d'avis ? On lui a opposé l'exemple de sa propre cité «qui, jadis tout entière acquise au parti de Donat, se convertit à l'unité catholique par crainte des lois impériales.»

«Pourquoi, demande-t-il alors, l'Église ne forcerait-elle pas ses fidèles perdus à lui revenir, si les fils perdus en ont forcé d'autres à se perdre ? » Et d'ajouter : «Il ne faut pas considérer la contrainte en soi, mais considérer ce à quoi vise la contrainte, si c'est au bien ou au mal.» Augustin appuie en dernière analyse son argumentation sur la parabole des invités au noce : «Ceux que tu trouveras, contrains-les d'entrer - compelle intrare.» (Luc 14, 23)

Cette position a accompagné aussi bien l'Église que la politique confessionnelle des États au travers des siècles. Elle fonde par exemple le principe adopté en 1533 lors de la conclusion de la paix d'Augsbourg : «Cujus regio, ejus religio» : la religion du prince détermine la religion que doivent adopter ses sujets.

Vatican II a donc estimé qu'il était temps de l'abandonner :

«Le saint concile demande aux catholiques, mais prie aussi instamment tous les hommes d'examiner avec le plus grand soin à quel point la liberté religieuse est nécessaire, surtout dans la condition présente de la famille humaine.» (DH, paragraphe 15)

Source : D. Donetzkoff, «La liberté religieuse au défi de l'histoire» dans Chemin d'éternité, janvier/février 2014 - la revue du sanctuaire de Montligeon en France.
La liberté religieuse n'était pas nécessaire hier, elle serait nécessaire maintenant. Un changement ? Oui. Encore : L'abbé qui signe l'article parle d'avoir jugé bon d'abandonner la position précédente. Un abandon. Pas une continuité. Pas un approfondissement dans la même veine. «On change !»

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » jeu. 22 juil. 2021, 17:11

Encore :



«La foi permet à la raison de mieux accomplir sa tâche et de mieux voir ce qui lui est propre. C'est là que se place la doctrine sociale catholique : elle ne veut pas conférer à l'Église un pouvoir sur l'État. Elle ne veut pas même imposer à ceux qui ne partagent pas sa foi des perspectives et des manières d'être qui lui appartiennent.»

Benoit XVI, lettre encyclique sur l'amour chrétien «Dieu est Amour», le 25 décembre 2005, no 28




Traduction :

Il serait désormais hors de question de contraindre "quelque peu" des athées ou des mal-croyants (dissidents, hérétiques) à devoir se plier minimalement à une perspective ou manière d'être catholique, qui respecterait, en tout cas, pour vrai, les valeurs de la pensée catholique.

Ex : pas question de contraindre des apostats de ne pas avorter les enfants à naître. Il faudra respecter la conscience de l'autre qui se situe "ailleurs" moralement, intellectuellement, philosophiquement, etc.

La seule chose à faire en dehors de prier, essayer de dialoguer, parler ... Et puis c'est là une position étrangère à ce qu'aurait jamais pu souhaiter un pape Pie IX viz. s'interdire par principe l'usage de la loi pour contraindre.

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par prodigal » jeu. 22 juil. 2021, 17:33

Cinci a écrit :
jeu. 22 juil. 2021, 17:11
Encore :
«La foi permet à la raison de mieux accomplir sa tâche et de mieux voir ce qui lui est propre. C'est là que se place la doctrine sociale catholique : elle ne veut pas conférer à l'Église un pouvoir sur l'État. Elle ne veut pas même imposer à ceux qui ne partagent pas sa foi des perspectives et des manières d'être qui lui appartiennent.»
Benoit XVI, lettre encyclique sur l'amour chrétien «Dieu est Amour», le 25 décembre 2005, no 28
Traduction :
Il serait désormais hors de question de contraindre "quelque peu" des athées ou des mal-croyants (dissidents, hérétiques) à devoir se plier minimalement à une perspective ou manière d'être catholique, qui respecterait, en tout cas, pour vrai, les valeurs de la pensée catholique.
Ex : pas question de contraindre des apostats de ne pas avorter les enfants à naître. Il faudra respecter la conscience de l'autre qui se situe "ailleurs" moralement, intellectuellement, philosophiquement, etc.
Pardon, cher Cinci, mais votre exemple est techniquement fautif, si toutefois vous admettez que l'avortement est une faute du point de vue de la morale universelle. En ce cas aucune conscience ne peut l'approuver.
Un exemple qui conviendrait serait que l'Eglise ne peut contraindre légitimement les bouchers à fermer boutique le vendredi. Personnellement je m'en réjouis, je l'avoue.
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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Perlum Pimpum » ven. 23 juil. 2021, 14:04

...
Dernière modification par Perlum Pimpum le mer. 17 août 2022, 8:41, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Perlum Pimpum » ven. 23 juil. 2021, 14:36

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Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 17:39, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » sam. 24 juil. 2021, 16:11

Pardon, cher Cinci, mais votre exemple est techniquement fautif, si toutefois vous admettez que l'avortement est une faute du point de vue de la morale universelle. En ce cas aucune conscience ne peut l'approuver.
Un exemple qui conviendrait serait que l'Eglise ne peut contraindre légitimement les bouchers à fermer boutique le vendredi. Personnellement je m'en réjouis, je l'avoue.

Salut Prodigal,

Fautif ? Ah bon ?

Votre propre cas d'espèce avec le boucher est correct. C'est vrai. Je vous l'accorde.

Mais je ne vois pas - à partir du mien - en quoi l'Église devrait avoir plus de facilité, pour imposer aux cliniques d'avortement leur fermeture permanente dans le contexte actuel. Quoi ? à raison soi-disant d'une loi naturelle ? La réalité nous montre le contraire, je pense.

La loi naturelle ne veut plus rien dire aux citoyens d'aujourd'hui, les gens approuvent les politiques de contrôle des naissances ainsi que l'avortement en guise de moindre mal. Aucune conscience de pourrait approuver l'avortement, vous me dites. Il se produit l'inverse chez nous.

Même le parti politique de la droite la plus conservatrice flanque dehors le candidat, de son côté, qui irait dire aux journalistes qu'il serait franchement contre l'avortement. «Dehors ! »; «Nous ne voulons pas de candidat toxique dans notre parti.» La droite ! Même la droite jugée suspecte. Il semble que nos politiciens raisonnent philosophiquement à l'instar du roi Henri IV au XVIe siècle, pragmatiquement, se disant que «Paris vaut bien une messe». «La gouverne du pays vaut bien un avortement !» Une question de priorité, ce semble.

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