L'Église sur la laïcité

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VexillumRegis
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L'Église sur la laïcité

Message non lu par VexillumRegis » mar. 15 févr. 2005, 9:30

Lettre de Jean-Paul II aux évêques de France sur la laïcité
Lettre du pape Jean-Paul II à Mgr Jean-Pierre RICARD, archevêque de Bordeaux et président de la Conférence des évêques de France et à tous les évêques de France.
1. Au cours de vos visites ad limina, chers Frères dans l’Épiscopat, vous m’aviez partagé vos préoccupations et vos joies de pasteurs, faisant apparaître les relations positives que vous entretenez avec les Responsables de la société civile, ce dont je ne peux que me réjouir. Lors de nos rencontres, j’avais eu l’occasion d’aborder avec vous la question des rapports avec les Autorités civiles, dans la perspective du centième anniversaire de la loi de séparation de l’Église et de l’État. J’avais d’ailleurs évoqué directement la question de la laïcité dans le discours que j’avais adressé aux évêques de la province de Besançon, le 27 février 2004.

2. En 1905, la loi de séparation de l’Église et de l’État, qui dénonçait le Concordat de 1804, fut un événement douloureux et traumatisant pour l’Église en France. Elle réglait la façon de vivre en France le principe de laïcité et, dans ce cadre, elle ne maintenait que la liberté de culte, reléguant du même coup le fait religieux dans la sphère du privé et ne reconnaissant pas à la vie religieuse et à l’Institution ecclésiale une place au sein de la société. La démarche religieuse de l’homme n’était plus alors considérée que comme un simple sentiment personnel, méconnaissant de ce fait la nature profonde de l’homme, être à la fois personnel et social dans toutes ses dimensions, y compris dans sa dimension spirituelle. Cependant, dès 1920, on sait gré au Gouvernement français lui-même d’avoir reconnu d’une certaine manière la place du fait religieux dans la vie sociale, la démarche religieuse personnelle et sociale, et la constitution hiérarchique de l’Église, qui est constitutive de son unité.
Le centième anniversaire de cette loi peut être aujourd’hui l’occasion de réfléchir sur l’histoire religieuse en France au cours du siècle écoulé, considérant les efforts réalisés par les différentes parties en présence pour maintenir le dialogue, efforts couronnés par le rétablissement des relations diplomatiques et par l’entente scellée en 1924, souscrite par le Gouvernement de la République, puis décrite dans l’encyclique de mon Prédécesseur le Pape Pie XI, en date du 18 février de cette année-là, Maximam gravissimamque. Dès 1921, après des années difficiles, sur l’initiative du Gouvernement français, étaient déjà engagées de nouvelles relations entre la République française et le Siège apostolique, qui ouvraient la voie à un cadre de négociation et de coopération. Dans ce cadre, put s’engager un processus de pacification, dans le respect de l’ordre juridique, tant civil que canonique. Ce nouvel esprit de compréhension mutuelle permit alors de trouver une issue à un certain nombre de difficultés et de faire concourir toutes les forces du pays au bien commun, chacune dans le domaine qui lui est propre. D’une certaine manière, on peut dire que l’on avait ainsi déjà atteint une sorte d’entente au jour le jour, qui ouvrait la voie à un accord consensuel de fait sur les questions institutionnelles de portée fondamentale pour la vie de l’Église. Cette paix, acquise progressivement, est devenue désormais une réalité à laquelle le peuple français est profondément attaché. Elle permet à l’Église qui est en France de remplir sa mission propre avec confiance et sérénité, et de prendre une part toujours plus active à la vie de la société, dans le respect des compétences de chacun.

3. Le principe de laïcité, auquel votre pays est très attaché, s’il est bien compris, appartient aussi à la Doctrine sociale de l’Église. Il rappelle la nécessité d’une juste séparation des pouvoirs (cf. Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, nn. 571-572), qui fait écho à l’invitation du Christ à ses disciples: «Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu» (Lc 20, 25). Pour sa part, la non-confessionnalité de l’État, qui est une non-immixtion du pouvoir civil dans la vie de l’Église et des différentes religions, comme dans la sphère du spirituel, permet que toutes les composantes de la société travaillent ensemble au service de tous et de la communauté nationale. De même, comme le Concile œcuménique Vatican II l’a rappelé, l’Église n’a pas vocation pour gérer le temporel, car, «en raison de sa charge et de sa compétence, elle ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique et n’est liée à aucun système politique» (Constitution pastorale Gaudium et spes, n. 76 § 2; cf. n. 42). Mais, dans le même temps, il importe que tous travaillent dans l’intérêt général et pour le bien commun. C’est ainsi que s’exprime aussi le Concile: «La communauté politique et l’Église, quoique à des titres divers, sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles exercent d’autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu’elles recherchent davantage entre elles une saine coopération» (Ibid., n. 76 § 3)

4. L’application des principes de la Doctrine sociale de l’Église a permis, entre autres, de nouveaux développements dans les relations entre l’Église et l’État en France, jusqu’à parvenir, ces dernières années, à la création d’une instance de dialogue au plus haut niveau, ouvrant la voie d’une part au règlement des questions en suspens ou des difficultés qui peuvent se faire jour dans différents domaines, et, d’autre part, à la réalisation d’un certain nombre de collaborations dans la vie sociale, en vue du bien commun. Ainsi, peuvent se développer des relations confiantes qui permettent de traiter les questions institutionnelles, en ce qui concerne les personnes, les activités et les biens, dans un esprit de coopération et de respect mutuel. Je salue aussi toutes les collaborations qui existent de manière sereine et confiante dans les municipalités, dans les collectivités locales et au sein des régions, grâce à l’attention des élus, du clergé, des fidèles, et des hommes et des femmes de bonne volonté. Je sais l’estime dans laquelle vous tenez les responsables de la Nation et les liens que vous avez avec eux, étant toujours prêts à apporter votre concours à la réflexion, dans les domaines qui engagent l’avenir de l’homme et de la société, et pour un plus grand respect des personnes et de leur dignité. Avec vous, j’encourage les fidèles laïcs dans leur désir de servir leurs frères et sœurs par une participation toujours plus active à la vie publique, car, comme le dit le Concile Vatican II, «la communauté des chrétiens se reconnaît réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire» (Constitution pastorale Gaudium et spes, n. 1). En raison de leur statut de citoyens, comme leurs compatriotes, les catholiques de France ont le devoir de participer, selon leurs compétences et dans le respect de leurs convictions, aux différents domaines de la vie publique.

5. Le christianisme a joué et joue encore un rôle important dans la société française, que ce soit dans les domaines politique, philosophique, artistique ou littéraire. L’Église en France compte aussi, au vingtième siècle, de grands pasteurs et de grands théologiens. On peut dire que ce fut une période particulièrement féconde, même pour la vie sociale. Henri de Lubac, Yves Congar, Marie-Dominique Chenu, Jacques et Raïssa Maritain, Emmanuel Mounier, Robert Schuman, Edmond Michelet, Madeleine Delbrêl, Gabriel Rosset, Georges Bernanos, Paul Claudel, François Mauriac, Jean Lacroix, Jean Guitton, Jérôme Lejeune, autant de noms qui ont marqué la pensée et la pratique françaises, et qui demeurent comme des grandes figures reconnues, non seulement de la communauté ecclésiale, mais aussi de la communauté nationale. Ces personnes, ainsi que de nombreux autres catholiques, ont eu une influence décisive sur la vie sociale dans votre pays et, pour certains, dans la construction de l’Europe; tous fondaient leur démarche intellectuelle et leur action sur les principes évangéliques. Parce qu’ils aimaient le Christ, ils aimaient aussi les hommes et ils s’attachaient à les servir. Il appartient aujourd’hui aux catholiques de votre pays de marcher sur la voie de leurs devanciers. On ne peut pas non plus oublier la place importante des valeurs chrétiennes dans la construction de l’Europe et dans la vie des peuples du continent. Le christianisme a en grande partie façonné le visage de l’Europe et il revient aux hommes d’aujourd’hui d’édifier la société européenne sur les valeurs qui ont présidé à sa naissance et qui font partie de sa richesse.
La France ne peut que se réjouir d’avoir en son sein des hommes et des femmes qui puisent dans l’Évangile, dans leur démarche spirituelle et dans leur vie chrétienne, des éléments et des principes anthropologiques promouvant une haute idée de l’homme, principes qui les aident à remplir leur mission de citoyens, à tous les niveaux de la vie sociale, pour servir leurs frères en humanité, pour participer au bien commun, pour répandre la concorde, la paix, la justice, la solidarité et la bonne entente entre tous, en définitive pour apporter avec joie leur pierre à la construction du corps social. À ce propos, il convient que vous preniez soin aujourd’hui de développer toujours davantage la formation des fidèles à la Doctrine sociale de l’Église et à une réflexion philosophique sérieuse, notamment les jeunes qui se préparent à exercer des charges importantes dans des postes de décision au sein de la société; ils auront alors à cœur de faire rayonner les valeurs évangéliques et les fondements anthropologiques sûrs dans les différents domaines de la vie sociale. C’est ainsi que, dans votre pays, l’Église sera au rendez-vous de l’histoire. Les chrétiens sont conscients qu’ils ont une mission à remplir au service de leurs frères, comme le dit un des plus anciens textes de la littérature chrétienne: «Si noble est le poste que Dieu leur a assigné, qu’il ne leur est pas permis de déserter» (Lettre à Diognète, VI, 10). Cette mission comporte aussi pour les fidèles un engagement personnel, car elle suppose le témoignage par la parole et par les actes, en vivant les valeurs morales et spirituelles, et en les proposant à leurs concitoyens, dans le respect de la liberté de chacun.

6. La crise des valeurs et le manque d’espérance que l’on constate en France, et plus largement en Occident, font partie de la crise d’identité que traversent les sociétés modernes actuelles; ces dernières ne proposent bien souvent qu’une vie fondée sur le bien-être matériel, qui ne peut indiquer le sens de l’existence, ni donner les valeurs fondamentales pour faire des choix libres et responsables, source de joie et de bonheur. L’Église s’interroge sur une telle situation et souhaite que les valeurs religieuses, morales et spirituelles, qui font partie du patrimoine de la France, qui ont façonné son identité et qui ont forgé des générations de personnes depuis les premiers siècles du christianisme, ne tombent pas dans l’oubli. J’invite donc les fidèles de votre pays, dans la suite de la Lettre aux catholiques de France que vous leur avez adressée il y a quelques années, à puiser dans leur vie spirituelle et ecclésiale la force pour participer à la res publica, et pour donner un élan nouveau à la vie sociale et une espérance renouvelée aux hommes et aux femmes de notre temps. «On peut penser à bon droit que le destin futur de l’humanité est entre les mains de ceux qui sont en état de donner aux générations à venir des raisons de vivre et d’espérer» (Concile Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, n. 31). Dans cette perspective, des relations et des collaborations confiantes entre l’Église et l’État ne peuvent avoir que des effets positifs pour construire ensemble ce que le Pape Pie XII appelait déjà «la légitime et saine laïcité» [Allocution à la colonie des Marches à Rome, 23 mars 1958: La Documentation catholique 55 (1958), col. 456], qui ne soit pas, comme je l’évoquais dans l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Europa, «un type de laïcisme idéologique ou de séparation hostile entre les institutions civiles et les confessions religieuses» (n. 117). Ainsi, au lieu de se situer en antagonisme, les forces sociales seront toujours plus au service de l’ensemble de la population qui vit en France. J’ai confiance qu’une telle démarche permettra de faire face aux situations nouvelles de la société française actuelle, en particulier dans le contexte pluriethnique, multiculturel et multiconfessionnel de ces dernières années
Reconnaître la dimension religieuse des personnes et des composantes de la société française, c’est vouloir associer cette dimension aux autres dimensions de la vie nationale, pour qu’elle apporte son dynamisme propre à l’édification sociale et que les religions n’aient pas tendance à se réfugier dans un sectarisme qui pourrait représenter un danger pour l’État lui-même. La société doit pouvoir admettre que des personnes, dans le respect d’autrui et des lois de la République, puissent faire état de leur appartenance religieuse. Dans le cas contraire, on court toujours le risque d’un repliement identitaire et sectaire, et de la montée de l’intolérance, qui ne peuvent qu’entraver la convivialité et la concorde au sein de la Nation.
En raison de votre mission, vous êtes appelés à intervenir régulièrement dans le débat public sur les grandes questions de société. De même, au nom de leur foi, les chrétiens, personnellement ou en associations, doivent pouvoir prendre la parole publiquement pour exprimer leurs opinions et pour manifester leurs convictions, apportant de ce fait leurs contributions aux débats démocratiques, interpellant l’État et leurs concitoyens sur leurs responsabilités d’hommes et de femmes, notamment dans le domaine des droits fondamentaux de la personne humaine et du respect de sa dignité, du progrès de l’humanité qui ne peut pas être à n’importe quel prix, de la justice et de l’équité, ainsi que de la protection de la planète, autant de domaines qui engagent l’avenir de l’homme et de l’humanité, et la responsabilité de chaque génération. C’est à ce prix que la laïcité, loin d’être le lieu d’un affrontement, est véritablement l’espace pour un dialogue constructif, dans l’esprit des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, auxquelles le peuple de France est fort justement très attaché.

7. Je sais que vous êtes très attentifs à la présence de l’Église dans des lieux où se posent les grandes et redoutables questions du sens de l’existence humaine. Je pense – pour n’en nommer que quelques-uns particulièrement significatifs – au cadre hospitalier où l’assistance spirituelle aux malades et au personnel constitue une aide de premier plan, ainsi qu’au domaine éducatif où il importe d’ouvrir les jeunes à la dimension morale et spirituelle de leur vie, pour leur permettre de développer leur personnalité intégrale. En effet, l’éducation ne peut se limiter à une formation scientifique et technique, mais elle doit prendre en compte tout l’être du jeune. C’est dans cette perspective que travaille l’Enseignement catholique, dont vous êtes responsables dans vos diocèses. Je sais son souci d’être une instance partenaire de la démarche éducative dont les Autorités civiles ont la charge, mais aussi son désir de maintenir dans le corps enseignant et dans son enseignement la spécificité qui lui est propre. Il revient pour sa part à l’État, dans le respect des règles établies, de garantir aussi aux familles qui le souhaitent la possibilité de faire donner à leurs enfants la catéchèse dont ils ont besoin, en prévoyant notamment des horaires convenables pour cela. D’autre part, sans dimension morale, les jeunes ne peuvent qu’être tentés par la violence et par des comportements qui ne sont pas dignes d’eux, comme on le constate régulièrement. À ce propos, je voudrais rendre hommage aux nombreux saints et saintes éducateurs, qui ont marqué l’histoire de vos Églises particulières et de la société en France. Il me plaît de rappeler les deux derniers de vos compatriotes que j’ai eu l’occasion de canoniser, Marcellin Champagnat, qui a largement contribué à l’éducation de la jeunesse dans les campagnes françaises, et Léonie Aviat, qui s’est attaché à venir en aide aux pauvres et qui a créé des écoles pour les jeunes filles en milieu urbain. Je sais que vous prenez soin de former des prêtres, des religieux et des religieuses, et des laïcs, pour qu’ils soient des témoins et des compagnons de leurs frères, attentifs à leurs interrogations et capables de les soutenir dans leur démarche humaine et spirituelle. À ce propos, je salue le travail courageux des enseignants et des éducateurs auprès des jeunes de votre pays, connaissant la délicatesse et l’importance de leur mission.

8. J’ai souhaité que l’année 2005 soit pour toute la communauté ecclésiale une Année de l’Eucharistie. Dans la Lettre apostolique que j’écrivais à ce sujet, je rappelais que «la “culture de l’Eucharistie” promeut une culture du dialogue et donne à cette dernière force et nourriture. On se trompe lorsqu’on pense que la référence publique à la foi peut porter atteinte à la juste autonomie de l’État et des Institutions civiles, ou bien que cela peut même encourager des attitudes d’intolérance» (Lettre apostolique Mane nobiscum Domine, n. 26). Je vous invite donc tous, chers Frères dans l’Épiscopat, ainsi que l’ensemble du clergé et des catholiques de France, à puiser dans l’Eucharistie la force pour donner un témoignage renouvelé des authentiques valeurs morales et religieuses, pour poursuivre un dialogue confiant et des collaborations sereines avec tous au sein de la société civile, et pour se mettre au service de tous.
Au terme de cette lettre, je voudrais vous exprimer et exprimer à tous vos compatriotes ma reconnaissance pour ce qui a déjà été accompli dans le domaine social et ma confiance en l’avenir d’une bonne entente entre toutes les composantes de la société française, entente dont vous êtes déjà les témoins. Que tous vos compatriotes sachent que les membres de la communauté catholique en France souhaitent vivre leur foi au milieu de leurs frères et sœurs, et mettre à la disposition de tous leurs compétences et leurs talents ! Que personne n’ait peur de la démarche religieuse des personnes et des groupes sociaux ! Vécue dans le respect de la saine laïcité, elle ne peut qu’être source de dynamisme et de promotion de l’homme. J’encourage les catholiques français à être présents dans tous les domaines de la société civile, dans les quartiers des grandes villes comme dans la société rurale, dans le monde de l’économie, de la culture, des arts, comme de la politique, dans les œuvres caritatives comme dans le système éducatif, sanitaire et social, avec le souci d’un dialogue serein et respectueux avec tous. Je souhaite que tous les Français travaillent main dans la main à la croissance de la société, afin que tous puissent en bénéficier. Je prie pour le peuple de France; ma pensée va en particulier aux personnes et aux familles touchées par les difficultés économiques et sociales. Qu’une solidarité toujours plus grande puisse s’instaurer pour que nul ne soit laissé à l’écart ! Qu’en cette période, une attention plus grande soit portée aux personnes qui n’ont pas de toit, ni de nourriture !
Je garde en mémoire les différentes visites que j’ai eu la joie d’accomplir sur la terre bien-aimée de France, et notamment mon inoubliable pèlerinage à Lourdes, lieu particulièrement cher aux fidèles de votre pays et plus largement à toutes les personnes qui veulent se confier à Marie. J’ai pu mesurer la profondeur humaine et spirituelle de la démarche d’hommes, de femmes et d’enfants français qui viennent à la grotte de Massabielle, témoignant ainsi du travail pastoral que vous réalisez dans vos diocèses, avec les prêtres, les religieux et religieuses, et les laïcs engagés dans la mission de l’Église.


En vous confiant à l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, que nous honorons tout particulièrement en ce jour et qui est vénérée dans de nombreux sanctuaires de votre terre, et de tous les saints de votre pays, je vous accorde, ainsi qu’à tous les fidèles de vos diocèses, une affectueuse Bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 11 février 2005.
Source : site de la conférence des évêques de France (format pdf).

Avec ici une courte étude sur la sémantique de ce texte du Saint-Père.

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Christophe
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Audience de Benoît XVI "Pour une saine laïcité" (9.12.2006)

Message non lu par Christophe » lun. 31 déc. 2007, 14:52

Audience de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI aux participants au 56e Congrès national d’études de l’Union des Juristes catholiques italiens
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POUR UNE SAINE LAÏCITÉ

Dans la matinée du samedi 9 décembre 2006, le Pape Benoît XVI a reçu en audience, dans la Salle des Bénédictions, les participants au 56e Congrès national d’études organisé par l’Union des Juristes catholiques italiens, dont le Professeur J.B. d’Onorio, Président international et Président des Juristes catholiques de France, était aussi l’invité. Au cours de la rencontre, le Saint-Père a prononcé le discours suivant :

Chers frères et sœurs,

Bienvenus à cette rencontre, qui a lieu dans le cadre de votre Congrès national d’études consacré au thème « La Laïcité et les laïcités ». J’adresse à chacun de vous mon salut cordial, en commençant par le Président de votre Association de grand mérite, le Professeur Francesco D’Agostino. Je lui suis également reconnaissant de s’être fait l’interprète des sentiments communs et de m’avoir brièvement illustré les finalités de votre action sociale et apostolique. Le Congrès affronte un thème, celui de la laïcité, qui est d’un grand intérêt, car il souligne la façon dont la laïcité, dans le monde d’aujourd’hui, est comprise de différentes manières : il n’existe pas une seule, mais plusieurs laïcités, ou mieux, il existe de multiples façons de comprendre et de vivre la laïcité, des façons parfois opposées et même contradictoires entre elles. Avoir consacré ces journées à l’étude de la laïcité et des différentes façons de la comprendre et de la réaliser vous a conduits dans le vif du débat en cours, un débat qui apparaît toujours plus utile pour les spécialistes du droit.

Pour comprendre la signification authentique de la laïcité et expliquer ses acceptions actuelles, il faut tenir compte du développement historique que ce concept a connu. La laïcité, née pour indiquer la condition du simple fidèle chrétien n’appartenant ni au clergé ni à l’état religieux, a revêtu au cours du Moyen Age la signification d’opposition entre les pouvoirs civils et les hiérarchies ecclésiastiques et, à l’époque moderne, elle a assumé celle d’exclusion de la religion et de ses symboles de la vie publique, à travers leur limitation au domaine du privé et de la conscience individuelle. C’est ainsi qu’au terme de laïcité a été attribuée une acception idéologique contraire à celle qu’il avait à l’origine.

En réalité, aujourd’hui, la laïcité est communément comprise comme l’exclusion de la religion des divers domaines de la société et comme sa restriction au domaine de la conscience individuelle. La laïcité s’exprimerait dans la séparation totale entre l'État et l'Église, cette dernière n’ayant aucun titre pour intervenir sur des thèmes relatifs à la vie et au comportement des citoyens ; la laïcité comprendrait même l’exclusion des symboles religieux des lieux publics destinés au déroulement des fonctions propres de la communauté politique : des bureaux, des écoles, des tribunaux, des hôpitaux, des prisons, etc. Sur la base de ces multiples façons de concevoir la laïcité, on parle aujourd’hui de pensée laïque, de morale laïque, de science laïque, de politique laïque. En effet, à la base de cette conception, il existe une vision a-religieuse de la vie, de la pensée et de la morale : c’est-à-dire une vision où il n’y a pas de place pour Dieu, pour un Mystère qui transcende la pure raison, pour une loi morale de valeur absolue, en vigueur en tout temps et en toute situation. Ce n’est que si l’on se rend compte de cela que l’on peut mesurer le poids des problèmes contenus dans un terme comme laïcité, qui semble être presque devenu l’emblème caractérisant la post-modernité, en particulier la démocratie moderne.

Il est alors du devoir de tous les croyants, en particulier les croyants dans le Christ, de contribuer à élaborer un concept de laïcité qui, d’une part, reconnaisse à Dieu et à sa loi morale, au Christ et à son Église la place qui leur revient dans la vie humaine, individuelle et sociale et, de l’autre, qui affirme et respecte la « légitime autonomie des réalités terrestres », en entendant par cette expression , comme le répète le Concile Vatican II, que « les choses créées et les sociétés elles-mêmes ont leurs lois et leurs valeurs propres, que l’homme doit peu à peu apprendre à connaître, à utiliser et à organiser » (Gaudium et spes, n. 36). Cette autonomie est une « exigence [...] pleinement légitime : non seulement elle est revendiquée par les hommes de notre temps, mais elle correspond à la volonté du Créateur. C’est en vertu de la création même que toutes choses sont établies selon leur consistance, leur vérité et leur excellence propres, avec leur ordonnance et leurs lois spécifiques. L’homme doit respecter tout cela et reconnaître les méthodes particulières à chacune des sciences et techniques » (Ibid.). Si, au contraire, par l’expression d’ « autonomie des réalités temporelles », on veut dire que les « choses créées ne dépendent pas de Dieu et que l’homme peut en disposer sans référence au Créateur », alors la fausseté d’une telle opinion ne peut échapper à quiconque croit en Dieu et à sa présence transcendante dans le monde créé (cf. Ibid.).

Cette affirmation conciliaire constitue la base doctrinale de la « saine laïcité » qui implique l’autonomie effective des réalités terrestres, non pas de l’ordre moral, mais du domaine ecclésiastique. Ce n’est donc pas l'Église qui peut indiquer quelle organisation politique ou sociale il faut préférer, mais c’est le peuple qui doit décider librement des façons les meilleures et les plus adaptées d’organiser la vie politique. Toute intervention directe de l'Église dans ce domaine serait une ingérence indue. D’autre part, la « saine laïcité » implique que l'État ne considère pas la religion comme un simple sentiment individuel, qui pourrait être limité au seul domaine privé. Au contraire, la religion, étant également organisée en structures visibles, comme cela a lieu pour l'Église, doit être reconnue comme présence communautaire publique. Cela comporte en outre qu’à chaque confession religieuse (à condition qu’elle ne soit pas opposée à l’ordre moral et qu’elle ne soit pas dangereuse pour l’ordre public), soit garanti le libre exercice des activités de culte - spirituelles, culturelles, éducatives et caritatives - de la communauté des croyants. A la lumière de ces considérations, l’hostilité à toute forme d’importance politique et culturelle accordée à la religion, et à la présence, en particulier, de tout symbole religieux dans les institutions publiques, n’est certainement pas une expression de la laïcité, mais de sa dégénérescence en laïcisme. De même que nier à la communauté chrétienne et à ceux qui la représentent de façon légitime, le droit de se prononcer sur les problèmes moraux qui interpellent aujourd’hui la conscience de tous les êtres humains, en particulier des législateurs et des juristes , n’est pas non plus le signe d’une saine laïcité. En effet, il ne s’agit pas d’une ingérence indue de l'Église dans l’activité législative, propre et exclusive de l'État, mais de l’affirmation et de la défense des grandes valeurs qui donnent un sens à la vie des personnes et qui en préservent la dignité. Ces valeurs, avant d’être chrétiennes, sont humaines, c’est-à-dire qu’elles ne laissent pas indifférente et silencieuse l'Église, qui a le devoir de proclamer avec fermeté la vérité sur l’homme et sur son destin.

Chers juristes, nous vivons une période historique exaltante en raison des progrès que l’humanité a accomplis dans de nombreux domaines du droit, de la culture, de la communication, de la science et de la technologie. Dans le même temps, toutefois, il existe de la part de certains la tentative d’exclure Dieu de tous les domaines de la vie, en le présentant comme antagoniste de l’homme. C’est à nous, chrétiens, qu’il revient de montrer qu’au contraire, Dieu est amour et qu’il veut le bien et le bonheur de tous les hommes. Il est de notre devoir de faire comprendre que la loi morale qu’Il nous a donnée, et qui se manifeste à nous à travers la voix de la conscience, a pour but non pas de nous opprimer, mais de nous libérer du mal et de nous rendre heureux. Il s’agit de montrer que sans Dieu, l’homme est perdu et que l’exclusion de la religion de la vie sociale, en particulier la marginalisation du christianisme, mine les bases mêmes de la coexistence humaine. Avant d’être d’ordre social et politique, ces bases sont en effet d’ordre moral.

En vous remerciant une fois de plus, chers amis, pour votre visite d’aujourd’hui, j’invoque sur vous et sur votre Association la protection maternelle de Marie. Avec ces sentiments, je donne à tous de tout cœur une Bénédiction apostolique particulière, que j’étends volontiers à vos familles et aux personnes qui vous sont chères.

:arrow: Source : http://cathojuris.org/article92.html

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Sapin
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Déclaration des évêques de France sur la laïcité (2005)

Message non lu par Sapin » lun. 31 déc. 2007, 16:21

DECLARATION DE L'ASSEMBLEE PLENIERE DES EVEQUES DE FRANCE SUR "L'EGLISE CATHOLIQUE ET LA LOI DU 9 DECEMBRE 1905 CENT ANS APRES"
15 juin 2005
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1. A un siècle de distance de la loi du 9 décembre 1905 "concernant la séparation des Églises et de l'État", nous, évêques de l'Église catholique en France, souhaitons nous exprimer publiquement sur le cours d'une histoire qui a marqué notre pays et qui, au fil du temps, a contribué à modifier en profondeur les rapports entre l'Église catholique, les pouvoirs publics et la société française. La lettre que le pape Jean-Paul II nous avait adressée le 11 février dernier nous invitait à cette relecture et nous proposait un éclairage sur des points qui restent encore en débat actuellement.


DE L'AFFRONTEMENT A L'APAISEMENT

2. La loi du 9 décembre 1905 a été ressentie, au moment où elle a été votée, comme une violence et un véritable traumatisme par beaucoup de catholiques français. Elle semblait venir comme un point d'orgue après la guerre de l'école, le refus de reconnaissance légale de beaucoup de congrégations, l'expulsion de leurs membres et la rupture unilatérale des relations diplomatiques de la France avec le Saint-Siège. Cette loi a été jugée inacceptable en 1906 et 1907 par le pape Pie X dans ses encycliques Vehementer nos, Gravissimo officii et "Une fois encore". Le pape Pie XI lui-même en 1924 dans son encyclique Maximam gravissimamque, dans laquelle il préconise la création d'associations diocésaines, ne reviendra pas sur la position de son prédécesseur. Comment expliquer alors que l'Église catholique en France se satisfasse aujourd'hui d'une situation initiée par cette loi de 1905 ? Tout simplement parce que le siècle écoulé depuis la promulgation de la loi a vu se produire d'importants changements.


3. Il faut tout d'abord noter que la loi de 1905 a été, de 1907 à nos jours, plus d'une fois complétée par d'autres dispositions législatives ou règlementaires, et interprétée par la jurisprudence. Plusieurs fois, en effet, et dès les premières années qui suivirent son adoption, cette loi fit l'objet, par la jurisprudence des tribunaux et la pratique administrative, d'interprétations ouvertes, dans la ligne indiquée par Aristide Briand lui-même : ce qui aurait pu être une loi de combat a cédé devant un esprit d'apaisement.


4. Contacts, dialogue, recherche commune entre l'Église catholique et l'État devaient faciliter la recherche de solutions ne tombant pas sous le coup des trois raisons majeures qui avaient motivé le refus pontifical :
La loi de 1905 était une rupture unilatérale, sans même une dénonciation par voie diplomatique, d'une convention internationale, le concordat de 1801. Les relations avec le Saint-Siège étaient rompues. Sans compter que l'application de la loi s'est faite dans des conditions particulièrement injustes et éprouvantes pour un certain nombre de catholiques, surtout parmi les religieux et les prêtres.
Le rétablissement, en 1921 des relations diplomatiques, à l'initiative du Gouvernement de la République, et l'accord de 1923-1924 entre la France et le Saint-Siège allaient ouvrir une issue.

La loi de 1905, dans les dispositions touchant l'organisation des cultes, risquait de ne pas respecter la nature de l'Église catholique et sa structure hiérarchique. En effet, les " associations cultuelles " prévues par la loi ne garantissaient pas suffisamment la responsabilité propre de l'évêque dans le diocèse ou du curé dans la paroisse. Finalement, l'interprétation autorisée de la loi par le Conseil d'État et cet échange de lettres (de 1923-1924) entre le Saint-Siège et le Gouvernement mirent en évidence qu'il était possible de parvenir à un accord entre la législation républicaine et les normes canoniques de l'organisation ecclésiale, expression de la liberté de l'Église catholique.

La loi de 1905 invoquait dans son titre une séparation qui paraissait inacceptable à beaucoup de catholiques dans le contexte d'alors. L'expérience et la réflexion ont permis de mieux rapprocher la notion de séparation de celles d'indépendance, d'autonomie et de coopération utilisées plus tard par le concile Vatican II pour caractériser les relations de l'Église catholique avec la communauté politique : "Sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l'Église sont indépendantes l'une de l'autre et autonomes. Mais toutes deux, quoique à des titres divers, sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles exerceront d'autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu'elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération" (Gaudium et spes n° 76 § 3).


5. C'est donc tout ce travail de dialogue, d'ajustement et de négociation au long d'un siècle qui a permis de calmer les passions, de se découvrir et de s'apprécier mutuellement. Aujourd'hui, les pouvoirs publics et l'Église catholique sont ainsi parvenus à des relations plus sereines, comme le soulignait le pape Jean-Paul II dans sa Lettre évoquée plus haut : "Cette paix, acquise progressivement, est devenue désormais une réalité à laquelle le peuple français est profondément attaché. Elle permet à l'Église qui est en France de remplir sa mission propre avec confiance et sérénité, et de prendre une part toujours plus active à la vie de la société, dans le respect des compétences de chacun" (n° 2).


NOTRE CONCEPTION DE LA LAÏCITE

6. Cette expérience d'un siècle de relations entre l'Église catholique et l'État nous permet aujourd'hui de mieux définir ce que nous entendons par laïcité et d'expliciter ce que nous affirmions en 1996 dans la Lettre que nous adressions aux catholiques de France : comme catholiques, nous nous situons "dans le contexte culturel et institutionnel d'aujourd'hui, marqué notamment par […] le principe de la laïcité" (Proposer la foi dans la société actuelle, p. 20).


7. Le régime de laïcité est lié à la non-confessionnalité de l'État et à sa non-compétence en matière de foi religieuse et d'organisation interne des communautés religieuses. L'État en effet n'est pas dépendant d'une confession religieuse ou d'une philosophie; il n'est pas compétent en ces domaines (cf. la Lettre de Jean-Paul II, n° 3). État et Église catholique sont dans deux registres distincts. A quelque niveau que ce soit (national, régional, départemental, communal), les pouvoirs publics n'interviennent pas dans la vie interne de l'Église, et l'Église n'a pas vocation à gérer le politique. Cette autonomie ne signifie pas ignorance mutuelle puisque l'État et l'Église sont "au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes" (Gaudium et spes). Pour autant, l'État de droit n'est pas indépendant vis-à-vis de l'éthique, puisqu'il est au service des droits de l'homme. Ainsi, l'Église ne sort pas de sa responsabilité quand elle interpelle les pouvoirs publics lorsque l'être humain ou les droits de la personne humaine et son aspect transcendant ne sont pas respectés. Cette juste séparation des pouvoirs n'empêche donc pas - bien au contraire - connaissance mutuelle, relations et dialogue. D'autant que la séparation entre Églises et État n'équivaut pas à une séparation entre Églises et société. Nous sommes reconnaissants au Président de la République et aux gouvernements successifs d'avoir institué en février 2002 et mis en œuvre une instance de dialogue et de concertation avec les représentants de l'Église catholique.


8. Cette conception de la laïcité assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes. Selon cette laïcité, l'État a le devoir de promouvoir le droit civil à la liberté religieuse (cf. Déclaration conciliaire Dignitatis humanae). Conformément à la loi de 1905, il a le souci de la juste intégration de ces confessions religieuses dans le jeu de la vie sociale, en respectant l'inviolabilité des consciences. C'est en ce sens que nous comprenons le caractère "laïque" de la République française tel qu'il est affirmé dans la Constitution de la Ve République. Cette "saine et légitime" (Pie XII, 28 mars 1958) conception de la laïcité se distingue de certaines conceptions radicales de la laïcité qui sont une approche négative du religieux, une volonté de réduire l'influence sociale des religions et de renvoyer celles-ci au seul domaine de l'intime et des convictions personnelles. Précisons à ce propos que nous nous inquiétons d'assister parfois, en certains lieux, à la résurgence d'attitudes et de prises de position marquées par un laïcisme qu'on aimerait croire dépassé.


9. Cette laïcité peut se vivre selon des régimes juridiques différents. Elle est, par nature et par définition, pluralité et diversité. En témoignent le régime général des cultes qui cohabite avec un régime local en Alsace Moselle, plusieurs régimes spécifiques en outremer, certains services publics d'aumôneries (hôpitaux, prisons, armée) dont les titulaires sont rémunérés, le statut particulier des Congrégations, le caractère propre de l'Enseignement catholique et la reconnaissance d'utilité publique d'œuvres caritatives.


10. Le régime de séparation, qui "ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte" (article 2 de la loi du 9 décembre 1905), établit l'exercice des cultes dans le domaine des libertés publiques, dans la foulée de la liberté d'association reconnue en 1901. Les cultes ne relèvent plus du droit public en ce qui concerne les règles de leur organisation interne. Cependant, par la protection dont bénéficient leurs activités propres, ils restent sous l'empire des principes régissant les libertés publiques. La Loi de séparation ne nie pas la dimension sociale des cultes pour enfermer le religieux dans le pur domaine des convictions personnelles. Soucieuse de permettre à chaque citoyen de pratiquer sa religion, elle a non seulement proposé la création des associations cultuelles, mais aussi d'aumôneries "destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons" (loi du 9 décembre 1905, art. 2).


11. Cent ans après la promulgation de la loi, le paysage français a bien changé. Des questions nouvelles se posent Nous ne sous-estimons pas la portée des interrogations soulevées par la Fédération protestante de France qui voit le fonctionnement des associations cultuelles remis en question par les modifications apportées à la loi de 1901 sur les associations. Nous n'ignorons pas les questions posées par l'implantation d'autres religions, notamment de l'islam, dans notre pays. Et nous nous réjouissons par ailleurs de constater chez beaucoup d'hommes de bonne volonté les progrès de la tolérance et du respect d'autrui.


12. Tout cela considéré, pour ce qui nous concerne, nous ne pensons pas qu'il faille changer la loi de 1905. Certes, il n'est pas dans notre intention de l'idéaliser. Mais, alors que la loi n'utilise pas le mot "laïcité", on en est venu à la considérer comme l'expression d'un équilibre satisfaisant des relations entre l'État et les organisations religieuses; elle a acquis par là une valeur symbolique certaine. En conséquence, il nous semble sage de ne pas toucher à cet équilibre par lequel a été rendu possible en notre pays l'apaisement d'aujourd'hui.


13. Nous ne sommes pas pour autant condamnés à l'immobilisme. Sans toucher aux principes édictés dans la loi, bien des solutions peuvent être trouvées aux questions nouvelles par des applications ouvertes de cette loi. Notre expérience d'un siècle est là pour témoigner que cela est possible.


APPORTER NOTRE CONTRIBUTION A LA VIE DE NOTRE PAYS

14. Au-delà de la question des relations des organisations religieuses avec l'État, l'anniversaire de la loi de 1905 pose la question de la façon dont ces organisations vivent dans une société marquée par la pluralité des convictions et des croyances et souhaitent apporter leur contribution au bien commun de la société.


15. La situation de l'Église catholique en France en 2005 est différente de ce qu'elle était en 1905. Diverses évolutions ont permis un rapprochement des esprits. Longtemps identifiée à un combat contre l'Église catholique et contre la religion au nom de l'émancipation des esprits par la raison, la laïcité est apparue, au cours du siècle, comme un régime de pacification des esprits par le droit dans un pays où se développait une pluralité de convictions et de croyances. De son côté, l'Église catholique, une nouvelle fois, a proposé, en la développant, sa conception de la liberté de conscience et de la liberté religieuse. La Déclaration conciliaire Dignitatis humanae rappelle la liberté de l'acte de foi : "Par sa nature même, l'acte de foi a un caractère volontaire. [] Il est donc pleinement conforme au caractère propre de la foi qu'en matière religieuse soit exclue toute espèce de contrainte de la part des hommes" (n° 10). Dans un régime de libertés publiques, dont les seules limites sont les exigences de l'ordre public prévues par la loi, l'Église catholique reconnaît à toute personne sa pleine et entière liberté de conscience, même lorsqu'elle n'approuve pas l'usage que celle-ci peut en faire. Dans sa présence au sein de la société, l'Église catholique privilégie le dialogue, la rencontre, l'échange et le partage (cf. Gaudium et spes, n° 16).


16. Disons-le clairement : l'Église catholique en France ne cherche pas à faire pression sur les esprits. Sa situation de confession majoritaire ne lui donne pas des privilèges mais une responsabilité accrue, celle d'apporter sa pierre à l'édification de notre société. Refusant toute attitude sectaire, elle désire contribuer à maintenir vivantes les valeurs religieuses, morales et spirituelles qui font partie du patrimoine de la France et ont contribué à son identité. Si elle intervient dans les débats de notre temps, c'est pour faire entendre sa conception de l'homme et témoigner de l'expérience dont elle est porteuse. Elle ne souhaite pas s'enfermer dans la défense de ses intérêts communautaires mais contribuer à promouvoir la dignité intégrale de chaque personne humaine dans notre vie sociale, ainsi que la paix et la justice dans notre société. Elle apporte avec d'autres sa participation dans des domaines divers : la solidarité, la culture, le vivre ensemble dans les cités, la participation à de multiples associations, la présence dans le domaine de la santé, de l'éducation, de la politique, le soutien aux familles, la consolidation des liens avec l'ensemble des Églises chrétiennes et les autres religions Mais elle offre surtout ce qu'elle a en propre et qui est sa raison d'être : faire connaître le Christ, source de renouvellement intérieur et de fraternité ouverte à tous.
Dans l'hommage universel qui lui a été adressé, la plupart des peuples ont reconnu que le pape Jean-Paul II a servi, en même temps et sans contradiction, la double mission de l'Église : œuvrer à l'union intime avec Dieu et à l'unité de tout le genre humain (cf. Lumen gentium, n°1).


17. Le même Jean-Paul II, dans la Lettre qu'il nous avait adressée le 11 février, demandait que le centenaire de la loi du 9 décembre 1905 soit l'occasion pour tous les catholiques d'un engagement renouvelé et d'un plus grand service de tous : "J'encourage les catholiques français à être présents dans tous les domaines de la société civile, dans les quartiers des grandes villes comme dans la société rurale, dans le monde de l'économie, de la culture, des arts, comme de la politique, dans les œuvres caritatives comme dans le système éducatif, sanitaire et social, avec le souci d'un dialogue serein et respectueux avec tous. Je souhaite que tous les Français travaillent main dans la main à la croissance de la société, afin que tous puissent en bénéficier" (n° 8).

Nous faisons nôtre cet appel et souhaitons tenir cet engagement.

Chevilly-Larue, le 15 juin 2005.
:arrow: Source : http://www.cef.fr

[...]Mgr Jean-Pierre Ricard assure que "ce centenaire est l'occasion de faire le point sur un siècle de relations entre l'Église et l'État. Nous sommes passés du choc de 1905 et des affrontements de 1906 lors de la querelle des inventaires à des rapports plus sereins. Jean Paul II avait adressé le 11 février [2005] une lettre aux évêques de France, dans laquelle il saluait cette évolution. Une déclaration adoptée par notre assemblée plénière, qui s' est tenue du 13 au 15 juin, va nous permettre d'exprimer notre conception de la laïcité. Elle est aussi l'occasion d'appeler les catholiques à poursuivre leur engagement dans la société".
Les évêques français ne sont pas favorables à un toilettage de la loi de 1905. "Celle-ci a fini par établir un juste équilibre des relations entre l'État et les religions. Elle a une dimension symbolique à laquelle les Français sont attachés. Nous n'en demandons pas le changement, même si on peut s'interroger sur le bien-fondé de l'interdiction des subventions aux cultes".
Pour Mgr Ricard, le débat sur la laïcité "révèle une interrogation sous-jacente et essentielle sur le "vivre ensemble", pour citer Paul Ricoeur. Quel est le socle commun sur lequel croyants et non-croyants peuvent s'entendre ? Le débat sur la laïcité a induit une lecture parfois très restrictive comparée à l'esprit d'ouverture qui a prévalu dans l'application de la loi de 1905. Nous n'acceptons pas que la dimension sociale des religions ne soit pas prise en compte, que l'appartenance religieuse soit reléguée dans le seul domaine des convictions individuelles".
:arrow: Source: Le Monde, du 17 juin 2005
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Le Cardinal Bertone dénonce la laïcité intolérante

Message non lu par etienne lorant » mar. 22 nov. 2011, 16:43

Le Vatican fustige la laïcité "intolérante"

AFP Mis en ligne le 22/11/2011

"Cette dictature du relativisme tend à exclure la dimension communautaire et publique de la foi et la présence de symboles religieux"
Le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'Etat et numéro deux du Vatican, a fustigé mardi un "laïcisme intolérant" en "conflit ouvert avec les valeurs chrétiennes traditionnelles", qui utilise "l'arme" de la "non discrimination" pour les étouffer.

Parlant devant le Conseil des conférences épiscopales d'Europe (CCEE) sur le thème de la "Nouvelle évangélisation", le cardinal italien a estimé que dans l'Europe d'aujourd'hui, "un certain pluralisme ne veut pas permettre que l'on distingue le bien et le mal" et qu'il devient donc "toujours plus difficile de distinguer entre la vérité, les erreurs et les mensonges".

"A côté d'une saine laïcité, coexiste un laïcisme intolérant", a-t-il critiqué, jugeant qu'"on abuse souvent du principe de la non discrimination comme d'une arme (..) dans le but de construire une dictature du relativisme".
Suite de l'article :
http://www.lalibre.be/actu/internationa ... rante.html
Dernière modification par Anne le mer. 23 nov. 2011, 4:48, modifié 1 fois.
Raison : Insertion des balises de citation et du lien-source
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par ericfavre » ven. 14 mai 2021, 11:48

Merci d'avoir ajouté les sources, trop peu de personne le font :D

Cinci
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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » dim. 16 mai 2021, 14:17

Merci d'avoir fait remonter ce fil. Ces documents peuvent s'examiner à la lumière de ce que racontent des auteurs comme Sévillia. Tout cela n'est pas dénué d'intérêt.

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Perlum Pimpum » dim. 20 juin 2021, 1:05

.
Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 14:08, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Riou
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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Riou » dim. 20 juin 2021, 11:47

Bonjour,

Vous faites dire aux textes l'inverse de ce qu'ils disent.
La loi de séparation implique un Etat non confessionnel, mais le pape en question s'empresse de dire qu'un Etat non confessionnel ne signifie pas un affranchissement de la loi naturelle. Si la "laïcité" devient un prétexte pour s'affranchir de la loi naturelle et pour combattre les religions, alors ce n'est pas la laïcité, mais une imposture qui vise, tel un cheval de Troie, à se servir de la laïcité pour imposer un athéisme d'Etat.
Mais si la loi de la séparation implique le respect de la loi naturelle bien qu'il n'y ait pas d'Etat confessionnel et sans pour autant combattre les religions, alors elle est légitime.
Or, que signifie "loi naturelle"? Dans la tradition philosophique que ce texte semble reprendre, il signifie l'ensemble des principes objectifs de l'action accessible à la raison seule, sans révélation surnaturelle. Autrement dit, la loi naturelle (ne pas tuer son prochain, par exemple) est inscrite dans le cœur et la raison humaine, et un Etat non confessionnel peut fort bien la respecter. La loi naturelle se connaît par la raison, et non par une connaissance surnaturelle. Ceci peut être compris comme une réflexion sur l'affirmation de Saint Paul selon laquelle un homme qui respecte la Loi sans l'aide de la Révélation est un homme qui se tient à lui-même lieu de Loi - c'est-à-dire qui retrouve en lui-même l'ordre moral objectif de la loi naturelle.
Perlum Pimpum a écrit :
dim. 20 juin 2021, 1:05

  • 1. Affirmative de la distinction des pouvoirs civils et ecclésiastiques, et affirmative de la subordination de la loi civile à la loi morale.
  • 2. Mais d’une loi morale considérée « en premier lieu » comme étant la Loi divine naturelle.
  • 3. D’où donc question quant à la part de l’ordre moral objectif inscrit non dans la Loi naturelle mais dans la Loi du Christ.

    • S’agit-il de restreindre l’ordre moral objectif à la seule Loi naturelle ? Ce serait un blasphème, aussi est-il inenvisageable que ce soit là la position ecclésiale.
    • Reste donc que la limitation à la Loi naturelle soit à raison de la non-confessionnalité catholique de l’État, quand l’État est perversement tel.
C'est un faux raisonnement qui tord le sens des expressions du pape. La loi naturelle est un ordre moral objectif qui n'a pas besoin de la Révélation pour être connu. Qu'en dernier lieu il soit crée par Dieu n'implique pas qu'il faille la Révélation pour le connaître. De manière analogue, que les vérités mathématiques soient crées par Dieu ne signifie pas qu'il faille avoir foi en Dieu pour connaître que la sommes des angles d'un triangle est nécessairement égale à 180°.
Votre troisième proposition pose une question erronée : il n'est pas question de "restreindre" quoi que ce soit dans le texte cité, mais simplement d'affirmer que la loi naturelle (ordre moral objectif) est connaissable sans le secours du surnaturel.
Que la loi civile et politique soit subordonnée à la loi naturelle est une affirmation qui se propose de réfléchir sur les principes de justice qui doivent régenter une société. Or, le texte du pape affirme clairement qu'en politique, un Etat injuste serait un Etat qui pense pouvoir s'émanciper de la loi naturelle (et non surnaturelle, ce qui déplace la question sur un terrain différent du problème de la confessionnalité de l'Etat).
Perlum Pimpum a écrit :
dim. 20 juin 2021, 1:05

  • 4. D’où donc cette question : l’État catholique est-il tenu à la laïcité ?

    • Oui, à condition de prendre « laïcité » au sens de 1.
    • Mais puisque l’État catholique est catholique, impossible que l’instance morale légitimant ses lois civiles soit seulement la loi morale naturelle : la loi divine positive (surnaturelle) l’est aussi.
    • Ainsi entendue la saine laïcité est ce que j’appelle théocratie : le pouvoir civil a une autorité qui lui est propre, subalternée à celle de Dieu ; l’autorité de l’État étant inchoactivement en ceci que Dieu, auteur de l’homme animal social, est du fait-même l’auteur des sociétés civiles ; complétivement dans la conformité des lois civiles à la Loi de Dieu naturelle et positive. L’autorité légitimant l’exercice du pouvoir, le pouvoir civil est légitime à agir s’il se conforme à la Loi divine, de sorte que se conformant à la volonté divine, le pouvoir civil (cratos) s’exerce selon la volonté de Dieu (theos) : Dieu règne sur les royaumes terrestres par le biais des pouvoirs civils soumis à la volonté divine.
Votre question initiale est absurde et contradictoire dans les termes : un Etat laïc au sens de la séparation est, par définition, un Etat non confessionnel, donc un Etat non catholique comme non musulman ou autre. Votre question initiale étant absurde et insensée, vos raisonnements ultérieurs, qui s'appuient sur cette contradiction initiale sont tout aussi absurdes et insensés. Dire que la saine laïcité est la théocratie est tout de même un égarement intellectuel aberrant qui manifeste une incompréhension totale des termes de la question (ou une perversion du sens des mots, au choix).
Perlum Pimpum a écrit :
dim. 20 juin 2021, 1:05

572 Le principe de laïcité comporte le respect de toute confession religieuse de la part de l'État, « qui assure le libre exercice des activités cultuelles, spirituelles, culturelles et caritatives des communautés de croyants. Dans une société pluraliste, la laïcité est un lieu de communication entre les diverses traditions spirituelles et la nation ».1198
Ceci ne vaut que quand l’État est a-catholique. Car la « saine laïcité » ne reconnaît la liberté de croyance et de culte des religions infidèles que si conformes à l’ordre public juste par sa conformité à l’ordre moral objectif.

« Cette affirmation conciliaire constitue la base doctrinale de la « saine laïcité » qui implique l’autonomie effective des réalités terrestres, non pas de l’ordre moral, mais du domaine ecclésiastique. Ce n’est donc pas l'Église qui peut indiquer quelle organisation politique ou sociale il faut préférer, mais c’est le peuple qui doit décider librement des façons les meilleures et les plus adaptées d’organiser la vie politique. Toute intervention directe de l'Église dans ce domaine serait une ingérence indue. D’autre part, la « saine laïcité » implique que l'État ne considère pas la religion comme un simple sentiment individuel, qui pourrait être limité au seul domaine privé. Au contraire, la religion, étant également organisée en structures visibles, comme cela a lieu pour l'Église, doit être reconnue comme présence communautaire publique. Cela comporte en outre qu’à chaque confession religieuse (à condition qu’elle ne soit pas opposée à l’ordre moral et qu’elle ne soit pas dangereuse pour l’ordre public), soit garanti le libre exercice des activités de culte… » Audience de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI aux participants au 56e Congrès national d’études de l’Union des Juristes catholiques italiens.
Or d’une, les religions infidèles sont toutes et chacune opposées à l’ordre moral objectif, puisque toutes contraires à la Loi du Christ.

Vous comprendrez que toutes vos interprétations ultérieures s'effondrent. La doctrine sociale, cité plus haut dans votre message, dit bien que la vérité est une, quand bien même elle serait présente sous diverses expressions dans différentes formes de communautés religieuses (et donc pas seulement catholique). Donc : la loi naturelle ( => ordre moral objectif connaissable sans l'intervention du surnaturel) peut se trouver dans de multiple formes de croyances religieuses, et il s'agit toujours de la même vérité (de là l'intérêt du sujet ouvert par prodigal sur la vérité). La doctrine sociale reconnaît cette possibilité. Ce qui signifie qu'on ne peut pas dire :
1. Que toutes les religions, à l'exception du catholicisme, sont absolument opposées à l'ordre moral objectif (cela, c'est vous qui le dites, pas l'Eglise et encore moins les textes que vous citez dans votre message, qui disent l'exact inverse).
2. Que respecter l'ordre moral objectif supposerait une théocratie catholique - puisque le principe de séparation et de la tolérance des religions est limité uniquement par l'impératif de la non contradiction des diverses religions avec l'ordre moral objectif et l'ordre public.

Autrement dit, les textes fondamentaux que vous citez affirment le principe de laïcité au sens républicain de la séparation (loi 1905), et ils disent l'exact inverse de ce que vous affirmez par des raisonnements fallacieux.

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Suliko » dim. 20 juin 2021, 12:42

Autrement dit, les textes fondamentaux que vous citez affirment le principe de laïcité au sens républicain de la séparation (loi 1905), et ils disent l'exact inverse de ce que vous affirmez par des raisonnements fallacieux.
Ce qui est certain, c'est que l'enseignement traditionnel de l'Eglise s'oppose à la séparation des pouvoirs spirituel et temporel. Il ne saurait donc être question d'un Etat laïc. Votre interlocuteur considère que DH ne contredit pas cet enseignement traditionnel. Je considère au contraire qu'il le contredit.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » dim. 20 juin 2021, 14:11

En effet, je suis d'accord avec la critique de Riou. La lecture de Perlum Pimpum me paraît forcée et même contredire ce que serait la pensée des derniers papes dont Benoit XVI.

Il est bien certain que l'Église catholique de l'an 2021 n'irait jamais avancer que la seule forme de laïcité possible et légitime serait celle dans laquelle le gouvernement serait dans l'obligation de se soumettre à un ordre moral tel qu'enseigné par l'Église catholique; ici, du fait que c'est bien l'Église qui serait la gardienne d'une révélation surnaturelle et ce sur quoi toute l'organisation de la société devrait reposer.


___

P.S. : la phrase ci-dessous attribuée à Paul VI est introuvable dans sa lettre de 1971 adressée au cardinal Maurice Roy.

« Ni les erreurs des socialistes ni celles des communistes ne se seraient point universellement répandues si les gouvernants n’avaient rejeté les directives de l’Église et ses avertissements maternels ; mais les dirigeants politiques, ayant embrassé ce qu’on appelle le libéralisme et le laïcisme, organisèrent selon de telles impostures la constitution et le gouvernement de l’État… [...] »

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Foxy » dim. 20 juin 2021, 14:32

Cinci a écrit :
dim. 20 juin 2021, 14:11


P.S. : la phrase ci-dessous attribuée à Paul VI est introuvable dans sa lettre de 1971 adressée au cardinal Maurice Roy.

« Ni les erreurs des socialistes ni celles des communistes ne se seraient point universellement répandues si les gouvernants n’avaient rejeté les directives de l’Église et ses avertissements maternels ; mais les dirigeants politiques, ayant embrassé ce qu’on appelle le libéralisme et le laïcisme, organisèrent selon de telles impostures la constitution et le gouvernement de l’État… [...] »

:?:
Il me semble que cette phrase vient de l'encyclique "Rédemptoris" de de Pie XI (encyclique dite "inconnue")

Voir ici à la page 43 de la traduction de Jean Madiran : https://books.google.fr/books?id=JYnHaT ... es&f=false

et l'encyclique : https://www.vatican.va/content/pius-xi/ ... toris.html
La foi que j’aime le mieux,dit Dieu,c’est l’Espérance.
Charles Péguy

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Perlum Pimpum » mar. 22 juin 2021, 10:01

Oui, en effet, il y a un souci

J’ai tiré ces citations de Louis Lamartel, La doctrine sociale de l’Église, p.17, éd. DMM. La première citation tirée de cet ouvrage renvoyait à Divini Redemptoris et non à Octogesima Adveniens : j’ai confondu. Par ailleurs je croyais qu’il citait les encycliques ; il ne faisait manifestement que les résumer

La première citation extraite de l’ouvrage de Louis Martel renvoyait à Divini Redemptoris, 31. Mais vérification faite, DR 31 ne dit pas cela. Il faut aller à DR 38 pour lire quelque chose d’avoisinant : « 38. On peut dire en toute vérité que l'Eglise, à l'imitation du Christ, a passé à travers les siècles en faisant du bien à tous. Il n'y aurait ni socialisme ni communisme si les chefs des peuples n'avaient pas dédaigné ses enseignements et ses maternels avertissements. Mais ils ont voulu élever, sur les bases du libéralisme et du laïcisme, d'autres constructions sociales, qui tout d'abord paraissaient puissantes et grandioses; mais on vit bientôt qu'elles n'avaient pas de fondements solides; elles s'écroulent misérablement l'une après l'autre, comme doit s'écrouler fatalement tout ce qui ne repose pas sur l'unique pierre angulaire qui est Jésus-Christ. »
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Perlum Pimpum » mar. 22 juin 2021, 13:48

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Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 17:27, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Cinci » mar. 22 juin 2021, 18:21

Perlum Pimpum,

Le problème principal avec votre effort de démonstration : il se trouve contredit par le comportement réel des personnes compétentes en charge dans l'Église catholique.


Ce qui est de l'ordre du factuel

L'État espagnol aura modifié sa constitution immédiatement après le concile Vatican II, pour reconnaître maintenant plusieurs religions. Et en 1975, Franco sur son lit de mort, le roi d'Espagne aura fini de liquider les dernières traces du catholicisme comme religion d'État. Et tout ceci n'aura pu s'accomplir que grâce au concile Vatican II et le concours intéressé des évêques catholiques en union avec la politique du Saint-Siège. L'Espagne possédait fort bien en partant ce que Benoit XVI viendrait nous dire être comme le but idéal promut dans la tradition de l'Église et que Vatican II ne viendrait pas contester. Sauf que les évêques se sont réellement activé à vouloir démolir l'ordre catholique existant. Problème ...

La politique réelle suivie dément les beaux principes ou les belles paroles.

Dans une conférence de décembre 1975, c'est Mgr Lefevbre qui relatait ce qu'il avait appris de la bouche même du président de la Colombie - Quoi ? - ceci : que ce sont les envoyés de la Secrétairie d'État au Vatican qui auront fait le siège (sic.) du gouvernement de la Colombie pendant deux ans (alors un État comptant une population à 98% catholique, la Colombie et dont la religion officielle était le catholicisme), pour que ce pays modifie sa constitution et reconnaisse officiellement d'autres religion. Ce qui fut fait à la demande du Vatican. Et, comme en Espagne, pour finir et en 1991 : l'État colombien aura achevé de nettoyer les derniers vestiges d'un catholicisme comme religion d'État. F-i-fi-fini ! C'est fini du catholicisme comme religion d'État en Colombie depuis 1991. Aura-t-on vu Jean-Paul II se plaindre de cela ? Non. Pas à ma connaissance.


Puis nous avons le pape François (est-il compétent en la matière ?) qui vient déclarer, dernièrement, qu'il fallait que les États soient laïcs; précisant même que la confessionnalité des États serait une mauvaise idée «parce que les États confessionnels finissent toujours mal» . C'est le pape qui vient dire publiquement que l'idée d'un catholicisme comme religion d'État serait une idée contraire au sens de l'histoire. Alors ici que l'on soit d'accord ou pas avec le jugement du pape François importerait peu, comme l'on sera bien forcé d'admettre au moins que sa posture publique affichée fait parfaitement écho à ce que racontait déjà Mgr Lefevbre, au sujet de la politique adoptée en haut lieu dans le Secrétariat d'État au Vatican. Oui, il y a une cohérence à Rome. Mais ce n'est pas celle de Pie IX, Léon XIII, Pie X ...

Tout cela pour dire que, malgré les belles paroles toutes théoriques du cardinal Ratzinger sur le papier à entête de la CDF à l'époque, savoir que l'Église actuelle ne s'opposerait pas à l'idée que des chefs d'États puissent reconnaître officiellement la religion catholique comme la vraie religion et etc., la réalité de la politique suivie par la diplomatie vaticane, depuis Vatican II, nous force à penser le contraire.

En fait, la pensée de l'ex-cardinal Ratzinger devient tout simplement surréaliste ou irréaliste. Ce serait comme déclarer souhaitable en principe que tout le monde au gouvernement et dans le pays puisse se comporter réellement comme si la religion catholique serait bien la religion officielle du pays mais - attention ! - sans l'appui aucun des institutions. Comme par le seul pouvoir du Saint-Esprit ou de la Sainte Vierge ! L'esprit sans le corps. Le catholicisme serait la seule religion reçue en France en l'an 2074 supposons, bien qu'aucun texte de loi en ferait état, sans le concours des magistrats, sans mention dans la constitution, aucune charte, aucun statut. La pure magie ... Peut-être du fait du seul bel exemple de qualités morales extraordinaires dont devraient faire montre les fidèles aux yeux des mécréants ? Ce n'est pas sérieux.

La vérité c'est plutôt ce que Benoit XVI aura déjà pu dire dans un autre moment, savoir que les dirigeants de l'Église catholique désiraient maintenant (depuis Jean XXIII) que la pensée de l'Église et sa doctrine puissent s'amalgamer (féconder, lui dirait) avec le système libéral dit démocratique. Et, ajouterait-on, dont la gouverne des États-Unis devrait pouvoir servir de modèle dans ses rapports avec un pluralisme religieux. Il n'est que cela qui explique très bien la politique suivie par l'Église catholique depuis 1965. Rien d'autre ! Ce n'est pas tellement le souci d'éviter de contredire les anciens papes.

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Re: L'Église sur la laïcité

Message non lu par Perlum Pimpum » mar. 22 juin 2021, 23:37

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Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 17:28, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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