Dignitatis humanae - Déclaration sur la liberté religieuse

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archi
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Re: Liberté religieuse

Message non lu par archi » lun. 09 janv. 2012, 22:17

Suliko a écrit :Cela fait déjà quelque temps que je me pose beaucoup de questions par rapport à la position de l'Eglise sur la liberté religieuse. Je vais être sincère: je n'arrive pas à comprendre en quoi il n'y a pas rupture sur la question depuis Vatican II. J'ai beau retourner la question dans tous les sens, j'ai de la peine à comprendre la logique du Concile sur ce point précis. Par exemple, est-ce que la nouvelle position de l'Eglise n'empêche-t-elle pas, dans la pratique, d'avoir un Etat dont les lois seraient en accord avec la doctrine catholique? Comment concilier un texte comme « Dignitatis humanae » et certains passages du Syllabus (par exemple) ?
Bonjour Suliko. Je vais tenter une réponse - certainement pas définitive - à cette question complexe.

Dans un cas comme cela, ce que je me demande d'abord, c'est: que nous enseignent les sources de la Révélation, c'est-à-dire l'Ecriture et la Tradition Apostoliques (les textes magistériels comme ceux mentionnés ci-dessus n'étant qu'au service de cette Révélation)?

Il y a un premier point, essentiel, c'est le fameux "rendez à César ce qui est à César...".

César, c'est le titre des empereurs romains. Qui se considéraient comme détenteurs du pouvoir spirituel...
S'il y a bien une rupture - sans aucun doute providentielle pour la survie de l'Eglise, mais annonciatrice de bien des difficultés et des ambiguités - ce fut la conversion de Constantin, à partir de laquelle César a été chrétien. Il n'en a pas moins continué de se considérer comme détenteur du pouvoir spirituel, demandant qu'on rende à César ce qui est à Dieu. Le césaro-papisme de l'empereur romain d'Orient a été bien établi jusqu'à la chute de Constantinople en 1453, l'empereur nommait les patriarches et les clercs étaient des fonctionnaires impériaux. Plus près de nous, la Russie tsariste a repris le même modèle, avec une tournure particulièrement despotique sous Ivan le Terrible puis Pierre le Grand.

En Occident, la Papauté n'a eu de cesse de lutter contre la prétention des souverains temporels à détenir le pouvoir spirituel, de Charlemagne à Napoléon en passant par Henri IV (l'Empereur germanique), Philippe le Bel, Henri VIII d'Angleterre, Louis XIV... Si on lit l'histoire de la Papauté, l'essentiel de cette histoire a consisté dans cette lutte. Avec un succès rematif d'ailleurs, si l'on en juge par les Concordats et autres compromis qui ont souvent dû être adoptés.

Le problème est que dans cette démarche, on peut considérer qu'elle a fini, dans l'autre sens, par se prendre pour César, par attendre des souverains temporels qu'ils soient purement et simplement le bras armé de l'Eglise, appliquant les décisions des Papes et des Conciles. Latran IV avec ses canons pour réprimer l'hérésie albigeoise, comme celui imposant aux souverains (sous peine d'excommunication) de brûler les hérétiques, en est un bon exemple... Un St Jean Chrysostome était horrifié par une telle idée.

Or, le 2e point qui se dégage tout ce qu'il y a de plus clairement de l'Ecriture Sainte, c'est que le Christ, qui est certes le véritable Roi du monde, n'a pas voulu manifester sa puissance sur le plan temporel, a même obstinément refusé ceux qui auraient voulu le faire Roi lors du triomphe des Rameaux. Lorsque l'Eglise en vient à faire ce que le Christ avait refusé, il me semble qu'il y a une dérive à corriger...

La situation actuelle est quelque peu différente (encore que... cf la situation de l'Eglise en Chine). Dans les pays occidentaux, le pluralisme religieux est devenu la règle. L'Eglise a fini par comprendre qu'elle n'avait pas à craindre un régime de "libre concurrence" religieuse, selon le modèle américain. Et il n'est pas anormal qu'elle le réclame contre les pays qui tendraient à imposer une fausse religion, et n'a pas à regretter outre mesure l'époque où c'est la religion chrétienne que les souverains imposaient, avec toutes les ambiguités que cela comportait.
Les fausses religions ont-elles véritablement les mêmes droits que la vraie ? Parce que dans la pratique, c’est bien d’un traitement égal entre le vrai et le faux dont il s’agit…Or, n’est-ce pas favoriser l’erreur que de le mettre, du point de vue du droit, à égalité avec la vérité ? N’est-ce pas dangereux pour les âmes, qui risquent de s’égarer bien plus facilement qu’autrefois ? J’ai l’impression que la position de l’Eglise accepte la situation actuelle, càd d’être placé à égalité avec les autres religions et sectes dans ce qu’on pourrait appeler le marché du religieux, L’Eglise n’y est qu’un « produit » parmi tant d’autres…Je ne dis pas que l’Eglise n’enseigne plus la vérité, mais seulement que sur le plan pratique, cela ne se voit pas.
Avons-nous confiance en l'action du Saint Esprit? La Vérité peut-elle s'imposer librement sans les armes de la coercition? Si oui, nous ne devrions pas craindre une situation d'égalité de traitement... Sinon, où est notre foi?

Ceci dit, on peut trouver qu'il y a une certaine naïveté à généraliser un "modèle américain" qui ne marche guère qu'aux USA et dans une certaine mesure dans les pays occidentaux, et rien n'indique que cela durera. L'histoire des pays non chrétiens, c'est plutôt celle d'une persécution. Qui a bien failli devenir mortelle, n'eût été, justement, l'action de l'Esprit, dans les premiers siècles du christianisme. Qui l'a déjà fait disparaître de certains pays... Qui entraîne toutes les persécutions que nous connaissons. Reste que dans ce contexte, la doctrine revendiquant la liberté de culte pour tous, y compris les chrétiens, est appropriée.

L'idéal serait peut-être le souverain se considérant chrétien, craignant Dieu, et pas détenteur du pouvoir spirituel, respectant la liberté des cultes du moment qu'elle ne franchit pas certaines bornes (Dignitatis Humanae indique bien que la liberté religieuse ne peut être absolue). Comme dans d'autres domaines, entre ce que disait le Concile et ce que l'Eglise en a fait, il y a eu un décalage, bien excessif quand certains ont renoncé à la conversion de ceux mêmes qui la demandaient, quand un Pape a demandé à des chefs d'Etat de retirer malgré eux les références chrétiennes de leur Constitution (en Colombie par exemple)... aujourd'hui on revient en arrière, on se rend compte que les terres chrétiennes doivent se souvenir de leurs racines spirituelles. Il est impossible d'être neutre, on est avec Dieu ou contre Lui.

Mais encore une fois, ce n'est pas à l'Eglise d'imposer sa loi par la coercition, mais au souverain chrétien, s'il s'en trouve (et ça c'est par la prédication apostolique que ça pourra de nouveau arriver), de garantir à l'Eglise et à la Vérité qu'elle transmet la place qu'elle mérite dans la vie civile, mais aussi dans la morale en tant qu'organisatrice des lois.

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Suliko
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Re: Liberté religieuse

Message non lu par Suliko » mer. 11 janv. 2012, 14:48

Merci pour les deux nouvelles réponses. Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais d'abord répondre à archi.
Or, le 2e point qui se dégage tout ce qu'il y a de plus clairement de l'Ecriture Sainte, c'est que le Christ, qui est certes le véritable Roi du monde, n'a pas voulu manifester sa puissance sur le plan temporel, a même obstinément refusé ceux qui auraient voulu le faire Roi lors du triomphe des Rameaux. Lorsque l'Eglise en vient à faire ce que le Christ avait refusé, il me semble qu'il y a une dérive à corriger...
Cela veut-il dire que de Constantin à Vatican II, l'Eglise a mal interprété l'Evangile? Comment se fait-il alors qu'aucun saint n'ait protesté, que la situation était approuvée par les papes et par le peuple? Je sais bien que le césaro-papisme est un extrême qui, même à l'époque, n'allait pas forcément de soi. Mais doit-on pour autant renoncer à faire régner le Christ dans la société? Je pensais que le fameux "Laissez à César..." voulait simplement dire que les pouvoirs spirituels et temporels devaient être distingués, mais non pas séparés, et au contraire coopérer ensemble, ce qui implique forcément une quelconque reconnaissance de la religion catholique par l'Etat.
Et il n'est pas anormal qu'elle le réclame contre les pays qui tendraient à imposer une fausse religion,
Mais vous savez que dans la pratique, l'Eglise est perdante sur presque tous les points. Jamais la liberté religieuse qu'elle proclame n'empêchera les pays islamiques ou communistes de nous persécuter et de ne pas nous reconnaître les mêmes droits qu'aux autres religions/idéologies.

Vous parlez de la confiance que nous devons avoir en l'Esprit Saint. C'est en soi très bien. Mais diriez-vous des papes préconciliaires qu'ils n'avaient pas confiance en l'Esprit Saint lorsqu'ils décrétaient que la liberté religieuse était une ineptie et une erreur?
J'aimerais aussi dire que derrière la liberté religieuse se cache bien souvent une idéologie hostile à la religion. Par exemple, il est bien facile pour les politiciens français d’aujourd’hui que la laïcité et la liberté religieuse permettent à toutes les religions de cohabiter en paix. Dans les faits, vous savez bien que nombre de ceux qui ont milité pour la laïcité étaient hostiles envers l’Eglise et ne désiraient rien d’autre que la fin de la religion et de son influence dans la société.
Le problème est bien là. Où y a-t-il véritablement liberté lorsqu’on constate cette hostilité diffuse envers le catholicisme. Où est la liberté lorsque la majorité de la population est athée, agnostique ou déiste (ce qui dans les faits revient à peu près au même) ? Vous croyez vraiment qu’ils le sont par une véritable démarche intellectuelle ? Pour la majorité, ce n’est pas le cas. C’est simplement que l’idéologie dominante est relativiste, hostile envers tout dogme. J’aimerais bien croire que la laïcité peut exister sans que le catholicisme soit remplacé par une idéologie qui lui est hostile, mais vu la situation actuelle en Europe, j’ai bien de la peine à le croire…J'ai quand même le sentiment que la violente critique de l'Eglise par les Lumières et les valeurs qui sont issues de cette période sont en quelque sorte inséparables.

En ce qui concerne le cas de la Colombie (entre autres), à laquelle l'Eglise a demandé de retirer les références chrétiennes de la constitution, ne peut-on pas à la limite trouver cela conforme à « Dignitatis humanae » ? A partir du moment où l’Eglise accorde la liberté religieuse en raison de la dignité humaine, n’est-il pas logique que les Etats soient neutres d’un point de vue religieux ? C’est peut-être une interprétation extrême, mais elle ne me paraît pas en contradiction avec le Concile.
Pour ce qui est des racines chrétiennes de l’Europe, j’étais auparavent tout à fait d’accord pour les reconnaître et indignée de ce refus. Mais tout compte fait, que voudraient bien signifier des racines mortes ? Si ces valeurs chrétiennes n’influencent plus la société, ce ne sont que des mots sur un papier. Cela témoignerait certes du passé de l’Europe ( et personne ne nie notre passé chrétien), mais cela ne servirait à rien d’autre…Les âmes ne vont pas revenir à l’Eglise comme cela.

J'ai conscience que je pose beaucoup de questions et je vous remercierais déjà si vous répondiez à une ou deux d'entre elles!
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Liberté religieuse

Message non lu par Raistlin » mer. 11 janv. 2012, 16:13

MB a écrit :Très honnêtement, je crois que la vision préconciliaire "hard", à laquelle je m'oppose pourtant, est davantage de nature à garder les chrétiens dans la maison. Pour une raison très simple : les gens se fichent de la Vérité, et recherchent avant tout, dans une doctrine, quelque chose qui réponde à leur besoin d'appartenance. Or plus une doctrine est rigide, plus elle satisfait ce besoin : ce qui explique pourquoi les musulmans sont si facilement soudés dès lors qu'ils affrontent l'extérieur. Contrairement à l'opinion répandue, je pense donc que si l'Eglise avait conservé sa vision d'avant 1965, elle aurait perdu moins de fidèles. Mais cela se serait fait au prix d'une infamie intellectuelle. Il faut donc lui rendre hommage, une fois de plus : elle a pris le risque de moins "enrôler", de manière à conserver le caractère authentiquement libre de la conversion au Christ.
Je suis complètement d'accord avec cette vision des choses.

Suliko a écrit :Cela veut-il dire que de Constantin à Vatican II, l'Eglise a mal interprété l'Evangile?
Premièrement, je ne suis pas certain que l'Église ait déjà abordé sérieusement la question de la liberté avant Vatican II. En revanche, une chose est absolument certaine : l'Église s'est toujours opposée aux conversions sous la contrainte car l'adhésion au Christ doit rester une démarche personnelle et libre. Il y a là une reconnaissance implicite de la liberté religieuse qui n’est jamais la liberté de prêcher le faux ou le mensonge, mais bien de pouvoir choisir librement d’orienter sa vie vers telle ou telle doctrine. Comme l'a dit MB, l'Église a souffert et souffre encore dans ses membres du manque de liberté religieuse. Comment pourrait-elle réclamer le droit de dire sa foi au Christ et, en même temps, nier absolument le droit à tout homme de choisir de croire en ce qui lui semble vrai ? Ce serait profondément incohérent, ou alors ce serait avoir une vision islamique des choses : les croyants ont plus de droits que les autres.

Deuxièmement, il ne faut pas oublier que la doctrine catholique ne cesse de se développer depuis 2000 ans. Il ne faut donc pas s’étonner que l’Église ait développé sa compréhension de la liberté religieuse et que celle-ci n’arrive que maintenant, la situation moderne étant tout à fait unique dans l’Histoire de l’Humanité et les questions soulevées également.

Cordialement,
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Re: Liberté religieuse

Message non lu par archi » ven. 13 janv. 2012, 21:39

Suliko a écrit :
Or, le 2e point qui se dégage tout ce qu'il y a de plus clairement de l'Ecriture Sainte, c'est que le Christ, qui est certes le véritable Roi du monde, n'a pas voulu manifester sa puissance sur le plan temporel, a même obstinément refusé ceux qui auraient voulu le faire Roi lors du triomphe des Rameaux. Lorsque l'Eglise en vient à faire ce que le Christ avait refusé, il me semble qu'il y a une dérive à corriger...
Cela veut-il dire que de Constantin à Vatican II, l'Eglise a mal interprété l'Evangile? Comment se fait-il alors qu'aucun saint n'ait protesté, que la situation était approuvée par les papes et par le peuple? Je sais bien que le césaro-papisme est un extrême qui, même à l'époque, n'allait pas forcément de soi.
Il est indéniable que la conversion de Constantin et surtout le statut de religion d'Etat à partir de Théodose ont entraîné de grands bouleversements dans l'Eglise, avec l'afflux de fidèles... pas aussi motivés qu'avant (lire les homélies de St Jean Chrysostome se lamentant de l'assistance à géométrie variable des fidèles à la Liturgie dominicale, en concurrence avec les jeux divers et variés...), le monachisme apparu en réaction, l'inscription des canons de l'Eglise dans les lois civiles, les conciles oecuméniques... et leurs divisions tragiques à partir du Concile d'Ephèse. Etc... L'Eglie actuelle a hérité de cette situation. Le plus grand mérite de Vatican II est sans doute d'avoir voulu tourner cette page qui n'est plus d'actualité (qu'on le veuille ou non) et recentrer l'Eglise sur l'essentiel. Qu'il y soit parvenu est une autre question, pour le moment, il est certain que ça s'est fait dans la douleur...

Après, il faut bien voir les forces à l'oeuvre dans l'Empire romain sous ses diverses déclinaisons, même après la chute de l'Empire d'Occident et plus tard de celui d'Orient, la plupart des souverains européens jusqu'à Napoléon inclus cherchant toujours à se rattacher à l'idéal impérial resté vivace.

D'un côté, le modèle impérial, c'est l'empereur (donc un souverain temporel... ayant conquis le pouvoir soit par leurs faits d'armes, soit en héritant de ceux qui l'avaient gagné par leurs faits d'armes, et de temps en temps par complot et usurpation...) prétendant cumuler les 2 pouvoirs spirituels et temporels, et souvent pour se présenter comme Dieu vivant. On trouve ce modèle depuis aussi longtemps qu'on trouve des empires, depuis Babylone et l'Egypte jusqu'à l'Empire japonais dont le chef a été forcé en 1945 d'annoncer à ses sujets qu'il n'était pas Dieu mais bien un homme ordinaire...

D'un autre côté, il y a le chef de l'Eglise, le Pape, qu'on peut créditer d'avoir toujours lutté (même si ça n'a pas toujours été pleinement possible) contre cette soumission du spirituel au temporel.

En même temps, on ne peut pas ne pas voir la tendance à vouloir également, plutôt que de seulement conserver l'indépendance du pouvoir spirituel, à prétendre cumuler les 2 pouvoirs, d'une façon qui n'appartient normalement qu'au Christ, Prêtre et Roi. On doit rattacher à ce fait la fausse donation de Constantin, longtemps tenue pour vrai, y compris par certains papes, qui faisait de la Papauté l'héritière de l'Empire romain.

Je ne sais pas, une doctrine à laquelle on ne trouve pas de véritables fondements apostoliques (contrairement à celui, de la Primauté de l'Eglise romaine, dont on trouve la trace dès le Ier Siècle), fondée sur un faux... ça me met mal à l'aise, pas vous?

Des épisodes de l'Evangile comme le dimanche des Rameaux, l'interrogatoire devant Pilate, sont clairs et cela n'a jamais fait, à ma connaissance, l'objet d'une autre interprétation que celle du Christ, vraiment roi, descendant et héritier de David ("fils de David"), mais qui a refusé de saisir maintenant la couronne temporelle qu'on lui tendait.

La seule question qui vaille est: sommes-nous fidèles à l'Evangile et à ceux qui nous l'ont transmis (ie la Tradition avec un grand T, celle qui nous vient des Apôtres)?

Mais doit-on pour autant renoncer à faire régner le Christ dans la société? Je pensais que le fameux "Laissez à César..." voulait simplement dire que les pouvoirs spirituels et temporels devaient être distingués, mais non pas séparés, et au contraire coopérer ensemble, ce qui implique forcément une quelconque reconnaissance de la religion catholique par l'Etat.
Là je ne peux que répéter ce que j'ai écrit plus haut:
Mais encore une fois, ce n'est pas à l'Eglise d'imposer sa loi par la coercition, mais au souverain chrétien, s'il s'en trouve (et ça c'est par la prédication apostolique que ça pourra de nouveau arriver), de garantir à l'Eglise et à la Vérité qu'elle transmet la place qu'elle mérite dans la vie civile, mais aussi dans la morale en tant qu'organisatrice des lois.
D'un autre côté, on devrait approfondir la notion de Royauté sacrée, sa place légitime (dans l'Ecriture Sainte, je pense qu'on peut dire que le Roi sacré par excellence, c'est David), et ses conséquences sur la vie civile, notamment à la lumière de faits comme la mission miraculeuse de Jeanne d'Arc (qui ne fait pas partie à proprement parler de la Révélation, mais qui est suffisamment extraordinaire pour qu'elle mérite qu'on s'y arrête).

Soit dit en passant, à propos de Jeanne d'Arc dont je me suis toujours demandé pourquoi Dieu se serait attardé à favoriser de façon extraordinaire le Roi de France capétien contre le Roi de France normand... j'ai lu récemment que l'enjeu était plutôt la lutte du parti Armagnac (la Royauté sacrée, donnée par Dieu comme le dit Jésus à Pilate) contre le parti Bourguignon représentatif d'un pouvoir bourgeois et presque "laïc" avant l'heure.

Certains (comme l'historien Sylvain Gougenheim) considèrent que le conflit entre la Papauté et l'Empire a favorisé, en réaction, la laïcisation du pouvoir temporel. Je ne sais pas ce que vaut cette analyse d'historien, mais elle existe.

Vous parlez de la confiance que nous devons avoir en l'Esprit Saint. C'est en soi très bien. Mais diriez-vous des papes préconciliaires qu'ils n'avaient pas confiance en l'Esprit Saint lorsqu'ils décrétaient que la liberté religieuse était une ineptie et une erreur?
Si vous faites référence aux encycliques de Grégoire XVI ou au Syllabus, souvent mentionnées par ceux qui rejettent en bloc Dignitatis Humanae... D'une part il faudrait préciser ce que l'expression "liberté religieuse" recouvre dans ces documents.

D'autre part, les textes magistériels sont là pour nous aider à saisir l'Ecriture et de la Tradition, dont nous devons surtout rechercher le sens spirituel. Ils n'ont pas vocation à remplacer ces 2 sources de la Révélation. Ce sont des balises pour nous guider.

Lorsque, du fait de contradictions apparentes ou réelles dans des textes magistériels, certaines balises s'avèrent plutôt porteuses de confusion que repères clairs, plutôt que de choisir l'une contre l'autre, je préfère me tourner directement vers l'Ecriture et la Tradition.

(Soit dit en passant, DH autant que le Syllabus sont loin d'être dénués d'intérêt, mais sur la notion de "liberté religieuse", il y a effectivement pas mal d'équivoques...)

Ce que nous devons faire, ce n'est pas nous battre à coups de citations magistérielles brandies comme les Protestants se battent à coups de versets de l'Ecriture (tant qu'à faire, l'Ecriture a une autorité supérieure), mais scruter la Tradition et l'Ecriture pour en saisir le sens spirituel et transformer nos vies et notre entourage.

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Re: Liberté religieuse

Message non lu par archi » ven. 13 janv. 2012, 21:56

archi a écrit :(Soit dit en passant, DH autant que le Syllabus sont loin d'être dénués d'intérêt, mais sur la notion de "liberté religieuse", il y a effectivement pas mal d'équivoques...)
Pour préciser (je souligne quelques points essentiels):
Dignitatis Humanae a écrit :Ce Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres. Il déclare, en outre, que le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même [2]. Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l’ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu’il constitue un droit civil.

En vertu de leur dignité, tous les hommes, parce qu’ils sont des personnes, c’est-à-dire doués de raison et de volonté libre, et, par suite, pourvus d’une responsabilité personnelle, sont pressés, par leur nature même, et tenus, par obligation morale, à chercher la vérité, celle tout d’abord qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu’ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité. Or, à cette obligation, les hommes ne peuvent satisfaire, d’une manière conforme à leur propre nature, que s’ils jouissent, outre de la liberté psychologique, de l’exemption de toute contrainte extérieure.
Ce que je retiens:
- il est bien indiqué que la liberté de conscience est une obligation morale et pas une licence de faire ce qui nous chante. Je ne vois pas ce qu'on peut reprocher à cette définition sur laquelle on devrait insister plus souvent.
- la liberté religieuse est définie comme l'exemption de contrainte s'opposant à cette liberté de conscience.

La naïveté consiste peut-être à imaginer qu'on puisse trouver dans le monde réel l'"exemption de toute contrainte extérieure", comme il est demandé à la fin.

D'un autre côté, un Etat qui ne reconnaîtrait pas de clause de conscience à ses citoyens serait indéniablement totalitaire (et je constate hélas que nous allons de plus en plus dans cette direction :( ).

Je rejoins Raistlin, il me semble (je peux me tromper) que l'Eglise n'avait probablement jamais vraiment approfondi ce point... devenu brûlant au XXe Siècle, le siècle des grands totalitarismes d'échelle industrielle...

In Xto,
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