«Forme» ? Ou bien «rite» ?

Altior
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«Forme» ? Ou bien «rite» ?

Message non lu par Altior » dim. 31 janv. 2021, 14:37

Pendant le pontificat de S.S. Benoît XVI il était de rigueur de parler de la «forme extraordinaire». C'est lui qui a lancé ce syntagme, que je ne me souviens pas avoir entendu avant le document Summorum pontificum. Même maintenant il y a pas mal de gens qui, doctement, vous corrigent dès que vous osez avoir le culot de parler de «rite», dévoilant ainsi le fait que vous êtes nul en matière liturgique.

Finalement, quelle est la différence entre «forme» et «rite» ? Pourquoi on est censé de parler, dans ce cas, de «forme» et non pas de «rite»?
Dernière modification par Altior le dim. 31 janv. 2021, 21:50, modifié 1 fois.

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prodigal
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Re: «Forme» ? Ou bien «rite» ?

Message non lu par prodigal » dim. 31 janv. 2021, 17:54

Bonjour Altior,
il me semble que l'expression "forme extraordinaire" est purement administrative, qu'elle ne signifie rien de plus que "la forme qui n'est pas la forme ordinaire".
L'intérêt d'une formule purement administrative est d'être neutre, et ainsi d'éviter que l'on s'accroche sur le fond. Des formules comme "messe tridentine, rite traditionnel, messe de saint Pie V" n'auraient pas cette vertu, si c'en est une.
Par conséquent, ces gens qui vous corrigent doivent, je suppose, vous soupçonner d'avoir sur la chose un point de vue non administratif, je ne vois pas d'autre explication.
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Kerygme
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Re: «Forme» ? Ou bien «rite» ?

Message non lu par Kerygme » mer. 03 févr. 2021, 9:12

Je pense que Prodigal a dit l'essentiel avec son tact naturel, c'est dans cet esprit que je vais essayer de compléter.

"Forme extraordinaire" rappelle également que c'est un indult : terme de droit ecclésiastique qui désigne une dérogation au droit commun, accordé par le Saint-Siège.
Donc extraordinaire non pas qu'elle serait au-dessus (ou sans valeur pour les opposants) mais parce que ce n'est tout simplement pas la forme de l'ordinaire de l'Eglise catholique Romaine. Ce n'est plus sa Tradition, même si la forme Tridentine n'a jamais été abrogée, mais l'Église reconnait que ses fidèles peuvent exprimer leur foi dans la préférence à cette forme.

La définition du rite est :
Ensemble des gestes à caractère symboliques utilisés dans la vie quotidienne et la vie spirituelle. Signes symboliques d’une tradition religieuse particulière souvent utilisés lors de célébrations liturgiques et pouvant se différencier selon les cultures et les régions (rite latin ; rites orientaux : byzantin, copte, syrien etc). (source : https://eglise.catholique.fr/glossaire/rite/ )
On parle donc de la forme ordinaire et de la forme extraordinaire dans le rite Romain.
Ainsi, et pour rappel, l'Eglise catholique est composée de 23 rites dont le Romain qui en est un parmi d'autres (rite syriaque, rite gréco-catholique, rite arménien, rite maronite, rite copte ...) même s'il est majoritaire. Quand l'évêque Maronite passe à Strasbourg, il y a une grande célébration commune à la cathédrale, autour de l'archevêque diocésain et dans le rite ordinaire, pour exprimer la communion d'une Église UNE dans ses diversités.


La définition de l'ordinaire est :
Terme habituellement utilisé pour caractériser l’évêque d’un diocèse qui, par sa fonction, a une responsabilité juridique et a le pouvoir de juridiction dans tous les domaines de la vie ecclésiale. (Source : https://eglise.catholique.fr/glossaire/ordinaire/ ).
Et comme c'est l'évêque qui est le seul liturge dans son diocèse, et qu'il applique la forme ordinaire commune à toute l'Église catholique Romaine, la forme Tridentine est donc "extraordinaire". On pourrait dire que c'est l'autorité apostolique du premier des évêques qui donne dérogation et que les autres évêques la reconnaisse dans ce même esprit de communion apostolique. La chose se comprend mieux lorsque je l'exprime ainsi aux catéchumènes adultes : un évêque est "pape" dans son diocèse [NdA : cela donne la mesure du côté surnaturel de la communion ecclésiale].



Parler de rite extraordinaire peut être une maladresse mais peut aussi exprimer une idée de scission, de séparation; cette dénomination se positionne comme n'étant plus le rite Romain. Cela peut expliquer des grincements de dents.

C'est tout le génie du pape Benoît XVI d'avoir concilié les deux formes dans un même rite, ainsi les "tradis" - et ceux qui viennent à l'Eglise -peuvent intégrer la communion de l'Eglise catholique Romaine tout en pratiquant la forme qui a leur préférence. C'est ce que font les personnes qui préfèrent la forme extraordinaire en rejoignant les prélatures personnelles rattachées à Rome ou les sociétés de vie apostolique de droit pontifical (FSSP, Opus Dei, IBP, ICRSP etc etc).
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Re: «Forme» ? Ou bien «rite» ?

Message non lu par Altior » jeu. 04 févr. 2021, 0:31

La question que je soulève n'est pas pourquoi on appelle «ordinaire» et, respectivement, «extraordinaire», mais pourquoi on appelle «forme» et non «rite».
Avant le document Summorum Pontificum il était d'usage d'appeler «rite». L'indult de 1984 parle bien du «rite tridentin». De même, je n'ai jamais entendu de ma vie de «forme dominicaine», mais toujours de «rite dominicain». Pareillement, je n'ai entendu non plus parler de «forme lyonnaise», mais seulement du «rite lyonnais». Les deux sont, eux aussi, permises suite a un indult: un indult plus ancien, donné par le Saint Pie V.

Donc, quelque chose a changé depuis 1988 et jusqu'en 2007. Ou entre Jean-Paul II et Benoît XVI. Le rite (ou la forme) extraordinaire n'a pas changé. Le rite (ou la forme) ordinaire non plus. Alors, il y a probablement quelque chose par rapport à la perception qui a changé pour arriver à dire «forme» et non pas «rite».

Sans pouvoir rejetter l'explication de Prodigal, son hypothèse me semble éloignée, car je ne vois ni en quoi le mot «forme» serait plus administratif que le mot «rite», ni en quoi le mot «rite» serait moins neutre que le mot «forme».

Une autre hypothèse à laquelle je refléchis maintenant, compte tenu du fait que Benoît XVI pensait que les deux formes/rites vont aboutir à un rapprochement, serait que l'auteur de cette formule («forme ordinaire/extraordinaire») aurait eu en vue un avantage purement psychologique, Qu'on fasse des gâteaux ou qu'on fasse de la peinture, on trouve plus naturel de combiner les formes. Même sans les combiner, les formes sont plus élastiques. J'ai entendu de «forme variable». Combiner les formes, c'est chic. Cela peut aboutir à un chef d'oeuvre éclectique. Dans un monde où on parle de plus en plus metissage, mixité et polymorphisme, où on voit en ceux-là pas seulement une mode, mais une valeur, combiner deux formes liturgiques tombe bien, tombe en vogue. Par contre, combiner deux rites, ça ne sonne pas désirable.

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Re: «Forme» ? Ou bien «rite» ?

Message non lu par Kerygme » jeu. 04 févr. 2021, 12:03

Altior a écrit :
jeu. 04 févr. 2021, 0:31
L'indult de 1984 parle bien du «rite tridentin».
Je ne vois pas de problème ou autre concernant cette appellation, il y a bien eu un rite Tridentin qui a été pendant 400 ans l'ordinaire de l'Église, comme il y a eu d'autres rites qui l'ont précédé pendant 15 siècles et même d'autres qui ont vécu à ses côtés.

Mais celui qui l'explique le mieux c'est le pape Benoit XVI dans cette lettre annexe au Motu Proprio et qui a été adressée aux évêques dans le monde. C'est en tous les cas dans ce document que je comprends le mieux la nécessité de différencier rite et forme.



La suite ne fait qu'élargir par quelques propos d'ecclésiologie :

Il y a un parallèle avec Vatican II et le rite Tridentin, alors que le Concile de Trente a mis environ 60 ans pour développer ses fruits, certains autres rites ont perduré très localement à l'ordinaire de l'Église : le rite ambrosien (en Italie), le rite mozarabe (au Portugal); peut être d'autres mais je ne les connais pas.

Le rite ambrosien préfigurait ce qu'était le rite de l'Eglise de ce qui est aujourd'hui l'Italie (il serait erroné de conserver une vision moderne d'état-nation), jusqu'à ce que le rite de Rome évolue et que Charlemagne veuille éradiquer le rite ambrosien au profit de ce dernier (comme ce fut le cas pour le rite des Gaules). Et tout cela bien entendu sur fond d'une confrontation entre deux Églises chrétiennes divisées : celle d'Occident et celle d'Orient. Confrontation qui mènera au grand schisme de 1054 entre l'Église Orthodoxe et l'Église catholique.

Il ne faut pas oublier aussi que les rites ne sont pas que des choix d'hommes, si le rite ambrosien a survécu c'est suite à une ordalie; rapportée par Landulphe, un chroniqueur du XIème siècle (les deux livres ouverts sur l'autel). L'ordalie pour rappel étant considérée comme jugement de Dieu, le résultat de celle-ci était que Dieu s'est prononcé pour les deux rites.

Le rite mozarabe lui a connu des volontés d'éradication de la part de papes, puis son salut par d'autres, et c'est probablement cette volonté surnaturelle à subsister qui lui a valu d'être autorisé jusqu'à nos jours dans certains diocèses Portugais; et autrefois Espagnols il me semble.

Pour finir, de nos jours si on regarde bien la présentation générale du Missel, il y a bien inscrit "rites" : rites de communion, rites de conclusion. Mais ils ne sont pas combinés pour autant car il n'y en a qu'un : le rite Romain. Lequel peut se faire sous deux formes liturgiques, chacune disposant de "praxis" spécifiques.



On peut donc comprendre la nécessité de différencier entre rite et forme, la confusion semble déjà grande comme cela si on se penche sur les détails; et on sait qui s'y cache.
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Re: «Forme» ? Ou bien «rite» ?

Message non lu par Socrate d'Aquin » dim. 07 févr. 2021, 21:29

Altior a écrit :
dim. 31 janv. 2021, 14:37
Pendant le pontificat de S.S. Benoît XVI il était de rigueur de parler de la «forme extraordinaire». C'est lui qui a lancé ce syntagme, que je ne me souviens pas avoir entendu avant le document Summorum pontificum. Même maintenant il y a pas mal de gens qui, doctement, vous corrigent dès que vous osez avoir le culot de parler de «rite», dévoilant ainsi le fait que vous êtes nul en matière liturgique.

Finalement, quelle est la différence entre «forme» et «rite» ? Pourquoi on est censé de parler, dans ce cas, de «forme» et non pas de «rite»?
Bonjour Altior et bonne année 2021 !

La différence entre "forme" et "rite" me semble être la suivante :
- Au sens strict, un "rite" correspond à une tradition liturgique globale. On parle du rite romain comme on parle du rite byzantin, du rite syriaque, etc. Dans cette acception, il n'existe au sens strict que sept rites : romain, gallican (mozarabe et ambrosien), syriaque, byzantin, arménien, assyro-chaldéen et copte.
- Une "forme", quant à elle, correspond à une mise en œuvre locale d'un rite donné. Par exemple, le rite dominicain est une "forme" (ou un "usage") du rite romain ; de même, le rite byzantin russe est une forme du rite byzantin.

J'espère que cela vous aidera.
Bon dimanche !
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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