Totalitarisme(s)

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MB
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Message non lu par MB » dim. 01 avr. 2007, 20:42

Savinien a écrit : MB, votre critique se rapporte au totalitarisme stalinien mais le totalitarisme hitlérien ne rentre pas du tout dans ce schémas. Vous êtes également par moment fort caricatural en faisant de cas particuliers, des généralités. Je vous rappelle que la situation évolua depuis la "révolution" d'Octobre.
Bonsoir !

Je comprends ce que vous voulez dire, mais il me semble que votre analyse est biaisée.

- Peut-être vais-je vous scandaliser, mais il me semble que le totalitarisme hitlérien ne me paraît pas parfaitement représentatif de ce type de régime. Pour quelques raisons très simples :
1° d'une part, il a duré peu de temps (le régime dure 12 ans, dont 6 de guerre, et on s'accorde généralement à parler d'un Etat vraiment dur à partir de 1942, "l'Etat SS"), ce qui n'est pas suffisant pour faire de la théorie.

2° par ailleurs, la propriété privée n'est pas abolie, et dans bien des domaines, le droit existe encore (un exemple caricatural : l'historien G. Mosse a pu fuir, quoique Juif, même après les lois supprimant définitivement la possibilité de l'exil pour les Juifs. Pourquoi ? Parce que les douaniers n'étaient pas tenus de la respecter, les décrets d'application n'étant pas encore sortis...).

3° D'autre part, là où les mécanismes totalitaires ont joué à plein, c'est dans des lieux plus que dans d'autres : H. Arendt définit les camps d'extermination comme le lieu même de l'Etat nazi, celui où le totalitarisme se réalise tel quel. Toute l'Allemagne n'était pas un camp d''extermination. Sans aller jusque là, la vie était plus difficile pour certaines nations que pour d'autres : les pays slaves ont vécu une terreur absolue ; les Allemands, moins (pour la simple raison que beaucoup d'entre eux n'étaient pas foncièrement en désaccord avec le régime) ; les Danois occupés ont été si peu maltraités qu'ils ont pu protéger les Juifs de leur pays, et qu'ils ont même organisé des élections libres.
4° Enfin, une raison toute bête : à supposer que l'Etat nazi soit vraiment totalitaire, il semble qu'il ait atteint un degré que bien peu de dictatures "de droite" ont pu obtenir. Je crois même que c'est le seul (une cinquantaine de meurtres politiques sous les 20 ans de Mussolini : appeler cela un Etat totalitaire, ça me fait bien rigoler). En revanche, à côté de cela, tous les Etats dirigés par des communistes ont connu la terreur, le massacre de masse, le mensonge, les camps de concentration, à un moment ou à un autre (dans les pays d'Europe de l'Est, de l'arrivée de l'Armée rouge à 1956, avec des variations nationales après). On réduit souvent cela à un moment "stalinien" - or Staline n'a rien inventé, la Russie d'octobre n'est vraiment pas un endroit où il fait bon vivre (la "terreur" revient sans cesse dans les plaintes des mutins de Cronstadt, quelques mois après la prise du pouvoir par les bolcheviques). Bref, un Etat totalitaire de droite, contre une quinzaine au moins de communistes : la différence de compte est telle qu'il me paraît logique de s'inspirer prioritairement des dictatures de gauche, staliniennes ou pas, pour dire ce que c'est que le totalitarisme. D'autant qu'un grand nombre des procédures mises en place par les nazis ont été inspirées du travail en commun mené entre 1939 et 1941 avec les Soviétiques (pour monter les camps d'extermination, les nazis ont obtenu plein d'indications techniques des maîtres du goulag).
Et quand j'y pense, le degré d'enrégimentement atteint dans les dictatures communistes d'Asie est encore plus cauchemardesque (Cambodge, Chine de la Révolution culturelle, et de toutes les périodes d'ailleurs).

- J'ajouterai encore une chose : vous avez raison en disant que le "stalinisme" tel que je vous l'ai décrit n'est pas l'ensemble de ce qu'ont vécu les habitants des dictatures communistes. Mais je vous garantis (témoignage de mes parents et de leurs proches à l'appui) que même vécue dans un cadre mettant de côté la terreur, même vécue dans un dénûment moins grand, la vie sous le communisme est tout entière canalisée et orientée de façon à rétrécir au maximum le cerveau des administrés. La laideur omniprésente, la pénurie, le mensonge, les menaces de la vie courante, la surveillance généralisée, la difficulté à se cultiver en dehors des canaux officiels, le cantonnement maximal de la vie religieuse, les choses autour de vous dont aucune ne fonctionne, la dépendance permanente à l'égard d'un petit chef par ci - par là (il y en avait beaucoup, je vous assure), tout cela est fait pour vous abrutir. D'ailleurs, même en période d'accalmie, les gens savaient que la terreur pouvait revenir du jour au lendemain, puisque tout dépendait des caprices de la direction politique. Lisez les Essais politiques de Vaclav Havel (c'est en Points essais, je crois), ils vont apporteront beaucoup de renseignements.

Je pense donc que lorsque vous me reprochez de faire une généralité d'un cas particulier, vous avez tort. La terreur que vous appelez stalinienne me paraît au contraire représentative de ce qu'est vraiment la nature du totalitarisme. Cela me fait penser à une de mes thèses favorites, c'est que l'idéologie communiste, qu'on exonère souvent de ses horreurs pratiques en invoquant son "noble idéal", est dès sa racine totalement orientée vers la suppression de toute liberté : il ne s'agit pas de libérer le peuple ou de faire en sorte qu'il se porte mieux ; il s'agit au contraire de faire en sorte qu'il soit totalement dépendant du pouvoir, qu'il soit comme une pâte malléable au gré du politique. C'est une thèse à creuser, mais je pense que, fondamentalement, les idéologues communistes ne recherchent qu'une seule chose, c'est la justification de l'envie d'un pouvoir démesuré et de leur rage de ne pas pouvoir plier le monde à leur volonté. Dans tous les pays communistes, cela a fini comme ça : il semble que j'aie raison...

Bien à vous
MB

PS : au fait, je vous rejoins dans votre réponse à Chrome.

Savinien
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Message non lu par Savinien » dim. 01 avr. 2007, 23:05

Mon cher MB, ravi de ce complément d'information, me voilà rassurez !

Je disais stalinisme car votre texte me semblait être la description de la vie d'un soviétique des années vingt-trentes. J'ai donc parlé de stalinisme mais en aucun cas je ne cherchais à minimiser les autres régimes de la même idéologie.

Cependant, attendre 1942 pour qualifier l'état nazi de totalitaire me semble faire peu de cas de ce qui précéda, en 1942, l'état nazi adopte une réelle économie de guerre mais le totalitarisme est déjà en place.

Pour le fascisme, oui, un état totalitaire ne se caractérise pas seulement pas le meurtre.
Cela me fait penser à une de mes thèses favorites, c'est que l'idéologie communiste, qu'on exonère souvent de ses horreurs pratiques en invoquant son "noble idéal", est dès sa racine totalement orientée vers la suppression de toute liberté : il ne s'agit pas de libérer le peuple ou de faire en sorte qu'il se porte mieux ; il s'agit au contraire de faire en sorte qu'il soit totalement dépendant du pouvoir, qu'il soit comme une pâte malléable au gré du politique.
Thèse que vous n'êtes pas le seul à partager, heureusement !
les idéologues communistes ne recherchent qu'une seule chose, c'est la justification de l'envie d'un pouvoir démesuré et de leur rage de ne pas pouvoir plier le monde à leur volonté. Dans tous les pays communistes, cela a fini comme ça : il semble que j'aie raison...
Attention car il y a idéologues et idéologues. Si Trosky, Lénine et consort on vérifié votre hypothèse, Marx, Engels Luxembourg non !
PS : au fait, je vous rejoins dans votre réponse à Chrome.
Cette diffamation bête et stupide m'énerve au plus au point, reprocher cela aux cathos est une véritable insulte à l'intelligence.
Que celui qui n'ait jamais péché lui jette la première pierre ...

MB
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Message non lu par MB » lun. 02 avr. 2007, 1:05

Bonsoir Savinien !

Je crois finalement que le grand problème du terme même de "totalitarisme" est son origine. Le monde communiste, à mon sens, correspond mieux pour le décrire, et pourtant nous l'associons souvent avec une plus grande facilité au monde nazi ou fasciste au sens le plus large.

C'est que ce terme a été créé par les mussoliniens, qui s'en sont revendiqués ouvertement. Il leur a servi de programme, alors que la réalité de la dictature du Duce était assez éloignée de ce qu'il signifiait. La réalité ainsi décrite leur a échappé, et d'autres ont su, mieux que les fascistes italiens, lui insuffler une sorte de vie ; mais la connotation fasciste lui est restée.

Ce que vous me répondez sur les idéologues me fait énormément plaisir, et si cela ne vous embête pas, j'ai fait une fiche de lecture dans le salon consacré à cet effet, à un petit essai nommé le Perdant radical. Je vous invite à la lire (et mieux, à lire le livre) ; le petit opuscule, qui parle plutôt des fanatiques islamistes, m'a énormément inspiré dans ma façon de voir les idéologues de gauche dure.

Fraternellement
MB

joseph1
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Re: Totalitarisme(s)

Message non lu par joseph1 » lun. 12 juin 2023, 11:22

Le gouvernement a lancé une campagne publique, avec spot TV et affiches, sur la sexualité.
L' une d' elle nous dit : " La pénétration me fait mal. Que faire ?
Faute de s' occuper de ses tâches régaliennes le gouvernement s' occupe, avec nos impôts, de la vie intime des femmes.

" La spécificité du totalitarisme consiste à viser la domination totale, notamment sur la vie intime des gens. "
( inspiré de Hannah Arendt ).

L' affiche :

https://sun6-22.userapi.com/impg/jDzIUg ... type=album

La campagne :

https://www.santepubliquefrance.fr/dete ... lle/outils

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