Que signifie être ?

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Christophe
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Re: ÊTRE

Message non lu par Christophe » mer. 30 mai 2007, 17:52

Guillaume a écrit :On dit que "Dieu est."
Vous aussi, "voue êtes".
La spécificité de Dieu, dans la théologie judéo-chrétienne, est d'être le seul Être dont l'existence égale l'essence. "Je suis Celui qui est".

Bon, je ne développe pas : j'en serai bien incapable. Je laisse la main à d'autres plus compétents...

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Message non lu par Yves54 » mer. 30 mai 2007, 18:24

Je pense que cela fait référence à l'intemporalité de Dieu. "Gloire à Dieu qui est, qui était et qui vient pour les siècles des siècles." Dieu est et sera pour toujours.

Après je suis comme Christophe, je ne suis pas théologien donc je leur laisse la parole.
« Commettre des erreurs est le propre de l'humain, mais il est diabolique d'insister dans l'erreur par orgueil »
Saint Augustin
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Message non lu par Théophane » mer. 30 mai 2007, 23:26

Pour ma part, mais c'est une interprétation certes très personnelle, je dirais que le mot être pour qualifier Dieu renvoie à Son action, Son travail.

En effet, tout acte est un travail : s'il est bon il est alors travail de Dieu, dans le cas contraire il est travail du démon. Or, être, exister, est l'acte le plus fondamental, et Dieu existe depuis toute éternité, avec toute perfection ; donc Dieu travaille, et Dieu est travail.

Cette façon de voir avait été développée un jour par un prêtre de l'Opus Dei ; libre à chacun de la faire sienne ou pas.
« Être contemplatifs au milieu du monde, en quoi cela consiste-t-il, pour nous ? La réponse tient en quelques mots : c’est voir Dieu en toute chose, avec la lumière de la foi, sous l’élan de l’amour, et avec la ferme espérance de le contempler face à face au Ciel. »
Bienheureux Álvaro del Portillo (1914-1994)

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Message non lu par Veritatis Splendor » mar. 05 juin 2007, 23:32

Bonsoir,

Nous savons que depuis ses originies, l'homme possède en lui un questionnement fondamental: celui de son existence au sein du vivant. D'où provient-elle? Comment se fait-elle? La possède-t-il? etc.
Ce questionnement aboutit au problème de l'être, la réalité objective EST-elle? Ou n'est-elle qu'un produit de la conscience, une déformation des sens, un chaos flou...
Il semblerait que ces considérations soient liées au fait que l'homme, dans son existence, ne parvienne pas de façon évidente/immédiate à saisir le principe par lequel sa vie est rendue possible. Pourquoi cela?
La réponse la plus avancée (celle de l'histoire de la métaphysique) consiste à placer la création et l'ensemble des créatures non comme les déterminations individuelles de leur propre vie, mais comme dépendant du principe de l'Être qui leur donne cette possibilité d'existence.
Dans la Bible (Ex, 3, 14) Dieu affirme à Moïse: "Je suis celui qui EST" (traduit également par "je suis celui qui suis" en français plus courant). Cela signifie que l'homme découvre le principe de l'être par lequel son existence est rendue possible: c'est le Dieu unique et créateur, qui dispense la vie puisqu'il est lui-même cette vie.

J'ai tenté de faire une réponse condensée, mais si besoin est, je suis prêt à développer certaines précisions sur ce sujet complexe et pointu pour la réflexion, mais ô combien éclairant pour la raison.
"Puisque tu fus conçu pour te réjouir, ouvre tes yeux, et sache de qui te viennent les saintes inspirations qui t'illuminent le coeur."

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Message non lu par Markos » sam. 16 juin 2007, 23:43

Bonsoir,

Voici ce que je comprends de "Dieu est l'Etre" ou "Il est celui qui est" :

Il me semble que l'on peut plus aisément saisir les différentes implications du terme en rappelant à quoi "être" peut être opposé.

- Etre/Néant : Dieu est l'Etre, c'est à dire qu'il est ce qui est par soi. Il est ce d'où tout provient (tiré du néant), mais quant-à lui, il est en un sens absolu : il est "plein" être, sans participation d'autre chose.

- Etre/Apparaître : Dieu est Celui qui est, c'est-à-dire la Réalité par excellence. Et ce qui donne sa réalité à toute chose. Il est celui qui subsiste, dans son Etre et son intégrité, lorsque "toutes les vanités" sont écartées.

- Etre/Devenir : Dieu est Celui qui fut, est et sera, Immuable, Eternel. Il est au-delà de tout changement et de toute temporalité.

Tout ceci se rejoint pour faire comprendre qu'Il est la Réalité Première et Ultime, d'où tout procède sans laquelle rien ne subsisterait, et devant laquelle tout s'efface.

Amicalement,

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Re: Que signifie être ?

Message non lu par LumendeLumine » mer. 04 juil. 2007, 3:44

La notion d'être est la plus immédiate et la plus évidente. Pour la définir, il faudrait se servir de cette notion même, ce qui rend toute vraie définition de ce terme impossible, comme le remarque Pascal. D'ailleurs, "définir" signifie par son étymologie "établir les limites". Or le terme être n'a aucune limite, il s'applique à absolument tout. En-dehors de l'être il n'y a rien, puisque ce qui n'est pas, eh bien, n'est pas.

On peut peut-être dire que être, c'est ne pas ne pas être, et devoir se limiter à cela.

Sertillanges a de très belles paroles sur l'être de Dieu dans son livre "Le catéchisme des incroyants", lorsqu'il traite de la question de la liberté et du hasard face à la Providence. Dieu est, mais pas sur le même plan que les créatures; par rapport à nous il "super-est". Il est cause non pas comme nous, qui modifions ce qui est déjà, mais il est cause de l'être même des choses: il est donc une "super-cause".

Espérant que mes divagations puissent vous être d'une quelconque utilité. :tetine

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Re: Que signifie être ?

Message non lu par Veritatis Splendor » mer. 04 juil. 2007, 17:09

Cher LumendeLumine,

pour répondre à la question de ce que nous pouvons comprendre de la notion d'Être, vous utilisez la méthode contestable de partir précisément de ce que vous comprenez de ce terme. Par là, vous nous dîtes que le mot "être" signifie "être", ce dont on peut remettre en cause l'intérêt. Mais il semble que vous révéliez de vous-même l'aporie de votre méthode en déterminant tout de même du mot "être" une définition par négation ("On peut peut-être dire que être, c'est ne pas ne pas être"); mais cette définition négative comporte d'évidentes limites, dans la mesure où, si l'on ne connaît pas la signification de l'être, on ne peut a contrario comprendre celle du non-être. Je vous donne pour autant raison en opposant l'être au néant, afin que nous puissions préciser de la notion une signification positive selon laquelle: l'être est la source de l'existence, autant que sa fin en Dieu qui est l'être absolu, et par qui sont toutes choses. Il faut lever l'ambiguité qui ternit, selon mon humble avis, votre réflexion: si le néant est précisément le non-être, il est en revanche possible et dans ce sens existe. L'homme en est un excellent exemple car il lui est possible de s'éloigner du Créateur, dispensateur de l'être, et en cela de rejoindre le néant après sa mort (communément appelé l'enfer). L'être existe tant que son dispensateur absolu le maintient.
"Puisque tu fus conçu pour te réjouir, ouvre tes yeux, et sache de qui te viennent les saintes inspirations qui t'illuminent le coeur."

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Re: Que signifie être ?

Message non lu par LumendeLumine » jeu. 05 juil. 2007, 2:21

Bonjour Veritatis Splendor,

je suis bien conscient des limites immédiates et évidentes qu'il y a à définir une notion par elle-même, ou par sa négation. C'était une autre façon de dire que nous n'avons pas de définition de la notion d'être, puisque, comme je le disais, pour définir "être", il faudrait se servir de cette notion, précisément. La première chose que notre intelligence comprend des choses, avant la moindre analyse, la toute première notion pour l'esprit, c'est l'être. Or expliquer, définir, c'est renvoyer à des notions que l'on connaît déjà. La première notion est donc forcément inexplicable et indéfinissable. C'est le pur donné expérimental. Soit on accepte que les choses sont, soit on le remet en question et on s'interdit tout langage, toute pensée, toute science.

Il serait impossible de l'expliquer à quelqu'un qui ne sait pas ce que c'est que l'être. Bien sûr, peut-être ne sait-il pas ce que signifie le terme en français, et à ce moment il suffit de lui donner la traduction dans sa langue, ou à l'aide d'autres mots qu'il comprend (réel, existence) mais s'il n'en a pas même la notion, impossible de la lui inculquer.

On dira peut-être fort exactement: être, c'est avoir une réalité; mais on n'échappe pas à la circularité puisque pour définir le réel, il faut employer la notion d'être; pour définir "avoir", encore la même notion. Ou alors on dira qu'être, c'est être posé dans l'existence par Dieu. Certes, mais encore là tous ces concepts (Dieu, existence, être posé) reposent intimement sur la notion d'être. De toute manière, l'idée que Dieu soit à la source de l'être n'est pas essentielle à la notion d'être en tant que telle. Les anciens grecs ne connaissaient pas l'idée de création, et pourtant mieux que personne ils ont su cerner l'être.

Au demeurant donc, impossible de définir l'être, sinon par lui-même.

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Re: Que signifie être ?

Message non lu par Veritatis Splendor » ven. 06 juil. 2007, 13:54

Cher Lumendelumine,

il est intéressant de noter, par rapport à l'idée selon laquelle on ne peut expliquer ce qu'est l'être à quelqu'un qui ne connaît pas préalablement cette notion, l'argumentation de Socrate au problème que Ménon lui pose, à savoir: comment chercher quelque chose que l'on ne connaît pas, puisqu'on ne le connaît pas, et le trouverait-on, comment saurion-nous reconnaître que c'est bien ce que l'on cherchait puisqu'on ne le connaissait pas préalablement? Socrate lui répond en disant que la question se confond elle-même: d'une part, on ne saurait chercher ce dont on n'a aucune idée préalablement, d'autre part on ne saurait le trouver sans savoir préalablement ce que l'on cherche.
Il propose ensuite un déplacement de la notion d'inconnu (l'objet cherché, l'être en l'occurence dans notre débat) qui devient "oubli". On cherche ce qu'on connaît déjà mais dont le savoir est en nous comme un objet oublié au plus profond de notre âme, du fait de notre corporalité soumise non à la vérité immuable de la notion même mais aux contingences du temporel.

Ensuite, la notion d'Etre dans la philosophie grecque, bien que non coordonnée à la notion de Création, a un rapport primordial avec Dieu, particulièrement développé dans la métaphysique d'Aristote. Pour Aristote, Dieu est l'Etre par excellence, immuable et dont l'existence se suffit à elle-même; de ce fait, il me semble que l'idée de Dieu soit essentielle depuis bien longtemps dans la réflexion autour de la notion d'être en tant que telle.
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Re: Que signifie être ?

Message non lu par LumendeLumine » ven. 06 juil. 2007, 18:40

Cher Veritatis Splendor,

Je ne connais pas bien les idées de Socrates sur la connaissance, mais je suis plutôt d'avis, avec Aristote, qu'on vient au monde tel une table rase, tabula rasa, et que c'est au contact des êtres de l'expérience qu'on acquiert toutes ses notions.

Il me semble en tout cas que Socrate se complique bien trop la vie dans l'argumentaire que vous avez reproduit ici. Pour ce qui est des notions premières, on ne les cherche pas; on les constate immédiatement, dès qu'on ouvre les yeux sur le monde et qu'on fait le moindre effort d'abstraction. La connaissance n'est pas forcément précédée d'une recherche consciente d'un objet précis. On se retrouve placé dans ce monde avec des sens et une intelligence, et entouré d'objets qu'on n'a qu'à voir, toucher, entendre, etc., pour connaître, et en eux les notions premières (être, causalité, finalité). La curiosité naturelle se porte sur tout ce qui s'offre à son regard.

Quant à Dieu, et aux autres objets non expérimentaux mais que l'on peut tout de même connaître, bien sûr il faut les chercher afin de les trouver. Mais peut-on chercher ce qu'on ne connaît pas? Distinguo: avant de connaître Dieu, on ne le connaît pas, en ce qu'il est proprement, en son essence; mais déjà on le connaît vaguement en tant que raison d'être des choses. Si on s'interroge sur Dieu, c'est que les choses crient leur dépendance d'une cause extrinsèque; en entendant les choses crier, on se demande quelle peut bien être cette cause. On sait donc ce qu'on cherche: une cause; mais on ne sait pas de quelle cause il s'agit: Dieu.

Nul besoin donc, de faire appel à un vestige de la notion de Dieu caché quelque part dans notre esprit. Ce sont les choses qui nous y conduisent.

Pour terminer avec Dieu et l'être: supposons qu'un homme naisse enfermé dans une pièce avec seulement de la lumière électrique. Toute la lumière, sur terre, provient ultimement du Soleil, même la lumière électrique (qui n'est que l'énergie du soleil convertie en autre chose puis en lumière encore). Cet homme ne pourra jamais connaître le Soleil, sinon abstraitement; mais peut-on dire pour cela qu'il ne sait pas ce quue c'est que la lumière? Tout ce qu'il a, c'est de la lumière secondaire, mais de la lumière quand même. Il supposera qu'il doit y avoir une lumière première, sans pouvoir voir à quoi elle ressemble, mais il n'en ignore pas pour autant ce que c'est que de la lumière.

Ainsi les Grecs, qui n'ont pas connu Dieu, mais ont tout de même fini par le poser, abstraitement; voudriez-vous dire que l'être qu'ils ont connu à partir de l'expérience, ce n'est pas vraiment de l'être? Bien sûr, c'est de l'être imparfait, mêlé de devenir, de puissance.

De toute manière, si Dieu était essentiel à la notion d'être, jamais on n'aurait su ce qu'est l'être, à partir des seules créatures; mais comme c'est là notre unique source d'information (naturelle), alors il n'y aurait aucune connaissance naturelle de Dieu, ni de quoi que ce soit d'ailleurs, puisque sans notion d'être on ne peut même pas prononcer un mot. Il faudrait supposer une autre source de connaissance que les créatures, comme les vestiges de Socrates, par exemple. Mais on voit bien qu'on peut s'en passer.

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Re: Que signifie être ?

Message non lu par Veritatis Splendor » ven. 06 juil. 2007, 19:46

Cher Lumendelumine,

il semble que nous soyons en train de nous mettre d'accord. Je ne citais pas Platon à titre de réponse mais d'avancée dans notre questionnement: la connaissance d'objets métaphysiques commence sans doute, telle que le professe la pensée aristotélicienne, par l'expérience de laquelle on peut tirer un raisonnement causal et abstractif. Mais cela impliqe, il ne faut pas l'oublier, la part primordiale d'intuition comme point de départ de ce raisonnement. On finit par questionner la notion d'être de manière approfondie à partir d'une intuition première, liée à notre expérience, qui nous fait signifier que les choses SONT, et de là nous parvenons à comprendre cette analogie de l'Être qui nous fait remonter à Dieu, et que vous semblez souligner implicitement.
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Re: Que signifie être ?

Message non lu par LumendeLumine » lun. 09 juil. 2007, 18:02

Bonjour Veritatis Splendor.
Mais cela implique, il ne faut pas l'oublier, la part primordiale d'intuition comme point de départ de ce raisonnement.
Quelle intuition exactement?
On finit par questionner la notion d'être de manière approfondie à partir d'une intuition première, liée à notre expérience, qui nous fait signifier que les choses SONT, et de là nous parvenons à comprendre cette analogie de l'Être qui nous fait remonter à Dieu
Là aussi je ne sais pas trop ce que vous voulez dire par "une intuition qui nous fait signifier que les choses sont", ni comment elle serait "liée à l'expérience". Moi ce que je dis c'est que si nous pouvons affirmer que les choses sont, c'est que notre intelligence est en mesure de faire le travail d'abstraction nécessaire à partir de l'expérience.

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Re: Que signifie être ?

Message non lu par Veritatis Splendor » mar. 10 juil. 2007, 4:16

Cher Lumendelumine,

cette intuition dont je parle représente le point de départ du raisonnement. L'expérience nous présente la possibilité du réel, c'est dans cette possibilité que se situe l'intuition: une découverte sensorielle a la limite du dicible. La découverte de la possibilité du réel passe par nos sens mais se concrétise dans sa formulation langagière; entre la découverte purement sensorielle et sa formulation langagière (ébauche du raisonnement), il y a l'intuition. On ne sait pas si cette intuition pourra nous mener à la concrétisation langagière du réel à proprement parler ("c'est cela"), mais on sait qu'elle correspond à la prise de conscience du réel ("c'est"). Par notre intuition, nous sommes en mesure de relier la réalité à notre intelligence, en liant cette réalité à notre esprit par le raisonnement.
Pour savoir que les choses sont, il est inutile de raisonner; c'est une constation de fait que nous vivons quoiqu'il en soit; l'intuition se situe dans la possibilité que revêt cet être des choses: elle peut mener dans le raisonnement à un égarement total, lorsqu'on aboutirait à croire que les choses ne sont pas, mais elle peut mener au vrai, lorsqu'on aboutit à la conclusion de Dieu (analogie de l'être).
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Re: Que signifie être ?

Message non lu par LumendeLumine » mar. 10 juil. 2007, 18:08

Bonjour Veritatis Splendor,

je pense que je ne comprends à peu près rien à votre explication. D'abord je ne vois pas la nécessité d'une intuition, là où les principes naturels de la connaissance sont (1) les sens et (2) l'intelligence. Ce qui nous pousse à nous servir de ces facultés, c'est simplement la curiosité naturelle, le désir inné, naturel, invincible, de connaître.

On arrive à mettre des mots sur le réel quand on arrive à s'en former des concepts, puisque les mots sont simplement les symboles des concepts. Or la formation des concepts est l'activité de l'intelligence à partir des sens. Encore là, nul besoin de faire appel à d'autres principes que les sens et l'intelligence.

Quant à arriver à dire d'une chose "c'est", encore une fois c'est l'intelligence dans sa plus simple expression qui nous le permet. Pas besoin de raisonner, je suis d'accord; raisonner, c'est faire intervenir des concepts que l'on connaît déjà pour en éclaircir d'autres. Or l'idée qu'une chose "est" est absolument simple et première. Donc, pas de raisonnement là-dedans. C'est une évidence pour l'intelligence. Mais, comme ailleurs, je ne vois pas le rôle que jouerait une "intuition" là-dedans.

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Re: Que signifie être ?

Message non lu par Veritatis Splendor » mer. 11 juil. 2007, 0:48

Cher Lumendelumine, ne me sentant moi-même pas en mesure d'expliciter d'avantage le concept d'intuition dans mes propres mots, j'ai préféré recopier un lien proposant un cours sur le sujet, qui, je l'espère, saura vous éclairer un peu. Le problème pour vous réside, à mon avis, dans le fait que vous ommetiez la part de l'intuiton dans la condition de la connaissance; vous sautez des sens à la connaissance directement, en oubliant que certaines créatures sensibles comme les animaux ne peuvent tirer aucune connaissance formelle du réel, bien que leurs sens existent autant que les nôtres.

http://www.univ-nancy2.fr/poincare/pers ... 2-06-b.pdf

J'ai aussi pris la peine de vous copier ce paragraphe purement didactique (issu d'un autre lien internet):
A - Une doctrine de l'Être et de l'Intuition
La philosophie d'Aristote est un tournant dans la pensée Grec. Tout d'abord, parce qu'elle est une histoire de la philosophie, c'est-à -dire, une actualisation des différents problèmes posés par ses prédécesseurs. Sa pensée reste cependant tributaire du Platonisme.

En effet, Aristote dissocie différents domaine de recherche :

1- La Physique, science du mobile, des corps, du périssable et éphèmère.
2- La Métaphysique, science de l'éternel, de l'universel, du séparé. Science de l'être en tant qu'être.

La Métaphysique est une philosophie première qui recherche l'antérieur à la nature. Car, comme pour Platon, il y a chez Aristote de l'éternel, des essences. Le cercle parfait est et sera toujours. Bref, la philosophie d'Aristote recherche les essences, car l'essence est nécessaire, comme nous allons le voir.

Mais cet antériorité de l'Être n'est pas seulement, comme on pourrait le croire, une antériorité chronologique, une préexistence naturelle. On pourrait ainsi penser que la physique, l'expérience sensible, nous est donnée d'emblée. Mais c'est faux, car l'Être se donne naturellement dans une intuition.

On ne cherche que ce que l'on sait déjà . Confronté à ce problème, Platon posa la théorie de la réminiscence. L'Être aurait imprégnée notre âme avant qu'elle ne se noue au corps. Aristote pose le problème différemment : l'Être s'impose comme vrai, se pose à nous comme une évidence, offerte par l'intuition. Il nous restera alors à découvrir par déduction ce qui nous a été offert par intuition.

Toute connaissance s'offre ainsi naturellement. Les principes, par exemples, sont indémontrables. Ils s'offrent par intuition, mais restent vrais, et surtout, restent les pilliers de la connaissance. Aristote pose ainsi le Principe de Contradiction, loi ontologique socle de toute recherche :

Principe de Contradiction : « Il est impossible que le même appartienne et n'appartienne pas à quelque chose en même temps et sous le même rapport »

Ce qui signifie en gros que deux choses contradictoires ne peuvent être, comme le soutient Héraclite, toutes deux vraies. C'est une évidence, un principe pour toute recherche, mais qui reste indémontrable.

A et -A ne peuvent être en même temps. A cela, il faut rajouter qu'il ne peut y avoir d'intermédiaire (selon le principe du Tiers Exclu), sinon cette proposition n'a plus de sens. Aristote est ainsi l'initiateur de la logique.

Ainsi, Aristote use du Syllogisme. Voyons un exemple connu:

Les Prémisses :
Majeur : Tous les hommes sont mortels.
Mineur : Or Socrate est un homme.

Conclusion :
Donc Socrate est mortel.


Or ici, les Prémisses (orthographe correcte) ne sont pas démontrés, et pas démontrables. Mais ce sont des évidences que l'intuition nous offre, posant le sol nécessaire à la connaissance.

Le Principe est le Corrélat de l'Intuition et tous deux suppose l'Être et son rayonnement naturel.

Ainsi, la connaissance recherche l'Être, qui lui-même permet la connaissance. Il nous est ainsi possible de mettre à jour l'universel, l'éternel. Mais cette quête des essences se heurte à un problème particulier.
"Puisque tu fus conçu pour te réjouir, ouvre tes yeux, et sache de qui te viennent les saintes inspirations qui t'illuminent le coeur."

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