Existe-t-il une responsabilité collective des peuples ?

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elisseievna
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Y a-t-il une responsabilité collective des peuples ?

Message non lu par elisseievna » dim. 09 janv. 2005, 15:43

je reponds donc a charles dans le domaine "interreligieux" sur le theme du "peuple deicide" lié a celui du phenomene de bouc emissaire :

ce que change le fait que seul les juifs soient accusés d'avoir tué "dieu", alors que les autres peuples ne sont accusés "que" d'avoir tué des hommes innocents,
ce n'est évidemment pas le message que vous estimez avec girard, etre celui des evangiles, c'est a dire la dénonciation du processus de mise a mort d'innocents,
mais c'est le fait que les juifs sont les seuls a etre accusés d'avoir mis a mort non pas un "innocent" mais "dieu", c'est à dire à etre accusé d'une ignominie bien plus grave, aux yeux des masses, que la culpabilité "ordinaire",

ce qui fait que cette accusation est elle meme la perpetuation du phenomene de bouc émissaire, a l'encontre de tout un peuple cette fois

sur la notion de responsabilité "collective", vous me repondez je pense "a coté" :
je ne disais pas que la victime elle meme ne se considerait pas comme coupable, je suis d'accord la dessus avec girard, avec l'evidence du sentiment de culpabilité d'un certain nombre de victimes, ( dont les enfants abusés, les communistes dechus, et les femmes accusées jadis de sorcellerie),

je faisais une distinction entre la notion de "groupe" et celle de "peuple" :
la these de girard, a supposer qu'elle soit historiquement juste, (elle est en tout cas eclairante pour les phenomenes de lynchage), peut s'appliquer à des "petits" groupes,
ce qui etait appelé "peuples" dans les temps anciens, pouvaient pouvait correspondre à de qui est aujourd'hui un simple "groupe", un village
quand on parle d'un groupe, qui assiste tout entier a un lynchage, on peut parler de responsabilité de tous les assistants,
mais on ne peut pas parler de responsabilité de tout un peuple, sans commettre l'injustice de mettre innocents et coupables dans la meme catégorie des punis, ou des diffamés .

parler comme vous le faites de culpabilité du "peuple juif" est tres grave :
que les textes bibliques fassent des remontrances "aux" juifs" en général, c'est une chose,
dire qu'aujourd'hui, il y a aurait une "culpabilité" du "peuple juif", c'est autre chose,

sur le theme de l'election, je ne souhaite pas vous repondre, car ce serait entrer dans une reflexion theologique ou je ne pense pas avoir assez reflechi, etant donné que je suis agnostique.


elisseievna a écrit:
j'ai lu Girard , donc je vois tres bien de quoi vous parlez,
mais de tous ces peuples qui ont sans doute mis des Oedipe a mort avec le processus de stigmatisation et de poussée vers l'abime, il n'y a qu'un seul "peuple" dont on a retenu la culpabilité, c'est le peuple juif, car il n'y a plus aujourd'hui dans nos sociétés monothéistes qu'un seul "Dieu" ou notion de Dieu reconnu, et les juifs sont accusés d'avoir tué celui là ( et pas athéna ou le serpent à plumes...) : c'est ce phenomene historique dont je parle, c'est en ce sens qu'il est le seul


charles a ecrit :
Et alors, s'il est le seul a l'avoir fait qu'est-ce que ça change au fait ? D'ailleurs, que croient les Juifs, que Dieu les a élus pour regarder tomber les figues ou les dattes ? Déjà dans l'Ancien Testament la Bible dévoile la culpabilité collective des Juifs dans l'oppression de Job et la mise à mort des prophètes, avec les Evangiles cette révélation atteint sa plénitude et ensuite s'étend aux autres peuples - je veux dire de la culpabilité de ces peuples et sociétés dans leurs violences commises sur les innocents. Les peuples en tant que masses ont cette tentation à l'égard de victimes isolées comme le puissant à la tentation d'opprimer le faible. Tocqueville décrit même la possibilité de l'oppression d'une minorité par une majorité dans un cadre institutionnel démocratique et l'appelle "despotisme démocratique".

elisseievna a écrit:
la responsabilité d'un "groupe" qui existe en cas de lynchage, n'est pas une responsabilité "collective" de tout un "peuple", mais SEULEMENT celle des membres du groupe qui a lynché.
je pense que vous savez que parler de "responsabilité collective" c'est confondre innocents et coupables dans une meme repression, autrement dit, c'est une vengeance et non une justice.


Vous avez une vision idéaliste des chose. en réalité l'unanimité va parfois jusqu'à l'assentiment de la victime elle-même. La pression sociale exercée sur Job lui fait douter de son innocence (Job 9, 20-21). Et les grands procès des purges soviétiques avaient pour pilier l'aveu de leur culpabilité des victimes/coupables.

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Message non lu par aramis » ven. 04 févr. 2005, 14:01

Mon cher Charles,

Je ne suis pas d'accord avec toi concernant la culpabilité du seul peuple d'Israèl.
1. Certains juifs ont défendu Jésus.
2. Les disciples et les apotres étaient tous juifs.
3. Ce sont bien les romains qui l'ont exécuté.
4. Le contexte politique de l'époque était tel, que le sanhédrin a cru réellement mettre à mort un révolutionnaire zélote, et non le fils de Dieu. Les faux Messies étaient légion à l'époque, et ils n'ont pas su reconnaître le vrais.
5. IL FALLAIT que Jésus soit crucifié et mis au tombeau pour pouvoir réssuciter, et donc nous libérer.

Chaque juif, devant l'épreuve a été mis devant un choix. Certains ont fait le bon, d'autres le mauvais. Le peuple juif, cela ne veut rien dire en terme de culpabilité. Un homme peut être coupable, jamais un peuple.

De la même façon, et dans le sens inverse, je n'ai jamais accepté que la république demande pardon aux juifs pour son comportement durant la seconde guerre mondiale. Que ce pardon soit demandé aux assassins et aux délateurs, c'est normal ; mais pas à mes grands parents qui ont caché des juifs dans le maquis.
La culpabilité collective est la pire des injustices.
Dépassionner l'homme pour les choses terrestres, j'appelle cela une spiritualité de massacre. (François Varillon. 1980)

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Message non lu par aramis » ven. 04 févr. 2005, 21:37

Depuis le venue du Christ, il n'y a plus de peuple élu, puisque toutes les nations sont appelées a recevoir Jésus pour sauveur. Et chacun d'entre nous est appelé à reconnaître par la même occasion sa responsabilité dans la crucifixion de Jésus.
Chaque mauvaise action vis à vis d'un autre est une nouvelle crucifixion. Chacun d'entre nous crucifions Jésus tous les jours. Et la bonne nouvelle, c'est qu'il nous sauve malgrè tout.

Comment donc accuser le seul peuple juif ?
Dépassionner l'homme pour les choses terrestres, j'appelle cela une spiritualité de massacre. (François Varillon. 1980)

bajulans
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Impossible notion de déicide

Message non lu par bajulans » mer. 07 déc. 2005, 17:27

Cher Charles, Chère Eliseievna,

Permettez-moi d'être totalement opposé à la notion de responsabilité collective, chacun est strictement responsable de ses actes et pas de ceux de son voisin ou même de sa famille.

Cette notion de "responsabilité collective" est, selon moi archaique.

Ainsi j'ai lu une histoire locale, à Marseille en banlieue, règne de Louis XVI, une famille noble de onze enfants, dans laquelle les parents ne s'entendaient pas du tout. Père autoritaire, mère révoltée. Un jour un des fils vient demander de l'argent à son père pour aller à la fête du quartier le dépenser. Refus du père. L'adolescent surexcité par sa mère se précipite sur son père et le tue. Aussitôt un membre de la famille va se confier au curé de la paroisse qui conseille de dire qu'il a glissé dans l'escalier. Mais le bruit, se répend, la police de l'époque procède à l'arrestation du coupable. Procès condamnation à mort, exécution. Mais l'un des fils qui naviguait alors sur la grande bleue au même moment, et n'était évidemment pour rien dans ce drame est "débarqué", cassé de sa qualité d'officier de marine, la famille est marquée au fer rouge de l'infâmie, donc pas d'officier d'une pareille famille dans la marine.

La mentalité de l'époque l'admettait, nous ne l'admettrions plus, et je crois à juste titre.

Laissez-moi vous raconter encore ce que Dom de Monléon considère à la suite, des pères et docteurs comme une image de ce qui aurait dû se passer s'il n'y avait pas eu les pharisiens et les saducéens :
31 "Si vous livrez entre mes mains les fils d'Ammon, celui qui sortira des portes de ma maison à ma rencontre, quand je reviendrai heureusement de chez les fils d'Ammon, sera à Yahweh, et je l'offrirai en holocauste."
32 Jephté s'avança contre les fils d'Ammon, et Yahweh les livra entre ses mains.
33 Il les battit depuis Aroër jusque vers Mennith, leur prenant vingt villes, et jusqu'à Abel-Keramin ; ce fut une très grande défaite. Et les fils d'Ammon furent abaissés devant les enfants d'Israël.
34 Jephté remonta dans sa maison à Maspha; et voici que sa fille sortit à sa rencontre avec des tambourins et des danses. C'était son unique entant; hors d'elle, il n'avait ni fils ni fille.
35 Dès qu'il la vit, il déchira ses vêtements et dit : "Ah ! ma fille, tu me renverses et tu es parmi ceux qui me troublent. J'ai ouvert ma boouche à Yahweh, et je ne puis revenir en arrière."
36 Elle lui dit : "Mon père, tu as ouvert ta bouche à Yahweh; fais-moi selon ce qui est sorti de ta bouche, puisque Yahweh t'a vengé de tes ennemis, les fils d'Ammon."
37 Et elle dit à son père : "Que cette grâce seulement me soit accordée; laisse-moi libre pendant deux mois; je m'en irai, je descendrai pour aller sur les montagnes, et je pleurerai ma virginité avec mes compagnes."
38 Il répondit : "Va," et il la laissa aller pour deux mois. Elle s'en alla, elle et ses compagnes, et elle pleura sa virginité sur les montagnes.
39 Les deux mois écoulés, elle revint vers son père, et il accomplit à son égard le voeu qu'il avait fait ; et elle n'avait pas connu d'homme.
40 De là vint cette coutume en Israël : chaque année les filles d'Israël vont célébrer la fille de Jephté, le Gallaadite, quatre jours par an.
Juge CH. 11 extrait de bible Crampon site jesusmarie.com

Le malheureux Jephté n'a qu'un enfant, cette fille, elle est vierge. Il fait un voeux indiscret, dû à la rudesse des moeurs de l'époque et normalement ne devrait évidemment pas exécuter ce voeux. Il tue donc cette fille qu'il adorait, qu'il chérissait plus que tout au monde. La fille est l'image du Christ, le père l'image des bourreaux du Christ, du grand prêtre Caïphe s'il n'avait pas été un vaurien. Jephté est un saint ce qui ne l'empêche malheureusement pas de commettre ce crime, caché à ses yeux.

Bossuet qui était très cultivé pourtant dit qu'il ne trouve aucune explication à ce fait. Dom de Monléon, lui, à la suite de ses lectures, donne une explication mystique. (voir Dom de Monléon, les Juges). Cette histoire est symbolique.

Normalement, il ne devrait pas y avoir eu crime au moment de la Passion, au surplus personne n'a pu tuer Jésus, c'est Lui qui s'est soumis volontairement à la mort, Il était maître de sa vie, au sens théologique pur.
Jephté ensanglante sa victoire par un sacrifice qui ne peut être excusé que par un ordre secret de Dieu, sur lequel il ne lui a pas plu de nous rien faire connaître.
Discours sur l'Histoire Universelle Bossuet 1ère partie Ch. 4

Vous le savez le Catéchisme du Concile de Trente fait reproche aux chrétiens d'accuser les juifs de déicide disant que par leurs péchés les chrétiens sont beaucoup plus justement appelés déicides que les juifs, car eux ne savaient pas, alors que nous nous savons, j'ai posté sur la question avec la citation exacte.
Loué soit Jésus-Christ

Larmorencourt
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Message non lu par Larmorencourt » mar. 13 déc. 2005, 23:01

aramis a écrit :Depuis le venue du Christ, il n'y a plus de peuple élu, puisque toutes les nations sont appelées a recevoir Jésus pour sauveur. Et chacun d'entre nous est appelé à reconnaître par la même occasion sa responsabilité dans la crucifixion de Jésus.
Chaque mauvaise action vis à vis d'un autre est une nouvelle crucifixion. Chacun d'entre nous crucifions Jésus tous les jours. Et la bonne nouvelle, c'est qu'il nous sauve malgrè tout.

Comment donc accuser le seul peuple juif ?
L'ancienne alliance n'est pas rompue, il me semble. Vatican II a reconnu ce fait, si je ne me trompe pas. Le peuple juif reste peuple élu même s'il n'est plus le seul. Même s'il n'est pas dit explicitement que Dieu les a pardonné, Jésus a demandé à son Père de le faire. Il y a une nuance qui porte à réflechir, j'en conviens. Il est frappant de voir le nombre de juifs dans tous les domaines de la création humaine, comme si réellement "le salut vient des juifs" est encore d'actualité. Et il reste, ce peuple, un signe en butte à la contradiction, comme le chrétien.

Le premier germe du christianisme, ce sont ces juifs convertis de la diaspora de Rome et autres villes, que l'on a tendance à oublier un peu vite.

En ce qui concerne la resposablilité collective, lorsque je vois combien une communauté peut se sentir agressée par les déboires de deux malheureux électrocutés, je suis en droit , par voie de réciprocité, d'y déceler un sens aigu de la responsabilité collective, même si elle est subjective .

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