Dieu et les fondements de la morale

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Métazét
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Dieu et les fondements de la morale

Message non lu par Métazét » mar. 07 oct. 2008, 23:30

Bonsoir :)

On entend souvent dire, de la part de chrétiens versés dans la philosophie, que sans Dieu, il n'y a pas de fondement solide à la morale. Dostoïevski affirmait que "Si Dieu n'existe pas, tout est permis".

J'aimerais beaucoup avoir quelques éclaircissements à ce sujet, car il ne me paraît pas clair du tout que :

1°) on ne puisse pas fonder l'éthique sur une autre base ontologique que Dieu ;

2°) on puisse mieux fonder l'éthique sur Dieu que sur d'autres considérations.

Merci par avance.

Cordialement,

Sokrates

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Re: Dieu et les fondements de la morale

Message non lu par Métazét » mer. 08 oct. 2008, 19:52

Bon... mon sujet n'a pas l'air d'inspirer grand monde :( Peut-être que je me dois d'être plus explicite : certains philosophes estiment par exemple que la morale peut se fonder sur la seule raison naturelle, indépendament de la croyance en un Dieu. Si, par exemple, je fais du mal à mon prochain, on peut dire que je prends pour morale de ma conduite de faire du mal à mon prochain si je le veux. Mais cette morale n'est pas universalisable, car je ne serais évidemment pas d'accord pour que mon prochain me fasse du mal. Alors que la conduite morale consistant à faire du bien à son prochain est universalisable car c'est également l'attitude que j'attends de mon prochain à mon égard. Il semble (en tout cas il me semble), que si on admet la raison, et si on admet que ce qui est universel prime sur le singulier (ce qui est une règle en sciences où les hypothèses doivent être les plus universelles, valables pour tout le monde, à toute époque et en tout lieu) alors il s'ensuit nécessairement une certaine obligation morale. Et je ne vois pas où Dieu intervient dans ce raisonnement. Inversement, on peut considérer que si Dieu est le créateur de la loi morale, alors cette dernière est arbitraire ; et si on me répond que Dieu ne pouvait pas créer la loi morale autrement, cela revient quelque part à affirmer qu'elle lui préexiste. On peut encore dire que Dieu est la loi morale. Mais ainsi, on ouvre une brèche pour une compréhension purement athée de la loi morale (de même qu'en philosophie de l'esprit, la théorie de l'identité psycho-physique ouvre une brèche pour une compréhension purement matérialiste de l'esprit et du comportement). Donc, pour le dire avec un peu plus de nuance que dans mon premier post : je ne vois pas que des avantages à fonder la morale sur Dieu, et je ne vois pas que des inconvénients à la fonder sur autre chose, par exemple la raison naturelle. En tout cas, la formule de Dostoïevski me paraît considérablement exagérée.

Cordialement,

Sokrates

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Re: Dieu et les fondements de la morale

Message non lu par Christophe » mer. 08 oct. 2008, 20:08

Bonjour Sokrates !

Votre question me semble mieux à sa place dans le forum de philosophie séculière, dès lors qu'il s'agit d'étudier les fondements de la morale dans une perspective athée...

Voici un fil de discussion sur un thème proche :
:arrow: La dignité humaine dans l'athéisme

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Olivier JC
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Re: Dieu et les fondements de la morale

Message non lu par Olivier JC » mer. 08 oct. 2008, 20:37

Bonsoir,
Sokrates a écrit :1°) on ne puisse pas fonder l'éthique sur une autre base ontologique que Dieu ;
On peut tout à fait fonder une éthique sur une autre base. La seule chose indispensable, hors de laquelle aucune éthique ne saurait être valable, c'est de considérer l'unité de la nature humaine dans l'espace et dans le temps. En d'autres termes, que ce qui est mal ici le soit aussi là, et que ce qui l'était hier le sera toujours demain.

Cela dit, je répugne à citer comme exemples Aristote ou les stoïciens, dans la mesure où leur souci n'était pas de développer une morale au sens où on l'entend généralement (ce qui est permis et donc bien, et ce qui est interdit et donc mal). Leur but, c'est de formuler un art de vivre de nature à procurer le bonheur.

De la conception du bonheur que l'on retient, il en surgit des morales bien différentes, mais dans tous les cas bien plus ample (si, si) que la métaphysique des moeurs d'un Kant, qui ne s'extrait pas du cadre d'une morale de l'obligation, forcément limité.

Sokrates a écrit :2°) on puisse mieux fonder l'éthique sur Dieu que sur d'autres considérations.
Pour reprendre la perspective précédente, tout dépend de ce que l'on retient comme constituant le bonheur de l'homme. Pour certains, cela sera le plaisir solitaire devant des spectacles peu édifiants. La spécificité du christiannisme réside dans le fait qu'il propose une certaine idée du bonheur (dont la charte fondamentale est constituée par le sermon sur la montagne), bonheur qui réside dans le fait d'être en communion avec Dieu.

Ce pourquoi Dieu, et mieux encore, Dieu tel qu'il s'est révélé aux Juifs, fournit le meilleur fondement de la morale, puisque c'est Lui qui nous révèle que la fin de l'homme est la communion avec Lui, étant précisé qu'Il est assez bien placé pour le savoir puisque c'est Lui qui nous a créé.

En résumé, le christiannisme ne propose pas de fonder la morale sur Dieu, mais de la fonder sur le bonheur (ce en quoi elle est des plus classique, c'est ce que faisaient Aristote, c'est ce que fait l'Ancien testament). Le christiannisme offrant par ailleurs le meilleur fondement en cela qu'il permet de connaître le vrai bonheur.

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Re: Dieu et les fondements de la morale

Message non lu par Métazét » ven. 17 oct. 2008, 17:07

Bonjour,

Merci à Olivier JC pour ses explications tout à fait éclairantes, et je dois dire étonnantes (mais dans le bon sens) par rapport à ce qui m'avait déjà été donné d'entendre ! :)
« La majorité des philosophes n'a pas de courage ; ils commencent par avaler les principes essentiels du code actuel : monogamie, structure familiale, continence, tabous corporels, restrictions concernant l'acte sexuel et la suite, puis ils chipotent sur les détails… jusqu'à des sottises telles que de savoir si la vue de la poitrine féminine est obscène ou non. » (Robert Heinlein, En terre étrangère)

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