Aussi :
Alexandre-invité :
L'évocation de la figure d'Abraham de la bouche de Jésus obéit à une volonté de convertir ses opposants, qui se réclamaient ostensiblement de sa descendance. Les références à Abraham par Jésus ont systématiquement pour objectif de démontrer la foi du Patriarche, en opposition avec l'endurcissement de ses opposants et de les amener sur la bonne voie. Vous ne pouvez pas faire abstraction de ce caractère central.
Abraham exerçait en effet une influence dans l'imaginaire collectif, une sorte de modèle à suivre, un épouvantail qu'on agite. Il est avant tout une figure symbolique, comme notre Marianne, pour faire une analogie. Cela n'accrédite pas pour autant son existence historique (ni ne l'infirme). Et ce même si Jésus l'utilise à ses fins pour la conversion.
Les Juifs du premier siècle ne le connaissaient d'ailleurs qu'à travers les textes dont nous disposons et qui, dans leur forme finale, datent du temps de l'exil à Babylone. A mille lieux de ce que fut le vrai Abraham, si toutefois il a existé.
Quoi qu'il en soit, l'existence réelle ou non d'Abraham n'est strictement d'aucune utilité pour la foi chrétienne professée à travers le Credo et les Symboles. Qu'il soit un personnage réel ou de papier n'a aucune raison d'influencer notre foi.
Je n'irais pas aussi loin. De papier ? Non. Car rien ne suggère que le patriarche serait "juste" un symbole, une figure chimérique. Rien dans les textes bibliques ne le donne à penser, aucun lecteur juif ancien de la Bible n'irait commenter dans ce sens, je croirais. Et, ce qui est plus grave, Jésus serait carrément un menteur, parlant d'Abraham comme de "celui qui aurait pu voir son jour et s'en être réjoui" alors qu'il devrait s'agir d'un personnage en papier ! De la part du Messie, du Fils de Dieu, du Verbe incarné : il ne serait pas très digne de mentir ou d'accréditer faussement l'existence d'un homme n'ayant jamais existé.
Donc ...
Faire une analogie entre Abraham et la figure de Marianne n'est pas du tout une bonne illustration de ce que des messieurs comme Thomas Römer, Finkelstein et al devraient penser à mon avis.
Pour faire un parallèle, il aurait été plus judicieux d'en faire un avec le personnage de Charlemagne le roi des Francs. Personne ne va nier l'existence historique de Charlemagne, ni non plus le fait qu'il aura pu vouloir combattre les infidèles ou les hérétiques. En même temps, personne ne va tenir que La chanson de Roland correspondrait à un ouvrage historique, c'est à dire le genre de production littéraire pouvant satisfaire un public institutionnel de gens sérieux du XXIe siècle, de gens réclamant la production d'articles savants et obéissants à des normes très stricts.
Bien que Charlemagne ait existé et que La chanson de Roland conserve sa valeur propre : on n'attend pas du récit légendaire sur Charlemagne le même degré de rigoureuse exactitude pouvant porter sur des détails, comme on pourrait s'attendre d'en trouver chez le professeur Jérôme Carcopino nous entretenant des coutumes de la Rome antique du temps de Sénèque, dans une communication faite à la Sorbonne.
Je pense qu'un chrétien n'a pas d'autre option que de souscrire à la réalité du personnage existant. Du reste, on voit mal comment le vrai Dieu aurait pu contracter une alliance avec un personnage fictif. Et Thomas Römer ne dira jamais que l'individu concerné n'existe pas.