La réalité historique d'Abraham à Ur, en Chaldée

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Re: L’enfance sumérienne d’Abram à Ur, en Chaldée

Message non lu par Carolus » mar. 09 avr. 2019, 20:24

Cinci a écrit :
mar. 09 avr. 2019, 8:24
Cinci :

Le patriarche Abraham est une figure autochtone en Judée parce que son tombeau se trouve à Hebron.
Le tombeau du patriarche Abraham se trouvait " à Hébron, dans le pays de Canaan " (Gn 23, 2), cher Cinci. :(

Abraham dit ceci du pays de Canaan :
Gn 23, 4 Je ne suis qu’un immigré, un hôte, parmi vous ; accordez-moi d’acquérir chez vous une propriété funéraire
Abraham n'est " qu’un immigré ", car il est venu d'ailleurs, n’est-ce pas ?

Abraham n’est pas né dans le pays de Canaan, c’est-à-dire il n’est pas un homme autochtone.

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Re: L’enfance sumérienne d’Abram à Ur, en Chaldée

Message non lu par Cinci » mer. 10 avr. 2019, 8:23

@ Carolus

Vous devriez écrire à Thomas Römer du Collège de France pour lui expliquer tout cela. Parce que c'est lui qui emploie cette expression qui paraît vous ennuyer formidablement. Il vous dira peut-être pour le coup si lui pense que le Père Abraham aurait pu voyager, migrer et tout ce que vous voulez.

En attendant, si un mot vous embête à ce point, - vous ne pourriez plus dormir ou manger ou allez à la messe -, je me devrais quand même charitablement vous signaler que cette réaction serait juste la vôtre et que, si problème il y a par-ici, c'est un problème qui vous appartient. Ce n'est pas le mien.

En ce qui me concerne, je me suis borné à dire qu'il ne me dérangeait pas outre mesure que notre savant puisse parler d'Abraham comme d'une figure autochtone, c'est à dire un individu devenu comme un être de légende pour les habitants de Canaan si vous avez du mal à comprendre. Le patriarche est une figure en Canaan, pas en Chine ou à l'île de Java. Donc, que notre savant puisse évoquer le patriarche comme une figure autochtone ne va pas changer grand chose à la foi chrétienne; de même façon qu'il n'en change rien à ma foi si le texte de l'Exode que nous avons daterait de l'an 500 avant Jésus Christ, l'an 500 au lieu de l'an 800. Je ne vais pas renier le Christ et devenir bouddhiste parce que le texte de la Bible relatant l'histoire de Moïse pourrait dater réellement de l'an 500.

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Message non lu par Carolus » mer. 10 avr. 2019, 17:12

Cinci a écrit :Cinci :
En ce qui me concerne, je me suis borné à dire qu'il ne me dérangeait pas outre mesure que [Thomas Römer] puisse parler d'Abraham comme d'une figure autochtone, c'est à dire un individu devenu comme un être de légende pour les habitants de Canaan si vous avez du mal à comprendre.
Thomas Römer parle d'Abraham comme d'une figure littéraire, cher Cinci. :(
Il est assez clair que la figure (littéraire) d’Abraham est plus récente que celle de Jacob.

https://www.academia.edu/10764184/T._R% ... 4_pp._7-23
Pour Thomas Römer, Abraham n'est qu'une figure littéraire.
Mt 8, 11 [Jésus dit :] Beaucoup viendront de l’orient et de l’occident et prendront place avec Abraham, Isaac et Jacob au festin du royaume des Cieux
Selon notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, Abraham sera " au festin du royaume des Cieux ", n'est-ce pas ?

Il n'y aura pas de figures littéraires au festin du royaume de Cieux ! :(

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Message non lu par Alexandre-Invité » mer. 10 avr. 2019, 23:44

Carolus a écrit :
mer. 10 avr. 2019, 17:12
Il n'y aura pas de figures littéraires au festin du royaume de Cieux ! :(
L'évocation de la figure d'Abraham de la bouche de Jésus obéit à une volonté de convertir ses opposants, qui se réclamaient ostensiblement de sa descendance. Les références à Abraham par Jésus ont systématiquement pour objectif de démontrer la foi du Patriarche, en opposition avec l'endurcissement de ses opposants et de les amener sur la bonne voie. Vous ne pouvez pas faire abstraction de ce caractère central.

Abraham exerçait en effet une influence dans l'imaginaire collectif, une sorte de modèle à suivre, un épouvantail qu'on agite. Il est avant tout une figure symbolique, comme notre Marianne, pour faire une analogie. Cela n'accrédite pas pour autant son existence historique (ni ne l'infirme). Et ce même si Jésus l'utilise à ses fins pour la conversion.

Les Juifs du premier siècle ne le connaissaient d'ailleurs qu'à travers les textes dont nous disposons et qui, dans leur forme finale, datent du temps de l'exil à Babylone. A mille lieux de ce que fut le vrai Abraham, si toutefois il a existé.

Quoi qu'il en soit, l'existence réelle ou non d'Abraham n'est strictement d'aucune utilité pour la foi chrétienne professée à travers le Credo et les Symboles. Qu'il soit un personnage réel ou de papier n'a aucune raison d'influencer notre foi.

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Message non lu par Carolus » jeu. 11 avr. 2019, 19:07

Alexandre-Invité a écrit :Alexandre-Invité :

[Abraham] est avant tout une figure symbolique, comme notre Marianne, pour faire une analogie.
Merci pour votre réponse, cher Alexandre. :)

Abraham n’est-il qu’une « figure symbolique, comme notre Marianne » :?:
Mt 22, 31-32 Et au sujet de la résurrection des morts, n’avez-vous pas lu ce qui vous a été dit par Dieu : Moi, je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ? Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. »
Selon notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, il y aura une résurrection des morts, c’est-à-dire une résurrection des êtres humains en chair et en os morts, n’est-ce pas ?

Les figures symboliques, « comme notre Marianne », ne sont pas des êtres humains en chair et en os.

En ce qui concerne notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, Abraham était un être humain en chair et en os, c’est-à-dire un homme historique.

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Message non lu par Alexandre-Invité » jeu. 11 avr. 2019, 22:55

Carolus,

Vous modifiez mes propos [...]

Je ne dis à aucun moment qu'Abraham n'est qu'une figure symbolique mais qu'il l'est avant tout. Nuance.

Cela étant dit, je me réjouis que vous ne trouviez que si peu à redire de mon message. Mais je regrette que vous ne saisissiez pas que l'évocation de la figure d'Abraham par Jésus est uniquement à des fins de conversion, un moyen de frapper la conscience de ses opposants. Votre obsession de défendre l'historicité du Patriarche vous fait oublier l'aspect symbolique d'Abraham dans la conscience collective juive comme modèle de foi et d'obéissance. Ce n'est pas tant de l'homme physique que Jésus défend que ce qu'il représente. L'analogie avec Marianne pour la République a donc un sens.

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Message non lu par Carolus » ven. 12 avr. 2019, 16:57

Alexandre-Invité a écrit :
jeu. 11 avr. 2019, 22:55
Alexandre-Invité :
Carolus,

Vous modifiez mes propos, ce n'est pas honnête.

Je ne dis à aucun moment qu'Abraham n'est qu'une figure symbolique mais qu'il l'est avant tout. Nuance.
Oui, il faut tenir compte des nuances dans un texte, cher Alexandre. :)
11 AVRIL 2019

LECTURES DE LA MESSE

ÉVANGILE
« Abraham votre père a exulté, sachant qu’il verrait mon Jour » (Jn 8, 51-59)
Dans l'Évangile du jour du 11 avril 2019, les Juifs parlent-ils d'une « figure symbolique, comme notre Marianne » :?:
Jn 8, 52 Les Juifs lui dirent : « Maintenant nous savons bien que tu as un démon. Abraham est mort, les prophètes aussi».
Est-ce que les figures symboliques, « comme notre Marianne », sont mortes :?:
Jn 8, 53 [Les Juifs lui dirent :] Es-tu donc plus grand que notre père Abraham ? Il est mort, et les prophètes aussi sont morts »
Les Juifs parlent d'un ancêtre biologique défunt, n'est-ce pas ? :(

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Message non lu par Cinci » mar. 16 avr. 2019, 11:22

Revenir sur un petit détail ...


Carolus écrivait

Carolus :
Pour Thomas Römer, Abraham n'est qu'une figure littéraire.
Il n'est que : c'est vous qui le dites. Vous pécherez par réductionnisme, je pense. Car la réalité du propos de Thomas Römer se révèle plus nuancé.


En fait, Thomas Römer écrit :
Depuis que s'est effondrée la traditionnelle hypothèse documentaire [...] il n'est plus possible d'établir ni la date ni l'origine des traditions du Pentateuque en les attribuant à des documents supposément bien datés. Par conséquent, nous ne pouvons plus désormais adhérer au traditionnel point de vue historico-critique concernant la formation des textes sur Abraham qui, selon cette conception classique, auraient leur origine dans une composition yahviste sous Salomon [...] ou même plus tôt, au tout début de la monarchie israélite [...]

D'autres situèrent l'origine de la tradition d'Abraham autour d'Hebron, afin de dater du temps de David les plus anciennes strates de cette histoire, parce que, selon 2 Samuel 5, David fut oint comme roi à Hebron. Les plus anciens récits sur Abraham étaient alors considérés comme constituant une légitimation de la dynastie davidique.

Ces hypothèses étaient fondées pourtant sur une argumentation circulaire, consistant à dater des textes à partir d'informations contenues dans ces mêmes textes.

Il est bien sûr encore plus anachronique de continuer à chercher un "Abraham historique" (comme le firent Albright, Westermann et bien d'autres) en utilisant des textes de lois du deuxième millénaire, Nuzi et autres, censés refléter les coutumes des Patriarches, postulant par là-même une date du deuxième millénaire pour l'époque des Patriarches. Cela ne signifie pas que l'on doive nier la possibilité qu'ait existé un individu historique nommé Abraham, dont la tombe devint un lieu vénéré. Cependant, il n'est pas possible de reconstruire quoi que ce soit d'autre sur cet "Abraham historique". Dans les textes, en effet, l'élément le plus ancien qui lui soit associé est sa tombe et/ou son culte à Mamré (Gn 25,9).

Source : Israël Finkelsteine et Thomas Römer, "Observation sur les contextes historiques de l'histoire d'Abraham - entre archéologie et exégèse" dans Aux origines de la Torah, France, Éditions Bayard, 2018, p. 92
Römer ne dit pas que l'individu connu sous le nom d'Abraham n'a pas existé. Le souci de Römer se rapporte à la datation des sources et aux limites de ce que nous pourrions savoir au sujet de cet Abraham sous l'angle de la discipline historique. Il dit qu'il est pratiquement impossible de construire une vérité historique à son sujet, une vérité offrant une quelconque garantie d'objectivité pour la communauté savante. Les textes bibliques évoquant le personnage répondraient à d'autres objectifs que celui de nous restituer dans sa vérité prosaïque le vécu quotidien ou tel événement réel ayant dû se produire à tel moment précis sur l'échelle du temps.

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Re: L’enfance sumérienne d’Abram à Ur, en Chaldée

Message non lu par Cinci » mar. 16 avr. 2019, 12:26

Et Thomas Römer écrit plus loin :

"Il serait logique de considérer que la tradition originale concernant Abraham provenait d'un sanctuaire au chêne sacré de Mamré. A l'origine, Mamré peut avoir été un lieu saint lié à un arbre et/ou à un bosquet sacré situé près d'Hebron, au coeur des monts de Judée. Son emplacement exact est impossible à déterminer. Il est également fort plausible que, dès la période monarchique, ait existé une tradition concernant la tombe d'Abraham dans la région d'Hebron, surtout si l'on considère qu'un "lieu de mémoire" en relation avec un ancêtre est dans bien des cas un sanctuaire lié à sa tombe.

[...]

En résumé, il existait une ancienne tradition du Sud concernant Abraham, son sanctuaire et sa tombe, mais cette tradition fut radicalement transformée à la période perse.

Si l'on veut rassembler des critères permettant de dater les récits sur Abraham, il est utile d'analyser les textes se référant aux Patriarches hors du Pentateuque. Abraham est mentionné en Ez 33, 23-29 qui contient une disputatio contre ceux qui étaient restés à Jérusalem, n'étaient pas partis en exil, et réclamaient la possession de la terre. Elle commence par la citation d'une revendication de la population :"Alors la parole de Yavhé me fut adressée en ces termes : Fils d'homme, ceux qui habitent ces ruines sur le sol d'Israël , parlent ainsi : Abraham était seul, lorsqu'il a été mis en possession de ce pays. Nous qui sommes nombreux, c'est à nous que le pays est donné en patrimoine". Ces versets soulèvent trois points. Tout d'abord, la référence à Abraham indique qu'il était une figure connue, et ce fait même montre clairement que les plus anciennes traditions sur Abraham ne sont pas une invention de la période babylonienne, mais qu'elles doivent plutôt remonter à l'âge du Fer.

Enfin, le texte dit qu'Abraham posséda ou prit possession de la terre, ce qui indique que ce qui est dit par "ceux qui habitent ces ruines" se fondait sur une tradition sur Abraham, qui racontait comment le patriarche en était venu à posséder cette terre. Il est intéressant de noter qu'il n'est pas fait mention d'un don divin ou de la promesse de la terre, pas plus que d'une origine mésopotamienne du patriarche. Abraham apparaît comme une figure autochtone.

Ce qui est dit d'Abraham et de sa possession de la terre cité dans Ez 33,24, semble présupposé par l'auteur d'Isaïe 51,1-3 : "Écoutez-moi, vous qui êtes en quête de justice, vous qui cherchez Yavhé. Regardez le rocher d'où l'on vous a taillés, et la fosse d'où l'on vous a tirés. Regardez Abraham votre père et Sara qui vous a enfantés, Il était seul quand je l'ai appelé, mais je l'ai béni et multiplié. Oui, Yavhé a pitié de Sion, il a pitié de toutes ses ruines; il va faire de son désert un Éden, et de steppe un jardin de Yavhé ..." La date exacte d'Isaïe 51 est difficile à déterminer. Ce qui est clair, toutefois, c'est que l'évocation de Sara et Abraham semple présupposer et corriger le passage d'Ez 33, 23-29. Isaïe 51 atteste que le thème de la descendance était une partie importante de la tradition sur Abraham, sans doute dès les origines.

Les deux textes, Ezéchiel 33 et Isaïe 51, présentent les deux thèmes majeurs du cycle d'Abraham dans la Genèse : la terre et la descendance. Vraisemblablement, aucun des deux me se fonde sur des textes spécifiques de Genèse 12-26, de telle sorte qu'ils apparaissent comme les mentions les plus anciennes d'Abraham en dehors du livre de la Genèse. Ils contribuent donc à fonder la thèse selon laquelle les plus anciennes traditions sur Abraham naquirent à l'âge du Fer et contenaient l'histoire d'un héros autochtone.



La relation entre Lot et sa descendance

Lot et ses filles représentent les Moabites et les Ammonites. Le récit contempteur sur la naissance d'Ammon et Moab en Gn 19, 30-37, de même que le fait de reconnaître qu'ils sont liés à Abraham (Lot est soit le neveu soit le frère d'Abraham) font sens à l'âge du Fer. Quel serait l'intérêt de ces récits étiologiques dans une période postérieure à l'âge du Fer, quand Moab et Ammon n'existaient plus ? Lié au personnage de Lot, c'est le récit étiologique des cités de la plaine. A la fin de l'âge du Fer, dans le royaume de Juda, une population conséquente habitait sur la rive occidentale de la Mer Morte, le désert de Judée [...]; à la période perse, en revanche, il n'existait plus qu'une seule agglomération judéenne aux environs de cette région, Ein Gedi.

[...]

Les origines des histoires anciennes sur Abraham s'étendent sans doute sur une longue période, débutant avec l'expansion démographique dans les hautes terres du sud dans la deuxième moitié du IXe siècle et perdurant jusqu'au VIIe siècle avant J.C. Dans ce cas également, les plus anciennes traditions n'avaient pas été mises par écrit; il est plus raisonnable d'imaginer que les premiers textes furent écrits au VIIe siècle lorsque l'alphabétisation se propagea en Juda.

Source : id., Au origines de la Torah, p. 118

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Re: L’enfance sumérienne d’Abram à Ur, en Chaldée

Message non lu par Cinci » mer. 17 avr. 2019, 9:57

En lisant Thomas Römer, je ne le vois pas soutenir que le Père Abraham serait un personnage de fiction, une allégorie, une figure de roman comme le vieux roi Priam dans l'Illiade d'Homère.

Aussi :

Alexandre-invité :
L'évocation de la figure d'Abraham de la bouche de Jésus obéit à une volonté de convertir ses opposants, qui se réclamaient ostensiblement de sa descendance. Les références à Abraham par Jésus ont systématiquement pour objectif de démontrer la foi du Patriarche, en opposition avec l'endurcissement de ses opposants et de les amener sur la bonne voie. Vous ne pouvez pas faire abstraction de ce caractère central.

Abraham exerçait en effet une influence dans l'imaginaire collectif, une sorte de modèle à suivre, un épouvantail qu'on agite. Il est avant tout une figure symbolique, comme notre Marianne, pour faire une analogie. Cela n'accrédite pas pour autant son existence historique (ni ne l'infirme). Et ce même si Jésus l'utilise à ses fins pour la conversion.

Les Juifs du premier siècle ne le connaissaient d'ailleurs qu'à travers les textes dont nous disposons et qui, dans leur forme finale, datent du temps de l'exil à Babylone. A mille lieux de ce que fut le vrai Abraham, si toutefois il a existé.

Quoi qu'il en soit, l'existence réelle ou non d'Abraham n'est strictement d'aucune utilité pour la foi chrétienne professée à travers le Credo et les Symboles. Qu'il soit un personnage réel ou de papier n'a aucune raison d'influencer notre foi.

Je n'irais pas aussi loin. De papier ? Non. Car rien ne suggère que le patriarche serait "juste" un symbole, une figure chimérique. Rien dans les textes bibliques ne le donne à penser, aucun lecteur juif ancien de la Bible n'irait commenter dans ce sens, je croirais. Et, ce qui est plus grave, Jésus serait carrément un menteur, parlant d'Abraham comme de "celui qui aurait pu voir son jour et s'en être réjoui" alors qu'il devrait s'agir d'un personnage en papier ! De la part du Messie, du Fils de Dieu, du Verbe incarné : il ne serait pas très digne de mentir ou d'accréditer faussement l'existence d'un homme n'ayant jamais existé.

Donc ...

Faire une analogie entre Abraham et la figure de Marianne n'est pas du tout une bonne illustration de ce que des messieurs comme Thomas Römer, Finkelstein et al devraient penser à mon avis.

Pour faire un parallèle, il aurait été plus judicieux d'en faire un avec le personnage de Charlemagne le roi des Francs. Personne ne va nier l'existence historique de Charlemagne, ni non plus le fait qu'il aura pu vouloir combattre les infidèles ou les hérétiques. En même temps, personne ne va tenir que La chanson de Roland correspondrait à un ouvrage historique, c'est à dire le genre de production littéraire pouvant satisfaire un public institutionnel de gens sérieux du XXIe siècle, de gens réclamant la production d'articles savants et obéissants à des normes très stricts.

Bien que Charlemagne ait existé et que La chanson de Roland conserve sa valeur propre : on n'attend pas du récit légendaire sur Charlemagne le même degré de rigoureuse exactitude pouvant porter sur des détails, comme on pourrait s'attendre d'en trouver chez le professeur Jérôme Carcopino nous entretenant des coutumes de la Rome antique du temps de Sénèque, dans une communication faite à la Sorbonne.

Je pense qu'un chrétien n'a pas d'autre option que de souscrire à la réalité du personnage existant. Du reste, on voit mal comment le vrai Dieu aurait pu contracter une alliance avec un personnage fictif. Et Thomas Römer ne dira jamais que l'individu concerné n'existe pas.

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Re: L’enfance sumérienne d’Abram à Ur, en Chaldée

Message non lu par Cinci » mer. 17 avr. 2019, 10:20

Pour le reste, comme l'écrivait gérardh :
gérardh :
Tout cela est fort intéressant mais en certains points hautement spéculatif
Je trouve moi aussi "hautement spéculatif" le propos de Xavi en page 1.

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Re: L’enfance sumérienne d’Abram à Ur, en Chaldée

Message non lu par Carolus » mer. 17 avr. 2019, 15:13

Cinci a écrit :Cinci :
En lisant Thomas Römer, je ne le vois pas soutenir que le Père Abraham serait un personnage de fiction, une allégorie, une figure de roman comme le vieux roi Priam dans l'Illiade d'Homère.
Merci pour votre réflexion, cher Cinci. :)
Abraham, tel qu'il apparaît dans ces textes, est une figure autochtone, rien n’est dit d’une provenance extra cananéenne.

T. Römer, « La construction d'Abraham comme ancêtre oecuménique », RSB 2014
Pour Thomas Römer, Abraham est une figure de provenance cananéenne.
Ac 7, 2-3 Étienne dit alors : « Frères et pères, écoutez ! Le Dieu de gloire est apparu à notre père Abraham, quand il était en Mésopotamie avant de venir habiter Harrane, et il lui a dit : Sors de ton pays et de ta parenté, et va dans le pays que je te montrerai.
Pour S. Étienne, le père Abraham est de provenance mésopotamienne, c’est-à-dire de provenance extra cananéenne, n’est-ce pas ?

Malheureusement, pour Thomas Römer, le père Abraham de provenance mésopotamienne n’est qu’une figure littéraire, c’est-à-dire un personnage de fiction, n’est-ce pas ? :(

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Message non lu par Cinci » mer. 17 avr. 2019, 19:56

Thomas Römer ne se mêle pas de dire ce que les catholiques devraient croire ou pas au sujet des origines d'Abraham, si ce dernier pouvait provenir de Mésopotamie ou non ou quels voyages l'ancêtre aurait-il bien pu faire de son vivant.

Il se borne à avancer que, du point de vue d'un historien, nous ne pourrions avoir aucune garantie à l'effet que le patriarche aurait pu provenir d'Ur.

Il est assez normal qu'un historien ne puisse s'exprimer "comme un croyant le ferait" mais que ce soit saint Étienne ou un autre. Sur une base historique (non pas biblique), le matériel testimonial relatif à Abraham ne nous permettrait pas de sortir du domaine de Canaan.

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Message non lu par Carolus » mer. 17 avr. 2019, 21:15

Cinci a écrit :Cinci :
[Thomas Römer] se borne à avancer que, du point de vue d'un historien, nous ne pourrions avoir aucune garantie à l'effet que le patriarche aurait pu provenir d'Ur.
Vraiment, cher Cinci :?:

Est-ce que Thomas Römer « se borne à avancer que [...] nous ne pourrions avoir aucune garantie à l'effet que le patriarche aurait pu provenir d'Ur » ?
Dans ce qui suit, j’aimerais retracer la construction de la figure d’Abraham en distinguant plusieurs étapes à travers lesquelles Abraham deviendra de plus en plus l’ancêtre en qui tous peuvent se reconnaître et le précurseur indispensable de Moïse.

T. Römer, « La construction d'Abraham comme ancêtre oecuménique », RSB 2014
Thomas Römer parle ouvertement de « la construction de la figure d’Abraham », c'est-à-dire de l'invention d'une figure littéraire qui n'a rien à voir avec la réalité.

Thomas Römer ne se borne donc pas à avancer que l'on ne pourrait « avoir aucune garantie à l'effet que le patriarche aurait pu provenir d'Ur », n'est-ce pas ?

Pour Thomas Römer, le père Abraham mésopotamien n'existe pas. Selon lui, il s'agit d'une figure purement littéraire, c'est-à-dire fictive. :(

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Re: L’enfance sumérienne d’Abram à Ur, en Chaldée

Message non lu par Alexandre-Invité » jeu. 18 avr. 2019, 2:06

Archidiacre, Carolus, Cinci,

Je vais vous partager une synthèse de mon point de vue sur les deux sujets qui nous divisent afin de lever toute ambiguïté.

1) Abraham

Je ne conteste pas l'historicité d'Abraham mais souligne simplement qu'il est prioritairement une figure symbolique qui, au premier siècle, exerçait une forte influence dans la pensée collective juive comme un modèle de foi tel que présenté dans la Torah. Car c'est à travers ces mêmes écrits que nous aujourd'hui, qu'ils le connaissaient.

Il est aussi celui par qui tout a commencé. Les Juifs du premier siècle aspiraient profondément à restaurer la souveraineté perdue d'Israël pour que puisse se réaliser de nouveau pleinement la promesse faite à Abraham. Le cantique de Zacharie illustre parfaitement cette attente. L'image d'Abraham incarnait alors l'espérance d'une nation en souffrance.

Ceci étant dit, il me semble tout à fait raisonnable de penser que la figure biblique d'Abraham doit être très éloignée de ce qu'il fût, sous réserve qu'il ait existé. Un exemple très simple pour étayer mon propos :

On oublie trop souvent de dire qu'une lecture attentive des livre de l'Exode, du Lévitique et des Nombres montre clairement que Moïse et son peuple ne croyaient pas au Dieu unique. Les textes montrent que dans leur compréhension, YHWH était le Dieu d'Israël qui coexistait avec les divinités des autres nations bien que leur étant supérieur. Nous remarquons un vrai cheminement au fil des livres pour finalement aboutir à une pleine connaissance du Dieu unique et universel avec les prophètes.

Par conséquent, il est impossible qu'Abraham, dont l'existence est antérieure à celle de Moïse et des prophètes, ait pu croire au Dieu présenté dans la Genèse dont la compréhension est proche de celle des prophètes. Il est donc évident qu'un travail de rédaction entrepris au temps de l'exil à Babylone a été effectué et ne nous permet pas de cerner ce que fût réellement Abraham et ce qu'il crut.

Prendre à la lettre la Genèse me semble donc être une erreur fondamentale.

2) Les deux récits de la création

[Message de la Modération : Partie de message déplacée dans le sujet "Genèse, valeur symbolique ou historique" de la section Écriture Sante]

[...]
[Les propos supprimés ici et dans les messages qui précédent de Alexandre-Invité, sont ainsi écartés pour manque de respect à l'égard des autres intervenants. Pour rappel, la courtoisie et le respect sont de règle dans ce forum]

Il est pourtant évident que les rédacteurs de ces récits cherchaient des réponses à leurs interrogations d'alors et, à partir de la littérature sumérienne ont posé sur papier leur propre réflexion sur nos origines : pourquoi et comment l'univers, l'homme, la femme, les animaux, la souffrance, la mort, le travail, les nations, les langues, etc.

Sans parler des différentes étapes de la création des chapitres 1 et 2 qui présentent des incohérences.

[Message de la Modération : ce sujet concernant l’historicité d’Abraham a suscité de nombreuses réponses plus générales concernant soit la datation du livre de la Genèse, soit la valeur historique de ce livre.
Ces réponses qui ne concernent pas directement le sujet de ce fil ont été déplacées soit vers le sujet de la section « Écriture Sainte » intitulé « La Genèse : valeur historique ou symbolique ? » :

viewtopic.php?f=91&t=29916
soit, vers le sujet de cette même section intitulé « Essai de datation de la Genèse » :
viewtopic.php?f=91&t=14232 ]

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