Bonjour à chacun,
diviacus1 a écrit : ↑lun. 30 mai 2022, 9:45
Comme le dit Thomas Römer, "Les quelques textes qui présentent la famille d'Abraham comme originaire de la Mésopotamie sont, de l'avis quasi unanime des exégètes, des réinterprétations tardives (probablement à l'époque assyrienne). Il es possible d'affirmer que les traditions abrahamiques ont été transmises autour du sanctuaire de Manré à proximité d'Hébron. Abraham constitue à l'origine très probablement une figure autochtone."
On peut tout imaginer, mais le fait est que la quasi unanimité des exégètes ne croit pas à une origine d'Abraham en Mésopotamie.
@ Diviacus1
Désolé, Diviacus, de vous en faire le reproche une fois de plus, mais vos affirmations sont gratuites et manquent de fondement. Vous avez laissé sans réponse beaucoup d’observations concrètes des messages antérieurs de ce fil et dans d’autres sujets. Il est trop facile de parler de prétendue «
quasi-unanimité », sans citations précises et concrètes, pour nier l’enseignement constant de l’Église qui rejoint, pour Abraham, les convictions des juifs et des musulmans.
Libre à vous (et vous trouverez certainement de multiples opinions dans votre sens) de refuser de croire à la réalité historique d’Abraham issu de Ur, dans le sud est actuel de l’Irak.
Vous parlez de figure «
autochtone », ce qui est vide de tout contenu à défaut de préciser le territoire dans lequel vous situez Abraham.
Plutôt que de vous limiter à des généralités non fondées, venez plutôt avec des réponses et des citations précises par rapport aux messages qui précèdent.
Il est certain que toute tradition comprend toujours une part de réinterprétation des textes primitifs, mais, sans base historique prouvée, il me semble qu’il faut surtout craindre des simplifications excessives qui transforment cette part de réinterprétation dans les récits bibliques en prétendues inventions.
Tous les détails du récit biblique et les réalités historiques connues concordent pour permettre de considérer que Terah et Abraham sont sortis de Ur. Vous n’apportez sur ce point aucune contradiction précise.
À cet égard, nous discutons ici dans ce fil de la réalité historique de la première moitié du deuxième millénaire avant Jésus-Christ dans laquelle le récit biblique situe Abraham.
Si, pour cette période et dans la région de Ur, vous avez la moindre information concrète précise qui vous semble faire difficulté par rapport au récit biblique, n’hésitez pas à la partager.
Mais, il est vain, dans un forum catholique, de vous limiter à des généralités répétées pour exprimer votre incrédulité quant à Abraham considéré ici comme le père des croyants qui a ouvert la route de la foi pour une foule innombrable.
Que ce saint patriarche continue à être vénéré et aimé par tous les amis de Dieu !
@ Libremax
Libremax a écrit : ↑sam. 28 mai 2022, 14:22
il paraît qu'autour du IIe millénaire avant JC, le Proche Orient a connu une grande vague de sécheresse, qui a provoqué le flux de nombreuses peuplades du nord vers le sud, et même la chute de plusieurs empires. La migration d'Abraham s'inscrirait, de ce point de vue, dans un mouvement plus large de migrations.
Les peuplades auraient eu tendance à se réfugier vers l'Egypte, où la présence de l'eau n'était pas liée aux variations climatiques.
Oui, en effet, les géographes notent un assèchement du climat du pays de Ur à partir de 2200 ans avant Jésus-Christ et les nomades mésopotamiens se déplaçaient dans le croissant fertile, le long de l’Euphrate puis dans les montagnes bordant la méditerranée jusqu’en Canaan.
Selon Dominique Charpin, certaines tribus amorrites «
faisaient tous les ans avec leurs troupeaux le parcours depuis la vallée de l'Euphrate jusqu'à la Méditerranée » et le nom d’Abraham «
est de structure amorrite et …certaines des coutumes mentionnées dans la Genèse cadrent parfaitement avec ce que nous savons des usages amorrites. C'est pourquoi une partie de l'historiographie contemporaine a considéré qu'Abraham pourrait avoir été contemporain d'Hammurabi de Babylone » (Les Amorrites fondateurs de Babylone, janvier 2002).
On sait que les amorrites, qui provenaient du nord de la Mésopotamie et sont descendus en grand nombre dans le sud après la chute de Ur en 2004 avant Jésus-Christ, étaient nombreux dans le pays de Sumer durant les premiers siècles du deuxième millénaire avant Jésus-Christ. Ils ont donné à la région de Babylone plusieurs de ses rois dont, notamment, le fameux Hammurabi (1810-1750 ACN).
Mais, l’influence de la période amorrite sur le nom d’Abraham et les détails amorrites du récit biblique ne permettent pas de savoir s’il venait lui-même du nord de la Mésopotamie ou si sa famille résidait dans le pays de Sumer depuis de nombreuses générations.
La Bible nous précise qu’il était «
hébreu » (Gn 14, 13), c’est-à-dire «
habirou », nomade. Mais, l’était-il dès sa naissance ou l’est-il devenu parce qu’il a été expulsé de Ur à cause de ses convictions religieuses, voire seulement lorsqu’il a quitté Harran ?
Le livre du Deutéronome le décrit comme un «
araméen nomade » (Dt 26. 5), mais le mot hébreu «
abad » traduit par «
nomade » est généralement traduit ailleurs par «
détruit » ou «
exterminé » ce qui semble se référer davantage à la persécution qui a fait fuir Abraham de Ur, sa ville d’origine, plutôt qu’à un nomadisme paisible et permanent.
Cette question reste ouverte car la réponse n’est pas évidente. L’«
expulsion » de Ur permet de penser que Terah et Abraham y étaient plutôt installés et le fait qu’ils se sont ensuite établis à Harran indique plutôt un mode de vie sédentaire, ou du moins seulement semi-nomade.
En fait, le mot hébraïque «
ebri », traduit en français par «
hébreu », semble correspondre au mot akkadien «
habirou » (ou «
apirou »). En effet, l'écriture akkadienne (où l'on trouve le mot “
apirou”) ne distingue pas les sons “p” et “b”, ni les gutturales, absentes du français mais bien connues en arabe, qui se trouvent ici au début du mot “
habirou”.
L’hébreu va progressivement se confondre avec l’israélite puis le judéen, mais il est important de ne pas donner au mot hébreu utilisé à une époque ancienne le sens qu’il ne prendra qu’ultérieurement. On peut y percevoir un exemple de réinterprétation.
Au temps d’Abraham «
l’hébreu » (Gn 14, 13), on ne parle pas encore d’Israël. Le mot indique seulement qu’il était nomade, mais on peut observer qu’Abraham est ainsi désigné à une époque où il s’est déplacé en Canaan, longtemps après avoir quitté Ur puis Harran.
Les nomades, qui étaient nommés en akkadien (langue diplomatique universelle durant le deuxième millénaire avant Jésus-Christ, et donc, notamment, à l’époque d’Abraham) «
habirous » ou «
apirous », avaient plutôt une mauvaise réputation chez les citadins sédentaires des cités mésopotamiennes. La littérature mésopotamienne en dresse un portrait peu flatteur. Errant en divers lieux, ils vivaient de leurs troupeaux ainsi que des produits de la chasse et de la cueillette, mais, passant de lieux en lieux, ils se nourrissaient aussi des récoltes des sédentaires avec qui ils collaboraient parfois mais qu’ils pillaient au besoin.
Les hébreux, que l’on nommait «
apirous » étaient des nomades ou semi-nomades qui n’étaient pas rattachés à une cité ou un territoire et étaient souvent considérés par les sédentaires des cités comme des sauvages non civilisés ayant des mœurs étranges.
Selon la généalogie des descendants de Noé du chapitre 10 du livre de la Genèse, les «
ebris » ou «
apirous » se rattachent au patriarche Eber ou Héber dont la descendance, les «
Hébreux », est considérée, lors de la dispersion des nations sur toute la terre après le déluge, comme une descendance particulière de Sem, l’héritier spirituel de Noé.
Dans cette généalogie, Heber c’est celui qui vient avant la division de l’humanité qui se produit à l’époque de la naissance de son fils Peleg qui est nommé ainsi «
parce que de son temps le pays est divisé » (Gn 10, 25). Heber, celui qui vient avant la division, est devenu le symbole de ceux qui ne sont pas rattachés à l’un des peuples, villes, nations ou territoires divisés. L’hébreu ou l’habirou, c’est le nomade.
On pouvait trouver toutes sortes d’ethnies et de langages chez les habirous. Du fait même de son errance, l’hébreu n’est rattaché à aucune ethnie, ni à aucun langage particulier, ni à aucune ville. Il n’est pas sous la protection de dieux particuliers, mais sous la seule protection du Dieu du Ciel, le divin qui n’est pas dépendant d’un endroit particulier.
À cet égard, il est utile d’observer que c’était surtout dans les villes que l’on fabriquait des statues de dieux, multiples et variés selon les lieux. Chaque cité mésopotamienne avait son panthéon de divinités.
Dès que des humains se concentrent et demeurent ensemble dans un même lieu, ils développent un langage commun, y compris religieux.
Le perfectionnement du langage parlé et de l’écriture amène avec lui un langage religieux, une manière singulière de parler du divin qui varie selon les cités, même si des éléments communs s’y retrouvent.
La sédentarisation amène aussi à construire des lieux de prière et des statues fixes.
Dans ces conditions, le nomade se trouve rapidement confronté à des religions multiples, différentes et parfois contradictoires, entre lesquelles il ne peut choisir sans un rattachement qui le met en difficulté lorsqu’il se trouve en d’autres endroits.
Sa religion a dès lors tendance à rester indépendante des langages religieux divisés et des pratiques dépendantes d’un lieu.
Il ne s’agit pas d’une distinction théologique qui ferait des apirous des monothéistes distincts des polythéistes. Il n’y a guère de place pour imaginer à cette époque des distinctions élaborées, mais les nomades sont orientés, du fait même de leur mode de vie, vers une religion détachée des attaches sédentaires, conforme à leur mode de vie libre et indépendant.
À cet égard, les nomades (apirous ou hébreux) pouvaient, du fait même de leurs déplacements, relativiser les représentations du divin de chaque cité et, déjà de nombreux siècles avant Abraham, beaucoup de mésopotamiens faisaient prévaloir un culte beaucoup plus abstrait basé sur des pierres dressées (des bétyles) sans aucune inscription ni sculpture.
«
on oppose traditionnellement les Mésopotamiens de l’est, qui vénéraient les dieux avec des statues et autres emblèmes, à ceux de l’ouest, qui auraient pratiqué des cultes sans images, utilisant notamment des stèles, ou des bétyles, appelés sikkanum en akkadien et maṣṣebah dans des textes bibliques. » (Thomas Römer, Avant-Propos Actes du Colloque du Collège de France des 5-6 mai 2015 sur le thème « Représenter dieux et hommes dans le Proche-Orient ancien et dans la Bible », p. VIII)
Cela correspond exactement, dans le récit biblique, à la pratique du petit-fils d’Abraham lorsqu’il rend un culte à Dieu à Bethel :
«
Jacob se leva de bon matin, il prit la pierre qu’il avait mise sous sa tête, il la dressa pour en faire une stèle, et sur le sommet il versa de l’huile. Jacob donna le nom de Béthel (c’est-à-dire : Maison de Dieu) à ce lieu qui auparavant s’appelait Louz. » (Gn 28, 18-19)
On peut percevoir dans cette antique pratique religieuse sans image ni statue, une perception primitive d’un Dieu non divisible, opposée au polythéisme des innombrables statues différentes dressées dans chaque cité mésopotamienne.
Ce refus de diviser le divin et de le limiter dans des représentations par des statues de divinités multiples et contradictoires pouvait être davantage compris par les nomades qui passaient de villes en villes, relativisant les divinités des uns et des autres.
Cela peut nous aider à comprendre pourquoi les «
fils d’Heber », les Hébreux dont Abraham, ont eu un lien particulier avec le Dieu de Sem, «
père de tous les fils d’Heber » (Gn 10, 21), ce Dieu d’amour et de compassion dont Sem fut le témoin lorsqu’il a manifesté de la compassion pour son père Noé lorsqu’il était humilié et à qui Noé lui a rendu ce témoignage : «
Béni soit le Seigneur, le Dieu de Sem » (Gn 9, 26).
Les fils d’Héber, ce sont ceux qui ont hérité de sa vocation de nomade marchant avec Dieu comme son ancêtre Sem, l’un des trois fils de Noé et ces héritiers forment un peuple non divisé, ni dispersé parmi les divers dieux des nations. Ils ne se définissent pas par un territoire, ni par un langage, ni par une race, mais par leur mode de vie détaché des fixations terrestres et leur attachement à Yahvé, le Dieu créateur.
Les apirous mésopotamiens étaient des gens nomades de toutes sortes vivant du lait et de la viande de troupeaux, de la chasse et de la cueillette étendues parfois aux récoltes de peuples sédentaires qui les considéraient avec mépris comme des pillards non civilisés.
Mais, c’est parmi eux que Dieu s’est formé un peuple.