Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

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Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » mer. 12 mai 2021, 14:31

Bonjour,

Un petit détour par des éléments historiques pour mieux comprendre la nature des relations entre l'Église et l'État, le laïcisme, le régime républicain en France, etc. C'est un ouvrage de Jean Sévillia qui sert de fil conducteur ici. Quand les catholiques étaient hors la loi.


Donc, pour les progrès de l'Église ...
Au XIXe siècle, un spectaculaire renouveau catholique

La Révolution de 1789 avait laissé l'Église dans un état dramatique. Sous le Premier Empire, de nombreuses paroisses étaient vacantes, leurs églises réduites à des bâtiments nus, sans ornements ni mobilier. Le clergé, décimé et vieilli, s'éteignait peu à peu. Sous la Restauration, la population qui accédait à l'âge adulte n'avait pas reçu d'éducation religieuse. En 1826., le nonce dressait ce constat : «Plus de la moitié de la nation est dans une ignorance complète des devoirs chrétiens et est plongée dans l'indifférence. A Paris, un huitième à peine de la population est pratiquante, et l'on peut se demander s'il y a dans la capitale 10 000 hommes qui pratiquent.»

Cinquante années ont suffit a redressé la situation. Dans un pays amputé de l'Alsace et de la Moselle, le recensement de 1872 - le dernier ou chaque citoyen doit déclarer son affiliation religieuse - indique que, sur 36 millions de Français, 35.4 millions se déclarent catholiques, soit 95, 5 % de la population !

[...]

Grâce à la protection que lui assure le Concordat, le clergé, au rythme moyen de 1300 ordinations par an, reconstitue ses effectifs : 36 000 prêtres en 1814, 56 000 en 1870. Sans doute, dans les diocèses pauvres, la perpsective de promotion sociale encourage-t-elle les vocations. Cependant, ce n'est pas la raison principale : le XIXe siècle est aussi une époque de foi populaire. Pour le recrutement ecclésiastique, la paysannerie ou les familles humbles, rurales ou citadines, constituent un réservoir inépuisable. Tous ces prêtres sont pauvres et vertueux. «J'ai passé treize ans de ma vie entre les mains des prêtres, et je n'ai jamais vu l'ombre d'un scandale » : c'est l'anticlérical Renan qui se le rappellera.

En 1878, la France compte 30 000 religieux et 130 000 religieuses. Selon l'expression de Christian Sorrel, c'est le temps des Congrégations. Soixante ans plus tôt, en 1816, ne subsistaient que quelques centaines de Frères des écoles chrétiennes et 12 000 religieuses. Pour le clergé régulier, lui aussi décimé par la Révolution main non concerné par le Concordat, le redressement est spectaculaire.

[...]

Deux lois adoptées sous la Restauration on favorisé une rapide croissance des ordres religieux. En 1817, l'autorisation des congrégations a été soumise à un vote du parlement, et elles ont reçu la faculté de bénéficier de dons et de legs. En 1825, les congrégations féminines ont acquis l'avantage d'être dispensées de l'autorisation législative, une simple autorisation administrative suffisant à leur existence.

C'est un extraordinaire réveil religieux qui pousse à la renaissance d'ordres engloutis par la Révolution ou à la fondation de nouvelles communautés. Jésuites (1814), chartreux (1816, capucins (1820), carmes (1830), bénédictins (1837), dominicains(1839) ou oratoriens (1852) sont reconstitués. Mais les créations se multiplient : Dames du Sacré Coeur dès 1800, Oblats de Marie Immaculée et maristes en 1816, marianistes et Frères de l'instruction chrétienne en 1817, Religieuses de l'Assomption en 1839, Petites Soeurs des pauvres et Religieuses de la Sainte-Croix en 1840, Soeurs de Notre-Dame de Sion en 1842, assomptionnistes en 1845, salésiens de saint Jean Bosco, Religieuses de Marie Réparatrice et Auxiliaires des Ames du Purgatoire en 1856.

Sous Napoléon III, les congrégations jouissent de la protection de l'administration impériale. Les chiffres parlent. En 1851, on compte 3000 religieux; en 1861, ils sont 18 000. Quant aux religieuses, entre 1851 et 1861, elles passent de 34 000 à 89 000 . En 1877, elles sont plus nombreuses qu'elles ne l'étaient en 1789. Il ressort d'une enquête menée en 1861 par le ministère des Cultes que, sur le sol français, les congrégations possèdent 14 000 établissements, que ce soient des monastères, des écoles ou des hospices. 72% des religieux et 65% des religieuses se consacrent à l'enseignement, 25% des religieuses aux activités hospitalières.

Mais les chiffres ne sont que des chiffres : derrière eux, il y a des centaines et des centaines de milliers d'enfants, de malades ou d'indigents à qui l'Église prodiguent son savoir-faire. Dans les campagnes, les «bonnes soeurs», institutrices ou infirmières, assurent une fonction qu'aucun service de l'État ne remplit. A une époque ou le Code civil maintient les femmes dans un statut inférieur, la condition de religieuse, comme l'a montré Claude Langlois, permet à beaucoup d'entre elles d'accéder à d'authentiques responsabilités impossibles dans la société civile. De 1852 à 1901, 43 des 73 femmes décorées de la Légion d'honneur sont des religieuses. Ajoutons que, dans des secteurs comme l'aide aux handicapés, aux aliénés, aux orphelins, aux vieillards sans ressources, aux prisonniers ou aux prostituées, les oeuvres fondées et entretenues par l'Église jouent un rôle pionnier.

Hors du territoire national, les congrégations exercent également un rôle considérable, les religieux français exerçant leur apostolat sur les cinq continents. Commencé vers 1830, le mouvement missionnaire, d'abord dirigé vers l'Amérique et l'Asie, se développe en Afrique, à partir de 1860, avec l'expansion coloniale. En 1856 sont fondées les Missions africaines de Lyon, en 1868 les Pères blancs. En 1875, sur les 6 100 missionnaires catholiques répandus à travers le monde, 4500 sont des Français : en même temps que la foi catholique, c'est la culture et la langue de leur pays qu'ils propagent.


Le cléricalisme nourrit l'anticléricalisme

En 1878, prêtres, religieux ou religieuses, le clergé français représente 216 000 personnes dont la visibilité saute aux yeux : tous portent l'habit ecclésiastique. Ils appartiennent à une religion pratiquée dans le moindre village de France et qui, de processions en pèlerinages, n'hésitent pas à se montrer. Ils assurent enfin une mission qui, de l'école à l'hôpital, se traduit par une présence massive dans la société. Cette Église florissante va déchaîner une réaction en retour. Un catholicisme puissant, un anticléricalisme croissant : tout est en place pour la guerre des deux France.

p. 40

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » mer. 12 mai 2021, 15:48

La situation dans la presse ...
La presse catholique influente et prospère, éditée par des laïcs ou des religieux, ne relevant que de Rome, celle-ci ne se sent pas tenue aux prudences épiscopales.

Louis Veuillot, écrivain de talent et redoutable polémiste, a fait de L'Univers l'organe du catholicisme intransigeant et romain, ce qui a valu au quotidien plusieurs années d'interdiction, sous le Second Empire, en raison de son opposition à la politique italienne de Napoléon III. Veuillot meurt en 1883, mais son frère Eugène reprend le flambeau. De 1860 à 1890, Mgr d'Hulst dirige un autre quotidien catholique, Le Monde. En province, des titres comme Le Nouvelliste de Lyon, L'Éclair (Montpellier), Le Nouvelliste de Bordeaux ou La Dépêche de Lille relaient quotidiennement les thèmes de la défense religieuse.

En 1880, les assomptionnistes, fondateurs de la Maison de la Bonne Presse, lancent La Croix, un mensuel qui devient quotidien en 1883. Vendue au prix d'un sou, c'est une feuille populaire, au style incisif. La Croix possède plus d'une centaine d'éditions régionales.

Ce sont aussi les assomptionnistes qui, depuis 1873, publient Le Pèlerin, «Organe du Comité général des pèlerinages». L'extension du chemin de fer permettant l'organisation de grands pèlerinages collectifs, cette congrégation mettant «la vapeur au service de Dieu», draine des foules immenses vers Lourdes, Saint-Anne d'Auray, Paray-le-Monial ou Rome.

Dans les établissements scolaires ...

En 1876, dans l'enseignement primaire, presque un enfant sur deux est instruit par du personnel religieux, que ce soit dans les écoles catholiques ou dans les établissements publics. Les congrégations administrent une école publique sur dix, proportion qui est de cinq sur dix pour les écoles de filles. Dans le secondaire, les collèges catholiques scolarisent 47 000 élèves et les petits séminaires 23 000 : le total (70 000) avoisine les 79 000 élèves de l'enseignement d'État.

La présence massive de l'Église dans l'enseignement est le fruit d'une reconstitution opérée, ici encore, en un demi-siècle. Napoléon Bonaparte avait négligé l'enseignement primaire, abandonné aux Frères des écoles chrétiennes et à quelques congrégations féminines. Pour l'enseignement supérieur, l'Université impériale avait institué un monopole d'État.

Les catholiques n'ayant cessé de réclamer la liberté d'enseignement, ce monopole avait été ébréché une première fois sous la monarchie de Juillet. Votée en 1833 à l'initiative de Guizot alors ministre de l'Instruction publique, une loi avait organisé l'enseignement primaire d'État.

La loi Guizot obligeait chaque commune à entretenir au moins une école primaire et à assurer la gratuité aux indigents. La surveillance des établissements communaux était confiée à un comité de notables, composé notamment du maire et du curé. La loi autorisait donc les ecclésiastiques à être instituteurs dans les écoles publiques. Dans ces écoles ou la prière était d'usage avant la classe, l'article premier de loi avait précisé que «l'instruction primaire comprend nécessairement l'instruction morale et religieuse».

La deuxième brèche dans le monopole scolaire était survenue sous la IIe République, en 1850, avec la loi adoptée à l'instigation du comte de Falloux, ministre de l'Instruction publique de Louis Napoléon Bonaparte. Cette loi était extrêmement favorable à l'Église. L'accès du clergé aux fonctions d'instituteurs était facilité : la qualité de ministre du culte, un certificat de stage ou le baccalauréat suffisaient pour enseigner. Dans les écoles de filles, une lettre d'obédience remise aux religieuses par leur supérieure suffisait pour être institutrice. L'État se gardait toutefois un moyen de contrôle dans la mesure ou les instituteurs, placés sous l'autorité du maire et du curé, pouvaient être révoqués par le préfet. Dans l'enseignement secondaire, les lycées subsistaient, mais tout bachelier était habilité à ouvrir un collège privé. Cette latitude ouvrait la voie aux congrégations enseignantes. L'ensemble du système était coiffé par un Conseil supérieur de l'Instruction publique dans lequel le clergé était représenté, une loi de 1873 y ayant même réservé quatre place à l'épiscopat.

La troisième brèche dans le monopole d'État avait été ouverte sous Mac-Mahon, en 1875, avec la loi Laboulaye-Dupanloup instaurant la liberté de l'enseignement supérieur. Cette loi avait permis de fonder les universités catholiques de Paris, Lille, Angers, Lyon et Toulouse.

Pour l'Église, depuis que la liberté d'enseigner a été reconquise, l'école constitue un atout majeur, puisqu'elle constitue un terrain d'évangélisation. La loi Falloux surtout favorise un fantastique essor des collèges catholiques. L'enseignement qui y est dispensé, observe Christian Sorrel, est souvent «en avance sur l'enseignement d'État». Des secteurs négligés par l'école officielle sont également pris en charge par les congrégations : enseignement féminin, enseignement agricole, enseignement technique, enseignement des sourds et muets.

Les jésuites fondent seize établissements après 1850. A Paris, rue de la Poste, ils ouvrent le collège Sainte-Geneviève, qui prépare à Saint-Cyr, Polytechnique et Centrale. Le collège Stanislas, tenu par les marianistes, ou l'école de Sorèze, qui appartient aux dominicains, sont également fréquentés par les fils de l'aristocratie ou de la bourgeoisie. Le fait est capital : ces collèges assureront peu à peu le retour partiel à la religion de milieux naguère voltairiens. Paradoxalement, les élites catholiques sont donc plus nombreuses au moment ou s'institue la République anticléricale qu'elles ne l'étaient sous la Restauration, époque réputée cléricale. La part prise par l'Église dans l'enseignement, qu'il soit religieux ou public, atteint alors son apogée. Cette expansion, on s'en doute, n'a pas échappée aux anticléricaux : c'est de ce côté qu'ils vont engager le fer.

p. 52

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Message non lu par Cinci » mer. 12 mai 2021, 19:45

Le programme des anticléricaux


Ici :
«Le cléricalisme, voilà l'ennemi !» : le 4 mai 1877. c'est Léon Gambetta qui lança ce mot d'ordre à la Chambre des députés. Le slogan qu'il martèle ce jour-là reste attaché à son nom, et à travers lui à la génération qui accédera au pouvoir en déclarant la guerre au cléricalisme.

Qu'est-ce que le cléricalisme ?

Hector Depasse, un écrivain républicain en donne alors cette définition :

"Le cléricalisme est la ligue des partis d'État et d'Église, la confusion du politique et du culte, le complot de la police et du dogme pour l'asservissement de l'esprit humain.»

Se donnant pour but de combattre le cléricalisme, l'anticléricalisme revêt donc à la fois une dimension politique, qui vise les relations entre l'État et la religion, une dimension sociale, qui regarde la place de la religion dans la société, et une dimension philosophique, qui concerne l'emprise de la religion sur l'individu. Le seul clergé existant en France étant celui de l'Église romaine, l'anticléricalisme prend donc nécessairement pour cible la religion catholique.
La figure de ces adversaires de l'Église catholique ...
En 1868, à la tribune du Sénat, Sainte-Beuve exalte le «grand diocèse de la libre-pensée qui s'étend par toute la France, par tout le monde».

A l'époque du Second Empire, en réaction à la considération dont le régime entoure le catholicisme, un courant héritier du libéralisme né dans les années 1820, libéralisme qui est alors une valeur classée à gauche, adhère à la libre-pensée. Une identification s'opère : un républicain est forcément un adversaire de l'Église, un adversaire de l'Église est forcément républicain.

Le philosophe Victor Cousin, professeur à la Sorbonne, théoricien d'un spiritualisme qui aspire à doter la morale d'un fondement non religieux. Le philologue Émile Littré ainsi que Pierre Larousse, dont le Grand Dictionnaire universel qualifie le dogme de l'Immaculée Conception de "superstition". L'historien Jules Michelet, professeur au Collège de France, révoqué en 1852, dont les ouvrages forment autant de pamphlets contre le catholicisme. Edgar Quinet, ami de Michelet et lui aussi professeur au Collège de France, exilé dès 1851, auteur de L'Enseignement du peuple dans lequel il affirme vouloir «séparer l'école de l'Église, l'instituteur du prêtre, l'enseignement du dogme». Ernest Renan, professeur au Collège de France, dont La vie de Jésus, faisant de Jésus un homme incomparable, déclenche un scandale. Le philosophe kantien Charles Renouvier, lui aussi défenseur d'une morale indépendante de toute religion.

Dans Madame Bovary, Flaubert immortalise le type du bourgeois anticlérical sous les traits du pharmacien Homais : «Mon Dieu à moi, c'est le dieu de Socrate, de Franklin, de Voltaire et de Béranger». Les hommes venus à la politique par l'opposition au Second Empire, Gambetta, Ferry, Clémenceau , seront tous imprégnés par cette foi laïque, qui possède ses rites et ses dogmes. Culte de la grande Révolution , qui a arraché l'humanité à la servitude. Culte de la Raison, qui exclut tout surnaturel dans l'univers. Culte du Progrès, appelé à un développement infini. Culte de la Science. «La science, voilà la lumière, l'autorité, la religion du XIXe siècle», affirme le philosophe Etienne Vacherot.

Dans la lignée de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, qui faisait de la foi une opinion privée, les théoriciens de la laïcité brûlent de liquider ce qui peut subsister, malgré la rupture révolutionnaire, de l'ecclesia médiévale, c'est à dire de la société conçue comme la communauté des croyants. Il ne s'agit pas seulement de soumettre la religion à l'État, mais de l'exclure de la sphère sociale. L'Église cependant n'est pas disposé à se laisser dépouiller de son rôle public. Dès lors, la pensée laïque se transforme en anticléricalisme militant, basculant dans la volonté de détruire le catholicisme.

Après 1870, cette tendance s'affiche dans les quotidiens édités à Paris (La République française, Le Siècle) ou en province (La Dépêche de Toulouse), présentant la catholicisme comme une force rétrograde, obscurantiste, fondé sur l'ignorance et la superstition, appelé à disparaître avec le progrès des Lumières. Spécialisés dans ce registre, des journaux polémiques (La Lanterne, Le Cléricalisme au pilori, L'Anticlérical) recourent à la caricature, peignant les prêtres, les moines et les religieuses comme des individus pourvus de toutes les tares physiques et morales.

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » jeu. 13 mai 2021, 14:16

Les réseaux de l'anticléricalisme ...

En 1866, le républicain Jean Macé, alors professeur en Alsace, fonde la Ligue de l'enseignement. Présente dans 59 départements, celle-ci compte 17 000 membres quatre années après. Jules Ferry figure parmi les premiers adhérents. Fixé à Paris en 1871, Macé lance l'année suivante une pétition réclamant un enseignement primaire d'État obligatoire et gratuit. Macé finira par inscrire la laïcité parmi ses objectifs. Théoriquement apolitique, la Ligue de l'enseignement - que Pie IX qualifiera de «société pernicieuse, travaillant à extirper de l'âme des enfants la foi catholique» - forme un réseau d'influence très efficace. «Qui tient les écoles de France, tient la France», affirme Macé.

Les loges maçonniques constituent un autre groupe de pression. [...] La montée en puissance du Grand Orient accompagnera l'installation du régime, puis, à la fin du siècle, la création du parti radical. Fonctionnaires, instituteurs, professeurs, commerçants, notaires, médecins, pharmaciens, toute une petite bourgeoisie provinciale, affiliée à la maçonnerie, fournit ses cadres au parti républicain. Figures de l'anticléricalisme, Léon Gambetta, Jules Ferry, Jules Grévy, Jules Simon, Jean Macé, Paul Bert ou Émile Combes ont été initiés.

Un troisième cercle d'influence soutenant la politique scolaire de Jules Ferry est issu du protestantisme libéral. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, les protestants français traversent une crise qui oppose orthodoxes et libéraux, conduisant en 1879, à un schisme de fait au sein de l'Église réformée. Entre les deux courants, le désaccord porte sur la confrontation entre la science et la foi, Marqués par le positivisme, les libéraux évoluent vers une religion à la Renan, rationaliste, fondée sur l'étude scientifique des questions religieuses et le refus de toute activité dogmatique. Bientôt, certains ne mettront plus les pieds au temple, perdant tout lien avec la foi. Patrick Cabanel a montré le rôle que deux ex-pasteurs libéraux, Félix Pécaut et Jules Steeg, nommés inspecteurs généraux de l'enseignement par Ferry et qui se succéderont à la tête de l'École normale d'Institutrices de Fontenay-aux-Roses, ont joué dans la conception et l'application de la politique scolaire du régime.

La personnalité la plus représentative de ce courant d'idées est Ferdinand Buisson. Né dans une famille réformée de petits magistrats, agrégé de philosophie, il refuse de prêter serment à Napoléon III, Installé en Suisse, il enseigne à l'université de Neuchâtel. Revenu à Paris, il entre au ministère de l'Instruction publique en 1871. En 1879, Jules Ferry le nomme inspecteur général, puis directeur de l'Enseignement primaire, poste qu'il conservera sous dix ministres successifs, jusqu'à ce qu'il occupe, en 1896, la chaire de pédagogie de la Sorbonne. Conseiller intime de Ferry, associé à toutes les réformes scolaires, Buisson est membre de la Ligue de l'enseignement. Plus tard, il sera cofondateur de la Ligue des droits de l'homme, président de l'Association nationale des libres-penseurs de France, député radical-socialiste [...]

Buisson, Steeg ou Pécaut ont rompu avec leur religion d'origine.

[...]


Il reste un quatrième réseau au service de la politique scolaire de Ferry : la libre-pensée. En 1880. ce mouvement tient son premier congrès national à Paris, qui entraîne la fondation du journal La Libre-Pensée. Plus tard sera crée la Fédération française de la libre-pensée, d'orientation socialiste. [...] les militants de la libre-pensée sont athées, et le proclament. Une de leurs grandes joies est d'organiser des banquets gras le «vendredi-saint».

p. 55

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Message non lu par Cinci » jeu. 13 mai 2021, 19:25

L'importante question scolaire ...


Une école gratuite, mais obligatoirement laïque

Dans un livre consacré à l'évolution de l'école de 1871 à 1914, Mona Ozouf, historienne de tradition laïque, dresse ce constat :

«... l'alphabétisation, lent processus entamé depuis la Contre-Réforme, est au milieu du XIXe siècle, achevé pour la très grande majorité des Français. Les lois laïques la régularisent et la complètent, mais ils ne la font nullement surgir

D'ou ce commentaire de Georges Duby :
«Il ne s'agissait pas pour les républicains, et particulièrement pour Jules Ferry, d'arracher la France à son ignorance. D'autres régimes, bien avant eux, s'en étaient chargés. Ce qu'ils désirent, c'est arracher les écoles primaires du peuple des mains de l'Église

(Georges Duby, Histoire de la France, tome III, Larousse, 1988)
Bien que ce soit un mythe fondateur de la IIIe République, la vérité oblige à rappeler que ce n'est pas Jules Ferry, on l'a déjà dit, qui a inventé le principe de l'école gratuite et obligatoire.

Gratuité ? Les Frères des écoles chrétiennes avaient été fondés, en 1681, pour dispenser aux enfants du peuple une instruction qui n'était pas payante, et la loi Guizot, sous la monarchie de Juillet, avait garanti la gratuité de l'école pour les indigents. Obligation ? Même si le principe avait été suivi de peu d'effets, on le trouve édicté par Louis XIV en 1698. A l'étranger, il avait été réellement mis en oeuvre par la Prusse en 1717, ébauché par l'Autriche en 1774 avant d'y devenir effectif en 1869.

Là ou Jules Ferry va innover, c'est vrai, c'est en liant la gratuité et l'obligation scolaire avec la laïcité.

En janvier 1880, Ferry dépose en conséquence deux textes de loi : le premier établit la gratuité de l'enseignement primaire, le second son caractère obligatoire et laïque. Tactiquement, c'est un coup de maître : l'opposition est piégée, car les trois principes - gratuité, obligation et laïcité - s'enchaînent l'un à l'autre.

Ce premier projet vient en débat à la chambre en juillet 1880. La gratuité, explique Mgr Freppel, constitue un leurre pour les catholiques qui paieront comme contribuables des écoles d'État auxquelles ils n'enverront pas leurs enfants. [...] En décembre 1880, la Chambre approuve la projet gouvernemental, qui sera définitivement voté au Sénat le 16 juin 1881. La loi promulguée, Paul Bert révèle le fond de sa pensée : «Les écoles catholiques, par la gratuité, perdront beaucoup de leur prestige.»

La seconde loi - associant l'obligation et la laïcité - est examinée à la Chambre à partir de décembre 1880, alors que Ferry est président du Conseil. Là encore, les catholiques sont embarrassés car, s'ils admettent quasiment tous le principe de l'obligation scolaire, ils refusent en revanche la laïcité de l'école.

Au stade de la proposition débattue au Parlement, la laïcité n'entraîne pas la laïcisation du personnel : les religieux conserveront le droit d'enseigner dans les écoles publiques, qu'ils tiennent de la loi Falloux. La laïcité se traduit en fait par ce que les républicains appellent la «neutralité confessionnelle», c'est à dire la laïcisation des locaux et des programmes. Depuis Guizot, l'enseignement religieux est obligatoire dans les écoles d'État. Prévoyant sa suppression, le projet gouvernemental remplace «l'instruction morale et religieuse» par l'instruction morale et civique. Selon Ferry, il est impossible de placer en tête d'un enseignement obligatoire , un enseignement confessionnel obligatoire : si l'école doit enseigner Dieu, quel Dieu choisir ? L'opposition répond que l'enseignement, pour être conforme à la majorité de la population, dot être catholique. Afin de respecter la liberté de conscience de tous les citoyens, il suffit de maintenir un enseignement spécifique destiné aux confessions minoritaires, formule instituée par la loi Guizot et de reconnaître la faculté d'être dispensé d'Instruction religieuse. La neutralité, ajoutent les catholiques, sera un leurre : ne pas parler de Dieu, c'est le nier.

Au Sénat, le débat commence six mois plus tard, en juin 1881.

«Vous en arriverez, attaque le duc de Broglie, à l'école non seulement sans dogmes, non seulement sans croyances, mais sans doctrines, à l'école sans Dieu, à l'école sans âme, qui ne parlera à l'enfant ni de son avenir, ni de la sanction suprême et définie de ses actes; enfin, pour dire le mot qui est sur toutes les lèvres, à l'école athée.» Jules Ferry réplique par un plaidoyer au bénéfice de la neutralité confessionnelle, laquelle, selon lui, ne contredira pas l'instruction religieuse dispensée en dehors de la classe. Quant à la morale enseignée, «ce sera la bonne, l'antique morale humaine, la vieille morale de nos pères».

La suite de la discussion est ajournée à la rentrée parlementaire qui se déroulera avec une Chambre nouvelle : les élections doivent se tenir à la fin de l'été 1881. A travers tout le pays, autour de la question scolaire, la bataille fait rage. En août, Paul Bert tient un meeting à Paris. «Personne ne me démentira, clame-t-t-il, quand j'affirmerai que l'enseignement religieux devient aisément et quasi-fatalement l'école de l'imbécilité, l'école du fanatisme, l'école de l'anti-patriotisme et de l'immoralité.»

[...]

Après un ultime vote de la Chambre et du Sénat, la loi rendant l'enseignement primaire obligatoire pour les enfants des deux sexes entre 6 et 13 ans est promulguée le 28 mars 1882. L'instruction religieuse est supprimée dans les établissements primaires d'État, les ministres du culte n'ont plus le droit d'y entrer. Sur le plan social, l'école obligatoire, c'est un changement. Mais sur le plan des idées, l'école laïque, c'est une révolution. Certes, la loi prévoit que les établissements scolaires vaqueront un jour par semaine, en plus du dimanche, afin de permettre aux enfants d'aller au catéchisme (pendant presque un siècle, ce sera le jeudi). L'essentiel, cependant, c'est ceci : Dieu désormais n'a plus sa place dans les écoles publiques françaises.

p. 74

(voir la suite de la question scolaire)

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » ven. 14 mai 2021, 13:36

( suite - la question scolaire)



La neutralité laïque cache une philosophie

«... dans un premier temps, les lois laïcisatrices seront appliquées avec prudence. Bien après 1882, on verra des instituteurs aller à la messe ou parler de Dieu dans leur classe, et, bien après 1886, en raison du manque de personnel laïc, on verra des religieuses enseigner dans les écoles publiques ; dans les zones rurales à forte implantation catholique, faire passer la révolution laïque supposait de ne pas braquer la population.

Cette prudence de la part de l'État, permettra d'imposer les lois scolaires sans conflits majeurs. En septembre 1886, le bulletin de la Société général d'Éducation et d'Enseignement - une association catholique fondée pour faire pièce à la Ligue de l'enseignement de Jean Macé - se livre à une analyse :

Dans les parties de la France encore très catholique, les préfets et les inspecteurs s'entendent pour laisser l'athéisation contenue dans la loi lettre morte : les crucifix sont en place, la prière se fait, et si le catéchisme se fait trop ouvertement, on ferme les yeux. En un mot, on ne donne aux populations que la dose d'athéisme qu'elles sont capables de porter [...] Si on renonce ça et là à appliquer la loi, on ne perd jamais de vue son esprit cependant, qui est la déchristianisation de la France.»

Les lois Ferry et Goblet, dorénavant, sont considérées comme des lois «intangibles» : la IIIe République y fera constamment référence.

Jules Ferry :

«Si un instituteur public, affirme-t-il, s'oublie assez pour instituer dans son école un enseignement hostile, outrageant contre les croyances de n'importe qui, il serait aussi rapidement et aussi sévèrement réprimé que s'il avait commis le méfait de battre ses élèves.»

Mais, au-delà des intentions affichées, il y a la réalité : l'école nouvelle véhicule bel et bien des idées.

Ces idées sont d'abord politiques : il s'agit d'ancrer chez les enfants la foi dans la République. Le mot était entendu au sens de 1792. «L'école laïque, souligne Mona Ozouf, apprend à reconnaître le sens fondateur de la Révolution française et à en développer les conséquences. Elle enseigne la République comme la forme indiscutable, quasi-naturelle, du politique.»

Dans les manuels scolaires, ce principe s'exprime par une vision manichéenne de l'histoire, opposant l'Ancien Régime, avec ses rois, ses nobles et ses prêtres qui opprimaient le peuple, et la France contemporaine issue de la Révolution , dont l'oeuvre est poursuivie par la République. «Avant 1789, il n'y avait en France ni grandeur, ni prospérité, ni civilisation, ni justice», soutient Paul Bert dans L'instruction publique à l'école, un manuel imprimé à des dizaines de milliers d'exemplaires. Cette école entretient un véritable culte de la France, mais dans l'esprit jacobin des volontaires de l'an II. Pendant que les bataillons scolaires, à Paris et en province, font marcher au pas des garçons vêtus d'un uniforme et munis d'un fusil en bois, Jean Macé exalte «le spectacle des enfants se préparant, dès l'école, à défendre le sol de la patrie». Ce patriotisme toutefois a quelque chose d'une religion de substitution.

Bien qu'ils affirment que l'école laïque respecte toutes les croyances, les fondateurs de l'enseignement républicain lui donnent une orientation idéologique.

En 1883, dans sa célèbre lettre aux instituteurs, Jules Ferry demande qu'on enseigne les règles de la vie morale [...] Mais cette morale est consciemment coupée de toute source religieuse et de toute référence au Décalogue : qu'on le veuille ou non c'est une rupture avec le christianisme. Ferry le confesse [lors d'un échange avec le duc de Broglie] : «Nous avons promis la neutralité religieuse, nous n'avons pas promis la neutralité philosophique, pas plus que la neutralité politique.»

Selon Michel Winnock, le chef du gouvernement pensait «... que l'avenir verrait la fin de l'âge métaphysique, le triomphe de l'âge scientifique ou positif». En ce sens, les catholiques n'avaient pas tort de dire que la laïcité n'était pas la neutralité; que les laïques les plus mesurés à la Ferry avaient une philosophie contraire à leurs dogmes. (M. Winnock, L'Histoire, juillet-août 2004)

En 1882, quatre manuels d'instruction morale et civique mis en circulation dans les écoles publiques sont mis à l'index par l'Église. Le directeur des Cultes riposte en interdisant la lecture en chaire du décret du Saint-Office. Cinq évêques et 2000 curés passent outre à ces instructions : leur traitement est supprimé par l'État. La protestation des catholiques ne faiblissant pas, Jules Ferry devra se résoudre à conseiller aux instituteurs d'utiliser d'autres manuels que ceux condamnés par l'Église.

«Un instituteur chrétien peut-il continuer d'enseigner dans une classe d'ou le Christ et la prière sont bannis, et ou il lui est interdit non seulement de préparer les enfants à l'instruction religieuse, mais même de prononcer le nom de Dieu ? Les parents chrétiens peuvent-ils en conscience obéir à la loi sur l'enseignement obligatoire et envoyer leurs enfants dans les écoles ou cette loi est appliquée ?» C'est le quotidien catholique Le Monde qui pose ces questions, au moment de l'ultime débat parlementaire sur la laïcité de l'école.

Pour les catholiques, dès lors, la réponse à la laïcisation de l'enseignement public consiste surtout à fonder leurs propres écoles. De nombreuses écoles libres, qui forment un réseau couvrant toutes les villes et les régions de forte pratique. Les notables se cotisent pour acheter ou faire construire des bâtiments. Munis du brevet de capacité, les Frères des écoles chrétiennes ou les soeurs enseignantes ouvrent des établissements concurrents des écoles publiques qu'ils sont obligés de quitter peu à peu. Face à l'école «sans Dieu» se met en place une école chrétienne. Deux pédagogies, deux cultures, deux France. Mais à qui la faute ? La solution moderne qui aurait pu satisfaire toutes les consciences aurait consisté à maintenir l'enseignement religieux tout en ouvrant la possibilité d'en être dispensé. Mais pour les anticléricaux, c'était encore trop.

p. 81

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » ven. 14 mai 2021, 14:18

Le processus de laïcisation ... à coup de décrets, la loi et manu militari.


En 1884, la loi sur l'administration des communes déclare inéligibles les ministres du culte, et réserve aux maires la possibilité d'interdire les processions et de faire sonner les cloches pour des cérémonies purement civiles. La même année, les crucifix sont interdits dans les bâtiments officiels, et les prières publiques célébrées à l'ouverture des sessions parlementaires sont supprimées dans les églises (comme dans les temples protestants et les synagogues). En 1885, un décret retire au culte l'église Sainte-Geneviève de Paris : le Panthéon sera désormais le mausolée des grands hommes de la République.

Laïcisation de l'armée. En 1880, l'aumônerie militaire, instaurée en 1874, est supprimée. En 1883, deux décrets prescrivent aux troupes qui rendent les honneurs de ne plus entrer dans les édifices religieux, et interdisent à l'armée d'escorter les processions et d'affecter des sentinelles à la garde des palais épiscopaux. En 1889, dans le cadre de la loi fixant le service militaire à trois ans, l'exemption dont le clergé bénéficiait au même titre que les instituteurs laïcs est levée. Désormais, les diplômés d'études supérieures et les séminaristes accompliront un an de service. Les futurs prêtres, pour l'armée, constituent un appoint négligeable : en supprimant leurs privilèges, le gouvernement cherche en réalité à rabaisser leur prestige social ou à les détourner de leur vocation.

Laïcisation de la magistrature. En 1883, une loi d'exception qui est aussi un coup de force politique suspend l'inamovibilité des magistrats, qui était pourtant un principe sacré. Cette mesure permet d'éliminer des juges hostiles au régime et rétifs au laïcisme gouvernemental : 600 magistrats du service sont remerciés, et 300 autres démissionnent en signe de solidarité.

Laïcisation su système de santé. En 1879, la Chambre adopte une loi interdisant au clergé de siéger dans les conseils d'administration des hospices et dans les bureaux de bienfaisance. Le mouvement qui tend à chasser les religieuses infirmières des hôpitaux a déjà été évoqué.

Laïcisation des prisons. L'administration commence à renvoyer des établissements pénitentiaires les Soeurs de Marie-Joseph, vouées à l'apostolat des prisonniers.

Laïcisation des rites et des rythmes de l'existence. En 1880, l'anticléricalisme venant ici au secours du capitalisme, le repos dominical est abrogé. En 1884, le divorce, introduit par la Révolution et supprimé en 1816, est rétabli. En 1887, la loi laïcise les obsèques, le caractère confessionnel des cimetières ayant été aboli dès 1881.

Léon Gambetta avait prévenu : «Nous avons l'air de combattre pour la forme du gouvernement, pour l'intégrité de la Constitution. la lutte est plus profonde : la lutte est contre tout ce qui reste du vieux monde, entre les agents de la théocratie romaine et les fils de 89.»

p. 84

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » sam. 15 mai 2021, 7:03

Jean Sévillia poursuit :


«Alors que l'imaginaire collectif associe le sabre et le goupillon comme les symboles d'une société conservatrice située, de manière très floue, avant 1914, la réalité montre autre chose : en France, de 1879 à 1914, le pouvoir a été exercé par des gouvernements se caractérisant tous, à de rares exceptions, par leur anticléricalisme. Contre l'Église, leur politique les a conduits à employer la force. La plupart des manuels, quand ils mentionnent ces faits, leur accordent trois lignes. La mémoire s'en est donc perdue. Elle s'est d'autant plus perdue que, à partir des années 1920 et plus encore après la Seconde Guerre mondiale, l'Église et l'État sont parvenus à un compromis autour d'une laïcité apaisée. Est-ce une raison pour réécrire l'histoire ?

Pour savoir comment s'est opérée la séparation des Églises et de l'État, il faut aller aux sources - au sens ou l'entendent les historiens. Autant le savoir, cet examen n'est pas sans provoquer quelques surprises, car entre le mythe et la réalité, il y a un fossé. La loi de 1905, en effet, ne peut être isolé : elle constitue l'aboutissement et l'achèvement d'un processus entamé vingt-cinq ans plus tôt. Or, ce processus politique et juridique a consisté à imposer à la société française une succession de lois laïcisatrices toutes dirigées contre l'Église catholique. Car la laïcité , dans l'esprit et la pratique de ses fondateurs, ne signifiait nullement la neutralité religieuse de la puissance publique : c'était alors une oeuvre militante, une oeuvre de combat contre le catholicisme et son influence en France.

C'est avec raison que l'on crédite la IIIe République d'avoir fondé, avant 1900, plusieurs libertés modernes - liberté de la presse, liberté de réunion, liberté syndicale, liberté d'association - libertés qui s'instituèrent d'ailleurs, à la même époque, dans toute l'Europe occidentale. Mais on oublie de dire qu'en France, ces libertés n'étaient pas destinées à tous. Entre 1879 et 1914, plusieurs lois d'exception ont exclu les religieux catholiques du régime commun aux citoyens. L'anticléricalisme aura exercé "des effets liberticides", estime Jean-Pierre Machelon, un professeur de droit qui a consacré sa thèse de doctorat d'État aux «restrictions aux libertés publiques de 1879 à 1914» [J.P. Machelon, La République contre les libertés ?, Presse de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1976] André Hauriou, qui fut naguère une sommité de l'enseignement du droit, portait le même jugement : «Les lois sur la séparation des Églises et de l'État, sur les biens ecclésiastiques, sur les congrégations religieuses, sont manifestement contraires aux principes de la liberté individuelle, de la liberté de conscience et des cultes, de la liberté d'enseignement et de l'égalité devant la loi.» [André Hauriou, Droit constitutionnel et institutions politiques, 1975]

La loi de 1905 a été conditionnée par cette atmosphère d'animosité. Qui osera rappeler que la séparation de l'Église et de l'État n'a jamais été négociée avec la hiérarchie catholique ?

Contrairement à la formule popularisée par Jean Bauberot, il n'y a pas eu de "pacte laïque" en 1905. Les lois laïques, rappelle Michel Winnock, ne naquirent pas d'un contrat conclu entre deux camps : elles furent le résultat d'un rapport de force qui avait tourné au profit de la gauche républicaine.

De nos jours, gouvernés par une République laïque, les Français vivent dans une société sécularisée, ou le catholicisme tend à devenir minoritaire. Vers 1880, la République n'est pas une évidence, et si le gouvernement est anticlérical, l'État, lié par un Concordat avec le Saint-Siège, reconnaît et salarie les cultes; du côté de la société, la quasi-totalité de la population est baptisée, l'Église catholique est florissante, et la religion joue un rôle considérable.»



[Deux exemples de récit anecdotique. Une illustration des rapports plutôt tendus de l'Église avec la IIIe République]

5 novembre 1880. En Avignon, le 141e de ligne et cinq escadrons de cavalerie ont formé les faisceaux. Les troupes sont en tenue de campagne. A l'aube, sous le commandement du général de brigade Guyon-Vernier, elles se sont mises en marche. Direction Tarascon. Sur une colline de la Montagnette se dresse leur objectif : l'abbaye Saint-Michel de Frigolet.

Il y a une vingtaine d'année, les prémontrés se sont installés ici et ils ont restaurés les bâtiments en ruine. Aujourd'hui, sur décision du gouvernement, le monastère doit être fermé. L'ordre tombe sous le coup du décret du 16 octobre 1880, qui prescrit l'expulsion des congrégations non autorisées. Flanqué de gendarmes, un commissaire se présente à la grille et lit une sommation au père Hermann, représentant du père abbé, le révérend père Boulbon. le moine répond que sa communauté, par humilité, ne saurait se distinguer des autres couvents qui ont résisté à la violence : il refuse l'arrêté d'expulsion.

Depuis quelques jours, des milliers de fidèles campent dans les environs. Certains se sont enfermés dans l'enceinte sacrée. On les entend crier : «Vive la religion !» Mais le père abbé ne veut pas les exposer. A sa demande, 200 d'entre eux quittent les lieux, dont le poète Frédéric Mistral, qui fut élève en ces lieux, au temps ou l'abbaye abritait un pensionnat.

Au soir du 5 novembre [...] le plan de bataille est arrêté. Les hommes déployés en position d'attaque autour des bâtiments, il sera défendu de traverser les lignes ou de sortir de l'abbaye. Saint Michel de Frigolet est assiégé. Pendant que les artilleurs pointent leurs batterie vers le monastère, un bataillon d'infanterie est demandé en renfort. Le 6 novembre, un capitaine et un gendarme sont dépêchés [...] Ils essuient un nouveau refus. Le 7 novembre est un dimanche. Pour saluer la foule venue les soutenir, les assiégés lancent un ballon : les militaires abattent l'engin. Le 8 novembre, les autorités décident d'en finir. Un serrurier est réquisitionné. Il monte à l'abbaye, encadré par le commissaire et douze gendarmes [...] Le commissaire réitère les sommations, et le père Hermann lui oppose une nouvelle fois un fin de non-recevoir. Pendant que le serrurier s'attaque à la grille, les gendarmes défoncent à la hache une autre porte qui finit par s'ouvrir. Au bruit des coups, les religieux se sont rassemblés dans l'abbatiale. C'est là que les trouve le commissaire de police, ceint de son écharpe, le décret d'expulsion à la main. Le révérend père lit une protestation, qui se conclut par cette sentence :

«Nous sommes dans le douloureux devoir de vous déclarer que, vous et vos commettants, vous tombez sous le poids de l'excommunication majeure réservée au pape»

Décontenancées, les forces de police n'osent troubler l'office que les moines se mettent à chanter. Après avoir reçu la bénédiction de leur supérieur, les moines quittent l'église, sur la porte de laquelle les scellés sont apposés. Pendant que les fidèles restés sur place sont évacués, les religieux sont poussés dans les voitures affrétées par la préfecture. Escortés par les gendarmes et les dragons, il quittent le couvent, cédant à la force. Dehors, la foule chante Provençau e Catouli, le cantique de la Provence catholique.

Près de 2000 hommes de troupe ont été mobilisés pour chasser 37 moines. Dans les jours suivant, la presse internationale ironisera sur une armée française qui, par cet exploit, croit tenir sa revanche de Sedan.


27 avril 1903. Dans la journée, un bataillon du 140e de ligne et un détachement du 4e génie ont quitté Grenoble. De leur côté, deux escadrons du 2e dragons se sont mis en route à partir de Chambéry. Depuis deux semaines, la région se tient sur le qui-vive : la Grande Chartreuse doit être évacuée.

Le chef du gouvernement, Émile Combes, avait qualifié cet ordre monastique de «congrégation commerçante». Dans une distillerie installée en contrebas du couvent, la Grande Chartreuse produit en effet une liqueur dont la recette est secrète, mais qui, devenue une marque déposée, remporte un immense succès en France et à l'étranger. De cette manne, les chartreux ne profite nullement à titre personnel : selon la règle fixée par leur fondateur, saint Bruno, ils vivent dans une pauvreté absolue. L'argent que rapporte leur activité commerciale sert d'abord à entretenir les bâtiments conventuels, mais aussi à aider les paroisses environnantes, à bâtir des écoles ou des hôpitaux, à réparer les désastres d'un incendie ou d'une inondation. Fabriquer et distribuer la célèbre liqueur représente des centaines d'emplois, qui irriguent tout l'Isère.

Le 12 avril, le révérend père général des chartreux, Dom Michel, a écrit à Combes afin de lui faire part de son refus de quitter les murs d'un monastère fondé au XIe siècle. Lui accordant son pardon pour les procédés si peu dignes d'un chef de gouvernement, le prieur l'a toutefois averti de se préparer à comparaître «devant le tribunal de Dieu». La conclusion prouvait qu'on peut être un vieux moine et pratiquer l'impertinence : «A bientôt, monsieur le président du Conseil ! Je ne suis plus jeune et vous avez un pied dans la tombe. Préparez-vous, la confrontation que je vous annonce vous réserve des émotions inattendues.»

[...] les troupes se profilent sur la route , le 29 avril, à 2 heures du matin [...] dans les derniers kilomètres, les soldats ont dû déblayer des barrages dressés avec des arbres ou des charrettes renversées. Devant eux sont massés les milliers de manifestants qui bloquent le passage. Il faut une bonne heure pour que les fantassins, mètre par mètre, fendent la foule.

A l'intérieur du monastère, à trois heures et demie, pendant que les cloches sonnent le glas, les moines se regroupent dans l'église et rejoignent leur stalle. Le prieur entame l'office du jour.

Dehors, la foule est toujours aussi compacte. On fait charger les chevaux pour briser la chaîne humaine qui interdit l'accès aux portes. En vain. Les manifestants crient toujours :«Vive les chartreux !», «Vive l'armée !», «Vive la République !» Si les soldats - qui sont des appelés - s'efforcent de ne blesser personne, les gendarmes ont moins de scrupules. A quatre heure du matin, l'entrée du monastère est dégagée. S'approchant du grand portail, un magistrat sonne trois fois : «Je suis le juge d'instruction, ouvrez.» «Non», répond une voix derrière le guichet. «Nous sommes ici au nom de la loi» «Il n'y a plus de loi», rétorque le moine.

Le procureur ordonne au capitaine de gendarmerie de faire enfoncer la porte de service. Vingt minutes sont nécessaires aux sapeurs du génie, sous les sifflets de la foule, pour accomplir la besogne. A 5 heures, les forces pénètrent dans l'enceinte. Elles défoncent la porte de l'hôtellerie, puis la grille du cloître, et débouchent au premier étage, au niveau de la tribune de l'église. Dans leurs stalles, les moines se tiennent immobiles. Le juge d'instruction aperçoit Jean-François Pichat, député de Grenoble, et Me Poncet, avocat de la cour d'appel, venus assister les chartreux.

Les moines entonnent le Sub tuum, un chant d'invocation à la Vierge. Il reste à franchir la grille de bois qui sépare les stalles du reste de la nef. Un caporal escalade le jubé, et l'ouvre. Vingt-deux chartreux sont là. Pour le prieur et pour chacun d'entre eux, un mandat d'amener est rédigé. Puis chacun des religieux est empoigné par deux gendarmes. A 7 heures du matin, tout est fini.

Après un ultime interrogatoire à l'hôtellerie des Dames, face au monastère, les chartreux descendent vers la vallée en voiture à cheval. Au dessus de la foule qui les accompagnent flottent deux drapeaux tricolores : un crêpe noir les endeuille. A Saint-Laurent-du-Pont, les moines prennent le train pour leur lieu d'exil. Ce sera Pignerol, en Italie.

Le lendemain, le commandant de Coubertin, commandant du 2e dragons, envoie sa démission au ministre de la Guerre.

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Perlum Pimpum » mar. 18 mai 2021, 7:49

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » mer. 19 mai 2021, 13:28

Bonjour Perlum Pimpum,

Je vous remercie.

Cependant, je n'ai pas idée pour la réponse du cardinal Ratzinger à l'époque. Que disait-il ? Ce serait bien de le savoir.

:)

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Perlum Pimpum » mer. 19 mai 2021, 21:41

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » jeu. 20 mai 2021, 16:08

Bonjour Perlum Pimpum,

J'avais plutôt dans l'idée le fait que Mgr Lefevbre avait demandé au cardinal Ratzinger, lors d'une rencontre à Rome dans les années 1980, ce qu'il faisait de la doctrine de la «royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ». Il était fait allusion à Pie XI et son encyclique Quas Primas de 1925. Et le cardinal Ratzinger aurait répondu que si Pie XI vivait à notre époque il n'aurait pas écrit la même encyclique !

La réponse du cardinal Ratzinger était assez "surprenante" pour dire le vrai. Et il n'avait pas raison ("hélas", serait-on porté à ajouter). On va voir pourquoi.

Poursuivons :
Perlum Pimpum :
1. Tout homme a droit à liberté religieuse, motif pris qu’il est doté de volonté, qui est l’autre nom de la liberté.; et qu’à ce titre, il est à l’image de Dieu souverainement libre.
Cette définition de la liberté religieuse fait renvoi (depuis Vatican II; pour Joseph Ratzinger) à la définition qui serait celle du «laïcisme», la "neutralité confessionnelle" de l'État chère à Jules Ferry et autres républicains anticléricaux de la IIIe République. L'Église catholique a toujours combattu ce «laïcisme» avant le dernier concile bien sûr. Et Pie XI s'y opposait également. On parle ici simplement de vérité historique. Une vérité facile à vérifier, contrôler et revérifier dix fois.

En sorte que cette histoire d'herméneutique de la continuité du cardinal Ratzinger ne peut certainement pas être comprise de sa part comme s'Il voudrait dire qu'aucun changement ne serait jamais intervenu, dans le discours de l'Église, depuis le pape Pie XI. Non, il. n'était pas fou le cardinal Ratzinger.

Et donc cette "herméneutique de la continuité" ne va pas non plus sans ruptures.

C'est le cardinal Suenens le premier qui avait dit du dernier concile qu'il équivalait à 1789 dans l'Église, le cardinal Ratzinger dira quant à lui que Vatican II était un contre-syllabus.


L'idée réelle qui est sous-jacente à la formule "ratzinguérienne" : l'Église catholique aurait donc renoué avec une position ancienne de Pères de l'Église, repris le fil de la Tradition d'une époque ancienne, en enjambant tout le Moyen-Âge et la période scolastique dont il n'aurait plus lieu de tenir compte. Il ne s'agit plus d'une continuité immédiate de main à main. C'est "juste" l'idée de fouiller dans le trésor dans l'idée de retourner aux sources, pour rajeunir et laisser tomber l'accumulation de vieilleries héritées et qui alourdiraient la marche. Le cardinal pensait tout simplement à ce qui aura été la marque constitutive de la "nouvelle théologie" des pères Congar, de Lubac, Rahner et cie, et que le dernier concile sera venu sacraliser.

Il y a quand même un problème avec ce genre d'herméneutique du cardinal Ratzinger. Non pas qu'un petit problème en vérité. C'est un problème que même G.K. Chesterton voyait déjà poindre en 1908 et tout laïc qu'il était. Il le disait dans son livre Orthodoxie.

Il écrivait :
G.K. Chesterton :

Une habitude idiote s'est imposée dans le débat moderne, qui consiste à dire que telle ou telle croyance a sa raison d'être à une époque et non à une autre, Un dogme digne de foi au XIIe siècle, nous dit-on, ne l'est plus au XXe. Autant dire de telle philosophie qu'elle est plausible le lundi, mais pas le mardi. Autant dire qu'une certaine vision du cosmos convient à trois heures et demie, mais pas à quatre heures et demie. Ce qu'un homme peut croire dépend de sa philosophie, et non de l'horloge ou du siècle.

Supposons, à titre d'exemple, que nous traitions d'un cas de guérison thaumaturgique. Un matérialiste du XIIe siècle n'y aurait pas cru davantage qu'un matérialiste du XXe siècle. Mais un scientifique chrétien du XXe y croirait autant qu'un chrétien du XIIe siècle. Cela ne tient qu'à la théorie personnelle que l'on met en application.

p. 118
et
Examinons dans l'ordre, à présent, les innovations qui caractérisent la nouvelle théologie ou Église moderniste. [...] Prenons tout d'abord l'exemple le plus évident : les miracles : Pour une raison inexplicable, une idée reçue voudrait qu'il soit plus libérale de nier leur existence que d'y croire. J'ignore pourquoi et personne n'est capable de me le dire. Pour une cause inconcevable, dès qu'on dit qu'un prêtre est "libre" ou "libéral", cela signifie toujours qu'il souhaite diminuer le nombre des miracles, jamais qu'il souhaite en augmenter le nombre. Cela veut toujours dire qu'un homme est libre de nier que le Christ est ressuscité, jamais qu'il est libre de croire que sa propre tante est ressuscitée. Il est courant d'assister à une polémique dans une paroisse parce que le curé n'admet pas que saint Pierre ait marché sur l'eau [...]

Des phénomènes que les sciences d'autrefois auraient franchement rejetés comme miracles sont tout à fait affirmés par la science d'aujourd'hui. La seule doctrine encore assez démodée pour rejeter les miracles est la Nouvelle Théologie.


___

Le courant de pensée de la Nouvelle Théologie entendait réformer la manière dont l'Église catholique abordait la théologie, en réaction contre l'influence des manuels de théologie scolastique. Pour retrouver la pureté de la pensée et de l'expression du dogme, elle prônait par conséquent un retour aux sources de la foi chrétienne, c'est à dire aux Écritures et aux textes des Pères de l'Église, ce que l'on a appelé le ressourcement. Le mouvement encouragea par ailleurs le dialogue avec le monde contemporain sur les questions de théologie, ainsi que l'exégèse biblique et le mysticisme.

p. 202

G.K. Chesterton, Orthodoxie, Paris, Éditions Flammarion, 2010
Le problème c'est que l'on vient faire litière du dogme de l'infaillibilité de l'Église de Vatican I, avec la Nouvelle théologie. C'est grave, docteur. Avec cette nouvelle théologie, l'on vient dire que les anciens papes n'étaient pas assistés par le Saint Esprit lors de leurs grands enseignements magistériels. Ou alors que le Saint Esprit pourrait se dédire selon l'époque, dire "noir" hier et "blanc" aujourd'hui; ce qui est la critique de Chesterton.

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par prodigal » jeu. 20 mai 2021, 17:07

Cinci a écrit :
jeu. 20 mai 2021, 16:08

1. Tout homme a droit à liberté religieuse, motif pris qu’il est doté de volonté, qui est l’autre nom de la liberté.; et qu’à ce titre, il est à l’image de Dieu souverainement libre.
Cette définition de la liberté religieuse fait renvoi (depuis Vatican II; pour Joseph Ratzinger) à la définition qui serait celle du «laïcisme», la "neutralité confessionnelle" de l'État chère à Jules Ferry et autres républicains anticléricaux de la IIIe République.
Cher Cinci,
excusez-moi mais je ne vois pas le rapport.
Avoir conscience du juste et du vrai et pouvoir agir en conséquence, ce qui définit la liberté, n'implique évidemment pas la neutralité!
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Cinci » jeu. 20 mai 2021, 17:22

Perlum Pimpum :

Mais d’une, l’ordre moral objectif ne se limite pas à la seule loi divine naturelle, puisqu’incluant aussi la loi divine positive. De deux, le cardinal rappelait que rien dans la loi divine n’obstacle que l’État soit catholique. Partant, les conséquences qui s’en peuvent tirer sont évidentes.
Je suis bien d'accord. C'est vrai.

Et le cardinal Ratzinger n'a jamais affirmé de manière "absolue" qu'un État ne pourrait pas ou n'aurait jamais pu ou dû être un État de confession catholique. Non, c'est sûr. L'affirmer correspondrait à une bien trop grosse bêtise.

Néanmoins, il laisse entendre que ce serait «mieux » que tous les États du monde actuel soient tels des États déconfessionnalisés. Puis c'est cette proposition du «mieux» qui nie de plein fouet la position qui fut celle de l'Église et des catholiques dans nos XIXe-XXe siècle. On ne trouverait jamais aucun pape de jadis affirmant, par exemple, que la séparation de l'Église et de l'État (comme on le verrait en France en l'an 2021) serait une situation «préférable» ou «meilleure» que celle d'un État qui rendrait publiquement le culte à Jésus-Christ et dans lequel les écoles publiques enseigneraient la morale chrétienne aux enfants, etc.

Historiquement, ceux qui ont toujours dit qu'il vaudrait "mieux" déconfessionnaliser ont toujours été des adversaires de l'Église, des ennemis du catholicisme, des opposants à Rome, des agents de la déchristianisation de l'Europe cf. les idolâtres de la Déesse Raison, les rationalistes, les admirateurs des Lumières, les protestants libéraux, Juifs émancipés, les francs-maçons évidemment. Pour eux, c'était mieux. Or, le magistère de l'Église n'a jamais enseigné une pareille chose. Historiquement, l'Église n'a jamais enseigné (même pas au temps des martyrs du Ier siècle) que la foi chrétienne devrait se limiter à n'être qu'une opinion privée, comme une adhésion optionnelle à une religion parmi plusieurs toutes aussi bonnes; encore, que la religion chrétienne ne disposerait d'aucun droit ou titre à devoir s'imposer à tous.

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Re: Le catholicisme français au XIXe (Jean Sévillia)

Message non lu par Perlum Pimpum » jeu. 20 mai 2021, 22:00

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