Anonymous a écrit :
Juste pour remettre les choses dans leur contexte, il ne faut pas oublier que l'Allemagne a une influence majeure sur la BCE, et que ce pays a été traumatisé par des périodes d'hyperinflation après chaque guerre mondiale.
Tout à fait, et à l’heure des autoroutes de l’information et de l’informatisation à outrance, est-ce bien sérieux de se laisser épouvanter par les vieilles lunes de la république de Weimar ?
Il y a 20 ans de cela on apprenait encore en cours d’économie qu’un des coûts induits de l’inflation était le réétiquetage des produits, du temps pas si lointain où une vendeuse devait passer avec une étiqueteuse pour afficher les prix sur les produits...
Mais aujourd’hui il est très facile de mettre en place des mécanismes indexatoires sur tous les flux financiers : revenus, rentes, etc... pour compenser les effets inflationnaires et garantir les situations de tout un chacun, avec les outils modernes c’est très facile à faire et le coût est négligeable.
La rhétorique de l’inflation n’est qu’un paravent pour masquer une problématique autrement plus grave : l’accaparement par les marchés financiers du droit régalien de battre monnaie.
Pour un classique, l’argent n’a en soi aucune valeur, il n’est qu’un moyen d’échange : la nourriture est un bien, une consultation médicale est un bien, l’instruction est un bien, le logement est un bien, mais l’argent n’est pas un bien il n’est qu’un moyen d’échange, tout comme des jetons. D’où l’idée classique qu’il faut adapter la masse de monnaie mise en circulation en fonction d’indicateurs réels comme la vitesse moyenne des échanges, c’est la monnaie qui est adaptée à l’économie réelle, et non l’inverse. C’est la grande idée classique de la neutralité de la monnaie : le nombre de jetons mis en circulation doit suivre l’économie réelle. On peut spéculer, mais on ne spécule que sur des biens économiques réels, on ne spécule jamais sur les jetons, c’est à dire sur le moyen d’échange, comme dans un casino, les joueurs spéculent sur la roulette, mais ils ne spéculent pas sur les jetons qui n’ont d’autre fonction que de représenter leurs mises.
D’où l’idée assez logique que cette mise en circulation des jetons revient à la puissance publique : les richesses réelles augmentent, il n’y a plus suffisamment de jetons pour réaliser les échanges, alors l’Etat en rajoute pour que les échanges puissent se faire. C’est toujours un accompagnement de l’économie réelle, de l’huile dans les rouages, jamais un business lucratif. Et si l’Etat injecte trop de jetons, il y a inflation, mais pourvu que l’on mette les mécanismes indexatoires décrits plus haut, cette inflation est neutralisée. Le plus gros risque n’est donc pas l’inflation, facilement neutralisable, le plus gros risque c’est au contraire que les jetons viennent à manquer et que les échanges ne puissent plus se faire, car là c’est la paralysie de l’économie réelle, entraînant paupérisation et autres drames humains.
Or lorsque l’Etat renonce à son droit de battre monnaie et s’endette sur les marchés financiers (le cas actuel), cela signifie deux choses : d’une il n’a plus le pouvoir d’adapter la masse de jetons à l’économie réelle et donc de prévenir les paralysies, puisqu’il ne peut plus mettre de l’huile dans les rouages, de deux les jetons deviennent eux-mêmes monnayables, ce ne sont plus de simples moyens d’échange, ce sont des biens qu’il faut se procurer et en payer le prix : le prix de l’intérêt. C’est extrêmement vicieux en fait : il faut d’abord payer le moyen d’échange pour ensuite pouvoir payer les biens convoités : vous payez deux fois en fait, c’est comme un casino qui dirait à ses clients : « le jeton jaune représentant 100 euros est à 5 euros ».
En fait les producteurs-échangeurs, qui vivent dans le réel, produisent et échangent des réalités, ont tout intérêt à ce que le moyen d’échange n’ait aucun prix, ils ont tout intérêt à ce que l’intérêt tende justement vers 0%, modulo le prix pour produire le papier-monnaie, ils n’ont aucun intérêt à payer deux fois : une première fois pour les jetons, une deuxième fois pour avoir les biens réels.
Par exemple, l’Euro est une monnaie qui a un prix, un prix qui ne cesse d’augmenter avec l’endettement des Etats, celui qui croit avoir dix euros en poche, parce que sur le titre c’est marqué 10 euros, il se trompe, car ces « 10 euros » sont grevés d’un intérêt, d’un prix, allant croissant, pour avoir le jeton à 10 euros il a fallu payer 2, 3, 4... euros. Le pauvre bougre qui travaille toujours autant, qui a toujours les mêmes charges et qui a toujours ses 10 euros en poche, ne comprend pas pourquoi son pouvoir d’achat baisse, parce qu’à son insu on lui facture toujours plus les « jetons de change », et que du coup ses 10 euros nominaux sont transformés en 5 euros réels.
Et toutes les catégories sont affectées : rentiers, salariés...contrairement à l’image colportée au sujet des écureuils allemands engrangeant leurs noisettes, non même les petits rentiers allemands trinquent puisqu’ils paient aussi le prix fort pour être détenteurs d’euros.
Intrinsèquement le système financier actuel est pervers, puisqu’en quelque sorte il taxe la monnaie, ce n’est plus le bien taxé par l’Etat, c’est le moyen d’échange taxé à taux d’usure par des organismes privés. Le système ne tient donc plus que par des petits arrangements entre amis, tant que la collusion politico-financière est encore forte, on peut espérer des rafistolages, comme l’échelonnement de la dette, comme le transfert de la dette d’un Etat à l’autre etc...mais rien qui puisse nous faire revenir à l’économie réelle, à savoir une monnaie neutre, simple moyen d’échange, régulée par la puissance publique, pour être au service de l’économie réelle, simples jetons de change n’ayant qu’une valeur nominale, aucune valeur réelle ou presque...