L'Europe vers la pauvreté généralisée

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etienne lorant
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L'Europe vers la pauvreté généralisée

Message non lu par etienne lorant » dim. 20 janv. 2013, 20:42

Un Européen sur quatre est menacé de pauvreté ou d'exclusion sociale. Ce taux est en augmentation depuis l'année dernière. La crise, l'austérité mais aussi la flexibilisation du marché du travail figurent parmi les cause principales de l'aggravation de la situation.

La pauvreté augmente en Europe. Près du quart de la population de l'Union européenne était menacée d'exclusion sociale en 2011. Ce sont les derniers chiffres de l'agence européenne de statistiques, Eurostat, datés de ce mois de décembre. Le taux de pauvreté a augmenté d'un point par rapport à 2010 et 120 millions d'Européens sont menacés aujourd'hui.


Disparité entre les Etats

L'indigence ne touche pas tous les Etats européens de la même manière. Les plus fortes proportions de population menacée se trouvent en Bulgarie avec 49%, puis en Roumanie et Lettonie avec 40%. La Grèce, violemment frappée par la crise arrive ensuite avec 31%. Les plus préservés sont la République tchèque, la Suède et les Pays-Bas. La France reste au milieu du classement avec 19,3% de sa population qui risque l'exclusion. Un chiffre stable par rapport à l'année précédente.

« Pour 8 à 9% de la population, il y a un risque de privation matérielle sévère. Et 10% restent exclus du travail. C'est à dire qu'ils travaillent moins de 20% de leur temps. C'est une situation nouvelle, due à la crise et qui frappe dûrement les populations européennes. La crise crée des situations de pauvreté et notamment de chômage. Pratiquement 25 millions de chômeurs sont dans l'Union européenne. Et dans des pays très frappés par la crise comme la Grèce ou l'Espagne, le chômage atteint parfois les 40% et frappe tout spécialement les jeunes », explique Jean Dominique Giuliani, président de la fondation Robert-Schuman.


Quand austérité ryme avec pauvreté

Et pour ces pays du sud de l'Europe, la situation devient extrêmement difficile. Beaucoup de familles ont du mal à joindre les deux bouts et les populations se plaignent de l'austérité tant prônée par l'Europe et la troïka (FMI, Commission et Banque centrale européennes)

Fortement touché par la crise de la dette, le Portugal, par exemple, a enchaîné les plans d'austérité : réduction des salaires de la fonction publique, des retraites, augmentation des impôts directs et indirects. Et dans le même temps, le gouvernement a réduit ses dépenses sociales avec la diminution des indemnités de chômage, ou du revenu minimum qui tourne aujourd'hui autour des 600 euros.

« La classe moyenne est très touchée et ces réductions de revenus frappent plus particulièrement les populations les plus vulnérables comme les familles monoparentales et les retraités. Mais il y a aussi une augmentation de la pauvreté auprès des travailleurs. On le voit beaucoup à travers les réseaux de solidarité comme les églises qui nous disent qu'il y a un nombre croissant de personnes et de familles qui cherchent des aides alimentaires ou scolaires... », témoigne Paula Bernardo, secrétaire générale adjointe du syndicat Union général pour les travailleurs.

Grâce à sa politique d'austérité, le déficit portugais s'est réduit et atteint aujourd'hui 5,6% du produit intérieur brut (PIB) contre 6,7% l'année dernière. Mais l'objectif fixé par les bailleurs de fonds était de 5% en 2012, puis 4% l'année suivante. L'effort des Portugais semble encore loin d'être terminé.


Les limites de la flexibilité

L'austérité n'est pas le seul facteur de pauvreté. En témoigne la hausse radicale de la paupérisation en Allemagne. Ce pays souffre moins de la crise que l'Espagne, la Grèce ou le Portugal. Son taux de chômage reste nettement inférieur à celui de la France. Et pourtant, le taux de pauvreté allemand est supérieur. En ascension depuis 2005, il culmine aujourd'hui à près de 20%.
[+] Texte masqué
http://www.2012un-nouveau-paradigme.com ... 54549.html
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: L'Europe vers la pauvreté généralisée

Message non lu par etienne lorant » lun. 24 août 2015, 11:10

Yanis Varoufakis : « La véritable cible du docteur Schäuble est la France et son Etat-providence »

Un article intéressant trouvé sur "Le Monde" :

"La France a-t-elle été un allié du gouvernement d’Alexis Tsipras pendant les négociations avec les partenaires de la Grèce ?
La plupart des Européens imaginent que ces derniers mois la Grèce a négocié avec ses partenaires de la zone euro. Ce n’est pas le cas. Pendant les cinq mois où j’ai été impliqué au sein de l’Eurogroupe [la réunion des ministres des finances de la zone euro], mes homologues me renvoyaient systématiquement vers les représentants des institutions, à savoir la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE), et le Fonds monétaire international (FMI).

Je n’ai jamais négocié en direct avec Michel Sapin, mon collègue français. Ni avec Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand, qui assurait qu’il ne pouvait rien faire pour moi et me renvoyait aux institutions. Même lorsque M. Schäuble et moi avons enfin ouvert un dialogue, peu avant mon départ, il était clair que le moindre degré de convergence entre nous ne pouvait être exprimé de façon officielle.
C’est la grande leçon de ces derniers mois : la zone euro est la zone économique la plus puissante, mais personne ne la dirige — ou du moins, personne d’élu. Elle a créé un monstre, l’Eurogroupe, où les ministres des finances ne négocient pas vraiment les uns avec les autres."

http://www.lemonde.fr/europe/article/20 ... _3214.html
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Re: L'Europe vers la pauvreté généralisée

Message non lu par Cinci » ven. 26 févr. 2016, 5:31

... sans compter la loi Macron


  • Pour amadouer Bruxelles
    Loi Macron, le choix du toujours moins

    On ne change pas une politique qui perd. Ni la déroute subie lors des élections départementales, ni l'ancrage de l'extrême -droite, ni la montée du chômage ne calment les ardeurs libérales du président François Hollande et de son premier ministre Manuel Valls. En témoigne le projet de loi de M. Emmanuel Macron.

    [...] le projet touche à tout : libéralisation des lignes d'autobus, accroissement du travail le dimanche, limitation du rôle des prud'homme, affaiblissement du code du travail, déréglementation de la profession des notaires, privatisation de l'industrie de l'armement, et des aéroports, filialisation de centre hospitaliers universitaires, assouplissement des normes environnementales. [...] Il est impossible de détailler toutes les mesures.

    Pour la première fois depuis 1806, un employeur et un salarié pourront signer une convention amiable dans le cadre du code civil, sans référence à celui du travail. Or, ce dernier, si imparfait soit-il, limite l'arbitraire patronal et le déséquilibre des forces entre un employeur qui «offre» un emploi et un employé qui doit gagner sa vie. [...] On glisse ainsi vers une justice à l'américaine où aucun code spécifique du travail n'existe au niveau national, les relations patrons-employés relevant de la procédure civile. Les conflits s'y règlent dans 95% des cas entre avocats avant le procès. Nul besoin de jouer les mauvais esprits pour imaginer la disparité de moyens entre employeur et salariés.

    [...]

    L'affaiblissement de la démocratie sociale s'accompagne d'une réduction des sanctions pour les employeurs qui violent la loi. [...] D'autres mesures sont instaurées pour réduire les obligations patronales en cas de suppression d'emplois [...] les entreprises en difficulté bénéficieront de procédures simplifiées pour licencier - dans un groupe, il suffira à la maison-mère d'organiser l'insolvabilité. de sa filiale pour être débarrassée (ou presque) de toute obligation; en cas de «plan social», le reclassement obligatoire se limitera au seul niveau de l'entreprise et ne se fera plus à l'échelle du groupe.

    Dans sa volonté de lever la moindre obstacle aux décisions patronales, M, Macron en est arrivé à concocter cet article kafkaïen :

    • Le jugement d'un tribunal administratif refusant un licenciement injustifié «ne modifie pas la validité du licenciement et ne donne pas lieu au versement d'une indemnité à la charge de l'employeur» (art. 102). Le salarié injustement jeté dehors ne sera ni réintégré ni indemnisé!


    Une philosophie imprègne ces changements : mieux vaut un face à face patron-salariés que des accords collectifs, mieux vaut une décision d'en haut que la démocratie sociale, mieux vaut le code civil que le code du travail ... depuis la Libération, aucun gouvernement n'a à ce point injecté de potions libérales dans le corps social.

    Non seulement les conditions de vie des salariés vont se dégrader, mais le gouvernement aura répondu aux attentes du patronat en sortant le travail du dimanche du système de dérogation pour l'installer comme norme.


    [...]

    Dans la liste de M. Macron figure aussi la vente des aéroports de Lyon et de Nice-Côte d'Azur, «dont le transfert au secteur privé de la majorité du capital» est autorisé (art. 49) Ainsi le patrimoine de l'État fond à vue d'oeil : en 2013, l'équipe Hollande a vendu une partie du capital d'EADS (3,7%), de Safran (7,8%) , d'Aéroport de Paris (9,5%); en 2014, de GDF Suez (3,1%), d'Orange (1,9%) [...] sans oublier la vente d'Alstom à General Electric et, plus récemment, de la moitié du capital d'Aéroport de Toulouse-Blagnac.

    Autre innovation du ministre : l"autorisation donnée aux centres hospitaliers universitaires de prendre des participations et de créer des filiales (art. 42) Des entreprises privées pourront «valoriser» les fruits de la recherche publique. Plus original, elles auront la possibilité d'installer des établissements dans les riches capitales étrangères (comme pour le musée du Louvre à Abou Dhabi), où les professeurs ou les médecins les plus réputés pourront consulter ou opérer quelques jours par mois.

    Cerise sur le gâteau des mandarins : la création de sociétés intermédiaires pour faire venir dans les CHU de haute renommée les malades fortunés, à la manière de l'hôpital Ambroise Paré à Paris qui, l'an dernier, a privatisé tout un étage pour accueillir un émir du Golfe. Les experts nomment cela «tourisme médical». Le commun, lui, devra attendre que ces touristes d'un nouveau type soient soignés ou que le spécialiste rentre de son équipée étrangère pour obtenir quelque attention.

    [...]

    Pour s'assurer que la SNCF ne dérive pas, le projet veut inscrire dans le bronze les conditions dans lesquelles elle peut investir pour développer ou ou moderniser ses infrastructures (art. 51) Aucun critère d'utilité ni de service au public. L'investissement dépendra du seul ratio «endettement/marge opérationnelle», autrement dit du profit attendu. Pendant ce temps, les lignes d'autobus pourront se développer à grande échelle, quitte à concurencer le chemin de fer (et à aggraver la pollution).

    [...]

    Au chapitre des cadeaux en tout genre, le projet de loi Macron prévoit une réduction de la fiscalité et des cotisations sur la distribution gratuite d'actions qui profite aux très hauts cadres, Ce chèque pour les riches s'élèvera à 300 millions d'euros en année pleine selon les services de Bercy et à 900 millions selon la plupart des spécialistes.

    Source : Martine Bulard, «La loi Macron, le choix du toujours moins», Le Monde diplomatique, numéro 733, 62e année, avril 2015

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Re: L'Europe vers la pauvreté généralisée

Message non lu par Cinci » ven. 26 févr. 2016, 6:33

Mais ...

Comme le signalait déjà , en avril 2014, André Bellon, le problème pouvait se comprendre comme relevant d'un déficit démocratique.
  • «... Jean Jaurès avait développé l'idée que l'histoire du mouvement ouvrier était en même temps celle de la participation des ouvriers à la construction de l'espace public grâce à leur capacité d'autonomie au sein même de la société capitaliste.

    Jaurès insistait alors sur la pertinence de la démocratie comme instrument de libération et de lutte, «estimant qu'elle était le milieu ou se meuvent les classes», se révélant ainsi «dans le grand conflit social une force modératrice».

    Non seulement ce débat est toujours actuel, mais il est renouvelé et amplifié par la construction européenne, par la thématique du dépassement de l'État par la mondialisation. L'abandon des concepts de peuple ou de nation est par exemple présenté comme progressiste par une figure d'une certaine gauche, Antonio Negri, qui ne craint pas de déclarer que «les concepts de nation, de peuple et de race ne sont jamais très éloignés», thèse qui doit ravir l'extrême-droite. Plus nuancés, d'autres ne voient le mouvement social et l'action politique qu'au niveau européen, voire mondiale, sans tenir compte du fait que les plus grandes mobilisations ont toujours lieu dans le cadre national.

    Déjà, le 18 janvier 1957, l'ancien président radical du Conseil Pierre Mendès-France, expliquant à l'Assemblée nationale son vote contre le traité de Rome, avait dénoncé cette probable dérive :

    • «L'abdication d'une démocratie peut prendre deux formes : soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique.»


    Vouloir une «mondialisation sociale» ou une «Union européenne républicaine» n'a aucun sens, dans la mesure où l'objet idéologique de ces constructions est justement la destruction des valeurs républicaines et sociales.

    Comment au contraire ne pas voir que les dynamiques de contestation de l'ordre dominant ont débouché sur des Constituantes nationales tant en Bolivie ou en Equateur qu'en Islande, ce qui n'a pas entraîné un quelconque isolement de ces pays, mais au contraire une dynamique internationale intense, comme le prouve les nouvelles alliances en Amérique latine.

    La crise actuelle en France n'est pas seulement celle d'une majorité, mais aussi celle de l'organisation politique et sociale; c'est pourquoi la confiance entre citoyens et responsables politiques se dissout année après année. Alors que le monde se trouve en mutation profonde, tant géopolitique qu'économique, l'Europe et les pays qui la composent s'enferment dans des certitudes - affaiblissement systématique des États, accord de libre-échange transatlantique, etc. - qui ôtent toute capacité d'action spécifique.

    [...]

    ... réaffirmation du citoyen libre, humain et social en tant que membre du corps politique, contre l'Individu indistinct au sein d'une communauté unanime. C'est à cela qu'appelle Georges Orwell lorsqu'il fait dire à Big Brother :

    • «Tant que votre but sera de rester vivant, non de rester humain, rien ne changera. Mais, à la qualité d'êtres humains, vous avez préféré celle d'êtres vivants, vous confinant ainsi dans un éternel présent et vous assurant que je serai toujours là. Ne vous en plaignez pas.»


    Source : André Bellon, «Bonapartisme ou Constituante», Le Monde diplomatique, avril 2014

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Re: L'Europe vers la pauvreté généralisée

Message non lu par Cinci » ven. 26 févr. 2016, 8:18

J'aimerais en profiter pour rafraîchir la mémoire de plusieurs au sujet d'un ouvrage bon à consulter Contre-histoire du libéralisme de Domenico Losurdo qui a parut en 2013.

On en parlait dans «Trois réflexions sur le libéralisme», qui est un article de Lucien Sève.

Ici :
[+] Texte masqué
«Qui se fait du libéralisme l'image donnée par les libéraux va au devant de rudes surprises en lisant ce maître-livre de Domenico Losurdo.

Être libéral, en principe, c'est militer à l'école de grands auteurs comme Hugo Grotius ou John Locke, Adam Smith ou Alexis de Tocqueville, pour les libertés de l'Individu contre l'absolutisme politique, le dirigisme économique, l'Intolérance philosophique. Puissant mouvement de pensée et d'action qui, du XVIe au XVIIIe siècle et à travers trois glorieuses révolutions aux Pays-Bas, en Angleterre et en Amérique, a modelé toute l'histoire contemporaine. Or, c'est justement avec lui [le libéralisme] que l'esclavage connaît son plus grand développement,

En Amérique, il y a trois cent mille esclaves en 1700, près de trois millions en 1800, le double au milieu du XIXe siècle. Les Pays-Bas n'abolirent l'esclavage dans leurs colonies qu'en 1863. Au milieu du XVIIIe siècle, c'est la Grande-Bretagne qui compte le plus d'esclaves : près de neuf cent mille. Et il s'agit là du pire esclavage, le racial chattel slavery, où l'homme de couleur est tout uniment un «bien meuble». On ne peut imaginer plus radical déni de la liberté individuelle. Où est l'erreur?

L'ouvrage est consacré de bout en bout à expliquer, avec un luxe impressionnant de faits saignants et de citations suffocantes. Non, il ne s'agit pas d'une erreur.

La doctrine libérale est née et n'a cessé d'être à double-face : message enflammé de liberté individuelle pour les seuls citoyens, hommes blancs, propriétaires formant un Herrenvolk, un «peuple de seigneurs» - germanisme adopté sans complexe par cette idéologie largement anglophone; déni cynique d'humanité non seulement pour les gens de couleur dans les colonies, mais tout autant pour les peuples réputés «barbares», comme les Irlandais ou les indiens d'Amérique, et pour la masse des serviteurs et travailleurs dans les métropoles mêmes - autant dire pour la très grande majorité. Cette contre-histoire du libéralisme, sans du tout nier sa face claire, dévoile en toute son ampleur cette face sombre depuis l'origine et que ne cesse de dissimuler l'hagiographie libérale.

L'auteur a-t-il tort d'en appeler à en finir avec la mensongère hagiographie du libéralisme, qui nous a été administrée à haute dose durant trois décennies depuis les débuts du règne de Margaret Thatcher?

[...]

Suivre à la trace le libéralisme dans sa longue histoire implique aussi de s'intéresser à ce qui est venu le contester. [...] depuis l'universalisme catholique et monarchique de Jean Bodin au XVIe siècle [...] jusqu'à la fondamentale critique de Karl Marx, qui excelle à dévoiler le caractère conservateur de la révolution anglaise. L'émancipation politique bourgeoise a en effet été le signal d'un déchaînement social à l'encontre non seulement des peuples coloniaux, mais aussi de la paysannerie anglaise elle-même, avant de s'en prendre au prolétariat urbain incroyablement maltraité dans les workhouses. [...] Un livre parut à Boston en 1913 évoque dans son titre la «solution finale» (ultimate solution) de la question noire. Un chercheur américain, Ashley Montagu, écrit à propos du racisme et du nazisme que «le monstre qui a pu bondir librement sur le monde est en grande partie notre création»

Source : Lucien Sève, «Trois réflexions sur le libéralisme», Le Monde diplomatique, juin 2013

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Re: L'Europe vers la pauvreté généralisée

Message non lu par Cinci » lun. 29 févr. 2016, 6:50

Dans la contre-histoire du libéralisme ...

«... le Liverpool Courrier du 22 août 1832 calculait que les 3/4 du café britannique, les 15/16 de son coton, les 22/23 de son sucre et les 34/35 de son tabac étaient produits par l'esclavage (Seymour Drescher, Capitalism and antislavery, 1776-1848, Oxford Univesity Press, 1987, p.174)»


«... on pense au discours du théoricien du Sud déjà cité [John Calhoun, USA]. En effet, en 1864, la Saturday Review - il s'agit ici d'une revue diffusée parmi les classes moyennes et supérieures - constate que les pauvres constituent en Angleterre «une caste séparée, une race», placée dans une condition sociale qui ne change pas «du berceau à la tombe», et qui est séparée du reste de la société par des barrières semblables à celles qui subsistent en Amérique entre blancs et noirs. La respectable revue anglaise poursuit ainsi :
  • De l'adolescent ou de l'homme pauvre anglais on attend qu'il se souvienne toujours de la condition dans laquelle Dieu l'a placé, exactement comme on attend du Nègre qu'il se souvienne de la peau que Dieu lui a donnée. Dans les deux cas, la relation est celle qui subsiste entre un supérieur perpétuel et un inférieur perpétuel, entre un chef et un dépendant : pour grande qu'elle puisse être, aucune gentillesse ou bonté ne peut altérer cette relation. (Douglas A. Lorimer, Colour, Class and the Victorians, p.104)
A l'apartheid racial semble correspondre une sorte d'apartheid social. Dans l'Angleterre du XVIIIe siècle, Charles Seymour, duc de Somerset, fait précéder son carosse d'avant-courriers chargés de dégager la route de façon à épargner au gentilhomme la gêne de croiser des personnes et des regards plébéiens. Un siècle plus tard, une sorte de ségrégation entre les différentes classes sociales existe encore dans les églises anglaises; et le Cahier de doléances déjà cité, écrit par les paysans, se plaint du fait que, même dans de telles circonstances, l'aristocrate ait recours à un rideau afin de se protéger de tout «regard vulgaire».

Quand plus tard Senior visite Naples, ce qui l'indigne, c'est le mélange des rangs sociaux :«Sous des climats plus froids, les classes inférieures restent à la maison; ici, elles vivent dans la rue. Pire, elles sont si peu distantes des classes supérieures qu'elles habitent dans les souterrains des palais seigneuriaux. Résultat : vous ne pouvez jamais échapper à la vue ni même au contact d'une dégradation repoussante. (Nassau William Senior, cité in Hugh Brogan, Alexis de Tocqueville. Oeuvres Complètes, vol, VI, p.52)


Qu'est-ce que le libéralisme?

«... John C, Calhoun [...] éminent homme d'État, vice-président des États-Unis au milieu du XIXe siècle, élève un hymne passionné à la liberté de l'individu, qu'il défend énergiquement, en se référant à Locke lui-même, contre tout abus et contre tout ingérence excessive du pouvoir d'État.

Mais il ne s'en tient pas là. Il ne cesse de critiquer et de condamner les gouvernements absolus et la concentration de pouvoir, mais aussi le fanatisme et l'esprit de croisade, auxquels il oppose le compromis comme principe inspirateur des authentiques gouvernements constitutionnels. Avec la même éloquence, Calhoun défend les droits des minorités. Il ne s'agit pas seulement de garantir, par le vote, l'alternance au gouvernement de différents partis : un excès de pouvoir est toujours inacceptable, même limité dans le temps [...] Il n'y a aucun doute : toutes les caractéristiques de la pensée libérale la plus aboutie et la plus séduisante semblent réunies ici.

Sauf que, Calhoun, dédaignant par ailleurs les demi-mesures et la timidité ou les craintes de ceux qui se bornent à l'accepter comme un mal nécéssaire, déclare au contraire que l'esclavage est «un bien positif», auquel la civilisation ne peut en aucun cas renoncer. Bien sûr, il ne cesse de dénoncer l'«esprit de croisade», mais non pas pour remettre en cause l'asservissement des Noirs ou la chasse impitoyable aux esclaves fugitifs; il s'agit toujours et seulement de stigmatiser les abolitionnistes, ces «fanatiques aveugles», qui considèrent que c'est leur obligation la plus sacrée de concentrer tous leurs efforts pour détruire l'esclavage, forme de propriété légitime et garantie par la Constitution.

Alors Calhoun est-il libéral? Lord Acton, figure de premier plan du libéralisme de la seconde moitié du XIXe siècle et ami de William E. Gladstone, l'un des personnages les plus influents de l'Angleterre d'alors, n'a aucun doute à ce sujet : Calhoun est un champion de la lutte contre l'absolutisme sous toutes ses formes, y compris l'absolutisme démocratique; les arguments qu'Il utilise sont la «véritable perfection de la politique» [C'est Lord Acton qui parle] Bref, avec Calhoun, on a affaire à l'un des grands auteurs et des grands esprits de la tradition et du panthéon libéraux. [...]

Une maison d'édition américaine n'a pas hésiter à republier, selon une approche néolibérale, des «Classiques de la liberté» parmi lesquels figure bien ce grand homme d'État, idéologue du Sud esclavagiste. (John C, Calhoun, Union and Liberty, Liberty Classics, Indianapolis, 1992)

John Locke

«... le digne père du libéralisme [...] considère lui aussi que l'esclavage va de soi dans les colonies [...] Locke en personne contribue, en Caroline, à la mise en forme juridique de cette institution. Il participe à la rédaction de la règle constitutionnelle selon laquelle «tout citoyen libre de la Caroline exerce un pouvoir et une autorité sans limite sur ses esclaves noirs, quelles que soient les opinions de ceux-ci ou leur religion».

John Locke est le dernier grand philosophe qui ait cherché à justifier l'esclavage absolu et perpétuel. Cela ne l'empêche pas d'ailleurs de stigmatiser avec des mots enflammés l' «esclavage politique» que la monarchie absolue voudrait imposer; de même pour Calhoun, la théorisation de l'esclavage noir comme «bien positif» va de pair avec la mise en garde contre une concentration des pouvoirs qui risque des transformer les gouvernés en esclaves des gouvernants.

Prenons maintenant un contemporain de Locke, Andrew Fletcher, qui est un «champion de la liberté», et, en même temps, un «champion de l'esclavage». Sur le plan politique, il se déclare «républicain par principe». Sur le plan culturel, c'est un prophète écossais des Lumières. [...] La renommée de Fletcher franchit même l'Atlantique : Thomas Jefferson le définit comme un «patriote», auquel revient le mérite d'avoir exprimé les principes politiques appartenant «aux passages les plus purs de la Constitution britannique, ceux qui se sont ensuite implantés et prospérés dans la libre Amérique». (Thomas Jefferson, Writings, Library of America, New-York, 1984


«... l'esclavage a été aboli aux États-Unis, non par l'autogouvernement local, mais par la poigne de fer de l'armée de l'Union et de la dictature militaire qu'elle a momentanément imposée. Dans cette situation, Lincoln est accusé de despotisme et de jacobinisme : il a recours à des «gouvernements militaires»; pour lui le mot «loi» signifie la «volonté du président» et l'habeas corpus le pouvoir du président d'emprisonner tout un chacun et pour la période qui lui agrée. »


Hollande, Angleterre, Amérique

Si, avant de se constituer en État indépendant, les colonies rebelles d'Amérique font partie de l'Empire anglais, celui-ci ne devient libéral qu'à partir de l'accès au trône de Guillaume III d'Orange, venu tout droit de Hollande. D'autre part, si Locke, avec son projet de Constitution de la Caroline, se réfère à l'Amérique, c'est en Hollande, qui est à ce moment-là le «centre de la conspiration contre l'absolutisme Stuart», qu'il écrit sa première Lettre sur la tolérance [...] On ne doit pas perdre de vue le fait que les Provinces-Unies, nées de la lutte contre l'Espagne de Philippe II, se sont dotées d'une organisation de type libéral un siècle avant l'Angleterre [...] La structure de pouvoir est elle aussi très significative : dans un pays qui est sorti victorieux du conflit contre Philippe II, il s'agit d'une oligarchie bourgeoise qui a rompu définitivement avec l'ethos de l'aristocratie terrienne. Ce sont ces bourgeois éclairés et tolérants, libéraux, qui se lancent dans l'expansion coloniale; et, à cette époque, la traite des Noirs en fait partie :
  • Ce sont les Hollandais qui inaugurèrent le commerce d'esclaves à grande échelle, pour alimenter les plantations sucrières (Immanuel Wallenstein, Le système du monde du XVe siècle à nos jours, Paris, Flammarion, 1984)
Dans le Candide de Voltaire, ce qui porte un coup très dur à l'optimisme du personnage principal, c'est la rencontre au Surinam («appartenant aux Hollandais») avec un esclave noir, réduit à un état horrible par un patron hollandais. L'esclave se réfère ainsi aux conditions de travail auxquelles il est soumis :

  • Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, ou nous coupe la main : quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.


Le premier pays à emprunter la voie du libéralisme est celui qui manifestât un attachement particulièrement tenace à l'institution de l'esclavage. Ce sont des colons hollandais qui, apparemment, ont opposés la résistance la plus acharnée aux premières mesures abolitionnistes, celles qui ont été introduites au nord des États-Unis pendant et sur la lancée de la révolution. Pour ce qui est de la Hollande proprement dite, les états généraux qui s'y tiennent en 1791 déclarent formellement que la traite des Noirs est essentielle au développement et à la prospérité et au commerce des colonies. [...] Il faut se souvenir que la Hollande n'abolit l'esclavage dans ses colonies qu'en 1863, au moment où la Confédération sécessionniste et esclavagiste du Sud des États-Unis s'achemine vers la défaite.

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Re: L'Europe vers la pauvreté généralisée

Message non lu par etienne lorant » jeu. 05 oct. 2017, 13:37

Emmanuel Macron s’est livré hier à un nouveau dérapage verbal, alors qu’il visitait en Corrèze le site d’une entreprise en restructuration…

Attendu par des manifestants il a fustigé ceux qui « foutent le bordel » au lieu de chercher du travail. Une déclaration de plus qui écorne son image, de moins en moins consensuelle. Hier Emmanuel Macron était en déplacement en Corrèze, autrefois fief de Jacques Chirac puis de François Hollande. Dans un centre de formation il s’est heurté à une manifestation 150 salariés d’une usine sur le point de fermer dans le département voisin la Creuse. Des heurts ont éclaté obligeant les forces de l’ordre à intervenir.

Un aparté.
Et c’est là que les caméras de BFM TV ont enregistré un aparté étonnant entre le Président de la République et le Président de la région Nouvelle Aquitaine. Ce dernier lui a dit qu’il avait du mal à trouver des candidats pour occuper des emplois dans une fonderie située à trente kilomètres de là. Ce à quoi le président a répondu : « Il y en a certains, au lieu de foutre le bordel, ils feraient mieux d’aller regarder s’ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas. Parce qu’il y en a qui ont les qualifications pour le faire et ce n’est pas loin de chez eux. »

Un tollé.
Immédiatement ces propos ont déclenché des réactions à gauche : sur Twitter le Parti socialiste a appelé le président de la République «à rester maître de son langage et à respecter les Français». Du côté de La France insoumise, le parti de Jean Luc Mélenchon , le député du Nord Adrien Quatennens a estimé que «chercher du boulot, Macron ne sait pas ce que c’est. Le bordel, c’est lui!»

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«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

gerardh
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Re: L'Europe vers la pauvreté généralisée

Message non lu par gerardh » jeu. 05 oct. 2017, 14:15

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Bonjour,

Cette phrase a été très malheureuse, même si elle est intervenue de manière discrète et n'était pas destinée à être rendue publique, ce qui a déchaîné les foudres opportunistes des milieux d'opposants, trop heureux de l'aubaine.

Quelles sont les faits tels que je les ai compris ? Il y a eu une manifestation vive d'employés de GM&F, sans doute parmi ceux qui seront licenciés. Sauf erreur sur 280 employés, l'unique repreneur n'en a retenu que 120. Pourquoi : voulait-il réduire sa voilure ou y avait-il des sureffectifs ? En tout cas les termes du débat c'était 120 emplois sauvés au lieu de zéro. C'est très malheureux pour les laissés pour compte, mais qu'y peut le président de la République, en dehors de dispositions politiques globales ? Ces licenciés bénéficieront néanmoins des mesures sociales publiques, même s'il ne sera pas possible de les reclasser hors de leur zone alors qu'ils sont peu mobiles : leurs conjoints y travaillant, les familles étant propriétaires de leur logement, et sans doute du fait d'une certaine viscosité à prendre un nouveau départ.

Par ailleurs ces évènements ont eu lieu dans une autre zone, pas trop proche mais aussi pas trop éloignée du site GM&F (30 km paraît-il). Dans cette zone il s'avère que l'on manque de personnel. Pourquoi cela ? Il faut bien avouer que cela peut interpeler, et que l'on puisse songer à des transferts d'emplois depuis des zones excédentaires. C'est je pense ce qui a énervé le président, même si les choses ne sont pas aussi simples, et que cela mériterait un examen plus approfondi, ce que ne manquera pas de faire le gouvernement et l'Administration, même s'il ne peuvent pas faire de miracles.

En tout cas, avec les ordonnances, nos autorités cherchent à fluidifier la situation, en optant pour une dynamisation de pratiques, et même si ces dispositions relèvent partiellement d'un pari.

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