Le prêt à intérêt : licite ou pas?

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françois67
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Le prêt à intérêt : licite ou pas?

Message non lu par françois67 » lun. 05 mars 2012, 23:59

Bonsoir,
je me suis trouvé surpris en apprenant que la Bible interdisait strictement le prêt à intérêt.
vingt-troisième chapitre du Deutéronome (23-19)2: « Tu ne prêteras pas à intérêt à ton frère, intérêt d'argent ou intérêt de nourriture, de toute chose qui se prête à intérêt. »
<de plus:
Exode (22-24), le Lévitique (25,35-37) et Ezéchiel (18,8 ; 13,7 ; 22,12)
De plus, le Nouveau Testament, certes moins explicite:
et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, afin de recevoir la pareille. » Puis, « Mais aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer. Et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très Haut, car il est bon pour les ingrats et pour les méchants.
Ainsi, jusqu'en 1917, le prêt à intérêt était certifié par l’Église comme "illicite".
Pourtant, très nombreux ont été les rois -Philippe le Bel, Philippe VI...- hommes d’Église (notamment pour construire les cathédrales qui se sont financées largement à crédit) qui n'ont pas hésité à s'endetter auprès de prêteurs ou de banques au cours de l'Histoire.
Aujourd'hui, il est plus que normal et particulièrement d'actualité d'ailleurs, de s'endetter, avec des intérêts pour compenser le risque encouru par le créancier. Il ne paraît nullement immoral d'aller à la banque pour effectuer un emprunt. Le prêt avec intérêts ne paraît remis en cause par personne.
L'application de l'interdit du prêt à taux devrait paraître normal dans nos civilisations toutes influencées par les religions monothéistes (l'Islam interdit l'intérêt très strictement). Pourtant, ma paroisse même a des emprunts à la banque juste par exemple, et personne ne trouve cela immoral. De dire: "Il n'est pas immoral d'emprunter, c'est celui qui prête qui pèche" ne serait que la même chose que de déclarer: "Prendre des biens volés n'est pas mal, c'est péché pour celui qui les a volé", ce qui équivaudrait en gros à du recel.
Et pourquoi ce changement de position en 1917, pourquoi aucune critique n'est-elle tombée?
Tout cela m'intrigue beaucoup, l'emprunt faisant partie intégrante de nos vies.
Merci d'avance pour vos réponses.
Avertissement: j'ai sur ce forum peut-être exprimé des avis contraires à la position de l'Église, et /ou de sa sainte Tradition, et/ou à l'avis qui se doit d'être celui d'un vrai chrétien catholique: ne me prenez donc en RÉFÉRENCE POUR RIEN. Ne soyez pas victimes de scandale. Que mon exemple soit rejeté et en aucun cas suivi. Si vous trouvez un endroit où une de mes interventions serait au moins douteuse, si ce n'est pire, faites-en moi part, notamment par mp. Je m'excuse profondément.

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Raistlin
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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par Raistlin » mar. 06 mars 2012, 10:25

Attention, ne confondez pas le prêt simple et le prêt à intérêt. Car vous dites : Pourtant, très nombreux ont été les rois -Philippe le Bel, Philippe VI...- hommes d'Eglise (notamment pour construire les cathédrales qui se sont financées largement à crédit) qui n'ont pas hésité à s'endetter auprès de prêteurs ou de banques au cours de l'Histoire.

Vous avez sans doute raison, mais encore faut-il s'assurer qu'il y ait bien eu des intérêts. Il n'est pas illicite, sauf erreur de ma part, de prêter et de se faire rembourser ensuite.


Sinon, pour ce qui est du fait que le prêt à intérêt est largement répandu, que voulez-vous que nous vous répondions ? Nous vivons dans une société qui tue les enfants à naître, qui bourre les femmes d'hormones au nom du "plaisir", qui prêche la luxure et l'hédonisme. S'il n'y avait que le prêt à intérêt qui posait problème, ce serait un moindre mal...

Néanmoins, vous avez raison de rappeler qu'un chrétien ne devrait pas prêter de l'argent en y gagnant des intérêts. Quid des chrétiens qui travaillent dans les banques ou des les organismes de prêts ? Eh bien il semble qu'ils commettent un péché. Bon, après, il faudrait sans doute préciser les circonstances qui entourent l'interdiction de prêter avec intérêt dans l’Ancien Testament.

Cordialement,
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françois67
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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par françois67 » mar. 06 mars 2012, 12:45

Merci de votre réponse. :)
J'ai la quasi-certitude que ces emprunts aussi bien royaux qu'écclésiastiques étaient à intérêt. En effet, au Moyen-Age, il y avait trois grandes sociétés ou groupes de personnes qui monopolisaient le secteur du prêt: les Juifs (d'où vient l'expression "riche comme une synagogue"), les Lombards (terme qui regroupe en fait tous les bourgeois Italiens installés en dehors de la péninsule et qui faisaient des affaires dans toute l'Europe, bien évidemment chrétiens) et les ordres chevaliers, notamment les Templiers. sous Philippe le Bel, les Juifs, dès que la dette qui leur était due devenait trop grande, étaient spoliés, les Lombards devaient racheter constamment leurs droits de séjour en France et les Templiers, les plus agaçants car protégés par l'Eglise, vous devez connaître le sort qui leur a été réservé, et nombre de seigneurs français ont dû bien se réjouir d'être lavés de leurs dettes écrasantes.
Pour les Templiers, j'ai trouvé une réponse avec pour sources originelles Jacques Le Goff, "Marchands et banquiers du Moyen Âge" et Marion Melville, "La vie des Templiers", 1974, Gallimard:
Les Templiers devaient exercer une activité économique, commerciale et financière pour payer les frais inhérents au fonctionnement de l'ordre et les dépenses de leurs activités militaires en Orient. Cependant, il ne faut pas confondre cette activité avec celle de la banque. L'usure, c'est-à-dire une tractation comportant le paiement d'un intérêt, était interdite par l'Église aux chrétiens et de surcroît aux religieux:
Comme le dit l'Ancien Testament :

« Tu n'exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour l'argent, ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se prête à intérêt. »

Les Templiers prêtaient de l'argent à toutes sortes de personnes ou institutions : pèlerins, croisés, marchands, congrégations monastiques, clergé, rois et princes... Le montant du remboursement était parfois supérieur à la somme initiale lorsqu'il pouvait être camouflé par un acte de changement de monnaie. C'était une façon courante de contourner l'interdit.

Lors de la croisade de Louis VII, le roi de France en arrivant à Antioche demanda une aide financière aux Templiers. Le maître de l'ordre, Évrard des Barrès, fit le nécessaire. Le roi de France écrivait à son intendant en parlant des Templiers, « nous ne pouvons pas nous imaginer comment nous aurions pu subsister dans ces pays [Orient] sans leur aide et leur assistance.(...) Nous vous notifions qu'ils nous prêtèrent et empruntèrent en leur nom une somme considérable. Cette somme leur doit être rendue (...). » La somme en question représentait deux mille marcs d'argent.
Il est d'ailleurs certain que le prêt bancaire était une des causes de leur richesse.
Les Juifs expliquaient leur métier car il leur était interdit de prêter à intérêts UNIQUEMENT aux coreligionnaires.
Quant aux banquiers lombards, l'explication me paraît assez fumeuse.
Au Moyen Âge, l'interdit chrétien qui frappait le fait de prêter de l'argent contre le paiement d'intérêts rendait l'activité de banquier pécheresse. Bien que le pape Léon le Grand ait interdit les intérêts sur les prêts par la loi canonique, il n'était alors pas interdit de prendre un collatéral sur ces prêts d'argent. Les prêteurs sur gage opéraient sur la base d'un contrat qui fixait à l'avance le montant de l'amende en cas de non respect des termes du prêt « sans intérêts », ou de manière alternative, ces contrats prévoyait une vente-rachat par l'emprunteur où le montant des intérêts est compris dans le prix de rachat. Des conventions similaires existent aujourd'hui dans la finance islamique. Différentes manières de contourner l'interdiction sont mises au point, de telle sorte que les petits prêteurs sur gage pouvaient s'associer et réduire ainsi leur risque en prêtant à plusieurs aux grandes entreprises. Le christianisme et le judaïsme interdisent généralement l'usure, mais l'autorisent envers les hérétiques. Ainsi, les Chrétiens pouvaient prêter aux Juifs et vice versa. Les seuls prérequis pour un jeune homme désireux de travailler chez un prêteur sur gage au Moyen Âge était de savoir lire et écrire; les méthodes utilisées pour la comptabilité étaient soigneusement conservées au sein des familles avant de se répandre le long des principales routes commerciales. Ainsi, ces savoirs allaient se transmettre aux Jésuites et aux Juifs, qui, par conséquent vont jouer un rôle majeur dans la finance européenne. Les Jésuite jouent alors le rôle d'intermédiaires auprès des monarques catholiques alors que les Juifs, à l'autre extrémité, tiennent les boutiques de prêts sur gage.
Les emprunts des diocéses pour batir les cathédrales ayant été par exemple effectués chez les Juifs de Londres par exemple, très prosperes, il est certain que cela se faisait à gages.

Et il reste toujours une interrogation: pourquoi aujourd'hui l'Eglise a légalisé le prêt à intérêt?
Pourquoi rien n'est fait pour informer les chrétiens que travailler comme banquiers est péché? Car ce n'est que par hasard que j'ai découvert cet interdit.
Pourtant au XIIIème siècle, saint Louis a fait interdire le prêt à intérêt, bien après le sait pape léon le Grand au Vème siècle. Et malgré cela, sous les papes Sixte V et Pie IV, l'Eglise a eu recours aux services desdits Lombards afin de financer la basilique saint Pierre.
De plus, en allant au bout du raisonnement, un compte épargne est un prêt à intérêt consenti par nous: nous prêtons en effet notre argent à la banque qui le fait fructifier en investissements et nous le rend avec des intérêts.
Ces questions se trouvent fort épineuses; j'ai trouvé un texte, qui peut être enrichissant mais qui ne résout absolument pas le problème d'après moi: http://prosperite-et-partage.org/spip.php?article25
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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par Fée Violine » mar. 06 mars 2012, 13:03

Merci François67 pour ce site qui semble très intéressant.

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Raistlin
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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par Raistlin » mar. 06 mars 2012, 13:38

françois67 a écrit :Et il reste toujours une interrogation: pourquoi aujourd'hui l'Eglise a légalisé le prêt à intérêt?
Premièrement, l'Église ne légifère pas, elle dit ce qui est licite ou illicite. Ensuite, où avez-vous vu que l'Église a dit que tout type de prêt à intérêt était devenu licite ?

françois67 a écrit :Pourquoi rien n'est fait pour informer les chrétiens que travailler comme banquiers est péché? Car ce n'est que par hasard que j'ai découvert cet interdit.

Je pense qu'il faut aussi ne pas exagérer. Vous allez l'air d'en faire une affaire gravissime comme si l'Église avait autorisé l'infanticide et le cannibalisme. Peut-être que si l’Église ne passe pas son temps à communiquer là-dessus c’est que, par rapport à d’autres problèmes, cela relève du détail.

Quant aux interdits de l’Ancien Testament, il y a une façon de les comprendre quand on est chrétien. En tout cas, il faut se méfier des lectures littérales comme je l'expliquerai un peu plus après. Il faut toujours se demander ce que veut le Seigneur. Par exemple, en lisant littéralement la Bible, vous êtes contraint d'interdire toute image ou photographie alors que l'enjeu n'est pas du tout là.

Pourtant au XIIIème siècle, saint Louis a fait interdire le prêt à intérêt, bien après le sait pape léon le Grand au Vème siècle. Et malgré cela, sous les papes Sixte V et Pie IV, l'Eglise a eu recours aux services desdits Lombards afin de financer la basilique saint Pierre.
Oui, et alors ? Je vous rappelle quand même qu'ils n'ont pas, par définition, eux-mêmes prêté. Et quand bien même ils l’auraient fait, qui a prétendu que les chrétiens – fussent-ils papes – étaient irréprochables ?

françois67 a écrit :De plus, en allant au bout du raisonnement, un compte épargne est un prêt à intérêt consenti par nous: nous prêtons en effet notre argent à la banque qui le fait fructifier en investissements et nous le rend avec des intérêts.
Dans un sens oui. Mais après, est-ce que l’interdiction du prêt à intérêt dans l’Ancien Testament visait toute forme d’investissement ? Très honnêtement, je ne suis pas certain que cette interprétation soit la bonne.

Citons par exemple le passage complet du livre du Deutéronome que vous mentionniez : Tu n'exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se prête à intérêt. Tu peux exiger un intérêt de l'étranger, mais tu n'en tireras point de ton frère,afin que Yahweh, ton Dieu, te bénisse dans tout ce que tu entreprendras, dans le pays où tu vas entrer pour le posséder. (Dt 23, 19-20)
Il semble donc que ce passage n’interdise pas l’intérêt dans l’absolu mais dans certains cas.

Si on creuse un peu plus :
Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu n'exigeras pas de lui d'intérêt. (Ex 22, 24)
Si ton frère devient pauvre et que sa main s'affaiblisse près de toi, tu le soutiendras, fut-il étranger ou hôte, afin qu'il vive auprès de toi. 36 Ne tire de lui ni intérêt ni profit, mais crains ton Dieu et que ton frère vive avec toi. 37 Tu ne lui prêteras point ton argent à intérêt, et tu ne lui donneras point de tes vivres pour en tirer profit. (Lv 25, 35-37)

Il semble donc que ce que vise le Seigneur, dans ces passages, ce n’est pas tant l’intérêt en lui-même que le fait de ne pas alourdir la charge de celui qui est dans le besoin. D’ailleurs, le CEC semble bien orienter l’interdiction du prêt à intérêt dans ce sens :
CEC a écrit :2269 L’acceptation par la société humaine de famines meurtrières sans s’efforcer d’y porter remède est une scandaleuse injustice et une faute grave. Les trafiquants, dont les pratiques usurières et mercantiles provoquent la faim et la mort de leurs frères en humanité, commettent indirectement un homicide. Celui-ci leur est imputable (cf. Am 8, 4-10).

2449 Dès l’Ancien Testament, toutes sortes de mesures juridiques (année de rémission, interdiction du prêt à intérêt et de la conservation d’un gage, obligation de la dîme, paiement quotidien du journalier, droit de grappillage et de glanage) répondent à l’exhortation du Deutéronome : " Certes les pauvres ne disparaîtront point de ce pays ; aussi je te donne ce commandement : tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays " (Dt 15, 11).
françois67 a écrit :Ces questions se trouvent fort épineuses
Mais non, elles ne sont pas épineuses. Elles sont même anecdotiques. Certes, il y a dans le prêt à intérêt quelque chose de potentiellement illicite qu’il faudrait approfondir. Mais par pitié, ne lui donnez pas non plus une importance qu’il n’a pas.

De ce que je comprends, le prêt à intérêt est toléré dans l’Église. Il y a des circonstances où ce type de prêt devient illicite, par exemple lorsqu’il concerne un pauvre. Mais est-ce que cela signifie que tout intérêt est illicite par nature ? L’Église, au stade où elle en est de sa réflexion, n’a pas l’air de le penser.

Cordialement,
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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par Fée Violine » mar. 06 mars 2012, 14:07

Je pense qu'il faut aussi ne pas exagérer. Vous allez l'air d'en faire une affaire gravissime comme si l'Église avait autorisé l'infanticide et le cannibalisme. Peut-être que si l’Église ne passe pas son temps à communiquer là-dessus c’est que, par rapport à d’autres problèmes, cela relève du détail.
Je ne trouve pas que l'usage de l'argent soit un détail...
Notre Seigneur a dit clairement qu'il faut choisir entre Dieu et l'argent.
Si pendant tout le Moyen Âge, l'Église a lutté contre le prêt à intérêt, c'est qu'elle jugeait cela important, et même essentiel.
De nos jours, la question se pose plus que jamais. L'argent est la divinité adorée sur toute la Terre, et en son nom sont commises les pires injustices.
D'ailleurs le pape vient de déclarer qu'il faudrait un organisme au niveau mondial pour mettre ordre à cela.

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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par Raistlin » mar. 06 mars 2012, 15:10

Fée Violine a écrit :Je ne trouve pas que l'usage de l'argent soit un détail...
Notre Seigneur a dit clairement qu'il faut choisir en Dieu et l'argent.
Si pendant tout le Moyen Âge, l'Église a lutté contre le prêt à intérêt, c'est qu'elle jugeait cela important, et même essentiel.
De nos jours, la question se pose plus que jamais. L'argent est la divinité adorée sur toute la Terre, et en son nom sont commises les pires injustices.
D'ailleurs le pape vient de déclarer qu'il faudrait un organisme au niveau mondial pour mettre ordre à cela.
Oui, vous avez raison, je n'ai pas voulu dire que l'argent n'était qu'un détail. Néanmoins, les circonstances aujourd'hui ont bien changé par rapport aux siècles précédents et il ne fait pas sens de figer la pensée de l'Église.

Cordialement,
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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par Fée Violine » mar. 06 mars 2012, 16:09

les circonstances aujourd'hui ont bien changé par rapport aux siècles précédents
Voulez-vous préciser?

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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par Jean-Mic » mar. 06 mars 2012, 17:03

Fée Violine a écrit :Si pendant tout le Moyen Âge, l'Église a lutté contre le prêt à intérêt, c'est qu'elle jugeait cela important, et même essentiel.
Il me semble que l'Eglise du Moyen-Âge, et avant elle, les sociétés antiques, dont le monde juif, était enfermées dans un cercle vicieux. Les prêts à intérêt étaient systématiquement des prêts usuraires, à des taux d'intérêt tellement faramineux que nous n'arrivons pas à les imaginer. Regardez, même l'Evangile n'y échappe pas (je ne prétends pas dit que Jésus justifiait le prêt mais qu'il utilise dans ces paraboles des termes et des situations connues de ses auditeurs ; il précise clairement et largement par ailleurs la vision de Dieu sur l'argent, je ne reviens pas dessus ici). Ce n'est pas à proprement parler un prêt, mais dans la parabole des Talents, il semble paradoxalement admis que le rendement de l'argent doive naturellement être de 100% : cinq talents donnés, dix rendus ; deux talents donnés, quatre rendus ; un talent donné et un seul talent rendu valent la prison ... La sagesse juive, tout en condamnant le principe du prêt avec intérêt (donc par définition usuraire), prenait acte qu'il existait malgré tout ... et prescrivait une année jubilaire pour la remise des dettes.

L'idée qu'un prêt puisse ne pas être usuraire est tout compte fait plutôt moderne. Bien que n'étant pas historien de l'économie, j'émettrais l'hypothèse qu'elle n'est intervenue qu'au cours des XVII° et XVIII° siècles, avec les Physiocrates. Quelqu'un pourra peut-être préciser.

Tant que les prêts n'étaient qu'usuraires, l'Eglise les a condamné. Toute la question est aujourd'hui, de savoir s'il existe une juste rétribution de l'argent, un rendement décent de l'argent prêté ou investi, de savoir à partir de quel pourcentage un taux est illégal, illicite, indécent, immoral. (Notez au passage que les Lois des Etats fixent -et actualisent régulièrement- le taux de l'usure, au-delà duquel il y a délit).

De nos jours, la question se pose plus que jamais. L'argent est la divinité adorée sur toute la Terre, et en son nom sont commises les pires injustices.
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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par Anonymus » mar. 06 mars 2012, 18:40

La question est pour moi justement vraiment actuelle.

L'une des causes principales de la crise des subprimes est le prêt à des ménages dont les banques savaient pertinemment qu'ils se retrouveraient souvent en difficulté pour le rembourser. Mais qu'importe ? Le système était fait de tel manière, que même en cas de "faillite" d'un ménage, la banque gagnait tout de même de l'argent et ce jusqu'à l'éclatement de la bulle en 2008 ( et ce n'est pas non plus tout à fait juste, puisque certaines banques s'étaient assurées contre ce risque et ont en réalité gagné beaucoup d'argent grâce à la crise).

Je parles de ménages mais on pourrait faire les mêmes remarques avec des pays entiers.

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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par Raistlin » mar. 06 mars 2012, 19:12

Anonymus a écrit : L'une des causes principales de la crise des subprimes est le prêt à des ménages dont les banques savaient pertinemment qu'ils se retrouveraient souvent en difficulté pour le rembourser.
Je pense que c'est exactement cela que condamne l'AT : le prêt à intérêt pour des personnes en difficulté qui seront donc écrasées par le poids de la dette.
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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par Fée Violine » mar. 06 mars 2012, 19:53

Donc effectivement, la question est d'actualité et importante, et l'Église n'a pas à changer son point de vue là-dessus.

patrick_mtl
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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par patrick_mtl » mer. 07 mars 2012, 5:01

De fait, c'est une question qui nous concerne tous à cause des placements que nous avons individuellement ou collectivement (par exemple l'état à travers les caisses de retraites, etc.).

L'Église n'a pas changé d'avis: le prêt à intérêt n'est pas équitable. Cependant, elle a assoupli sa discipline jusqu'à nouvel avis. Pie VIII en 1830, permet aux confesseurs de donner l'absolution à ceux qui prêtent de l'argent avec intérêts s'ils respectent le droit civil et s'engage à suivre les instructions du Magistères.

Récemment, le catéchisme de Jean-Paul II maintient l'interdiction du prêt à intérêt (article numéro 2449).

Il faut noter que le Magistère n'est pas contre la rémunération du capital et cela ouvre la porte à d'autres alternatives.

En résumé, le prêt à intérêt est condamné par le Magistère. Celui-ci a assoupli sa discipline puisque le prêt à intérêt est "en pratique" inévitable. Cependant, il n'est pas trop tard pour bâtir des alternatives.
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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par françois67 » mer. 07 mars 2012, 18:23

Bonjour,
il est vrai que le Nouveau Testament, après relecture, me paraît bien plus modéré. Je crois qu'il n'interdit pas le prêt à intérêt tout compte fait, comme un moyen de gagner sa vie, tant que nous ne faisons de mal à personne.
Dans le Nouveau Testament, la formulation de cet interdit est moins explicite. Dans l'Évangile selon Luc, les versets suivants mentionnent le prêt sans parler explicitement d'intérêt : « et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, afin de recevoir la pareille. » Puis, « Mais aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer. Et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très Haut, car il est bon pour les ingrats et pour les méchants. » Dans les Évangiles, les passages mentionnant l'argent sont très nombreux. Ils encouragent le don aux pauvres selon le principe de charité, ou condamnent sévèrement ceux qui ne font pas fructifier leurs talents, dans la parabole des talents. L'utilisation de l'argent n'est pas condamnée, à condition que cela ne soit pas une fin, mais seulement un moyen, ce qui rejoint la conception judaïque. Dans l’Évangile selon Saint Luc, n’est-il pas affirmé : « Si vous ne prêtez qu’à ceux dont vous espérez restitution, quel mérite ? Car les pécheurs prêtent aux pécheurs afin de recevoir l’équivalent »
Sources: http://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%EAt_%E0 ... ite_note-2 et Evangile selon saint Luc, 6, 34-35

De plus, la parabole des talents met en scène le maître, Dieu, demandant des intérêts à ceux auxquels il a prêté.
Évangile selon saint-Matthieu, chapitre 25, versets 14 à 30 :

Il en sera comme d'un homme qui, partant pour un voyage, appela ses serviteurs, et leur remit ses biens. Il donna cinq talents à l'un, deux à l'autre, et un au troisième, à chacun selon sa capacité, et il partit. Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents s'en alla, les fit valoir, et il gagna cinq autres talents. De même, celui qui avait reçu les deux talents en gagna deux autres. Celui qui n'en avait reçu qu'un alla faire un creux dans la terre, et cacha l'argent de son maître. Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint, et leur fit rendre compte. Celui qui avait reçu les cinq talents s'approcha, en apportant cinq autres talents, et il dit : Seigneur, tu m'as remis cinq talents; voici, j'en ai gagné cinq autres. Son maître lui dit : C'est bien, bon et fidèle serviteur ; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître. Celui qui avait reçu les deux talents s'approcha aussi, et il dit: Seigneur, tu m'as remis deux talents; voici, j'en ai gagné deux autres. Son maître lui dit : C'est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître. Celui qui n'avait reçu qu'un talent s'approcha ensuite, et il dit : Seigneur, je savais que tu es un homme dur, qui moissonnes où tu n'as pas semé, et qui amasses où tu n'as pas vanné ; j'ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre; voici, prends ce qui est à toi. Son maître lui répondit: Serviteur méchant et paresseux, tu savais que je moissonne où je n'ai pas semé, et que j'amasse où je n'ai pas vanné ; il te fallait donc remettre mon argent aux banquiers, et, à mon retour, j'aurais retiré ce qui est à moi avec un intérêt. Ôtez-lui donc le talent, et donnez-le à celui qui a les dix talents. Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a. Et le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents.
Jésus demande ici d'avoir recours aux banquiers, sans les critiquer! Il les reconnaît tenant d'une profession comme toute autre!

Ce sujet est particulièrement compliqué. S'il se trouve que le prêt à intérêts est illicite, cela noircirait fortement le tableau du monde. Dire qu'emprunter serait passable est faux car cela serait utiliser le péché d'un autre, le pousser à pécher, ce qui me rappelle la pratique du recel.
de plus, dire que "les enjeux aux Moyen-Âge seraient diffèrent" ne me plaît personnellment pas trop car cela signifierait que ce qui était mauvais hier ne le serait guère plus aujourd'hui...
Mais Jésus base une de ses plus importantes paraboles sur le métier de banquier, sur les intérêts, ce qui d'après moi embrouille encore plus les pistes pour nous, qui tentons de connaître la vraie Volonté de Dieu par rapport à notre comportement.
Ainsi, le microcrédit est une pratique honorable je crois car elle permet avec des intérêts minuscules de faire grossir le paquet et ainsi d'aider plus de monde.
A méditer...
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Fée Violine
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Re: Le prêt à intérêt: licite ou pas?

Message non lu par Fée Violine » mer. 07 mars 2012, 18:33

Jésus demande ici d'avoir recours aux banquiers, sans les critiquer! Il les reconnaît tenant d'une profession comme toute autre!
Jésus ne parle pas des banquiers ici, c'est juste une parabole tirée de la vie quotidienne.
Dans une autre parabole, il fait l'éloge de l'intendant malhonnête, ça ne veut pas dire qu'il encourage la malhonnêteté! Ce qu'il loue, c'est la débrouillardise des gens du monde et il aimerait que les gens pieux aient autant de créativité.
Et dans la parabole des talents, il critique les gens qui ont peur de vivre, de prendre des risques. Mais pas spécialement dans le domaine financier!

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