françois67 a écrit :Et il reste toujours une interrogation: pourquoi aujourd'hui l'Eglise a légalisé le prêt à intérêt?
Premièrement, l'Église ne légifère pas, elle dit ce qui est licite ou illicite. Ensuite, où avez-vous vu que l'Église a dit que tout type de prêt à intérêt était devenu licite ?
françois67 a écrit :Pourquoi rien n'est fait pour informer les chrétiens que travailler comme banquiers est péché? Car ce n'est que par hasard que j'ai découvert cet interdit.
Je pense qu'il faut aussi ne pas exagérer. Vous allez l'air d'en faire une affaire gravissime comme si l'Église avait autorisé l'infanticide et le cannibalisme. Peut-être que si l’Église ne passe pas son temps à communiquer là-dessus c’est que, par rapport à d’autres problèmes, cela relève du détail.
Quant aux interdits de l’Ancien Testament, il y a une façon de les comprendre quand on est chrétien. En tout cas, il faut se méfier des lectures littérales comme je l'expliquerai un peu plus après. Il faut toujours se demander ce que veut le Seigneur. Par exemple, en lisant littéralement la Bible, vous êtes contraint d'interdire toute image ou photographie alors que l'enjeu n'est pas du tout là.
Pourtant au XIIIème siècle, saint Louis a fait interdire le prêt à intérêt, bien après le sait pape léon le Grand au Vème siècle. Et malgré cela, sous les papes Sixte V et Pie IV, l'Eglise a eu recours aux services desdits Lombards afin de financer la basilique saint Pierre.
Oui, et alors ? Je vous rappelle quand même qu'ils n'ont pas, par définition, eux-mêmes prêté. Et quand bien même ils l’auraient fait, qui a prétendu que les chrétiens – fussent-ils papes – étaient irréprochables ?
françois67 a écrit :De plus, en allant au bout du raisonnement, un compte épargne est un prêt à intérêt consenti par nous: nous prêtons en effet notre argent à la banque qui le fait fructifier en investissements et nous le rend avec des intérêts.
Dans un sens oui. Mais après, est-ce que l’interdiction du prêt à intérêt dans l’Ancien Testament visait toute forme d’investissement ? Très honnêtement, je ne suis pas certain que cette interprétation soit la bonne.
Citons par exemple le passage complet du livre du Deutéronome que vous mentionniez :
Tu n'exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se prête à intérêt. Tu peux exiger un intérêt de l'étranger, mais tu n'en tireras point de ton frère,afin que Yahweh, ton Dieu, te bénisse dans tout ce que tu entreprendras, dans le pays où tu vas entrer pour le posséder. (Dt 23, 19-20)
Il semble donc que ce passage n’interdise pas l’intérêt dans l’absolu mais dans certains cas.
Si on creuse un peu plus :
Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu n'exigeras pas de lui d'intérêt. (Ex 22, 24)
Si ton frère devient pauvre et que sa main s'affaiblisse près de toi, tu le soutiendras, fut-il étranger ou hôte, afin qu'il vive auprès de toi. 36 Ne tire de lui ni intérêt ni profit, mais crains ton Dieu et que ton frère vive avec toi. 37 Tu ne lui prêteras point ton argent à intérêt, et tu ne lui donneras point de tes vivres pour en tirer profit. (Lv 25, 35-37)
Il semble donc que ce que vise le Seigneur, dans ces passages, ce n’est pas tant l’intérêt en lui-même que le fait de ne pas alourdir la charge de celui qui est dans le besoin. D’ailleurs, le CEC semble bien orienter l’interdiction du prêt à intérêt dans ce sens :
CEC a écrit :2269 L’acceptation par la société humaine de famines meurtrières sans s’efforcer d’y porter remède est une scandaleuse injustice et une faute grave. Les trafiquants, dont les pratiques usurières et mercantiles provoquent la faim et la mort de leurs frères en humanité, commettent indirectement un homicide. Celui-ci leur est imputable (cf. Am 8, 4-10).
2449 Dès l’Ancien Testament, toutes sortes de mesures juridiques (année de rémission, interdiction du prêt à intérêt et de la conservation d’un gage, obligation de la dîme, paiement quotidien du journalier, droit de grappillage et de glanage) répondent à l’exhortation du Deutéronome : " Certes les pauvres ne disparaîtront point de ce pays ; aussi je te donne ce commandement : tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays " (Dt 15, 11).
françois67 a écrit :Ces questions se trouvent fort épineuses
Mais non, elles ne sont pas épineuses. Elles sont même anecdotiques. Certes, il y a dans le prêt à intérêt quelque chose de potentiellement illicite qu’il faudrait approfondir. Mais par pitié, ne lui donnez pas non plus une importance qu’il n’a pas.
De ce que je comprends, le prêt à intérêt est toléré dans l’Église. Il y a des circonstances où ce type de prêt devient illicite, par exemple lorsqu’il concerne un pauvre. Mais est-ce que cela signifie que tout intérêt est illicite par nature ? L’Église, au stade où elle en est de sa réflexion, n’a pas l’air de le penser.
Cordialement,