archi a écrit :Déjà, la préférence pour tel ou tel système politique ne fait pas partie de l'enseignement de l'Eglise à proprement parler, j'entends par là la doctrine immuable transmise depuis les Apôtres. Ce qui nous est transmis depuis les Apôtres en matière de bien commun, c'est de rendre à César ce qui est à César, et d'avoir un comportement public respectable. César, au passage, désignait l'Empereur...
Il ne s'agit pas de parler de préférence, ce n'est pas ce que dit le texte, ni ce que je lui ai fait dire : il s'agit d'apprécier. Et de l'apprécier particulièrement dans le contexte où il fut présenté par Jean-Paul II comme une part non négligeable du remède contre le communisme. Ca reste, je crois, encore assez d'actualité, tant la tension vers le socialisme et la pensée unique est toujours présente. Vous le dénoncez d'ailleurs très justement dans le travers des médias, nouvelle arme de la pensée unique.
archi a écrit :Pour le reste, je pense que prétendre que cette opposition entre les démocraties et les dictatures n'a pas lieu d'être. Beaucoup de dictatures sont à l'origine des démocraties:
Certes. Pour autant on ne peut pas vraiment dire que les dictateurs en question aient tenu à maintenir la démocratie une fois parvenus à leurs fins.
archi a écrit :On peut trouver des avantages à telle ou telle forme de gouvernement, c'est une chose. On peut trouver un avantage à un certain "contrôle par l'opinion publique", ce qui impose quand même de poser cette question souvent négligée: comment se forme l'opinion publique? Je pense qu'avant de réfléchir au meilleur système politique, il faudrait, dans nos sociétés actuelles, réfléchir au meilleur système médiatique, et là il y a franchement du boulot...
Je pense que les deux vont de paire. Croyez-vous que la majorité que constituent maintenant les abstentionnistes rassemble tant de personnes émancipées des médias ? Vous considérez sincèrement moins abrutis par les médias les 50% de j'men-foutiste aux élections qui ne vont pas voter ? Et que dire de votre critique du pouvoir médiatique ? Ils ont trop de pouvoir donc d'emblée, vous leur laisser tout et vous vous taisez ? Bien sur il faut évangéliser le monde médiatique, c'est évident. Il me semble que de se taire quand au contraire on vous "demande votre avis" n'est pas forcément la méthode la plus efficace.
archi a écrit :Certes. En-dehors du fait de connaître la doctrine sociale de l'Eglise, je trouve quand même que c'est beaucoup de temps passé pour mettre un bulletin dans l'urne
Ce n'est pas du temps passé uniquement pour mettre un bulletin dans une urne, mais de répondre à une mission plus globale à laquelle nous sommes appelé. Encore une fois, comme je l'ai dit, tout ne se limite pas à mettre un bulletin dans une urne, très loin de là. Mais considérer qu'on peut juste n'en avoir rien à foutre de la politique et s'en désintéresser totalement me laisse perplexe. La doctrine sociale de l'Eglise ne sert que si on se donne l'occasion de la diffuser, de la faire connaitre et de l'appliquer.
Le chrétien sait qu'il peut trouver dans la doctrine sociale de l'Église les principes de réflexion, les critères de jugement et les directives d'action sur la base desquels promouvoir un humanisme intégral et solidaire. Diffuser cette doctrine constitue, par conséquent, une priorité pastorale authentique, afin que les personnes, éclairées par celle-ci, soient capables d'interpréter la réalité d'aujourd'hui et de chercher des voies appropriées à l'action: « L'enseignement et la diffusion de la doctrine sociale font partie de la mission d'évangélisation de l'Église ». (Compendium DSE, §7)
Ca c'est pour l'enseignement et la diffusion.
L'Église, signe de l'amour de Dieu pour les hommes dans l'histoire et de la vocation de l'ensemble du genre humain à l'unité dans la filiation de l'unique Père, entend encore proposer à tous les hommes, grâce à ce document sur la doctrine sociale, un humanisme à la hauteur du dessein d'amour de Dieu sur l'histoire, un humanisme intégral et solidaire, capable d'animer un nouvel ordre social, économique et politique, fondé sur la dignité et sur la liberté de toute personne humaine, à mettre en œuvre dans la paix, dans la justice et dans la solidarité. Cet humanisme peut être réalisé si les hommes et les femmes, individuellement, et leurs communautés, savent cultiver les valeurs morales et sociales en eux-mêmes et les diffuser dans la société. « Alors, avec le nécessaire secours de la grâce divine, surgiront des hommes vraiment nouveaux, artisans de l'humanité nouvelle ». (Compendium DSE, §19)
Ca c'est pour le projet d'humanisme qu'il y a derrière.
Quant à la mission :
Les laïcs, que leur vocation spécifique place au coeur du monde et à la tête des tâches temporelles les plus variées, doivent exercer par là même une forme singulière d’évangélisation. Leur tâche première et immédiate n’est pas l’institution et le développement de la communauté ecclésiale — c’est là le rôle spécifique des Pasteurs —, mais c’est la mise en oeuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde. Le champ propre de leur activité évangélisatrice, c’est le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l’économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass media ainsi que certaines autres réalités ouvertes à l’évangélisation comme sont l’amour, la famille, l’éducation des enfants et des adolescents, le travail professionnel, la souffrance. Plus il y aura de laïcs imprégnés d’évangile responsables de ces réalités et clairement engagés en elles, compétents pour les promouvoir et conscients qu’il faut déployer leur pleine capacité chrétienne souvent enfouie et asphyxiée, plus ces réalités sans rien perdre ou sacrifier de leur coefficient humain, mais manifestant une dimension transcendante souvent méconnue, se trouveront au service de l’édification du Règne de Dieu et donc du salut en Jésus-Christ. (Evangelii Nuntiandi)
archi a écrit :Mais qu'on évite de vouloir prétendre faire de chacun celui qui peut décider de tout ce qui concerne la collectivité et, au passage, de le rendre responsable des choix de la collectivité, c'est purement et simplement un mensonge (qui peut devenir tragique quand on s'en prend à tout un peuple en le rendant coupable des méfaits de ses dirigeants: "ils n'avaient qu'à mieux voter").
Encore une fois, j'insiste : il ne s'agit pas de rendre chacun le responsable des choix de la collectivité. Quand on appelle des ouvriers à la moisson, je peux considérer que j'ai un devoir de répondre à cet appel sans que cela fasse de moi le responsable de toute la moisson. En revanche, je suis certes responsable de la part que je n'ai pas prise sur moi. Croyez-moi, je suis bien placé pour savoir qu'on ne peut pas tout faire, être sur tous les fronts, et il ne faut pas croire que derrière mes propos se cache une exigence démesurée envers tout un chacun. Simplement entre ne pas pouvoir être sur tous les fronts et se complaire dans le fait d'être totalement aliéné à la politique, il y a des petites nuances.
archi a écrit :Je pense que c'est justement là la question cruciale: qu'espérons-nous? Espérons-nous une utopie, un "monde meilleur" obtenu par des moyens politiques?
Bien évidemment non !!! L'espérance, est ce qui nous fait regarder les moyens plutôt que la fin, confiant dans le fait que le royaume de Dieu est promis. Alors il devient possible de donner sa vie par amour, par exemple. Il devient possible de se sacrifier pour le petit, pour le faible. Il devient possible de s'engager là où on ne s'en croyait pas capable et là où tout semble dire que nous ne produirons aucun fruit. C'est parce que nous espérons le royaume céleste, nous espérons en Dieu, et que "
L'universalité et l'intégralité du salut, donné en Jésus-Christ, rendent inséparable le lien entre le rapport que la personne est appelée à avoir avec Dieu et la responsabilité à l'égard du prochain, dans le concret des situations historiques" (Compendium DSE, §40) que l'Espérance qui habite en nous nous engage dans le service du prochain, y compris par des voies qui restent pour nous parfois mystérieuses.
archi a écrit :La solution chrétienne aux maux de ce monde, ce n'est pas un système ou un pouvoir politique quelconque qui imposerait un monde parfait composé d'hommes pécheurs. La solution chrétienne est d'améliorer les hommes, d'en éloigner le péché, en commençant par soi-même, pour que le monde, quelque soit le régime en place (fût-il le plus autocratique qui soit) reflète mieux le Royaume.
Nous sommes bien d'accord. Aussi je vous ai cité, il me semble les éléments qui permettent de dire combien l'engagement au service du prochain, et particulièrement l'engagement politique, participe de manière essentielle à cette amélioration de l'homme.
archi a écrit :Je n'ai rien contre le système démocratique en tant que mode d'élection des gouvernants, avec ses avantages et ses inconvénients. Quand on en fait une idéologie et une utopie indépassable, si. Quand vous nous parlez à son sujet d'"Espérance" avec un 'E', est-ce-que vous ne seriez pas en train d'y voir une utopie?
Loin de là. Mais c'est le système que nous avons actuellement. Aussi, soit vous y êtes opposé pour de justes raisons et vous tentez de le changer, soit vous n'avez rien contre, et vous répondez à votre mission de laïc dans ce contexte. Je vous ai déjà cité Evangelii Nuntiandi, je vous laisse compléter avec ceci :
Les sociétés démocratiques actuelles, dans lesquelles, à juste titre, tous sont appelés à participer à la gestion des affaires publiques dans un climat de vraie liberté, requièrent des formes nouvelles et plus larges de participation à la vie publique de la part des citoyens, qu’ils soient chrétiens ou non. En effet, tous peuvent contribuer, par leur vote, à l’élection des législateurs et des responsables de gouvernement, et, par d’autres moyens aussi, à l’élaboration des orientations politiques et des choix législatifs qui, selon eux, servent le mieux le bien commun. Dans un système politique démocratique, la vie ne pourrait se dérouler de manière profitable sans un engagement actif, responsable et généreux de tous. Encore que cela implique «une grande diversité et complémentarité de formes, de niveaux, de tâches et de responsabilités».
En accomplissant leurs devoirs civils normaux, «guidés par leur conscience chrétienne», selon les valeurs conformes à cette conscience, les fidèles réalisent aussi la tâche qui leur est propre d’animer chrétiennement l’ordre temporel, tout en en respectant la nature et la légitime autonomie, et en coopérant avec les autres citoyens, selon leur compétence spécifique et sous leur propre responsabilité. (Note doctrinale sur quelques aspects de l'engagement des catholiques dans la vie politique, de la congrégation pour la doctrine de la foi)
Encore une fois, une dernière car au-delà ce serait de l'entêtement : non la démocratie n'est pas une utopie, non le vote n'est pas la seule manière de s'engager en politique, et s'engager en politique n'est pas la seule manière de servir le bien commun, mais il m'apparait difficile de se complaire dans l'indifférence de la vie politique de son pays, et même du monde, et passablement contraire à cette générosité qui nous est demandée dans l'exercice de nos
devoirs civils normaux. Que le monde tel qu'il est ne vous plaise pas je le comprends très bien, vous avez d'excellentes raisons pour ça, et c'est autant de raisons qui font qu'il a justement grand besoin de vous.
Bon je vous laisse, j'ai passé malgré moi beaucoup de temps que la raison ne me permettait d'en accorder à notre discussion. Ouch ! Je viens de voir l'heure, ça va être galère à rattraper.