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par Christian » mar. 19 juil. 2005, 0:04
Bien entendu, je suis résolument contre la peine de mort. Elle n’est pas seulement répugnante moralement (même si justifiable en droit), elle n’a aucune valeur dissuasive et ne fait qu’ajouter une violence à celle déjà perpétrée. L’histoire du droit pénal depuis les Lumières est celle des abolitions : de l’ordalie ; de la torture pour l’obtention des aveux ; de la torture comme châtiment, écartèlement, bûcher, marque au fer rouge… ; abolition du travail forcé, des galères, du bagne ; et enfin dans les pays un peu civilisés, abolition de la peine de mort.
Or, phénomène remarquable, mesurable et indéniable, alors que la répression s’adoucissait tout au long du 19ème siècle et jusque dans les années 1960, les crimes contre les personnes restaient stables et les atteintes à la propriété diminuaient de moitié, voire 80%. L’explication est simple. Au 19ème siècle, on vole du pain. Hugo, Zola, Dickens, Gorki, n’affabulent pas. La peur du gendarme ne dissuade guère celui ou celle qui cherche à sauver sa vie et celle de ses enfants. En revanche, l’élévation progressive du niveau de vie liée à l’industrialisation rend bientôt ce type de vol inutile. Nos parents racontent avec nostalgie comment dans la première moitié du 20ème siècle, on laissait déverrouillée la porte de sa maison. Bien sûr, personne à l’époque ne volait plus pour manger, et qu’y avait-il à voler d’autre dans une maison ordinaire ? un poste de TSF, quelques casseroles ?
A partir des années 1960 et la société de consommation, les objets convoités se multiplient. Aujourd’hui quel foyer ne possède pas une télé, un magnétoscope, un ordinateur, une caméra, une chaîne hi-fi, un téléphone portable, un baladeur, et bien sûr, au moins une voiture ? Il était facile de cacher un pécule sous le plancher, mais comment mettre hors d’atteinte cette nouvelle monnaie d’échange de la pègre qui a nom Sony, Nokia, IBM ou BMW ? La réponse, bien plutôt que la répression, est technologique : par exemple, incruster un microémetteur dans tout objet de valeur qui mettra immanquablement la police sur sa trace s’il est subtilisé (il est inutile que tous les objets en soient pourvus, il suffit d’une masse critique pour que les cambrioleurs potentiels cessent de prendre le risque). N’est-il pas préférable de prévenir le délit plutôt que punir le délinquant ?
Si après une tendance d’un siècle et demi à la baisse, on assiste à une remontée des atteintes à la propriété, les crimes contre la personne, ramenés à la population totale, n’ont guère varié. Non seulement il n’existe aucune corrélation entre l’adoucissement des peines et l’abolition de la peine de mort, mais on peut même relever que là où subsiste cette dernière, aux Etats-Unis, en Russie, dans nombre de pays africains, le taux de violence est élevé, alors que dans des pays très divers, connus pour la mansuétude de leurs juges, la criminalité est au plus bas : Japon, Islande, Suisse, Luxembourg…
Tuer un criminel semble n’avoir qu’une seule fonction, satisfaire un besoin de vengeance, ce type de pulsion primitive que la civilisation a justement pour but d’éradiquer.
Christian