Dire non aux idéologues de la diversité

« Par moi les rois règnent, et les souverains décrètent la justice ! » (Pr 8.15)
Cinci
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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » mer. 26 oct. 2016, 18:41

Il ne faut pas attendre trop longtemps pour voir le genre de projets auquel le Conseil des arts peut s'attacher. On en voir l'esprit ici. Une sorte de propagande soft, pour rendre sexy le phénomème migratoire. Qui serait assez sans coeur pour oser rouspéter?

Se réfugier dans l'art
Une artiste et des jeunes immigrants s'allient pour réaliser une oeuvre
[...]

http://www.ledevoir.com/politique/ville ... dans-l-art
Le problème ne tient pas tellement aux individus eux-mêmes comme c'est un problème d'ordre structurel. Quand la réalité c'est que les Québécois ne maîtrisent pas le phénomène de l'immigration chez eux. C'est le gouvernement canadien (Ottawa, fédéral, Canada anglais) qui sélectionne 70% des immigrants qui débarquent au Québec. Le gouvernement du Québec ne détient qu'une influence relative sur le tiers à peine des nouveaux arrivants.



Conférence de Charles Castonguay sur la situation du français au Canada

https://www.youtube.com/watch?v=5SA1KJHGTBk

La conférence est d'une durée de 30 minutes. Le tout est assez limpide. Le démographe qui étudie de près la question linguistique depuis une quarantaine d'année montre comment la force d'attraction de la langue anglaise au Canada contribue même à faire en sorte que la majorité des immigrants au Québec vont grossir les rangs de la minorité anglaise. Le nombre d'immigrants qui s'intègre à la société québécoise pour y vivre en français est moindre que le nombre de canadiens français qui s'assimile au Canada anglais, si l'on tient compte de l'ensemble du Canada.

Le français est en voie de disparition au Canada, purement et simplement.

La population anglaise d'origine au Québec ne dépasse pas 8% du grand ensemble québécois. Eh bien, ce 8% d'anglais qui sont alors minoritaires au Québec réussit à capter plus de 60% de tous les immigrants qui s'installent au Québec année après année, et ce, malgré la charte de la langue française qui oblige tous les immigrants (ou presque) à joindre le réseau scolaire français, au moins le temps de la scolarité de niveau élémentaire et secondaire, non pas pour les niveaux supérieurs cependant.

Les projets comme ceux du Conseil des arts sert d'amusette charmante et de distraction pour le grand public, à l'instar de la loi sur les langues officielles au Canada.

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » mer. 02 nov. 2016, 6:42

En passant, j'avais conservé "sous le coude" un excellent compte-rendu de la question datant de 2012.

C'est un jeune prof de science politique ayant fait sa maîtrise naguère sur le philosophe chrétien Emmanuel Mounier qui en causait, dans un grand article du Devoir cf Félix-Olivier Riendeau, "Pourquoi Trudeau a trahi Emmanuel Mounier en 1982", Le Devoir, les samedi et dimanche 22 et 23 avril 2012, cahier B. La réflexion qui s'applique au Québec est valable aussi pour la France.

Il écrivait :

... l'émancipation et le plein développement de la personne, poursuit-il [Emmanuel Mounier], ne peuvent qu'être assurés par des communautés de proximité, notamment la famille, le quartier ou la nation. La patrie était en effet pour Mounier un vecteur fondamental de communion : "Qui peut nier la patrie autrement que par verbalisme? Marche nécessaire pour la personne, comme la vie privée, sur le chemin des communions plus larges. Elle mérite cette tendresse même qui va au particulier et à l'éphémère."

[...]

Selon Mounier, le fédéralisme semblait être la forme d'organisation politique la plus propice à l'émergence d'une communauté réelle, surtout pour les grands ensembles démographiques. Une autorité centrale lui apparaissait nécessaire pour gérer des problèmes de plus en plus complexes et transnationaux, mais les autorités locales étaient tout aussi indispensables pour véritablement permettre l'enracinement des personnes dans une communauté où l'amour, l'amitié et la fidélité deviendraient des valeurs centrales. [...] "Il n'en reste pas moins que les pouvoirs locaux et régionaux, proches de leurs objets et proches de leur contrôle doivent être largement développés par une décongestion de l'État. La personne y trouvera de nouvelles possibilités et une nouvelle protection. "

Une série de principes devait guider la construction de cette fédération personnaliste. Qu'il suffise ici d'en présenter trois.

1. Construire la fédération sur la base d'une décision commune entre les groupes et les personnes.
2. Renoncer à tout esprit de système et à l'impérialisme idéologique, qui risquent de détruire les diversités culturelles et intellectuelles.
3. Sauvegarder les coutumes, lois, cultures de chaque membre de la fédération.

Or chacun des principes a été bafoué lors du rapatriement de la Constitution canadienne, en 1982, par Pierre Elliot Trudeau.

Le coup de force de 1982

En ce qui concerne le premier principe, la démonstration n'est plus à faire. Puisque le but principale du rapatriement de la Constitution était de cimenter l'unité canadienne, force est de constater, avec le recul, que l'objectif a été raté. Lors de la cérémonie de proclamation de la nouvelle Constitution à Ottawa, le 17 avril 1982, Claude Ryan, le chef du parti libéral, refuse de se rendre aux "célébrations", jugeant que son adoption sans l'accord du Québec était inacceptable.

Emmanuel Mounier aurait ici considéré qu'un groupe, la nation canadienne anglaise, imposait sa volonté à un autre groupe, la nation québécoise. Les 30 années subséquentes ont été caractérisées par une série de crises pour tenter de ramener le Québec dans le giron constitutionnel ou de l'en sortir pour de bon (référendum de 1995). Aujourd'hui, le Québec est plus isolé que jamais, en témoigne le fait que les conservateurs de Stepen Harper ont pu faire élire , le 2 mai 2011, un gouvernement majoritaire sans l'appui substantiel du Québec, une première dans l'histoire canadienne. [...]

En ce qui concerne les deuxième et troisième principes, plusieurs auteurs (Kenneth McRoberts, Peter Russel) reconnaissent que l'objectif principal de Trudeau, en 1982, a été de miner les droits collectifs et linguistiques des Québécois au nom d'une conception libérale, individualiste et judiciarisée des rapports humains.

En cherchant à consolider l'unité nationale, Trudeau n'a pas hésité à sacrifier le particularisme québécois sur l'autel de la Charte des droits et libertés et du multiculturalisme, D'une part, c'est au nom de cette Charte que les tribunaux ont, au fil des ans, considérablement réduit la portée de la Charte de la langue française [...]

Mounier aurait ici prétendu qu'en réduisant de cette manière les droits collectifs des Québécois, on se trouve à limiter l'émancipation des personnes appartenant à ce groupe : on gêne leur effort de communion. Impossible pour une personne québécoise d'être véritablement épanouie si l'on ne donne pas à son groupe d'appartenance les pleins outils de son développement.

Plus globalement, la Charte [de Trudeau] a eu comme effet pervers de judiciariser les rapports sociaux. Depuis 1982, les citoyens canadiens ont de plus en plus recours aux tribunaux afin de faire respecter les droits formalisés par la Charte fédérale. Mounier aurait déploré cet état de fait, car, en se réfugiant derrière le travail formel et froid des juristes, les personnes évitent d'entrer en débat politique entre elles et, ultimement, cela empêche l'émergence d'une communauté plus fraternelle.

Pour Mounier, le juridisme consacre le règne d'un citoyen qui ne cesse de se réfugier derrière ses droits et ses revendications mais en oublie le sens des responsabilités. Le juridisme crée, répétons-le, une société impersonnelle, abstraite et vide.

Enfin, en enchâssant le principe du multiculturalisme (article 27) dans la Charte canadienne des droits et libertés, Trudeau aspirait à placer tous les groupes culturels sur un pied d'égalité. Ce faisant, non seulement il balayait du revers de la main la conception biculturelle du Canada qui prévalait jusque-là, mais il invitait les immigrants à se réfugier dans une sorte de clientélisme néfaste aux efforts d'intégration.

La fragmentation

Sous prétexte que l'on devait assurer à l'individu sa liberté de choix et faire en sorte qu'aucune culture ne puisse avoir préséance sur l'autre, on a plutôt contribué à la fragmentation de la société canadienne. Les critiques adressées aujourd'hui à l'endroit du multiculturalisme sont nombreuses, et Mounier les aurait fait siennes.

Alors que Trudeau péchait d'un côté en minant les droits collectifs des Québécois, il péchait aussi de l'autre en créant le fédéralisme granulaire et éclaté que Mounier souhaitait éviter.

Dans un essai intitulé L'intellectuel et le politique (2005), André Burelle, conseiller et rédacteur de discours de Trudeau entre 1977 et 1984, rappelle comment ce dernier a renié les idéaux personnalistes de Mounier, idéaux qu'il avait pourtant longtemps épousés, jusqu'au rapatriement de la Constitution en 1982.

A propos du multiculturalisme et de l'individualisme de Trudeau, Burelle écrit : "Ce qui est évacué dans cette atomisation de la communauté, ce sont les relations entre le tout et ses parties aussi bien qu'entre les parties elles-mêmes. Et avec leur disparition, c'est la notion de bien commun qui est vidée de toute signification. "

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » jeu. 24 nov. 2016, 19:07

Pour mieux saisir la question du Conseil des arts ...

"... ce serait une euphémisme que de dire que le ministère du Patrimoine canadien a le bras long. Il supervise toutes sortes d'organismes, de fonds, de programmes et de sociétés d'État. En voici une liste écourtée : le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (CRTC), l'Office national du film, Condition féminine Canada, le Conseil des Arts du Canada, le Musée canadien des civilisations, le Musée des sciences et de la technologie du Canada, la Société Radio-Canada, Téléfilm Canada, Sport Canada, les Symboles du Canada, toutes les plaques de lieux et de monuments historiques par le biais de la Commission des lieux historiques, le Programme d'aide au développement de l'édition, le Fonds de développement de l'industrie culturelle, les Prix littéraires du Gouverneur général, le Fonds canadien de télévision, le Fonds canadien pour les magazines, Bref, ce ministère est incoutournable pour qui veut travailler dans le domaine culturel au Québec; et ce ministère est épaulé par l'institution impériale du gouverneur général, poste occupé par Michaëlle Jean.

Une fois à la tête de ce ministère, en 1996, Sheila Copps a tout chambardé, et elle s'en vante :

  • In my Department, and none of this has been written about, I said : Look, your mission statement in the morning is Did I build Canada today? I don't really give a damn about the Canada Council [...] In Book publishing, for example, they see their mandate as supporting books. I see my mandate as building Canada,
[/i]
  • Dans mon ministère, rien n'a été écrit à ce sujet, je leur ai dit : votre mission chaque matin est "Est-ce que j'ai bâti le Canada aujourd'hui?". Je m'en fous du Conseil des Arts [...] Dans le monde de l'édition, ils voient leur mandat comme un appui à l'édition de livres. Moi, mon mandat est de bâtir le Canada.
Autrement dit, après le référendum de 1995 et l'arrivée de Sheila Copps, tous les fonctionnaires du ministère du Patrimoine et des organismes relevant de ce ministère avaient la mission de bâtir le Canada, non pas de soutenir le cinéma, la musique, la littérature, les arts de la scène, et ainsi de suite.

Comment la ministre Sheila Copps a-t-elle procédé pour bâtir son Canada?
  • "Contrairement au programme des commandites et à l'histoire de la Commission Gomery , poursuit Mme Copps, le ministère du Patrimoine a joué un rôle énorme et a travaillé autrement. Mais l'argent a été bien géré, il n'y a pas eu de scandales, et personne ne sait ce qu'on a fait. Vous remarquerez que le mouvement séparatiste avait le monopole sur les artistes, mais que ce monopole n'existe plus, En général, jusqu'au moment où nous avons commencé de travailler sur ces questions, les artistes étaient prêts à se séparer du Canada. C'était difficile d'en trouver pour participer aux célébrations canadiennes.

    J'ai réécrit tous les programmes et toutes les ententes de subventions du ministère. Au Québec, ils voulaient une enveloppe qu'ils pourraient distribuer. J'ai dit : non! Nous dépensons beaucoup d'argent par le biais de l'ONF, du Conseil des Arts et des autres. Jamais Coca-Cola ne participerait à des programmes de ce genre. Toutes les ententes devaient préciser la façon dont la contribution serait reconnue. Aussi, j'ai dit qu'il n'y aurait pas de subvention à moins qu'il y ait au moins deux ou trois provinces qui participent à tel festival ou tel événement. Donc, plus d'appui aux identités strictement régionales."
Pour Sheila Copps, le Québec est strictement une identité "régionale".
  • "Au ministère, nous ne créons pas le talent, dit Sheila Copps. Mais nous créons les programmes avec les dispositions nécessaires. Nous créons les programmes, eux, ils suivent l'argent. Maintenant, les artistes ont un intérêt personnel et financier dans le fait d'appartenir à un pays plus grand." (We create the programs and they follow the money. So the now have a self-interest in being part of a bigger country)
Sheila Copps précise qu'elle a agit de cette façon pour ce qui concerne [...] tous les festivals, la littérature et l'édition avec le Conseil des Arts [...]

[...]

Pour faire un parallèle


Le 6 avril 2004, j'ai eu l'honneur et le privilège de partager la tribune avec Cynthia McKinney, représentante démocrate de Georgie au Congrès américain , et de traduire ses propos en français lors d'une conférence sur le 10e anniversaire de la tragédie rwandaise, tenue à la Sorbonne, à Paris, et devant le Club africain à l'Assemblée nationale de France. A deux reprises, la question suivante a été posée à cette combattante remarquable :
  • "Qu'en est-il actuellement de ce mouvement de défense des droits des Noirs qui avait tellement marqué les États-unis et le monde dans les années 1960 et 1970?"
Sa réponse a été tranchante : They've been beaten down or bought off! que j'ai traduit tant bien que mal par : Ils ont été écrasés ou achetés!

Cynthia McKinney a poursuivi en démontrant comment les Martin Luther King, Malcolm X et tant d'autres leaders avaient été éliminés, emprisonnés ou intimidés, tandis que d'autres étaient achetés et corrompus pour refléter une image du progrès, ce qui expliquerait les nominations des Colin Powell et Condoleeza Rice.

"Écrasés ou achetés", deux volets d'une même politique américaine, qui, toutes proportions gardées, a été appliquée aussi, et avec entêtement, par le Canada contre le Québec, au moins depuis les années 1960. En avons-nous saisi l'ampleur? En avons-nous vu les ramifications? En particulier, dans le domaine culturel?


La littérature

Denise Boucher connaît mieux que quiconque cette politique canadienne : écraser ou acheter. Écrivaine, poète et dramaturge, elle se trouvait parmi les 500 personnes, dont beaucoup d'artistes, arrêtées sans accusations et détenues au secret en 1970 en vertu de la loi sur les mesures de guerre. Elle a passé six jours à la prison de Parthenais et quatre à celle de Tanguay.

Denise Boucher a été également présidente de l'Union des écrivains et écrivaines québécois (UNEQ) de 1998 à 2000. L'UNEQ, rappelons-le, s'était prononcé en faveur de la souveraineté du Québec en 1995 et avait même publié la grande et belle affiche qui suit :
  • OUI
    Nous sommes un peuple
    Il est temps de conquérir notre liberté
    Parce que la souveraineté du Québec
    est une condition essentielle et urgente
    de l'existence, de l'épanouissement et
    du rayonnement de notre langue, de
    notre littérature et de notre culture
    [...]
    Ils disent que choisir la souveraineté, c'est
    prendre une chance.
    La chance de nous gouverner enfin nous-mêmes.
    Il prétendent que c'est se replier sur nous-mêmes.
    Nous affirmons que c'est au contraire nous ouvrir
    sur le monde.
    Refusons d'être réduit au statut de minorité!
Ce sont des propos qui ne font pas l'affaire d'Ottawa!

Ottawa ne tardera pas à y répondre, non pas en incarcérant les écrivains et les écrivaines comme en octobre 1970, mais en y mettant tout l'argent et le pouvoir nécessaire pour battre l'UNEQ, et partant tous les écrivains et écrivaines du Québec, sur son propre terrain, d'abord géographique, mais surtout sur son terrain le plus cher, celui de la littérature.

Voici comment Denise Boucher a subi cet assaut contre "l'existence, l'épanouissement et le rayonnement de notre langue, de notre littérature et de notre culture", comme l'avait si bien déclaré l'UNEQ en 1995.
L'UNEQ organisait chaque année depuis 1992 un festival international de littérature. De plus, nous tenions un événement conjoint avec la Quebec Society for the Promotion of English Language Litterature, qui portait le nom de "Write pour écrire".

En janvier 1999, le conseil d'administration de l'UNEQ a organisé une réunion spéciale avec Linda Leith et Ann Charney pour discuter de projets communs. Tous les membres de notre conseil était présents. Linda Leith nous a expliqué que, suivant une suggestion de Gordon Platt, alors directeur du Conseil des Arts du Canada, elles avaient décidé d'organiser un grand festival de la littérature qui porterait le nom de Blue Metropolis Bleu. Elle a invité l'UNEQ à venir sous le grand parapluie de Metropolis Bleu, qui prendrait en charge l'organisation, parce que, disait-elle, Metropolis Bleu avait beaucoup d'argent. En retour, l'UNEQ pourrait participer à la logistique en fournissant un bureau, le téléphone, des photocopieurs, la poste, etc.

J'ai été surprise, poursuit Denise Boucher, parce qu'on avait un festival avec et une activité avec la QSPELL. Alors nous les avons invités à se joindre à nous et à venir sous le parapluie de l'UNEQ. Linda Leith et Ann Charney ont répondu qu'elles devaient consulter d'abord le conseil d'administration de Metropolis Bleu et qu'elles nous reviendraient là-dessus. Nous n'avons plus eu de nouvelles d'elles.

Peu après, on a appris qu'elles allaient de l'avant avec leur festival qui se tiendrait en mars ou en avril 1999, le Festival littéraire international Metropolis Bleu, et, comme par hasard, leur festival devait se tenir un mois avant le nôtre. Depuis 1997, ajoute Denise Boucher, notre festival s'appelait le Festival international de littérature. Le conseil d'administration de l'UNEQ s'est unanimement opposé à la participation de Metropolis Bleu parce que Montréal n,avait pas les moyens de tenir deux festivals de littérature. Le marché est trop limité.

Denise Boucher a consulté tous les anciens présidents de l'UNEQ, fondée en 1977, lesquels l'ont appuyée dans son opposition à Metropolis Bleu : accepter d'y participer équivaudrait à l'abandon pure et simple du festival de l'UNEQ. Denise Boucher a même consulté le dirigeant du fesival "Harbour Front" à Toronto, qui a décrit cette histoire de Metropolis Bleu comme un "hold up". Par la suite, rappelle Denise Boucher, les organisateurs ont commencé à visiter tous nos commanditaires, de sorte que la confusion s'est installé dans les esprits. Comment distinguer le festival international de littérature de l'UNEQ du festival international littéraire de Metropolis Bleu? Même Hydro-Québec nous a retiré sa commandite pour la donner à Metropolis Bleu!
La pression subie par Denise Boucher et par l'UNEQ était extrêment forte en 2000 et les couteaux volaient très bas.

Jacques Hébert et Émile Martel se sont mis de la partie pour amener la "séparatiste" à collaborer avec Metropolis Bleu. Ils ont tenté de convaincre l'UNEQ d'y participer en passant par Bruno Roy, à la fois ancien et futur président de l'UNEQ, en faisant offrir de l'argent par Reford MacDougal pour appuyer le dossier des orphelins de Duplessis, dont Bruno Roy s'occupait. Quand Bruno Roy a refusé de se désolidariser de Denise Boucher, Émile Roy l'a traité de "traître" à sa cause. D'autres tombaient rapidement dans la misogynie en réduisant le conflit à une affaire de filles, traitant Denise Boucher d'alcoolique folle et paranoïaque.

Plusieurs années plus tard, Denise Boucher reconnaît [...] il s'agissait d'une volonté multiculturelle "frankscottienne" et canadienne de minoriser encore et toujours la culture québécoise, le tout dans l'esprit d'octobre 1970 et du programme des commandites.

L'allusion est faite à Frank Scott, poète et professeur de droit à McGill, mentor de Pierre Elliott Trudeau [...] Le socialiste et écrivain Jacques Ferron pensait pouvoir "enquébécquoiser" Frank Scott mais, en 1970, il pris congé définitivement de ce prétendu socialiste lorsque celui-ci s'est prononcé en faveur de la loi sur les mesures de guerre. Pour Ferron, Scott était un McGuillien, figurant parmi ces niais patentés de la célèbre institution, qui se prennent pour des gauchistes dangereux alors qu'ils ne sont que des Rhodésiens.

La version officielle donnée sur les origines de Metropolis Bleu, telle que fournie par le porte-parole de la Fondation Metropolis Bleu, correspond, à quelques accents près, à celle donnée par Denise Boucher.

_________

Contrairement à la plupart des grands événements et institutions culturelles du Québec, qui commencent par des activités publiques à petite échelle pendant plusieurs années avant d'obtenir un financement public plus important et des commandites privées leur permettant de prendre de l'expansion, Metropolis Bleu a recueilli du financement public au moins un an avant sa première activité publique au printemps 1999. En effet, il a été crée en juin 1997, dix-huit mois après le référendum de 1995 et presque deux avant son premier festival.
  • "Pour une fois nous avons mis les boeufs d'abord, la charrue après, dit Sophie Cazenave, directrice des communications de Metropolis Bleu. Le premier financement était public et venait ... du Conseil des Arts du Canada en 1998."
Quant aux relations avec l'UNEQ, Sophie Cazenave poursuit :
  • "L'UNEQ ne voulait pas un festival multiculturel, alors que nous disions que le festival international devait refléter la réalité montréalaise, et pas seulement le volet québécois local. Il ne devait pas servir non plus à la promotion de la littérature québécoise locale. Nous ne voulions pas de cloisonnement dans une langue."
Source : Robin Philpot, chapitre 14 "Eux, ils suivent l'argent" dans Le référendum volé, 2005, p.181

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » ven. 25 nov. 2016, 0:43

Il est bien de croiser des témoignages

Présentation :

Jane Jacobs (née Jane Butzner 4 mai 1916 à Scranton, Pennsylvanie - 25 avril 2006 à Toronto) est une auteure, une militante et une philosophe de l'architecture et de l'urbanisme. Ses théories ont sensiblement modifié l'urbanisme nord-américain.
Jane Jacobs a passé son existence à étudier l'urbanisme. Ses études sont basées sur l'observation : elle commença par observer les villes, reporter ce qu'elle observe, puis créa des théories pour décrire ses observations. Elle a changé le cours de l'urbanisme dans de nombreuses villes nord-américaines, y compris Toronto.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jane_Jacobs
http://www.barakabooks.com/catalogue/th ... eparatism/
Lors d'une entrevue qu'elle accordait chez elle, à Robin Philpot, elle répondait ceci en 2005 :

Quel accueil a été réservé aux conférences Massey de 1979 et à la parution de ce livre où vous vous prononciez en faveur de la souveraineté du Québec? La réception médiatique a-t-elle été à la hauteur?

Il n'y a eu pour ainsi dire aucune réaction. Mon mari était architecte et travaillait sur des chantiers en Alberta. Je lui avais demandé d'essayer de se renseigner sur l'idée que les gens se faisaient là-bas du séparatisme. Il revenait les week-ends; un jour, il m'a dit : Je crois que j'ai compris leur sentiment. J'ai lancé le sujet du séparatisme à la cafétéria, et un silence de mort est tombé autour de la table. Et puis, quelqu'un a déclaré : changeons de sujet. Le mieux c'est de ne pas en parler. Les gens ne veulent pas envisager le pour et le contre, ou même se demander comment on peut voir les choses ainsi.

C'est ce qui explique l'absence de réaction aux conférences et aux livres?

C'est la même attitude. On ne veut pas y penser. C'est un sujet malvenu.

D'où vient cette attitude selon vous?

De la peur. Et ici je ne fais pas une hypothèse. Je me souviens d'Innombrables émissions durant les deux référendums qui disaient en substance que si le Québec venait à se séparer le Canada se désintégrerait. On prétendait que sans le Québec , il n'y aurait plus d'identité canadienne. C'est absurde. Il y a tant d'exemples de pays qui se séparent, et rien ne se désintègre, sauf en cas de guerre.

Voulez-vous dire que quand la désintégration se produit c'est parce que les gens partent en guerre pour la prévenir?

Je tentais de me remémorer, l'autre jour, les très nombreux cas récents de séparations. […] même avec des oublis, j'ai dénombré au moins trente-trois cas nouveaux depuis que la question s'est posée pour le Québec en 1980.

Alors, il faut se demander ce qui se passe, et pourquoi. Je ne crois pas qu'il s'agit là d'une pure coïncidence. Les gens invoquent de multiples raisons pour expliquer leur volonté de se séparer. […] Voici à quoi j'en arrive […] Le point commun est que les unités à grande échelle ne satisfont pas les gens, qui estiment qu'elles sont hors de contrôle. Ce qu'ils semblent tous vouloir, ce qui semble les contenter quand ils l'obtiennent et qui les calme (s'ils ne sont pas plongés dans une guerre), c'est la satisfaction d'obtenir enfin leur souveraineté.

Tous les Etats séparés, hormis ceux qui prétendaient exercer le contrôle, paraissent satisfaits de ce résultat. Dans les Balkans, par exemple, pensez à la décomposition de la Yougoslavie. Les seuls à s'en plaindre sont les Serbes, et leur dépit vient de ce qu'ils ne contrôlent plus les autres. Mais les Slovènes, les Croates et les autres, eux, sont très heureux d'être indépendants.

Alors le danger vient de la volonté de pouvoir des États qui prétendent au contrôle?
Oui, et ce sont eux qui font la guerre.

Voyez-vous le Canada comme un État qui tend à exercer un contrôle?
Absolument. Le Canada anglais a toujours voulu contrôler le Canada français. Alors il faut admettre que le Québec est un pays conquis; les pays conquis n'oublient jamais ce qui leur est arrivé. En fait, le conquérant et le conquis n'oublient jamais vraiment.

Un autre exemple est celui des États-Unis, qui ont connu leur propre mouvement de sécession. Et, dans ce cas, il y a bien eu la guerre, la plus lourde en pertes humaines qu'a jamais connue le pays. Le plus fort taux de mortalité. Ça n'a jamais été oublié. On l'a vu dans les dernières élections de 2004 : il y a toujours les Confédérés et l'Union.

L'opposition violente ou autoritaire au séparatisme ne règle rien?
Non. Le vainqueur, dans ces affaires, en est toujours convaincu, mais il se trompe à chaque fois.

Les Britanniques pensaient régler la question irlandaise en divisant l'Irlande; est-ce un cas de la même teneur?
Oui, et rien n'a été réglé.

Si vous étiez Française aujourd'hui, voteriez-vous pour ou contre la Constitution européenne?
Je serais contre. Mais je ne vois pas grand intérêt à être contre s'il n'y a pas un grand débat qui permet d'éduquer le gens sur les raisons de cette opposition.

Vous êtes souvent interviewée. Est-ce que les journalistes vous interrogent à propos du Québec?
Non. Pratiquement jamais. Vous êtes le premier!

Pourtant il y a très peu de livres en anglais qui évoquent de front ce sujet qui fâche.
Durant mes recherches, je n'en ai pas trouvé un seul,

Les gens ne sont donc pas curieux de connaître les raisons qui vous font aboutir à vos conclusions …
Au Québec, les journalistes se sont montrés peu intéressés. Ailleurs, non.

Croyez-vous que la situation a changé depuis les années 1980, avec le concept de mondialisation?
Non.


Dans Retour à l'Age des ténèbres, vous parlez aussi de subsidiarité et de responsabilité fiscale. Ce sont des principes intéressants, qui militent aussi en faveur de la souveraineté du Québec.

Absolument. Voyez comme notre incapacité à nous poser ces questions et à les résoudre de manière civilisée a corrompu le pays entier!

Pouvez-vous élaborer?

Et bien, l'une des façons dont le Canada anglais, ou les autorités anglaises, ou les autorités apeurées qui opèrent au Québec ont tenté de mettre la question de côté en faisant mine qu'elle était réglée – ce qui est clairement faux – a été de soudoyer le Québec. Ça semble la voie la plus prometteuse, plus que l'usage de la force. Trudeau a très bien réussi cela. Faites-leur oublier la souveraineté. Montrez-leur que leur intérêt économique est ailleurs. C'est vraiment une affaire de soudoiement. Quand vous achetez les gens ou plus précisément, quand vous vous efforcez de changer leurs valeurs profondes en les achetant, la nature même de la transaction est corruptrice. Il faut mentir aux gens sur ce qui est en train de leur arriver.

Diriez-vous que l'implication du Parti libéral dans les commandites n'est pas une affaire marginale?
Absolument. C'était leur politique. Ça l'est toujours. Ils vont continuer. C'est tout ce qu'ils savent faire.

Diriez-vous que la logique des rapports entre Toronto et Montréal, entre l'Ontario et le Québec, est comparable à une relation d'empire?
Oui!

Le moyen de rompre cette logique, c'est l'indépendance du Québec, qui lui permettrait de commercer d'égal à égal avec Toronto?

Bien sûr. Une saine configuration du commerce ne peut être atteinte sans une certaine indépendance des parties.
Dans son essence, un commerce sain avantage tout le monde. Les gens qui ne trouvent de l'intérêt et du plaisir qu'à se battre avec les autres font de bien piètres marchands. Ils ne veulent qu'exercer une domination et non pas trouver le moyen de satisfaire tout le monde. A ce titre, la mondialisation actuelle n'est pas celle qu'elle a pu être en des temps plus innocents.


Parce que la mondialisation d'aujourd'hui s'accompagne de rapports de domination?
De plus en plus. Et quand ça ne fonctionne pas, le pouvoir impérial, qui est aujourd'hui celui des États-Unis, s'effondre.

Vous avez écrit La question du séparatisme entre 1979 et 1980. Si vous deviez recommencer le livre aujourd'hui , en arriveriez-vous aux mêmes conclusions?

Oui; non pas parce que c'est ainsi que je m'imagine les choses, mais parce que c'est la réalité du monde, et que le raisonnement tient toujours.

Source : Jane Jacobs, La question du séparatisme. Le combat du Québec pour la souveraineté, VLB éditeur, 2012

Cet ouvrage est tiré d'une série de cinq conférences radiophoniques données en 1979 par Jane Jacobs dans le cadre des Massey lectures. La série s'Intitulait "Canadian Cities and Sovereignty-Association". Les conférences ont été diffusées à la radio anglaise de Radio-Canada en novembre et décembre 1979 dans le cadre de la série Ideas. Les Massey lectures ont été crées en l'honneur de Vincent Massey, ancien gouverneur général du Canada. Les premières conférences ont eu lieu en 1961, à l'Initiative du réseau anglais de Radio-Canada, dans le but de permettre à des experts de renom de communiquer les résultats d'une étude ou d'un travail de recherche sur un sujet d'intérêt général.

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » ven. 25 nov. 2016, 0:59

Quatrième de couverture :
  • La question du séparatisme

    La publication en 1980 de The Question of Separatism avait tout pour faire scandale : une figure intellectuelle majeure du Canada anglais se prononçait sans détour pour la souveraineté du Québec. Mais voilà : si les Québécois (ceux qui lisaient l'anglais) ont accueilli le livre avec un certain intérêt, ils avaient, au lendemain du premier référendum, d'autres préoccupations. Dans le reste du Canada, la réception fut pour ainsi dire inexistante. Encore aujourd'hui, les spécialistes de Jane Jacobs (1916-2006) tendent à présenter cet ouvrage qui dérange comme une erreur de parcours dans une carrière brillante.

    Et pourtant. Dans un entretien de 2005 reproduit dans cette édition, la grande urbaniste persiste et signe. L'hégémonie du Canada anglais nuit au développement du Québec. Montréal, qui devrait être le moteur culturel et économique d'un Québec souverain, est reléguée au statut de ville régionale. Quant aux prédictions catastrophistes du camp fédéraliste, elles ne tiennent pas, ne serait-ce parce que l'histoire abonde de cas de séparations réussies.

    Trente ans après, la fraîcheur et la pertinence du texte de Jane Jacobs sont stupéfiantes. Il était plus que temps qu'il paraisse en français.

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » sam. 26 nov. 2016, 5:28

Pas de commentaires? Pour moi, découvrir une Jane Jacobs c'est pourtant fabuleux!


  • ... Jane Jacobs est parmi ce groupe très restreint d'êtres vraiment originaux qui vivent parmi nous, dit Robert Fulford, gourou culturel du Canada anglais. Le magazine The New Yorker la décrit comme "l'analyste hors pair pour tout ce qui concerne l'uranisme, incontournable pour tous ceux qui réfléchissent à l'avenir des villes". Son premier livre Déclin et survie des grandes villes américaines, publié en 1961, s'est vendu à des millions d'exemplaires. Elle est citée dans le monde entier. Elle est consultée par des présidents sur une grande variété de sujets, par des premiers ministres, des maires, des universitaires et des dirigeants d'entreprise.

    Elle a reçu quantité de prix pour son oeuvre.

    Mais personne ne s'intéresse à ce qu'elle a à dire sur le sujet d'actualité qui est toujours le plus important pour le Canada, "The Great Political Question" (La grande question politique canadienne) selon The Economist , soit le Québec et l'attitude que le Canada devrait adopter face à une partie importante de sa population déterminée à en faire un pays indépendant.

    Pour apprécier l'importance de Jane Jacobs, notons que parmi les autres personnalités invitées à faire les "Massey lectures" à CBC [durant les années 1960-1970] figurent John Kenneth Galbraith, Martin Luther King, Claude Lévi-Strauss, Willy Brandt, Carlos Fuentes, Noam Chomsky.

    [...]

    Ils avaient fait l'erreur de lui demander son opinion avant le référendum de 1980, et Jane Jacobs, après avoir fait de longues recherches, a répondu franchement que la souveraineté du Québec était la meilleure solution pour le Québec et le Canada. On ne lui donnera pas l'occasion de le dire une seconde fois. Aucun grand média canadien ne lui a donné la chance de s'exprimer sur la question pendant le référendum de 1995. (Philpot)
Dernière modification par Cinci le sam. 26 nov. 2016, 6:08, modifié 1 fois.

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » sam. 26 nov. 2016, 5:59

Témoignage de James Blanchard, ambassadeur des États-Unis au Canada en 1995

  • ... le Canada a convenu de modifier sa politique dans l'espoir d'obtenir l'appui de Washington contre le Québec. Le premier dossier culturel, a été le projet de loi sur la diffusion au Canada du magazine Sports Illustrated; le second a été un vote à l'ONU sur Cuba ( James Blanchard, Behind the Embassy Door, p.247)
Or, s'il y a bien deux domaines dans lesquels le Canada tente de se distinguer des États-Unis, ce sont bien la culture et la politique étrangère, particulièrement sur la question de Cuba. A ce sujet, l'ambassadeur Blanchard a une franchise qui aurait dû faire dresser les cheveux de ses amis canadiens :
  • "S'il n'existait pas une différence entre nous sur Cuba, le gouvernement canadien aurait probablement à inventer autre chose [...] De temps en temps, les politiciens canadiens doivent démontrer aux Canadiens qu'ils dirigent un pays souverain, au lieu de simplement approuver et appliquer des politiques faites à Washington."
L'ambassadeur Blanchard pousse son mépris du Canada plus loin et démontre que cette apparence de différence entre le Canada et les États-Unis fait bien l'affaire de Washington.
  • "Les États-Unis voulaient que le Canada fournisse quelques centaines de soldats dans le cadre d'une invasion d'Haïti sous commandement américain pour que celle-ci ressemble à une action multinationale. "
L'ironie est sublime : pour contrer les aspirations du Québec, le Canada, pays qui se targue d'être le champion de la diversité culturelle, fait appel au président des États-Unis qui, aux yeux du monde entier, incarnent l'uniformisation culturelle. Alors que le Québec constitue l'un des seuls remparts en Amérique du Nord contre cette uniformisation. (Philpot)

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » mar. 29 nov. 2016, 0:55

On répète : non au multiculturalisme. Non, monsieur! Gnon. Refus global.

Encore quelques biscuits pour la route ...
Kenan Malik intellectuel indien, expliquait clairement ce penchant multiculturaliste à créer des citoyens de seconde classe, les empêchant alors de se réclamer de la population historique du pays : Le multiculturalisme est un ensemble de dispositifs visant à gérer la diversité en mettant les gens dans des cases ethniques, en définissant les besoins et les droits des individus en vertu de ces cases et en utilisant ces mêmes cases pour orienter les politiques publiques.

Mettre des individus dans des cases, leur coller des étiquettes, les définir non pas comme citoyens d’une nation, mais selon leur religion, leur langue maternelle, leur origine, et nous faire croire que cela mènera à une intégration. Voici le projet de société que certains tentent de nous vendre comme « tolérant, ouvert et inclusif » ! Ce modèle est un échec partout où il a été appliqué, ça ne marche pas !

Dans une société pluraliste on ne peut pas prendre le risque d’hétérogénéiser l’espace social sans craindre de créer des tensions communautaires pluriconflictuelles. Comme l’expliquait Francis Cousin, docteur en philosophie : L’hétérogénéité des populations, qui vivent à côté, ne peut jamais produire un mouvement d’ensemble de subversion sociale. C’est le nec plus ultra de la domestication capitaliste, avec des ghettos ethniques. [...] Ce chaos migratoire va créer des juxtapositions, qu’on va nous présenter comme des « richesses »... oui, des richesses consommatoires de la servilité marchande.

On en revient à cette richesse humaine exploitable telle que je la dénonçais dans mon article sur l’immigration économique, paru dans l’édition de mai 2016 du Patriote. Nous sommes en plein dans les dérives sociétales du néolibéralisme.

[...]


Le multiculturalisme autorise les autres cultures à s’exprimer, mais il empêche la culture de la majorité d’exprimer ses victoires, ses combats, ses joies, ses souffrances.

— John Sentamu - Archevêque de la ville d’York


Source : Philippe Dujardin, "Pensées d'un immigrant" dans le journal de la société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Volume 16, numéro 3, septembre 2016

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » dim. 04 déc. 2016, 4:24

Le comité de lecture recommande :

https://www.youtube.com/watch?v=jXLM-lvwUxU

A écouter entre les 26e et 30e minutes. C'est une récente conférence de Christian Rioux qui tient une chronique dans Le Devoir. Correspondant à Paris, Il fait vingt ans qu'il vit en France en même temps.

Il répondait à une invitation de la revue L'Action nationale en octobre dernier. La revue fut fondée en 1917 par le chanoine Lionel Groulx. Une institution ... Juste pour situer ... je parle de la revue, mais le chanoine aussi (sourire)

Le commentaire est intéressant parce que Christian Rioux refuse le multiculturalisme, même s'il ne se situe pas personnellement du même bord idéologique qu'une Mathieu Bock-Côté à titre d'exemple. Christian Rioux étant marqué plus à gauche (la vraie gauche, l'ancienne ... pas bobo ni caviar ...) qu'un Bock-Côté conservateur, plus à droite (on le voit bien à propos de Cuba).

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » jeu. 16 févr. 2017, 19:28

Extraordinaire! La joie! Quel homme!
Dans un geste tout aussi assumé, l’homme y dénonce aussi « le fétichisme et l’instrumentalisation de l’immigration », par la frange bien-pensante du Québec, par cette élite culturelle qu’il pourfend tout en reconnaissant en faire partie. « Le multiculturalisme est devenu un dogme que l’on ne peut plus contester », résume le littéraire pamphlétaire, même si, pour redonner du sens au Québec, c’est pourtant, selon lui, ce qu’il faut désormais faire.

http://www.ledevoir.com/culture/livres/ ... eur-d-etre
Contester et refuser le multiculturalisme. Pour redonner du sens au Québec ... Eh oui, quelle vérité! Monsieur de la Palisse n'aurait pas mieux dit.





Encore :
Défaitisme et passivité

Maxime Blanchard, qui vit six mois par année à New York, a, lui aussi, mal à son Québec — « Je ne vois pas comment le contraire peut être possible », dit-il — et le choc de l’exil tout comme celui des nombreux retours y sont pour beaucoup. « Quand je reviens, je suis sous le choc de voir ce qui se passe à la télévision, sous le choc de la persistance d’un gouvernement libéral et de la passivité des gens face à tout ce qui nous arrive. Je ne sais pas si c’est du défaitisme ou de la fatigue culturelle, pour reprendre Hubert Aquin, mais cela est de plus en plus insoutenable. »

Un Québec « sous-préfecture », un Québec « cambrousse », un Québec « bourgade » : les mots de Maxime Blanchard sont durs et finissent par devenir obsessionnels sur le rendez-vous manqué avec l’indépendance, sur la disparition de la langue française et sur la mondialisation, « catastrophe pour les cultures nationales et les cultures périphériques » et qui, en choeur, éclaire pour lui le malaise identitaire qu’il exprime.
... sous le choc de la persistance d'un gouvernement libéral ... mur à mur .... depuis 2003 ... sous le choc de voir ce qui se passe à la télévision ...

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » jeu. 16 févr. 2017, 20:07

Jetez un oeil par-ici :
Le terrorisme intellectuel :
http://www.journaldemontreal.com/2017/0 ... tellectuel

La journaliste Marie-Ève Tremblay, de Radio-Canada, diffusait, lundi, sur Facebook un reportage-choc sur la liberté d’expression dans nos universités.

Elle a fait une expérience à l’UQAM en diffusant deux affiches sur les babillards.


La première, associée à la gauche radicale, faisait l’apologie du vandalisme. La seconde était associée au nationalisme et mettait l’accent sur les enjeux liés à l’identité québécoise. La première n’a suscité aucune querelle.

Censure

La seconde a fait scandale. Ces vilains nationalistes ne devraient pas avoir le droit de parler dans les locaux d’une université!
On répète : une affiche de gauchistes radicaux faisant l'apologie du vandalisme ne suscite aucune réaction.

Non

Le scandale c'est une affiche qui convie des intéressés à un échange civil et courtois portant sur la nécessité de protéger la culture du Québec contemporain (son histoire, etc.), la langue française, etc.

Ceux qui semblent juger pertinent de devoir défendre la culture ou la langue française sont immédiatement taxer de racistes, de xénophobes, d'ennemis du genre humain quoi. Par qui? Via des groupuscules aux ordres et agissant sous la commandite d'officines pro-immigrantes, arabo-islamophiles et gouvernementalo-libéralo-fédéraliste anglo-canadian en bout de ligne. Les ennemis naturels du Québec ... ennemis d'un Québec en tant qu'entité nationale distincte ... comme entité fédératrice francophone ... "Non, non, il ne faut pas!"

A l'université du Québec en plus! C'est vraiment indécent.

L'UQAM : une université qui fut fondée en 1967-68 à Montréal, dans la foulée de la Révolution tranquille, suite à d'intenses pressions des milieux nationalistes québécois et qui réclamaient sa création, afin de corriger un déséquilibre qui pénalisait les jeunes étudiants québécois désireux de poursuivre des études supérieures en français.

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » ven. 17 févr. 2017, 16:02

La diversité ou la tarte à la crème

http://www.ledevoir.com/societe/actuali ... a-la-creme

Il est étonnant de découvrir combien le discours sur la « diversité », qui veut passer pour rebelle et minoritaire, est en réalité devenu aujourd’hui le discours des classes dominantes de la mondialisation. Encore contestée en France à cause de sa tradition républicaine, cette idéologie a pénétré aux États-Unis toutes les sphères de la société jusqu’à gangrener les universités.
Il faut retenir le nom : Christian Rioux. C'est un des meilleurs journalistes que nous avons actuellement au Québec.

Voyez :
Pourtant, force est de constater que plus le discours diversitaire prenait de l’ampleur, plus les inégalités économiques s’accroissaient. Comme si le slogan United Colors, symbole des années Obama, n’avait été qu’un cataplasme pour dissimuler une réalité gênante. À l’université, « le nombre d’étudiants issus des minorités a augmenté, celui des étudiants issus des classes les plus aisées aussi, mais la proportion de ceux issus des classes défavorisées de la “ majorité ” s’est réduite », expliquait le professeur de littérature de l’Université de l’Illinois Walter Benn Michaels dans un livre dérangeant publié en 2006, The Trouble With Diversity (La diversité contre l’égalité, Raisons d’agir).
Mon commentaire personnel :

En fait, c'est que le discours de gauche (diversitaire, multi) sert de "caution morale" à la gouvernance. C'est le miroir aux alouettes qui sert à faire avaler des politiques régressives réelles et absolument réac, à peu près toutes dirigées contre les travailleurs, contre la classe moyenne et les plus pauvres des pays riches.

Le multi c'est le substitut de religion pour l'élite en place. Avec le "multi" et la "diversité" et le "vivre-ensemble" vous pouvez discréditer les chantres de la nation, l'opposition populaire, le possible front commun qui réclamerait des lois contre les Wall Mart de ce monde, contre les islamistes, contre les anglomanes et leur désir de faire parler la langue de l'argent à tout le monde, contre le système financier, etc.

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » sam. 18 févr. 2017, 4:37

La liberté d'expression à l'université

https://www.youtube.com/watch?v=a3I632Rb96g

Vidéo de 8 minutes

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » ven. 22 sept. 2017, 4:00

Le multiculturalisme ou l'art de se draper dans la vertu

C'est probablement un sentiment particulièrement envoûtant : se draper dans la vertu. Se laisser gagner par la certitude qu'on appartient au club sélect des humains de première classe qui ne se laissent pas atteindre par les passions vulgaires. Observer de haut la vile plèbe qui s'excite et ne comprend rien. Se désoler avec les autres membres du club des passions grossières du commun manipulé par les cyniques. S'Indigner contre les politiciens qui pactisent avec la masse en attisant ses mauvais instincts. Dans les bons milieux, on se pique de sophistication cosmopolite et on se demande si, un jour, le peuple cessera d'être animé par la pulsion régressive de l'identité.

Cette posture, c'est généralement celle des libéraux sophistiqués souvent logés au centre droit, mais c'est aussi celle des multiculturalistes militants, qui viennent d'une gauche assez radicale. Ils prennent la pose d'être dépassionnés, modérés, toujours soucieux d'équilibrer le pour et le contre. Mais cette recherche d'équilibre masque souvent une étrange neutralisation du politique. Car ce qu'Ils ne nous disent pas, c'est qu'ils croient avoir un pouvoir magique : celui de deviner le sens de l'histoire. Celui de reconnaître à coup sûr le sens du progrès - ce qui permet de mieux désigner à la vindicte publique ses ennemis ou, du moins, ceux qui conduisent en sens inverse. Dès lors, ils se donnent le droit de traiter avec condescendance ceux qui n'imaginent pas le progrès de la même manière qu'eux.

Et le sens du progrès, ce serait la réinterprétation multiculturaliste des droits de la personne, le remplacement de la souveraineté démocratique par le gouvernement des juges et l'effritement de l'identité nationale au profit d'une société délivrée de références culturelles substantielles et partagées. Le progrès, ce serait aussi, plus vastement, la dilution de la souveraineté nationale dans la gouvernance globale, le discrédit de l'enracinement historique au profit de l'éclatement identitaire et l'abolition du principe majoritaire dans la construction de la société démocratique. Cette vision se prend pour le nouvel élan de l'émancipation moderne. Ceux qui ne la partagent pas ne révèlent-ils pas leurs dispositions réactionnaires?

Réactionnaires, donc, Et xénophobes, plus souvent qu'autrement. Et portés sur le repli identitaire, et carburant à la "peur de l'autre". Et ainsi de suite. Les multiculturalistes sont en croisade contre ceux qui n'ont pas reçu la révélation diversitaire, On imagine ceux-ci comme des obscurantistes tentés d'écraser les minorités et les marginaux, désireux d'exclure de la cité ceux qui ne communient pas à une conception de l'identité nationale réduite à sa plus simple expression. Les multiculturalistes semblent incapables de s'engager dans ce débat sans radicaliser ses enjeux et sans revendiquer pour eux le monopole de la vertu. Leur cause est affichée : ils sont en lutte contre l'intolérance. Ils sont en lutte contre la xénophobie. Avec elles, on ne débat pas évidemment. On refuse le débat public et on sonne l'alarme contre les basses passions qui inondent la cité.

Les défenseurs du multiculturalisme, qu'ils penchent à gauche ou à droite, ne se demandent pas pourquoi une majorité populaire se reconnaît dans une conception plus exigeante (ou classique, si on préfère) de l'intégration nationale, car ils ont leur explication : la majorité est obscurantiste.

Le multiculturalisme est une étrange vision du monde qui marche à la disqualification morale et au dénigrement intellectuel.

En fait, à plusieurs égards, le multiculturalisme comme philosophie politique est une rupture de civilisation. La chose est reconnaissable, d'ailleurs, dans la conception qu'il se fait de l'histoire occidentale : jusqu'à présent, elle aurait été caractérisée par l'exclusion, par la discrimination, et par la négation des idéaux démocratiques. Ce serait en s'extrayant de cette civilisation indigne de notre affection que la démocratie pourrait éclore véritablement. Il y a, autrement dit, dans la logique du multiculturalisme, une rupture plus profonde qu'on ne le croit et qu'on ne le dit avec notre compréhension historique de la démocratie et du libéralisme.

extrait de :
Mathieu Bock-Côté, Exercices politiques, VLB, p. 74

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Re: Dire non aux idéologues de la diversité

Message non lu par Cinci » ven. 22 sept. 2017, 5:05

Identité : mauvais procès à l'horizon

Le multiculturalisme est une orthodoxie politique qui disqualifie ses adversaires. C'est ce mécanisme de disqualification qu'il faut examiner et démythifier pour voir comment il opère. Cela nous permettre de montrer comment la démocratie s'accompagne de censures idéologiques de plus en plus contraignantes.

C'est le dispositif habituel de la rectitude politique qui se met en place. On sait comment il fonctionne : il pathologise le désaccord avec le multiculturalisme, lequel est l'expression politique heureuse et incontournable d'une nouvelle vague de l'émancipation humaine. Dans les critiques de la société diversitaire, la rectitude politique reconnaît autant de phobies à combattre. Elle entend civiliser les pulsions régressives de l'identité en multipliant les tabous. Ces critiques, on les psychiatrisera : elles seraient au-delà des argumentaires mobilisés, l'expression de la peur de l'autre - alors que l'Autre serait celui à partir duquel on devrait réinventer la démocratie. Ou encore, on y débusquera la logique du bouc émissaire : dans une société en perte de repères, l tentation serait forte de ressouder la communauté autour de la dénonciation d'un ennemi imaginaire. Autrement dit, il n'y aurait aucun fondement rationnel à la critique du multiculturalisme [...]

N'était-ce pas, d'ailleurs, la conclusion du rapport Bouchard-Taylor? Selon les commissaires, il n'y a aucune crise de l'intégration au Québec - non plus qu'en Occident en général (et si crise il y a, elle s'expliquerait par l'ouverture insuffisante de la société d'accueil) . La crise des accommodements raisonnables est en fait, selon eux, le révélateur d'une conception fantasmée de l'identité québécoise, qui devrait être mise de côté pour progresser dans la construction de la diversité. C'est à la société d'accueil finalement, de s'adapter à ce fait d'époque qu'est le multiculturalisme, comme si la démocratie était appelés à se reconstruire en se délivrant de ses fondements historiques.

Derrière ce grand récit qui présente comme une marche irréversible de l'histoire ce qui est avant tout un projet politique, on retrouve ce qui caractérise fondamentalement le multiculturalisme : l'inversion du devoir d'Intégration. Ce n'est pas au nouvel arrivant de s'adapter à la société d'accueil, mais plutôt à cette dernière à transformer ses institutions selon l'idéal de la diversité.


Mais le fantasme libéral d'une société exclusivement constituée d'individus se retourne contre lui-même et crée les conditions d'une société plombée par la multiplication des communautarismes qui instrumentalisent les tribunaux et le langage des droits fondamentaux pour se mettre à l'abri de la délibération démocratique. De ce point de vue, la société devient incapable d'expliciter les règles et les principes nécessaires à la régulation de l'existence commune dans la mesure où leur mise en place est toujours assimilée à l'expression d'une tyrannie de la majorité. Ces règles et principes sont d'autant plus difficiles à expliciter que le fond culturel et historique d'où on les puise est refoulé dans les marges du débat public, et considéré comme un héritage parmi d'autres dans la société diversitaire. Pire encore : en faisant appel à cet héritage pour se nommer et se définir, la société se rendrait coupable de discrimination.

Évidemment, une part importante, et manifestement majoritaire de la population ne consent pas à cette désubstantialisation du commun. Elle ressent intimement le multiculturalisme comme une forme d'agression idéologique envers sa vision du monde. Le multiculturalisme mise alors sur une vaste stratégie de rééducation.

C'est que le multiculturalisme n'est pas qu'une doctrine politique parmi d'autres. C'est la religion politique de notre temps, qui transforme radicalement notre conception de l'être humain, de la démocratie, de l'égalité, de la liberté d'expression. Il veut extraire la société de son expérience historique et la refonder dans l'utopie d'un égalitarisme identitaire radical, qui ne distingue plus l'héritage de la société d'accueil de ceux des cultures de l'immigration. Et il entend expulser de l'espace public ceux qui questionnent trop ouvertement ses fondements. Ce n'est pas surprenant : le propre d'une religion politique est de réclamer pour elle le monopole de la vertu et de ne reconnaître aucune légitimité à ses adversaires.

A travers le mutliculturalisme, une tentation autoritaire se révèle. Le désaccord politique est souvent proscrit et la dissidence idéologique peut conduire aux marges de la cité et, parfois, à une persécution judiciaire.

Il s'agit d'une philosophie complète, bien plus radicale que ne le prétendent ses promoteurs. Cette radicalité doit être explicitée et révélée, dans la mesure où le multiculturalisme se présente souvent comme un simple pragmatisme ouvert à la diversité. des styles de vie, alors qu'il transforme profondément les conditions historiques et institutionnelles à partir desquelles s'appréhendent l'idéal démocratique.

A certains égards, la "question identitaire" est l'une des plus importantes de notre époque.

Mathieu Bock-Côté, idem, p. 80

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