Prodigal,
Prodigal :
on ne peut pas tout lire en même temps, et il faut choisir, sinon j'ai peur que le poisson ne soit noyé sous l'avalanche des textes. Je sais bien que tous ces textes que vous citez existent, et que chacun mériterait une analyse.
On ne peut pas tout lire en même temps ? Non pas, certes. Et puis - remarquez - je ne vous ai jamais demandé non plus de lire des dizaines de volumes. Je répondais à votre question. Vous m'aviez demandé des éléments de Grégoire XVI, Pie IX (ou autres) qui pourraient s'opposer à des affirmations d'aujourd'hui.
Trois petites choses cependant, pour ne pas laisser sans réponse vos envois, qui méritent au contraire l'attention.
1) Le Syllabus (par exemple) et les textes officiels parus depuis le concile s'opposent, évidemment. Mais la question est de savoir s'ils se contredisent. Quelle différence? Ils s'opposent du point de vue de la sensibilité, de l'idéologie, et du contexte qui les a amenés à être produits. Mais si l'on fait abstraction de cela pour ne garder que le contenu doctrinal auquel tout catholique doit adhésion, je dis qu'il n'est pas du tout évident qu'ils se contredisent, puisqu'ils ne parlent pas de la même chose.
Pour s'opposer, ils s'opposent.
Ah ! mais c'est qu'ils ne parleraient pas de la même chose. Et, ainsi, la contradiction ne serait qu'apparente. O.K. c'est ce que vous penseriez. Ce serait votre idée, celle de Ferdinand Poisson peut-être, assurément celle d'un Archidiacre comme dans ses vidéos. C'est un point de vue bien sûr.
Il faudrait quand même en être bien convaincu.
Je regarde les divers documents, interventions de nos évêques, politique suivie par l'Église dans tel ou tel dossier d'actualité. (et donc une occasion d'application des nouveaux principes ...), - plus je regarde; dis-je -, et moins je pourrais sentir cette prétendue "absence de contradiction réelle", Prodigal. Tout me donnerait l'impression du contraire.
J'imagine très mal nos évêques des années 1920 ou 1930 soutenant des politiques comme celles de nos évêques actuels. Et pour moi cette divergence ne pourrait tenir au fait que les uns et les autres ne s'enracineront pas dans des principes semblables.
2) Grégoire XVI dit en effet une ânerie sans nom, sauf le respect que je lui dois, ou bien, autre hypothèse plus charitable et que je retiendrai, ce n'est pas de la liberté de conscience au sens strict qu'il parle, mais d'un prétendu droit à soutenir n'importe quelle opinion. A propos de quoi ce qu'il dit prend sens, en effet.
Pas une liberté de conscience au sens strict, chez Grégoire XVI ? Faudrait voir.
Mon idée c'est qu'il avait en tête des idées pourtant jugées sérieuses aujourd'hui. Je ne crois pas que l'épithète de "délire' chez lui aurait dû se limiter à évoquer ceux qui croiraient la lune faite en fromage.
Le "délire" pouvait être aussi bien les systèmes socialisants (pas nécessairement utopiques), l'égalité des sexes, le divorce, le contrôle des naissances, etc. Je pense que Grégoire XVI n'aurait pas admis que dans un État catholique, d'autres religions ou groupes philanthropiques de pensées auraient pu avoir pignon sur rue au même tête que l'Église catholique, et pour y promouvoir librement des idées du genre de ce que je viens de dire.
Songez que Luther se sera réclamé de sa liberté de conscience à l'époque. puis l'Église l'a condamné quand même. Oui, il était libre (au sens du libre-arbitre; comme je suis libre de me jeter en bas d'un avion volant à 10 000 mètres d'altitude) de verser dans l'hérésie, et l'Église libre de condamner son affirmation et même de lui faire subir une certaine pénalité.
Mais, pour Grégoire XVI, je vous accorde que le point mériterait d'être étayé. Il faudrait une démonstration sourcée de ce qu'il pensait très exactement.
3) Je ne vois pas de raison d'accréditer votre interprétation de la liberté religieuse selon Dignitatis Humanae, qui me paraît tendancieuse. Mais il faudrait évidemment lever certaines ambiguïtés.
Je ne sais pas trop ce que vous avez vu ou cru voir.
Je reprends l'exemple de la secte. Pour dire, comme Suliko, que la liberté religieuse implique la liberté des sectes, il faut, c'est logique, considérer que religion et secte c'est la même chose. Or, justement, ce n'est pas la même chose.
L'appréciation du caractère "secte" entre tout de même sur le terrain de la subjectivité bien souvent. Et puis, de toute manière, la liberté religieuse dont il est question dans
Dignitatis Humanae renvoie à celle des individus en premier. Il ne s'agit pas de garantir la liberté des religions seulement, ni des grandes religions uniquement ni des seules religions jugées sérieuses (par qui ?) Dans la pensée libérale, on accorde le droite de penser et croire ce que l'on veut à un individu, de même que le droit de se regrouper entre personnes croyant les mêmes choses (nonobstant le fait de perturber l'ordre publique).
Mais voici la difficulté : chaque aspect de la question en entraîne un autre, qui contient la matière d'une très longue discussion. Il faudrait choisir le point précis dont nous voulons parler. A défaut, j'essaie de dire de mon mieux pourquoi selon moi rien ne nous oblige à dire qu'il faut choisir entre l'Eglise d'hier et celle d'aujourd'hui, même si, bien sûr, un travail critique est nécessaire.
Je comprend. Cette posture de principe du non choix, comme la vôtre, fut toujours la mienne jusqu'à il n'y pas si longtemps, Prodigal. Parce que bon public, pas tellement d'un naturel soupçonneux, pas très porté à imaginer le pire, encore moins s'agissant de la tête de l'Église, je ne me penchais pas trop sur ces anciens documents d'Église. Et le comportement global de nos évêques me semblait bien normal.
Sauf qu'à y regarder de plus près, je réalise à quel point nos chefs sont moulus par la pensée libérale.