Relations Église-État

« Par moi les rois règnent, et les souverains décrètent la justice ! » (Pr 8.15)
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prodigal
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Re: Relations Église-État

Message non lu par prodigal » ven. 05 juin 2020, 17:16

Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 15:23
Dans un extrait de Léon XIII que je citais précédemment (sur l'américanisme), il est bien précisé que la séparation des pouvoirs ne devait jamais être jugée comme un bien en soi.
Mais il n'y a aucune raison de penser qu'un catholique d'aujourd'hui soucieux de respecter l'enseignement de l'Eglise pense autrement!
Ce n'est pas la séparation des pouvoirs qui est un bien en soi, mais leur distinction, et vous nous avez vous-même aidé à comprendre que ce n'est pas la même chose.
Résumons ce que doit croire un catholique non dissident sur notre sujet :
- la liberté de la conscience humaine fonde sa dignité et doit être respectée
- le pouvoir temporel et l'autorité spirituelle ne doivent pas être confondus et contribuent ensemble au bien commun
- toutes les religions ne se valent pas et la religion catholique est en droit de revendiquer sa primauté.
Bien entendu, les trois doivent aller ensemble, sinon ce n'est plus le même équilibre.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Suliko
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Re: Relations Église-État

Message non lu par Suliko » ven. 05 juin 2020, 17:54

Bonjour,
Par exemple, Grégoire le Grand, sur les Juifs :
Je connais ce texte de saint Grégoire sur les Juifs. Il ne proclame pas un droit à la liberté religieuse, mais d'une part, le refus de convertir de force et d'autre part, la possibilité de tolérer les faux cultes. C'est tout à fait traditionnel ! Notons tout de même que le judaïsme rabbinique a toujours été considéré de manière particulière par l'Eglise, parce que d'une part, ses membres ne sont ni hérétiques, ni schismatiques (puisque non chrétiens), que d'autre part, l'Ecriture nous dit que les Juifs finiront par se convertir à la fin des temps, et qu'enfin, il ne s'agit pas d'un groupe prosélyte.
Oui, on peut être coupable par négligence... mais on n'en a pas moins le devoir de suivre sa conscience.
Je ne dis pas le contraire.
Je vous accorde que la question du prosélytisme est délicate, mais elle est distincte de celle du culte public.
Pas foncièrement.
Si. Il est précisément question des limites de ce droit dans la déclaration conciliaire.
La limite est le trouble à l'ordre public...
L'enseignement s'est précisé et complété sur un mode harmonieux, en reconnaissant que la tolérance des faux cultes n'était pas seulement une affaire de circonstances mais aussi la considération d'une liberté fondamentale de l'homme de n'être pas empêché dans sa pratique religieuse.
Il n'y a pas précision, puisqu'il y a rupture ! L'Eglise pré-conciliaire n'enseignait pas que la liberté religieuse est un droit de l'homme. Je me répète, mais bon... Dignitatis Humanae écrit que le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même. Autrement dit, les Saintes Ecritures et la raison nous parlent de cette dignité. Bizarrement, il aura fallu attendre presque 20 siècles pour que l'Eglise la reconnaisse...
Dans quel texte faisant autorité, l'Église délivre-t-elle une telle doctrine ? Si vous pensez disposer d'un tel texte, êtes-vous sûr qu'on soit obligé de l'interpréter dans le sens libéral que vous suggérez ?
Dignitatis Humanae ! Je pense effectivement que l'interprétation libérale est la plus conforme au sens premier du texte, et que c'est de plus ainsi que ce texte a été compris par l'Eglise. C'est son discours officiel !
La liberté religieuse n'est pas un droit positif à pratiquer de fausses religions : ces religions n'ont aucun droit et ne devraient pas exister.
L'État catholique les tolère seulement, il ne les approuve pas.
C'est l'interprétation traditionnelle de l'Eglise, mais ce n'est pas ce qu'elle enseigne depuis le concile. Voici ce qu'écrivait Jean-Paul II en 1988 :
En premier lieu, la liberté religieuse, qui est une exigence inaliénable de la dignité de tout homme, est une pierre angulaire dans l'édifice des droits humains; elle est par conséquent un facteur indispensable pour le bien des personnes et de toute la société, comme aussi pour l'épanouissement personnel de chacun. Il en résulte que, pour les individus et les communautés, la liberté de professer et de pratiquer sa religion est un élément essentiel de la convivialité pacifique des hommes. La paix, qui se construit et se consolide à tous les niveaux de la convivialité, s'appuie fondamentalement sur la liberté et l'ouverture des consciences à la vérité.
D'autre part, toutes les formes de violation, ouverte ou cachée, de la liberté religieuse nuisent, et de manière très grave, à la cause de la paix, au même titre que les violations portant atteinte aux autres droits fondamentaux de la personne. Quarante ans après la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui sera commémorée au mois de décembre prochain, il nous faut constater que des millions de personnes souffrent encore, en diverses régions du monde, à cause de leurs convictions religieuses, et sont victimes de législations répressives et oppressives, parfois de persécutions ouvertes, plus souvent de pratiques subtiles de discrimination à l'égard des croyants et de leurs communautés. Cet état de choses, en soi intolérable, constitue aussi une lourde hypothèque pour la paix.
Vous allez me répondre que le contexte de ce texte est la répression communiste. Il n'empêche que ce pape voit dans la liberté religieuse un droit inaliénable de l'homme (peu importe la religion). En fait, c'est typique du libéralisme : on nous sert de grands discours sur la liberté, l'égalité, la fraternité, etc...sans les relier au bien et au vrai, ou du moins en laissant une telle appréciation au jugement individuel.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Fernand Poisson » ven. 05 juin 2020, 19:06

Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 17:54
Je connais ce texte de saint Grégoire sur les Juifs. Il ne proclame pas un droit à la liberté religieuse, mais d'une part, le refus de convertir de force et d'autre part, la possibilité de tolérer les faux cultes. C'est tout à fait traditionnel ! Notons tout de même que le judaïsme rabbinique a toujours été considéré de manière particulière par l'Eglise, parce que d'une part, ses membres ne sont ni hérétiques, ni schismatiques (puisque non chrétiens), que d'autre part, l'Ecriture nous dit que les Juifs finiront par se convertir à la fin des temps, et qu'enfin, il ne s'agit pas d'un groupe prosélyte.
Quelle différence faites-vous entre cette tolérance "traditionnelle" et la liberté religieuse ? Certes saint Grégoire ne parle pas de "droit" ici, mais l'esprit est le même. Comme le dit le père Valuet, la liberté religieuse de DH n'est qu'un "droit à être toléré" qui est le corollaire de l'obligation de tolérance prescrite ici par saint Grégoire...
Et je suis d'accord avec vous sur la spécificité du judaïsme, mais ce n'est pas l'argument invoqué ici par saint Grégoire lorsqu'il défend leur liberté de culte.
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 17:54
La limite est le trouble à l'ordre public...
Ordre public compris, non dans un sens positiviste et utilitariste, mais dans un sens chrétien, comprenant les normes morales objectives, comme il appert dans DH elle-même et dans l'extrait du Catéchisme cité plus haut.
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 17:54
Il n'y a pas précision, puisqu'il y a rupture ! L'Eglise pré-conciliaire n'enseignait pas que la liberté religieuse est un droit de l'homme. Je me répète, mais bon... Dignitatis Humanae écrit que le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même. Autrement dit, les Saintes Ecritures et la raison nous parlent de cette dignité. Bizarrement, il aura fallu attendre presque 20 siècles pour que l'Eglise la reconnaisse...
S'il y a précision, c'est que cette précision n'était pas enseignée avant. Ce n'est pas pour autant qu'il y a rupture.
Imaginez si je vous disais :
L'Église avant le Bienheureux Pie IX n'enseignait pas qu'il existe une ignorance invincible dispensant de l'appartenance visible à l'Église. Quanto conficiamur moerore écrit que ceux qui se trouvent dans une situation d’ignorance invincible concernant notre très sainte religion, lorsqu'ils observent avec sincérité la loi naturelle et ses préceptes que Dieu inscrit sur tous les cœurs, prêts à obéir à Dieu, vivent des vies honnêtes et ont la possibilité d’atteindre la vie éternelle par la vertu des lumières de la grâce divine. Pie IX présente cela comme évident. Bizarrement il a fallu attendre presque 19 siècles pour que l'Église le reconnaisse...
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 17:54
Dignitatis Humanae ! Je pense effectivement que l'interprétation libérale est la plus conforme au sens premier du texte, et que c'est de plus ainsi que ce texte a été compris par l'Eglise. C'est son discours officiel !
J'ai bien compris que c'était votre interprétation. Ce que je voudrais, c'est que vous me montriez que c'est aussi l'interprétation de l'Église, son "discours officiel" comme vous dites.
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 17:54
Vous allez me répondre que le contexte de ce texte est la répression communiste. Il n'empêche que ce pape voit dans la liberté religieuse un droit inaliénable de l'homme (peu importe la religion). En fait, c'est typique du libéralisme : on nous sert de grands discours sur la liberté, l'égalité, la fraternité, etc...sans les relier au bien et au vrai, ou du moins en laissant une telle appréciation au jugement individuel.
Mais je défends moi aussi l'idée que la liberté religieuse est un droit inaliénable de l'homme. C'est l'enseignement de l'Église.
Il n'y a pas de libéralisme dans ce texte. La compréhension de la liberté religieuse qu'a saint Jean-Paul II est clairement expliquée dans son catéchisme. Il n'est pas obligé de l'expliquer à chaque discours, et surtout vu le contexte, cela se comprend très bien qu'il ne l'ait pas fait.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Gaudens » ven. 05 juin 2020, 19:14

Fernand Poisson :
Deux de vos affirmations méritent examen :
1)« Toutes les religions ne se valent pas et la religion catholique est en droit de revendiquer sa primauté. ».Que voulez-vous dire exactement ?Que l’Etat doit reconnaitre un droit spécifique à l’Eglise ? S’il s’agit d’une reconnaissance de son rôle historique dans l’histoire et la culture de la nation,nous sommes d’accord .S’il s’agit de reconnaitre certains invariants éthiques (non spécifiquement catholiques mais que ,de fait, l’Eglise est actuellement un peu la seule à défendre), je suis également d’accord tout en étant sceptique sur cette possibilité effective…Mais s’il s’agit d’obtenir de l’Etat qu’il restreigne la liberté religieuse des autres religions ou confessions pour des motifs autres que l’ordre public,non, ce n’est pas le rôle de l’Etat et ce serait contraire à l’esprit et à la lettre de Dignitatis Humanae.

2) « Les fausses religions ne devraient pas exister ».Qu’est-ce à dire ? Qu’elles ne devraient pas exister si les hommes étaient parfaits ? Oui,sans doute mais sinon ? Que l’Etat ,s’il était parfait, devrait les interdire ?

Suliko :
Vous écrivez que
« Dignitatis Humanae écrit que le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même. Autrement dit, les Saintes Ecritures et la raison nous parlent de cette dignité. Bizarrement, il aura fallu attendre presque 20 siècles pour que l'Eglise la reconnaisse... » .
D’abord ce sont quinze siècles et pas vingt puisque,je le répète,l’Eglise a vécu 350 ans sans ce genre d’enseignement.Ensuite ça ne me parait pas bizarre du tout :l’Eglise,bien que sainte en tant que Corps mystique du Christ est sur terre composée d’hommes pécheurs qui avaient à faire vivre des institutions de la façon la plus commode possible.Baignant dans des régimes et une situation juridique théodosiennes, pourquoi donc auraient-ils eu envie de bâtir une théorie pouvant remettre en cause les avantages qui étaient les leurs même si tous les textes évangéliques pouvant plus ou moins concerner la question (sauf le « compelle intrare » ) y seraient plutôt contraires ? Pour être pontife on n’en est pas moins humain.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Fernand Poisson » ven. 05 juin 2020, 19:23

Gaudens a écrit :
ven. 05 juin 2020, 19:14
1)« Toutes les religions ne se valent pas et la religion catholique est en droit de revendiquer sa primauté. ».Que voulez-vous dire exactement ?Que l’Etat doit reconnaitre un droit spécifique à l’Eglise ? S’il s’agit d’une reconnaissance de son rôle historique dans l’histoire et la culture de la nation,nous sommes d’accord .S’il s’agit de reconnaitre certains invariants éthiques (non spécifiquement catholiques mais que ,de fait, l’Eglise est actuellement un peu la seule à défendre), je suis également d’accord tout en étant sceptique sur cette possibilité effective…Mais s’il s’agit d’obtenir de l’Etat qu’il restreigne la liberté religieuse des autres religions ou confessions pour des motifs autres que l’ordre public,non, ce n’est pas le rôle de l’Etat et ce serait contraire à l’esprit et à la lettre de Dignitatis Humanae.
Il s'agit de reconnaître le catholicisme comme étant la vraie religion et d'en promouvoir le culte.
Sur la notion d'"ordre public", regardez l'extrait du catéchisme que j'ai mis plus haut : elle n'est pas purement synonyme de "paix civile" mais comprend le respect de l'ordre moral objectif. Dans les faits, il existe certainement des situations où la liberté religieuse est contraire aux biens des âmes, et où l'État peut et doit la limiter. Mais je ne dis pas qu'il doit le faire systématiquement. Et surtout, cela ne concerne que l'État catholique (on ne voit vraiment pas sur quelle base un État non-catholique aurait le droit de limiter la liberté religieuse...).
Gaudens a écrit :
ven. 05 juin 2020, 19:14
2) « Les fausses religions ne devraient pas exister ».Qu’est-ce à dire ? Qu’elles ne devraient pas exister si les hommes étaient parfaits ? Oui,sans doute mais sinon ? Que l’Etat ,s’il était parfait, devrait les interdire ?
Première solution ! Elles n'existeraient pas si les hommes étaient parfaits.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Suliko » ven. 05 juin 2020, 21:41

Bonjour,
Quelle différence faites-vous entre cette tolérance "traditionnelle" et la liberté religieuse ?
C'est le cœur de la question, que je me suis efforcée d'expliciter dans ce fil. Apparemment en vain... La liberté religieuse de DH est vue comme un droit de l'homme, au même titre que le droit à la vie, à la propriété privée, etc... Pratiquer publiquement la religion que l'on considère juste serait donc en soi un droit intrinsèque à la nature humaine, que le pouvoir temporel devrait donc reconnaître sous peine de mal agir. Cela n'a jamais été la vision de l'Eglise. La tolérance n'établit pas un droit. Elle est une réponse pragmatique à une situation donnée. Je crois qu'en somme, Gaudens a bien compris la théorie libérale, que son message précédent exprime correctement. Et comme il l'avoue lui-même à demi-mot, une fois la vraie religion privée de sa place éminente dans la société, il devient de fait impossible de faire pleinement respecter ne serait-ce que la simple loi naturelle. Là encore, il me semble que Léon XIII avait bien saisi les dangers d'une telle vision moderne :
Ce système d'athéisme pratique devait nécessairement jeter, et de fait a jeté une perturbation profonde dans le domaine de la morale ; car, ainsi que l'ont entrevu les sages les plus fameux de l'antiquité païenne, la religion est le fondement principal de la justice et de la vertu. Quand on rompt les liens qui unissent l'homme à Dieu, législateur souverain et juge universel, il ne reste plus qu'un fantôme de morale : morale purement civile, ou, comme on l'appelle, indépendante, qui faisant abstraction de toute raison éternelle et des lois divines, nous entraîne inévitablement et par une pente fatale à cette conséquence dernière d'assigner l'homme à l'homme comme sa propre loi. Incapable dès lors de s'élever sur les ailes de l'espérance chrétienne jusque vers les biens supérieurs, cet homme ne cherche plus qu'un aliment matériel dans l'ensemble des jouissances et des commodités de la vie; en lui s'allument la soif des plaisirs, la cupidité des richesses, l'âpre désir des gains rapides et sans mesure, doive la justice en souffrir; en lui s'enflamment en même temps toutes les ambitions et je ne sais quelle avidité fiévreuse et frénétique de les satisfaire, même d'une manière illégitime; en lui enfin s'établissent en maîtres le mépris des lois et de l'autorité publique et une licence de mœurs qui, en devenant générale, entraîne avec soi un véritable déclin de la société.
J'ai un certain temps eu la naïveté de penser qu'il était possible dans la pratique de dissocier la morale naturelle de la morale chrétienne, mais ce n'est pas le cas. L'être humain étant aveuglé par le péché originel, ôtez-lui le soutien du christianisme et sa conception de la morale subira une pente funeste. C'est exactement ce qui s'est passé en Occident. Alors qu'autrefois, il pouvait y avoir des anticléricaux partageant peu ou proue la morale catholique, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Ordre public compris, non dans un sens positiviste et utilitariste, mais dans un sens chrétien, comprenant les normes morales objectives, comme il appert dans DH elle-même et dans l'extrait du Catéchisme cité plus haut.
A partir du moment où vous enlevez au pouvoir civil son caractère explicitement catholique, vous aurez beau rappelez la vérité et les exigences catholiques, elles resteront grandement lettres mortes, puisque vous avez permis aux institutions de s'émanciper de leurs bases religieuses.
L'Église avant le Bienheureux Pie IX n'enseignait pas qu'il existe une ignorance invincible dispensant de l'appartenance visible à l'Église. Quanto conficiamur moerore écrit que ceux qui se trouvent dans une situation d’ignorance invincible concernant notre très sainte religion, lorsqu'ils observent avec sincérité la loi naturelle et ses préceptes que Dieu inscrit sur tous les cœurs, prêts à obéir à Dieu, vivent des vies honnêtes et ont la possibilité d’atteindre la vie éternelle par la vertu des lumières de la grâce divine. Pie IX présente cela comme évident. Bizarrement il a fallu attendre presque 19 siècles pour que l'Église le reconnaisse...
Il faudrait prouver qu'une telle notion n'existait pas avant Pie IX, ce dont je doute fort. Il faudrait également que dans le passé, l'Eglise se soit prononcée contre cet enseignement sur l'ignorance invincible, ce qui n'est à ma connaissance pas le cas, d'autant plus que la notion d'ignorance non coupable existait déjà depuis longtemps. Sans oublier qu'il ne suffit pas d'ignorer invinciblement la Révélation chrétienne pour être sauvé (mais on sort de notre sujet).
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Fernand Poisson » ven. 05 juin 2020, 22:11

Bonjour,
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 21:41
C'est le cœur de la question, que je me suis efforcée d'expliciter dans ce fil. Apparemment en vain... La liberté religieuse de DH est vue comme un droit de l'homme, au même titre que le droit à la vie, à la propriété privée, etc... Pratiquer publiquement la religion que l'on considère juste serait donc en soi un droit intrinsèque à la nature humaine, que le pouvoir temporel devrait donc reconnaître sous peine de mal agir.
Ce n'est pas un droit positif au même titre que le droit à la vie, la propriété privée.
C'est un droit de ne pas être empêché dans son erreur, un droit négatif.
Vous vous plaignez de ne pas vous faire comprendre, mais j'ai l'impression de tenir compte de vos arguments alors que vous ne faites pas cet effort. C'est la vision libérale de la liberté religieuse que vous critiquez (avec raison), pas la vision catholique de DH.
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 21:41
Cela n'a jamais été la vision de l'Eglise. La tolérance n'établit pas un droit. Elle est une réponse pragmatique à une situation donnée.
Je vous répondais par rapport à la lettre de saint Grégoire, où la tolérance apparaît plutôt comme une règle générale que comme "une réponse pragmatique à une situation donnée".
Si dans certaines situations, l'homme n'a pas le droit de ne pas tolérer, alors on peut en déduire logiquement qu'il y a un droit à la tolérance dans certaines limites.
Cela ne change rien à toutes les choses très justes que dit Léon XIII.

Voir encore ce rapport oral de la Commission de rédaction de DH, signalé par le père Valuet :

Certains Pères affirment que la Déclaration ne montre pas suffisamment comment notre doctrine ne s’oppose pas aux documents ecclésiastiques jusqu’à Léon XIII. […] il faut affirmer ce qui suit : alors que les documents pontificaux jusqu’à Léon XIII insistaient davantage sur les devoirs moraux de la puissance publique (« potestatis publicæ ») vis-à-vis de la vraie religion, les derniers souverains pontifes, en conservant cette doctrine, la complètent en mettant en lumière un autre devoir de la puissance publique (« potestatis publicæ »), à savoir de respecter en matière religieuse la dignité de la personne humaine comme un élément nécessaire du bien commun. Le texte qui vous est présenté aujourd’hui rappelle clairement les devoirs de la puissance publique (« potestatis publicæ ») vis-à-vis de la vraie religion (voir n. 1 et n. 3), ceci rend manifeste le fait que cette partie de la doctrine n’a pas été omise.
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 21:41
A partir du moment où vous enlevez au pouvoir civil son caractère explicitement catholique, vous aurez beau rappelez la vérité et les exigences catholiques, elles resteront grandement lettres mortes, puisque vous avez permis aux institutions de s'émanciper de leurs bases religieuses.
Oui. Le pouvoir civil doit être explicitement catholique, dans la mesure du possible. Ce n'est pas incompatible avec la liberté religieuse.
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 21:41
Il faudrait prouver qu'une telle notion n'existait pas avant Pie IX, ce dont je doute fort. Il faudrait également que dans le passé, l'Eglise se soit prononcée contre cet enseignement sur l'ignorance invincible, ce qui n'est à ma connaissance pas le cas, d'autant plus que la notion d'ignorance non coupable existait déjà depuis longtemps. Sans oublier qu'il ne suffit pas d'ignorer invinciblement la Révélation chrétienne pour être sauvé (mais on sort de notre sujet).
1) Saint Thomas parle de l'ignorance invincible, mais à ma connaissance il n'envisage pas qu'elle puisse dispenser de la foi explicite. Dante s'est également inquiété de cette affaire. La notion a certainement été progressivement élaborée (celle de liberté religieuse aussi) : elle n'en est pas moins apparue tardivement. Mais à ma connaissance, elle n'apparaît dans les textes du Magistère qu'avec Pie IX.
2) L'Église ne s'est pas prononcée directement contre l'ignorance invincible (tout comme elle ne s'est pas prononcée directement contre la liberté religieuse telle que défendue par DH) mais on pourrait facilement alléguer les textes qui excluent tout infidèle du salut pour en tirer le même genre de conclusion.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Cinci » ven. 05 juin 2020, 23:38

Prodigal,


Prodigal :

on ne peut pas tout lire en même temps, et il faut choisir, sinon j'ai peur que le poisson ne soit noyé sous l'avalanche des textes. Je sais bien que tous ces textes que vous citez existent, et que chacun mériterait une analyse.
On ne peut pas tout lire en même temps ? Non pas, certes. Et puis - remarquez - je ne vous ai jamais demandé non plus de lire des dizaines de volumes. Je répondais à votre question. Vous m'aviez demandé des éléments de Grégoire XVI, Pie IX (ou autres) qui pourraient s'opposer à des affirmations d'aujourd'hui.

Trois petites choses cependant, pour ne pas laisser sans réponse vos envois, qui méritent au contraire l'attention.

1) Le Syllabus (par exemple) et les textes officiels parus depuis le concile s'opposent, évidemment. Mais la question est de savoir s'ils se contredisent. Quelle différence? Ils s'opposent du point de vue de la sensibilité, de l'idéologie, et du contexte qui les a amenés à être produits. Mais si l'on fait abstraction de cela pour ne garder que le contenu doctrinal auquel tout catholique doit adhésion, je dis qu'il n'est pas du tout évident qu'ils se contredisent, puisqu'ils ne parlent pas de la même chose.
Pour s'opposer, ils s'opposent.

Ah ! mais c'est qu'ils ne parleraient pas de la même chose. Et, ainsi, la contradiction ne serait qu'apparente. O.K. c'est ce que vous penseriez. Ce serait votre idée, celle de Ferdinand Poisson peut-être, assurément celle d'un Archidiacre comme dans ses vidéos. C'est un point de vue bien sûr.

Il faudrait quand même en être bien convaincu.

Je regarde les divers documents, interventions de nos évêques, politique suivie par l'Église dans tel ou tel dossier d'actualité. (et donc une occasion d'application des nouveaux principes ...), - plus je regarde; dis-je -, et moins je pourrais sentir cette prétendue "absence de contradiction réelle", Prodigal. Tout me donnerait l'impression du contraire.

J'imagine très mal nos évêques des années 1920 ou 1930 soutenant des politiques comme celles de nos évêques actuels. Et pour moi cette divergence ne pourrait tenir au fait que les uns et les autres ne s'enracineront pas dans des principes semblables.

2) Grégoire XVI dit en effet une ânerie sans nom, sauf le respect que je lui dois, ou bien, autre hypothèse plus charitable et que je retiendrai, ce n'est pas de la liberté de conscience au sens strict qu'il parle, mais d'un prétendu droit à soutenir n'importe quelle opinion. A propos de quoi ce qu'il dit prend sens, en effet.
Pas une liberté de conscience au sens strict, chez Grégoire XVI ? Faudrait voir.

Mon idée c'est qu'il avait en tête des idées pourtant jugées sérieuses aujourd'hui. Je ne crois pas que l'épithète de "délire' chez lui aurait dû se limiter à évoquer ceux qui croiraient la lune faite en fromage.

Le "délire" pouvait être aussi bien les systèmes socialisants (pas nécessairement utopiques), l'égalité des sexes, le divorce, le contrôle des naissances, etc. Je pense que Grégoire XVI n'aurait pas admis que dans un État catholique, d'autres religions ou groupes philanthropiques de pensées auraient pu avoir pignon sur rue au même tête que l'Église catholique, et pour y promouvoir librement des idées du genre de ce que je viens de dire.

Songez que Luther se sera réclamé de sa liberté de conscience à l'époque. puis l'Église l'a condamné quand même. Oui, il était libre (au sens du libre-arbitre; comme je suis libre de me jeter en bas d'un avion volant à 10 000 mètres d'altitude) de verser dans l'hérésie, et l'Église libre de condamner son affirmation et même de lui faire subir une certaine pénalité.

Mais, pour Grégoire XVI, je vous accorde que le point mériterait d'être étayé. Il faudrait une démonstration sourcée de ce qu'il pensait très exactement.

3) Je ne vois pas de raison d'accréditer votre interprétation de la liberté religieuse selon Dignitatis Humanae, qui me paraît tendancieuse. Mais il faudrait évidemment lever certaines ambiguïtés.
Je ne sais pas trop ce que vous avez vu ou cru voir.

Je reprends l'exemple de la secte. Pour dire, comme Suliko, que la liberté religieuse implique la liberté des sectes, il faut, c'est logique, considérer que religion et secte c'est la même chose. Or, justement, ce n'est pas la même chose.
:?:

L'appréciation du caractère "secte" entre tout de même sur le terrain de la subjectivité bien souvent. Et puis, de toute manière, la liberté religieuse dont il est question dans Dignitatis Humanae renvoie à celle des individus en premier. Il ne s'agit pas de garantir la liberté des religions seulement, ni des grandes religions uniquement ni des seules religions jugées sérieuses (par qui ?) Dans la pensée libérale, on accorde le droite de penser et croire ce que l'on veut à un individu, de même que le droit de se regrouper entre personnes croyant les mêmes choses (nonobstant le fait de perturber l'ordre publique).

Mais voici la difficulté : chaque aspect de la question en entraîne un autre, qui contient la matière d'une très longue discussion. Il faudrait choisir le point précis dont nous voulons parler. A défaut, j'essaie de dire de mon mieux pourquoi selon moi rien ne nous oblige à dire qu'il faut choisir entre l'Eglise d'hier et celle d'aujourd'hui, même si, bien sûr, un travail critique est nécessaire.
Je comprend. Cette posture de principe du non choix, comme la vôtre, fut toujours la mienne jusqu'à il n'y pas si longtemps, Prodigal. Parce que bon public, pas tellement d'un naturel soupçonneux, pas très porté à imaginer le pire, encore moins s'agissant de la tête de l'Église, je ne me penchais pas trop sur ces anciens documents d'Église. Et le comportement global de nos évêques me semblait bien normal.

Sauf qu'à y regarder de plus près, je réalise à quel point nos chefs sont moulus par la pensée libérale.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Cinci » sam. 06 juin 2020, 0:33

Cinci :vous êtes en passe de contourner et dépasser Altior et Suliko en en rajoutant dans l’intransigeantisme (pour ne pas employer un autre nom) :


Gaudens.

Vous me riposter:
« Qui aura jamais parlé d'un tel besoin de réaliser l'unité entre des catholiques et des chrétiens dissidents (négateurs des dogmes de l'Église) ». (Cinci)

Ce n’est pas du tout le sujet de ce fil mais je tiens rappeler à nouveau que c’est le Christ Lui même qui n’a pas introduit de limite ecclésiale quand Il demandait au Père »Qu’ils soient uns comme Nous sommes Un ».Et l’expression sans nunance « négateurs des dogmes de l’Eglise » met tout le monde dans le même sac ,ce qui n’est pas acceptable.
Vous n'y êtes pas.

Je maintiens que personne n'aura jamais parlé de faire en sorte que les catholiques aillent tenter de faire l'unité avec des hérétiques sans demander au préalable la conversion des hérétiques à la foi de l'Église. Je disais cela à raison de la phrase défectueuse trouvée par moi dans Gaudium et Spes. Dans le texte du document conciliaire (numéro 92, 3), on y suggère qu'il existerait déjà un lien de charité entre catholiques et "frères séparés". Or c'est ce que je vous disais : il n'existe pas un tel lien "ecclésialement parlant" entre catholiques et luthétriens, anglicans, évangéliques, etc.

Dans l'Église catholique, théologiquement parlant : les mots ont du sens. Quand on parle du lien de charité, on parle des membres vivants (état de grâce) de l'Église catholique, comme ceux ayant reçu le même baptême, pour participer de la même foi et prenant part à la même unité de direction ("sub uno"; obéissant au même chef). Il y a ce lien de charité entre les évêques catholiques qui ont le pape comme chef à leur tête. On ne dit pas qu'il existe un tel lien de charité entre le pape et le Dalaï-lama. Il ne s'agit pas d'une affaire de bons sentiments.

Les protestant sont protestants parce qu'ils continuent de nier un ou plusieurs dogmes le plus souvent. Ce ne serait pas le cas, ils seraient catholiques romains. Vous n'êtes pas d'accord ?

Si vous ne croyez pas ce que je dis, allez lire Léon XIII. Je disais que le cardinal Journet faisait remarquer (je l'ai lu) que le propre du schisme ou des hérésies était de briser ce lien de charité. Normal.

Ce petit passage de Gaudium et Spes, mine de rien, se trouve en parfaite contradiction avec les propos magistériels qu'un Léon XIII pouvait tenir en son temps. Cette contradiction, je l'ai trouvé tout seul. Non pas en écumant avec gourmandise des sites sédévacantistes.

Cinci
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Re: Relations Église-État

Message non lu par Cinci » sam. 06 juin 2020, 3:10

Un lien intéressant ... pour vous inonder un peu plus.

:)



Le schéma préparatoire de Vatican II du cardinal Ottaviani à la tête de Saint Office


N.B. Le schéma doctrinal présenté par le cardinal Ottaviani, comportait dans sa version originale latine sept pages de texte et seize pages de références, allant de Pie VI (1790) à Jean XXIII (1959). Il fut écarté, dès la première session du Concile, au profit du schéma rédigé par le Secrétariat pour l’unité des chrétiens sous la direction du cardinal Bea. Ce dernier schéma, qui se voulait pastoral, s’étendait sur quatorze pages, sans aucune référence au magistère qui a précédé.

Le schéma Ottaviani ne jouit pas d’une autorité magistérielle, mais il représente l’état de la doctrine catholique sur la question à la veille de Vatican II et exprime substantiellement la doctrine que le Concile aurait dû proposer s’il n’avait pas été détourné de sa fin par le coup d’État de ceux qui en ont fait les " États généraux du peuple de Dieu " , un second 1789 ! Ajoutons enfin que le Concile aurait pu apporter à cet exposé toutes précisions ou améliorations utiles.

Nous avons omis les nombreuses notes que comportait ce document. Si l’on veut en prendre connaissance, qu’on se reporte au texte latin original.
1. Principe : Distinction entre l’Église et la société civile, et subordination du but de la cité au but de l’Église


L’homme, destiné par Dieu à une fin surnaturelle, a besoin et de l’Église et de la Société civile pour atteindre sa pleine perfection. La Société civile, à qui l’homme appartient de par son caractère social, doit veiller aux biens terrestres et faire en sorte que, sur cette terre, les citoyens puissent mener une " vie calme et paisible " (cf. I Tim. 2, 2) ; l’Église, à qui l’homme doit s’incorporer de par sa vocation surnaturelle, a été fondée par Dieu pour que, s’étendant toujours de plus en plus, elle conduise ses fidèles, par sa doctrine, ses sacrements, sa prière et ses lois, à leur fin éternelle.

[...]

Cependant, comme ces deux sociétés exercent leur pouvoir sur les mêmes personnes et souvent à propos d’un même objet, elles ne peuvent s’ignorer l’une l’autre ; elles doivent même procéder en parfaite harmonie, afin de prospérer elles-mêmes non moins que leurs membres communs.

« ...le pouvoir civil peut, de lui-même, régler et modérer les manifestations publiques d’autres cultes et défendre ses citoyens contre la diffusion de fausses doctrines qui, au jugement de l’Église, mettent en danger leur salut éternel. »


Le Saint Concile, dans l’intention d’enseigner quelles relations doivent exister entre ces deux pouvoirs, d’après la nature de chacun d’eux, déclare en tout premier lieu la ferme obligation de tenir que tant l’Église que la Société civile ont été instituées pour l’utilité de l’homme ; que la félicité temporelle, confiée au soin du Pouvoir civil, ne vaut rien toutefois pour l’homme s’il vient à perdre son âme (cf. Mt. 16, 26 ; Mc. 8, 36 ; Lc 9, 25). Que, par conséquent, la fin de la société civile ne doit jamais être recherchée en excluant ou en lésant la fin ultime, à savoir le salut éternel.


http://www.tradition-quebec.ca/2018/01/ ... at-et.html

Tout le document est intéressant et aussi le point numéro 7 cf. application dans une cité non-catholique.

cmoi
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Re: Relations Église-État

Message non lu par cmoi » sam. 06 juin 2020, 5:36

Cependant, ce sera toujours bien différent de souffrir la pratique de fausses religions plutôt que de déclarer qu'il s'agit d'une liberté fondamentale.
Je voudrais juste ici rebondit sur cette opposition par rapport à l'idée de souffrance et au -delà de son sens, et sachant que liberté fondamentale ne veut pas dire libéralisme, comme d'autres l'ont rappelé..
Respecter cette liberté fondamentale n'exclut nullement qu'il y ait souffrance, au contraire elle est même plus grande que celle qui consiste à tolérer, concéder, et qui suppose plus une forme de distanciation, de hauteur, d'indifférence, voire de mépris et d'orgueil (en tout cas il y a de nombreuses tentations pour "le coeur" dans cette façon de considérer les choses).
C'est une vraie croix à porter dont je ne suis pas certain que dans l'autre cas on ne s'en débarrasse pas en la faisant porter par "l'honneur du Christ".

Respecter la liberté de l'autre ne veut pas dire qu'on ne souffre pas de le voir détourné de l'appel du Christ. C'est une souffrance de charité qui implore, qui se désole, qui souffre vraiment de façon brute et violente, en lieu et place de l'autre, sans égoïsme ni protection, d'une grande compassion. Il y a une sorte de mur de dressé devant nous dont nous ne rendons pas l'autre responsable et qu'il nous coûte de chercher à gravir ou abattre. Nous sommes en plein déjà dans la démarche de tentative de conversion, dans le respect de la liberté de l'autre et de son intelligence à éclairer, dans l'approfondissement du mystère d'iniquité dont l'autre est une victime à priori (c'est un devoir de charité que de le voir ainsi, car l'idée que chacun a sa chance de conversion, ne pourrait-elle lui venir de ce qu'on le connaît "maintenant" !) innocente.

Il ne s'agit pas d'une résignation, d'une lâcheté ou d'un abandon, qui me semblent plus appartenir à ceux qui "tolèrent" mais qui en fait ne veulent pas reconnaître les droits des autres, sous le prétexte d e ceux de Dieu : les a-t-il expressément exprimés ainsi en nous demandant de porter sa bonne nouvelle ?
C'est beaucoup moins flagrant et il faut en être convaincu (par quoi et surtout, pourquoi ?), et il sera difficile de franchir le mur que cette fois nous dressons nous-même. On parle de paix sociale (c'est aussi le propos, autant sinon plus que dans la "liberté religieuse" sauf qu'on en impose sa forme au nom de Dieu : nous l'a-t-il demandé ?) de droit Divin, etc...Mais l'ignorance invincible ne pourrait-elle avoir pour cause cette "oppression" qui peut prendre des formes injuste aux yeux de quelqu'un qui ne considère pas notre culte comme nous, forcément sinon il serait catholique !

Qu'est-ce qui rend l'ignorance invincible sinon nos fautes, nos péchés, nos témoignages qui sont à l'opposé du message et de l'exigence du Christ !!

Au tout début de la rupture, quand certains espéraient encore qu'il n'y en aurait pas, ils parlaient d'une simple différence de sensibilité : elle existe bien !!! Et elle se situe au coeur de notre attitude et donc interpelle la qualité de notre foi.

On pourra penser qu'ici je fais un procès d'intention, mais je dirai plus que j'en évite un, et puis ensuite c'est à chacun d'analyser sa conscience !
Si ce droit fondamental existe bien, et c'est à chacun d'y apporter sa réponse, peu importe depuis quand l'histoire et l'Eglise en parlent et l'intègrent dans un enseignement officiel explicite, et quand bien même il n'exclut pas celui de Dieu (le fait d'être des serviteurs inutiles nous interdit certains zèles intempestifs, comme ceux qui voulurent envoyer le feu du ciel sur une ville qui refusait à Jésus son séjour) il fait partie du contexte de conversion, d'apostolat, de la mission reçue, et en tant que tel doit être respecté comme une de ses conditions sacrées.

Quitte à nous conduire au martyr ! L'Eglise a reconnu que c'était une vie féconde, que je sache... Aussi paradoxal que cela soit !

Que l'Eglise cherche à être plus sainte qu'auparavant, c'est une très bonne chose...

Par l'oppression de celui qui ne partage pas notre foi, sa réduction au silence, ne cherchons-nous pas à fuir nos doutes, le risque pour nous de nous affadir, ne nous servons-nous pas de lui ? N'exprimons-nous pas notre faiblesse invincible plus qu'une force, et que nous cherchons à juguler ainsi ? Etc.

Pensez-vous que ce soit pour rien si les premières paroles de Jean-Paul II furent : "n'ayez pas peur !"
Et si elles eurent un tel écho...

cmoi
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Re: Relations Église-État

Message non lu par cmoi » sam. 06 juin 2020, 8:06

Depuis plusieurs échanges, il est question d'un "lien de charité".
Il me semble que l'expression est impropre, il s'agit d'un lien de communion (des saints).
Car le lien (et le devoir) de charité existe avec tout homme vivant , comme l'illustre la parabole du bon samaritain.

Dés lors que l'on reconnaît l'appellation de communion et ce à quoi elle se rapporte, aux saints, une question se pose :
retrouverons-nous dans l'Eglise triomphante ces personnes ?
Si la réponse peut être oui, et si nous ne voulons pas être coupés de cette église qui seule subsistera (je pose ce principe de volonté par principe, car la réponse est téléguidée*) nous savons ce qu'il nous reste à faire et comment nous devons penser.

Je me demande si la réponse qui peut être oui, n'est pas elle-même aussi téléguidée; mais je n'y suis pour rien, je ne fais que reconstituer un raisonnement logique...
Tel qu'en aurait pu faire un le Christ, pour nous enseigner.

Me tromperais-je ? En quel endroit serait mon erreur ?

* Si mon téléguidage est défaillant, je substituerai manuellement à ma parenthèse celle-ci : (Et ne la - l'église triomphante - rejoindre alors que par un effet de grâce accru de la part de notre juge ( dont il serait présomptueux de présumer l'interface active à ce moment précis), car qui n'est pas avec lui ou le moindre de *ses élus, est contre lui...)

*ajouté après

:nule: Il n'est jamais très bon d'être "repêché" à un examen, cela ne présage pas d'avoir ensuite un bon classement... :coeur:
Dernière modification par cmoi le sam. 06 juin 2020, 9:14, modifié 2 fois.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par prodigal » sam. 06 juin 2020, 8:45

Cinci a écrit :
ven. 05 juin 2020, 23:38
Je comprend. Cette posture de principe du non choix, comme la vôtre, fut toujours la mienne jusqu'à il n'y pas si longtemps, Prodigal. Parce que bon public, pas tellement d'un naturel soupçonneux, pas très porté à imaginer le pire, encore moins s'agissant de la tête de l'Église, je ne me penchais pas trop sur ces anciens documents d'Église. Et le comportement global de nos évêques me semblait bien normal.
Sauf qu'à y regarder de plus près, je réalise à quel point nos chefs sont moulus par la pensée libérale.
Cher cinci,
il y aurait beaucoup de choses à dire à nouveau, mais je choisis d'isoler cette partie de votre message, car cela devrait aider à faire comprendre mon point de vue.
Tout d'abord je n'ai pas de relations parmi les autorités ecclésiastiques, j'ignore donc jusqu'où va leur goût supposé pour le libéralisme.
J'ai cependant un sentiment, qui est je crois très proche du vôtre. Si vous me dites qu'il y aurait beaucoup à redire, je vous crois. Cela dit, j'ignore à quelle époque le haut clergé était-il pieux, dévoué et profond!
Car la question n'est pas là. La question n'est pas de juger x ou y. La question est de savoir ce que doit penser un chrétien "non dissident", comme je l'ai appelé. Il n'y a aucune contradiction à supposer qu'un chrétien non dissident soit méfiant quant à la piété de ses supérieurs. Un chrétien non dissident reconnaît les faits, donc, par exemple, admet qu'il y a de la pédophilie dans l'Eglise. Pour autant, il ne l'approuve pas!
Bien entendu, je reconnais que c'est gênant d'avoir des doutes sur la foi de ses supérieurs. Vous n'imaginez pas à quel point je trouve cela gênant. Mais cela ne change rien quant à la doctrine elle-même, et la liberté religieuse en fait partie.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Relations Église-État

Message non lu par cmoi » sam. 06 juin 2020, 10:43

Cher Gaudens… (avec retard…)
Mais en matière religieuse il me semble qu'il n'y a pas d'affirmation d'une telle continuité sinon tout finirait par ressortir de l'infaillibilité, par capillarité en quelque sorte.
C’est bien pourquoi je m’étais interrogé sur la pertinence de ce dogme de l’infaillibilité et si ce n’était pas se tirer une balle dans le pied, car avant que ce dogme n’existe, l’autorité du pape, des conciles, de l’Eglise, était plus forte et respectée (je parle en son sein, je ne parle pas de l’attiédissement général – encore que… qu’en sait-on ? - ni de la chute du nombre)…
Si ce dogme n’est pas en jeu dans certains actes (au sens juridique) il n’en reste pas moins qu’il existe un principe d’obéissance qui là s’adresse à l’intelligence et au cœur, et qu’à défaut d’y trouver trace de péché plus que d’erreur (car il y a des alternatives dans la vérité, ne serait-ce qu’en raison du temps et de l’espace), et à moins d’obtenir une dispense ou une « correction », une reformulation différente, nous sommes tenus d’y consentir !
Ce n’est peut-être pas du ressort de l’infaillibilité, mais cela revient au même !
Rappelez-vous l’ace de foi : «…ni vous tromper ni nous tromper.. »

Vous dites que c’est un hors sujet, je n’en suis pas si sûr. Il fut une époque où le sujet à cause de cela n’aurait même pas existé... Et le plus étrange c’est qu’elle est portée aux nues par ceux qui en profitent pour porter cette contestation. Je gage que s’ils gagnaient, il n’y en aurait plus de possible !
Bizarre : vous avez dit « bizarre »… ?

La question de l’unité des chrétiens serait aussi un hors sujet, mais au même titre qu’ici c’est un préalable, et selon la façon dont chacun se positionne à leur égard, se déduit sa position sur ce qui fait ici sujet, presque automatiquement !

C’est à se demander s’il est utile de le traiter en tant que tel… Ce qui semble presque refusé. !

Pour complément (aussi à ce que j’en écrivais à Cinci), l’adage « qui ne dit mot consent » oblige les papes à intervenir face à certains courants de pensée. Ainsi, les propositions que condamne Syllabus, concernent la façon dont à son époque ces mots traduisaient une pensée qui aujourd’hui ne serait pas la même ou avec d’autres connotations sur les mêmes mots. Or quand nos mots seront recouverts du sceau de l’infaillibilité, on y fait très attention, on les pèse. Pas forcément sinon, ce qui prête à plus d’imprécisions possibles, de sous-entendus non exprimés, etc.

Ceci étant dit, mettons un peu de légèreté dans un monde de brutes : votre contribution est en tout point remarquable dans sa forme (à part une coquille sur « vraiment »…) et a dû faire se réjouir Fée Violine si elle est passée par là…
Vous tenez votre promesse haut la main !

Cinci
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Re: Relations Église-État

Message non lu par Cinci » sam. 06 juin 2020, 14:16

Bonjours
Cmoi :

Depuis plusieurs échanges, il est question d'un "lien de charité".
Il me semble que l'expression est impropre, il s'agit d'un lien de communion (des saints).
Car le lien (et le devoir) de charité existe avec tout homme vivant , comme l'illustre la parabole du bon samaritain
Le lien de charité fait renvoi à ces ligaments qui vont souder les membres entre eux et pour former un seul corps et soumis à une seule tête, comme dans l'analogie de saint Paul. "Une seule chaire ..."; ou comme dans la comparaison du lien entre le Christ et son Église, le mari et sa femme. C'est le lien proprement ecclésial.

Si vous voulez parler du devoir des chrétiens envers tout homme vivant, n'importe quel homme et même les ennemis : il faudra parler plutôt d'un lien d'amitié. Le devoir du chrétien serait de s'efforcer de vivre en paix avec tout le monde, autant qu'il est possible de l'être et à tout le moins quant à cette part qui pourrait dépendre de nous.

Mais ...

Quand vous vous efforceriez d'agir comme un ami envers un ennemi (et un ennemi de l'Église admettons), que ce dernier puisse réagir plutôt favorablement à votre entreprise amicale, il ne s'ensuivra pas pour autant que l'ennemi de l'Église devra être tenu lui-même ipso facto tel un membre déjà entré dans ce lien de charité qui devrait le souder avec le corps du Christ; nous en faire dores et déjà un membre participant de la communion des saints, etc. Non ! Il ne faut pas exagérer.

Je veux dire qu'il existe une nuance importante entre le fait d'être dans l'Église ou en dehors de l'Église. C'est une nuance importante qui se trouve comme largement effacée dans le texte de Gaudium et Spes, et du fait même de l'emploi d'un terme (charité) qui aura toujours servi à autre chose dans l'Église catholique que ce dont on veut l'employer dans le document conciliaire (cf. le seul fait que quelqu'un puisse s'afficher comme ayant le même Père des cieux que les catholiques ).

La remarque que je fais ne ressort par de l'affabulation. D'ailleurs, il suffit de voir comment ces dernières années la chaîne KTO présentera Luther (KTO ou le Vatican peu importe), mais alors tel un vrai frère, un véritable chrétien, un authentique témoin de la foi, etc. Ce genre de présentation peut découler sans doute d'une sorte de fidélité à l'esprit du texte de Gaudium et Spes certes ! Mais l'on ne pourrait pas faire croire à quelqu'un qu'une présentation de ce genre serait conforme à la pensée des anciens papes.
Dernière modification par Cinci le sam. 06 juin 2020, 15:59, modifié 1 fois.

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