la justice suédoise vient de condamner les 3 fondateurs et un investisseur du site thepiratebay.org à un an de prison et 30 millions de couronnes (2,7 millions d'€) de dommages-intérêts à l'industrie de la culture pour avoir facilité la mise à disposition de contenu en infraction aux droits d'auteur. Pour info la partie civile, constituée des majors plaignants, en réclamait 133 millions. Les quatre accusés on annoncé vouloir faire appel de la décision.
Créé en 2003 en Suède The Pirate Bay référence des fichiers "torrent" qui permettent de télécharger des fichiers sur les réseaux de partage de fichiers de poste à poste. Il héberge le plus gros tracker (liste des fichiers "torrent") au monde, ce qui en fait la cible de l'industrie de la culture.
Rapide historique des tracasseries judiciaires de The Pirate Bay :
- 31 mai 2006 : 50 policiers, sur ordre du ministère de la justice, saisissent les serveurs de The Pirate Bay, ainsi que d'autres serveurs, coupant l'accès à 300 sites qui n'avaient rien à voir avec eux. Les trois fondateurs du site sont arrêtés, interrogés, puis relâchés dans la soirée. L'affaire a fait grand bruit : la télévision suédoise a montré que la Motion Pictures Association, association de défense des
Par chance pour The Pirate Bay des fuites avaient informé les administrateurs de la descente de police, ce qui leur a laissé le temps de faire des sauvegardes.
- 2 juin 2006 : The Pirate Bay réouvre sur des serveurs hébergés cette fois aux pays-bas.
- 14 juin 2006 : les serveurs retournent en Suède. Aucune raison n'est avancée. Pression du ministère de la justice néerlandais ?
- 21 septembre 2007 : à la suite de la publication des communications de la société Media Defender, payée par les majors de l'industrie culturelle pour provoquer des dénis de service* des sites tels que The Pirate Bay ou pour infester ses trackers de fichiers bidon, The Pirate Bay annonce son intention de porter plainte contre les auteurs de tels agissements et leurs commanditaires.
- 31 janvier 2008 : un procureur suédois décide de poursuivre les quatre administrateurs du site à qui il est reproché d'avoir permis la copie d'une vingtaine d'album de musique, de films et de jeux vidéos.
- 12 août 2008 : un procureur italien a ordonné le blocage du nom de domaine et des adresses ip du site. Les administrateurs réagissent immédiatement notamment en changeant les ip. La décision du procureur a cependant très vite été cassée.
Le procès lui-même :
Il s'est déroulé du 16 février au 4 mars 2009. Les accusés avaient demandé à ce que le procès soit retransmis par vidéo, ce qui est permis en Suède. Il n'ont obtenu que le son, mais pas l'image. Toute la procédure pouvait être suivie sur internet sur le site http://trial.thepiratebay.org/.
Le procureur les poursuivait pour mise à disposition illégale de contenu protégé par le droit d'auteur. Une seule journée de débat a suffi à démontrer que le procureur ne connaissait pas grand chose à l'informatique et à faire tomber la moitié des charges et à requalifier l'accusation en facilitation de la mise à disposition illégale de contenu protégé par le droit d'auteur.
Hélas les charges restantes ont quand même suffi à faire condamner les quatre accusés à 1 an de prison (le maximum encouru). Mais ils ont déjà prévu de faire appel.
La portée de cette décision :
on ne peut pas en dire grand chose, puisque tant que l'appel reste ouvert le jugement n'est pas passé en force de chose jugée et rien n'est joué. Sur la question de savoir si ce jugement fait le procès de la technologie du partage de fichier de poste à poste je ne me prononcerai guère, n'ayant pas l'arrêt sous les yeux. Mais si les poursuites aboutissaient à une condamnation cela serait la porte ouverte à beaucoup d'autres actions dans ce genre. En outre si c'est le fait de faciliter le partage de contenu protégé qu'en est-il par exemple de google, qui lui aussi permet de trouver des fichiers torrent ? Dans la mesure où ce qui semble condamné est de faciliter la diffusion sans autorisation d'œuvres protégées, cela voudra-t-il dire que désormais les administrateurs de trackers devront "nettoyer" régulièrement leurs trackers ?
Ce qui est sûr c'est que la riposte technique à ce genre de censure, qui existe déjà, ne va certainement pas tarder à se démocratiser : cryptage des échanges, masquage des ip, trackers décentralisés, donc insensibles à la fermeture d'un site, darknet (réseau entre amis où on n'autorise l'échange de données qu'entre personnes de confiance), téléchargements directs sur des serveurs situés dans des pays plus permissifs, ...
Le jour où les majors de l'industrie culturelle en auront marre de jouer au chat et à la souris, peut-être penseront-ils enfin à revoir leur modèle économique !
Quelques ressources :
http://trial.thepiratebay.org : pour suivre le procès au jour le jour.
http://www.20minutes.fr/article/320543/ ... ndamne.php : l'info en français sur 20minutes.
http://fr.wikipedia.org/wiki/The_Pirate_Bay : l'article wikipédia, encore à l'état d'ébauche mais correctement sourcé et bien renseigné sur cette affaire.
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notes :
* déni de service : en gros un déni de service est une attaque qui consiste à saturer un site de demandes de connexions afin qu'il ne puisse plus y répondre et ça a pour effet de rendre le site en question hors-service.