Je ne trouve pas que ce soit tant que cela une facilité, mais l’exigence se pose davantage dans la liberté et surtout, il n’y a pas ce dénigrement du corps et du plaisir, cette idée que la raison doit dominer la chair (prise dans un sens exagéré qui dépasse le sens de péché et atteint le corporel tout entier) car elle lui est infiniment supérieure.
Pensez que St Augustin (un des « responsables » sinon le principal de cet excès théologique et cela se comprend vu son passé de pécheur) a pu écrire : « Quel ami de la sagesse et des saintes joies, menant la vie conjugale, mais, fidèle à la recommandation de l’apôtre : « sachant posséder son vase dans la sainteté et l’honnêteté, éloigné de la passion maladive des païens qui ignorent Dieu » (thess. 4.4.), ne préférerait, s’il lui était possible, transmettre sa vie sans cette jouissance » et fort gloser dans la même veine ! Il aoutait : « « et, dans l’accomplissement de ce devoir d’origine, commander à ses organes comme aux autres membres de son corps, destinés chacun à son office propre, par une volonté non prévenue du feu de la passion ? »
Nous en revenons donc bien toujours à cela et qui fut fort critiquable et critiqué !
Cela qui n’aurait pas eu lieu au paradis, cela qui fait qu’en copulant nous sommes moins qu’un animal puisque nous soumettons une raison qu’il n’a pas à un instinct qu’il partage (je ne déforme en rien sa pensée, développée aussi par St Thomas plus tard). Pourquoi ne l’a-t-il pas écrit à propos des autres plaisirs ? N’ont-ils pas, certes atténués, le même effet et la même fonction, aux conséquences moins nobles, tandis que la science découvre de plus en plus qu’ils nous sont non seulement utiles mais aussi nécessaires et jusqu’au développement de la raison, étroitement dépendant de celui des sens.
Pardonnez-moi, vous avez parlé de nuances, et défendu les thèses catholiques, alors je vais me montrer sévère avec elles. Car n’oublions pas que le dogme est le même pour les 2 églises, et que donc les 2 thèses pourraient appartenir à chacune, sauf qu’il sera plus difficile de faire admettre celle des cathos à un orthodoxe et pour cause ! Tandis qu’un catho pourrait adopter l’autre, ce qui est un triste avantage pour lui !
St Augustin encore : « C’est à bon droit que nous rougissons de cette passion. A bon droit aussi que les membres sur lesquels s’exerce comme son emprise pour leur imprimer des mouvements indépendants de la volonté, sont appelés honteux, ce qui n’était pas avant le péché de l’homme. »
De là certains se sentent justifiés de faire en sorte (façon d’étouffer l’hypocrisie car ils ne peuvent s’en empêcher) que ce qu’ils font soit vraiment honteux… puisque de toute façon cela le serait !
Eh bien non, ce n’est pas à bon droit, que nenni, car enfin, cette jouissance que le péché n’a pas supprimée, c’est donc bien que Dieu en nous la laissant dans sa sagesse l’a voulue et acclimatée à notre nouvelle condition, et il est fort triste de devoir rappeler une chose si simple et en défendre le prix… et j’y ajoute à présent que c’est évidemment un double plaisir, d’une part de savoir qu’il l’a éminemment voulu, d’autre part que cela en soit un.
Voilà donc un plaisir qui n’est pas un péché (certains l’ont regretté, c’est un fait !, ce serait tellement plus évident et facile et surtout juste s’ils avaient pu avouer franchement regretter de ne pas le connaître dans l’honnêteté et leur jalousie qui voudrait s’en satisfaire…), qui s’attache au geste même par lequel nous obéissons à mieux qu’un commandement : un vœu, une intention Divine, et dont ils voudraient nous faire dire que nous préférerions le voir supprimé de la création !
Ne voyez vous pas à quels sommets d’hypocrisie cela peut conduire et l’a fait ? Il suffit de regarder les scandales sexuels qui salissent aujourd’hui l’Eglise !!
Il faut être lucide et franc...
Les membres sur lesquels s’exerce l’emprise de cette passion ne sont pas à être appelés de bon droit honteux pour une raison très simple : ils ne sont par eux-mêmes nullement responsables de cette passion. S’il fallait qu’il y ait une responsabilité actuelle à porter, elle me semble plus relever de l’esprit qui n’arrive pas à contrôler la chair mais nous a mis dans cet embarras, que de la chair qui lui échappe après avoir « compris » ce qui lui était demandé.
Pourquoi lui prêter un esprit à cette chair, alors que nous savons bien qu’elle n’en a pas ! Et cela pour l’accuser !
Honte à eux et à leur esprit… !
Nous-mêmes n’en sommes pas plus responsables et ils semblent plus regretter la privation du plaisir que cela aurait pu être (et qui l’est peut-être toujours mais cela leur échappe…), à ce titre is récusent par orgueil et bouderie ce qu’il en reste, que l’existence du plaisir dont ils se détournent comme par dégoût pour montrer que ils en savent plus que les autres, qu’ils sont au nombre des initiés (car il entre de la supercherie et donc de la magie dans leur attitude), que leur jouissance (une perversion) est meilleure qui va plus loin et vient d’un au-delà qui les a élus, choisis pour la dégustation de ses merveilles. Eux qui ne veulent pas prendre de Dieu le bonheur qu’il nous laisse, n’est-ce pas lui faire offense et comme un reproche, car cette privation volontaire n’a d’autre ambition forte que d’en gagner sans plus de mérite un plus grand… (Souvent sans les priver discrètement d’autres plaisirs moins sur la brèche, comme ceux de la table) !
N’exagérons toutefois pas le sens à donner à ce terme de honteux, comme l’ont fait tant de détracteurs à qui ils ont coupablement tendu des armes qu’ils n’auraient sinon jamais eu l’audace d’imaginer.
En cela Saint Augustin déclare ensuite :
« Il est écrit en effet : « ils étaient nus et n’en rougissaient pas » (gen, 2, 25), non que leur nudité leur fut inconnue, mais elle n’était pas encore honteuse. Le temps n’était pas encore venu où la passion mettrait en mouvement ces membres en dehors de la volonté, où la désobéissance de l’homme aurait à entendre le reproche que la chair exprime silencieusement par sa désobéissance. »
Il est donc clair, sauf pour ceux qui voulaient déjà critiquer et ne trouvaient pas d’autre prétexte, que ces mots se situent en quelque sorte au-dessus du lot qu’ils accablent, lui prêtant une symbolique supérieure qu’ils désignent comme devenue inaccessible et dont ils gardent une coupable nostalgie.
Bref, ils supposent une théorie et y référent, mais trêve de mélancolie, quand il s’agit de vivre ici et maintenant, ils n’ont plus d’autre sens que celui d’une exhortation à se souvenir !!!
Sauf que leur signification et ce point de vue dégrade l’œuvre de Dieu, Lui adresse un reproche alors que leur intention est de nous inviter à ne plus permettre de telles ou une telle rétrogradation (c’est un jeu dangereux que de jouer sur cette corde là… ! Car c’est nier ou douter de la capacité restauratrice de Dieu… Bouder presque son pardon et sa providence.)
Car le danger de la miséricorde, c’est qu’elle puisse nous faire croire sans danger ni risque nos péchés.
Là, l’auteur nous rappelle que cela n’est pas vrai, même si ce n’est que momentané ; quand c’est le moment d’en pâtir, c’est désagréable et suffisamment fort pour être regrettable.
Il nous demande en fait de penser à nous, maintenant, nous exhorte à comprendre notre intérêt, mais sur un exemple qui n’est plus d’actualité et qui ne concerne en rien (son erreur mise à part) notre vie présente.
Si nous parlions tantôt d’orgueil, ne pourrions-nous pas dire à présent : que de scrupule, d’envie et de vain remord !
Bref, il use d’une formulation « poétique » qui n’enlève rien mais au contraire exalte ces membres en ce (ceux aussi qui) qu’ils sont vivants et bénéficient et conservent cette dignité mais de façon invisible et de nous cachée.
Il y a dans leur plaisir même quelque chose de grand qui ne nous est plus accessible mais en quoi nous avons le devoir de croire si nous sommes croyants.
Eh oui !
Or ceux qui savent le goûter et qui auront su s’affranchir de ces réserves et considérations stupides, leur apprendraient (si ils pouvaient perdre un peu de leur suffisance) tous les bienfaits (fussent-ils moindres que ce qu’ils auraient pu être) même spirituels qui se retirent de ces ébats dont ils voudraient détourner notre attention et notre intérêt, par crainte qu’ils n’engloutissent notre vertu.
Or la leur est en cela une perversion intellectuelle, tandis que la nôtre s’appuie sur des faits réels. N’y aurait-il aussi pas là tentative de leur part, à travers ces thèses fumeuses, pour justifier la chasteté par un profil bas ? Pour considérer que nous ne serions pas capables d’en user saintement ?
Est-ce ainsi qu'ils souhaitent nous voir nous enfoncer dans la souffrance (qui en serait l’opposé, donc l’antidote) afin d’en ressortir lavés, purifiés par celle du Christ, comme s’il n’avait pas souhaité au contraire de parvenir à nous l’épargner !
Tout en sachant Lui qu’il nous faudrait y goûter, mais pas ainsi, pas sans une autre cause qui nous soit extérieure…
Nous avons des ennemis, inutile de le devenir à nous-mêmes, ils se chargeront bien tout seuls de cela et notre rôle au contraire est de nous renforcer pour épuiser leurs forces, et non de leur faciliter le travail !
Je suis pour ma part persuadé que leur stupidité n’a rien d’héroïque, et que c’est par crainte du mal qui pourrait leur être fait qu’ils s’en infligent un à eux-mêmes, qui sera toujours moindre. Et ils nous invitent à les imiter pour se couvrir, prétextant du moins nous rassurer et consoler ensemble de notre lâcheté et de notre sensibilité (effrayés, ils réclament pitié quand il est trop tard, tout en essayant un vaccin !).
De fait, il y a en cette dernière quelque chose d’indélébile qui nous fait considérer cette épreuve de la vie ici-bas, pour mériter le ciel, comme une injustice, et du coup nous la plagions en nous infligeant ce supplice pour que Dieu ne nous reproche pas cette idée qui ne pourrait que l’offenser, si l’immutabilité première de notre chair et qui en est la cause n’avait été sa destinée et Son projet.
Dans tous ces comportements que la peur explique, il y a en cause que par crainte de souffrir ou d’être davantage confondus, nous ne creusions pas assez la vérité et n’atteignions pas celle qui sans nous innocenter, nous réconcilierait avec le réel.
Je m’arrête là, vous vous doutez bien que je ne viens pas d’écrire cela, que je l’ai fait depuis longtemps et plus longuement, que je vous en confie des extraits. Non, les thèses des docteurs catholiques ne sont pas « clean », et si, comme je l’ai montré plus haut, elles partaient de bonnes intentions au départ, elles ouvraient les vannes à de nombreuses et graves dérives dont l’Eglise subit encore les conséquences et qui se sont avérées désastreuses.
Je viens d’en donner une très petite idée, pour ne pas « charger » la barque.
Qu’il soit clair que nous sommes ici en amont de la question de la contraception, que cela a eu une influence bien sûr sur la façon de la régler, mais que pour autant cette façon n’est pas ici en cause dans ma critique. Il faut juste être conscient de cette influence et qu’elle a pu rendre excessive ou tordre de trop ce que sera au moins sa formulation.
nicolas-p a écrit : ↑mar. 06 avr. 2021, 12:06
étant catholique romain et croyant en une église "catholique" universelle sainte, je reste sur la position de l'église catholique bien sûr.
nicolas-p a écrit : ↑mar. 06 avr. 2021, 20:26
Mais, Séduisant ou pas, je suis et resterai irrémédiablement fidèle à l'Eglise Catholique et me conformerai à sa doctrine et sa pastorale.
Je suis aussi catholique, donc je ne critique pas pour critiquer ou détruire, mais pour amender et restaurer, corriger ce qui doit l’être, et je respect tout à fait votre point de vu, à condition d’être conscient du mal qui a été fait et qui trouve son origine dans une certaine théologie qui eut pignon sur rue et qui fit beaucoup de mal, qui en fait encore...
nicolas-p a écrit : ↑mar. 06 avr. 2021, 20:26
La position des orthodoxes (dont le lien donné correspond à la réponse de cmoi) est très séduisante sur ce point précis de la contraception.
Je ne le trouve pas, je trouve qu’elle est très séduisante au contraire sur tous les autres points et je viens d’expliquer pourquoi, car elle est exempte des dérives que le catholicisme a connu.
En revanche, leur conception sur la contraception (à l’opposé de la nôtre en somme) se prête à un amendement, tandis que la nôtre, tirant des conséquences abusives de la justification première par la procréation (et cela s’explique par tout ce que je viens de critiquer, à savoir une mauvaise interprétation de l’amour sexué et donc conjugal) est rigide et le permet beaucoup moins, non sans contorsions qui ont abouti à des condamnations de toutes les thèses déjà émises depuis au cours du temps et ayant cherché à l’amender.
En partant de leur position et adoptant notre tournure très didactique, nous pourrions poser peu à peu des jalons qui permettraient, méthode par méthode, de déterminer celles qui sont de plus à moins recommandables et pourquoi, nous abstenant de parler immédiatement de "péché" car malgré tout, ce que je retiens de la conception orthodoxe, c'est que s'obnubiler l'esprit ou le garder à ce niveau, c'est rester très bas, au raz des pâquerettes, et que le but est tout de même de s'élever vers des choses plus spirituelles, mystiques, sur le partage et le don de soi, l'offrande et la croix, de sortir grâce à des définitions et une orientation claires de cet attachement formel où entrent et se glissent beaucoup d'hypocrisie et d'impuissance.
Je vais être "terrible" mais au pire, je dis bien, en cas de contraception abortive, il y aura des créatures dans "les limbes" : et alors ? N'est-ce pas moins grave que de risquer de compromettre le sort et la croissance de toute une famille (parents et enfants déjà nés ou à naître plus tard) ? La question mérite d'être posée et pragmatique...
Pour conclure, il convient de ne pas oublier que derrière toutes ces thèses il n'y a que des hommes qui ont imaginé et réfléchi, que Jésus ne s'est en rien prononcé sur elles, et que peu importe qu'elles soient catholiques ou orthodoxes, vu qu'elles sont toutes sans désaccord avec le dogme pur - même si l'écrire est tiré par les cheveux, car il y en a des bonnes et d'autres tellement frelatées ou dangereuses qu'elles sont douteuses.
A la racine des différences, se trouve notamment une conception différente des conséquences ou effets du péché originel. Là encore, Jésus lui-même ou le Saint Esprit en tant que tel ne se sont pas prononcé, tout n'est qu'imaginations et réflexions humaines en voie de progression...