Conservatisme et religion

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prodigal
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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par prodigal » dim. 23 août 2020, 11:58

Chère Quejana,
il n'y a pas de religion sans tradition. Je crois qu'il ne faut pas chercher plus loin, d'un point de vue sociologique. Les pratiquants veulent pouvoir conserver ce en quoi ils croient, les progressistes veulent changer les choses, et souvent s'opposent au conservatisme religieux, ce qui renforce l'antagonisme.
Mais cela n'est que le point de vue sociologique, qui ne compte pour rien face au point de vue spirituel. Du point de vue spirituel, le croyant se moque éperdument de savoir dans quelle case on veut l'enfermer. Cherchez le royaume de Dieu et sa justice et le reste vous sera donné par surcroît.
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Riou
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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par Riou » dim. 23 août 2020, 12:14

Bonjour,
Sans doute parce que la religion se base généralement sur une foi en une parole qui émane de l'éternité, ce qui rend les changements sociaux et les modifications politiques plus ou moins suspects. Disons que le fait de se baser sur des principes divins invite le croyant à rester vigilant devant les réformes humaines, puisqu'il les juge à l'aune d'un point de vue qui dépasse le devenir des hommes et leur désirs temporels, contrairement au "progressiste" athée, qui estime que le désir de l'homme est premier. C'est éventuellement ce qui donne un aspect un peu "conservateur" au croyant devant le changement des mœurs, par exemple. Il y a, de plus, l'autorité de la tradition, et l'idée que pour beaucoup de croyants, le fait qu'une chose soit traditionnelle suffit déjà à lui donner une certaine valeur de vérité et de fiabilité. Or la tradition, dans nos sociétés, n'est pas un repère social très présent, puisque c'est plutôt "l'innovation", le "changement", le "mouvement" qui est privilégié, avec l'idée qu'il est bon par principe d'être en rupture avec le passé.
Non seulement notre société veut se libérer des préjugés du passé (ou du moins de ce qu'elle comprend comme un "préjugé"), mais elle a de plus en plus tendance à considérer le passé comme étant un préjugé à lui seul. Dans ce cadre, toute référence à une tradition millénaire, quelle qu'elle soit, sera immédiatement suspectée d'être un préjugé "conservateur" à remettre en question.

Mais pour autant, des croyances religieuses ont pu aussi se présenter à la pointe du progrès social (la lutte contre la ségrégation raciale dans les États-Unis du 20ème siècle en est un exemple). Il n'est pas certain "qu'être croyant" signifie "être nécessairement conservateur". Car la question est de savoir ce qui est juste et vrai. Si la religion lutte pour la justice et la vérité et que le monde lui résiste, alors c'est le monde qui est "conservateur".

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prodigal
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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par prodigal » dim. 23 août 2020, 14:40

Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 13:11
Une question aussi : en quoi le christianisme n'est-il pas une idéologie ?
Question difficile! Mais je vais essayer, en espérant être à peu près clair. :)
Une idéologie relève bien du mental, certes, mais n'est pas une pensée à proprement parler. On dira que c'est un ensemble de représentations collectives, généralement inconscientes de leur origine. Ces représentations se traduisent par des approbations ou des blâmes. Par exemple l'égalitarisme est une idéologie, cela va se traduire par le rejet spontané de tout élitisme, par exemple de la compétition, sans qu'il y ait besoin de supposer une pensée construite derrière ce rejet, juste un sentiment induit, donc, par les représentations collectives.
Le grand penseur de l'idéologie est Karl Marx, qui a vu qu'une idéologie était un reflet des réalités matérielles et en particulier des rapports de production. En gros, pardonnez-moi de peut-être trop simplifier : je suis un privilégié, donc je crois au mérite, tel est le fondement de l'idéologie méritocratique. Vous pouvez constater, par mes deux exemples de l'égalitarisme et de la méritocratie, que le contraire d'une idéologie est une autre idéologie!
Mais alors en quoi le christianisme est-il autre chose qu'une idéologie? Marx, justement, nous a appris à les assimiler, c'est le sens de la célèbre proposition : "la religion, c'est l'opium du peuple!". Donc, en quoi Marx a-t-il mal jugé?
Si en tous cas une religion n'est qu'une idéologie, c'est qu'elle est fausse et il faut la quitter en courant!
Mais le christianisme n'est pas une idéologie, d'abord parce qu'il proclame que c'est la vérité qui nous rendra libre. La vérité, et pas un système de valeurs plutôt qu'un autre. C'est pourquoi un chrétien ne peut être, en ce qui compte vraiment, ni progressiste ni conservateur. Il y a un temps pour tout, il arrive qu'il faille changer les choses pour les améliorer, il arrive qu'il faille les protéger. Même la tradition ne l'emporte pas sur la vérité, voyez tout ce que dit Jésus-Christ dans les évangiles à propos du sabbat.
Mais plus profondément, je crois que la vie spirituelle est d'abord une libération. Or l'idéologie fait partie de ces poisons dont il faut impérativement que nous nous libérions.
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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par Carolus » dim. 23 août 2020, 15:59

Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 11:37
Quejana :

Pensez-vous qu'il y ait quelque chose de fondamentalement conservateur dans toute religion ?
Merci de votre question, chère Quejana. :)
Jn 14, 15 Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements.
En ce qui concerne les commandements de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, nous devons être conservateurs, n’est-ce pas ⁉️

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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par cmoi » dim. 23 août 2020, 16:28

Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 13:11
J'ai remarqué sur le forum la tendance qu'ont beaucoup de membres à ne pas aimer utiliser de mots en "isme" (comme progressisme, conservatisme, féminisme...)
Bonjour Quejana,

vous avez la meilleure compagnie du monde pour que je n'aie pas à intervenir, mais comme je me sens concerné par le "beaucoup" employé cette fois dans un autre sens et portant sur la question, je vais vous en donner l'explication.

D'abord, il faut voir qu'il y a une autre quantité remarquable de membres qui les apprécient, sans quoi pour ma part je n'en ferai pas mention.

La raison de mon "déplaisir"?
Elle est pure, me semble-t-il : tous ces mots font dans la généralité et enferment dans des catégories un réel qui par définition est mouvant et plein de subtiles nuances. Il serait beaucoup mieux de détailler selon soi de quoi il s'agit, ce que l'on vise, en quoi nous sommes d'accord ou non, et de permettre ainsi un véritable échange sur un sujet précis.
Les employer ou s'y référer c'est déjà souvent poser une barrière et créer une difficulté, presque refuser toute possibilité autre que de confrontation. C'est considérer que l'affaire est déjà jugée : alors pourquoi en parler ? Mais bien sûr, cela dépend aussi de la manière dont on les emploie, mais vous m'avez compris je pense.

Par exemple, je viens d'écrire "on" (exprès !) : c'est tout à fait à éviter, plus encore que le "nous" : il existe un "je" plus sincère et qui n'a rien d'orgueilleux mais tout de l'humilité émerveillée de l'enfant qui vient de comprendre qu'il existe et a sa place comme un autre.
Ici j'aurais dû écrire "dont chacun les emploie".

Petite remarque en passant : il y a une différence entre être conservateur et être stationnaire. L'eau stationnaire devient saumâtre, pleine d'organismes +/-néfastes et nuisibles, comme les étangs. L'eau vive (comme les torrents, les cours d'eau, la mer (pourtant fermée) ou les océans) se renouvelle sans cesse et s'auto-régénère, elle alimente plein d'organismes vivants bénéfiques et donne de la vitalité.
Pour le progressisme, il y a la plante qui pousse et asphyxie les étangs, et il y a tout ce qui se développe et entretient une flore sous-marine où assurer l'équilibre et ré-oxygéner l'environnement.

Il faut vraiment se méfier des mots en "isme": ils sont ambivalents.

Pour être plus clair, j'ajouterai que ceux qui les emploient leur donnent souvent une connotation manichéenne en leur faisant endosser une option qui est la leur dans une dualité souvent impropre.
Et il n'y a pas que les mots en "isme". Il y aussi par exemple "conciliaire" ou "post-conciliaire", ce qui donne à un des vivants joyaux de la chrétienté que sont les conciles, une connotation fort désagréable qui les pollue tous...
Dernière modification par cmoi le dim. 23 août 2020, 19:19, modifié 1 fois.

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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par ademimo » dim. 23 août 2020, 17:19

Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 11:37
Bonjour,
Je me demande pourquoi le conservatisme est souvent présent chez les gens qui ont une croyance religieuse.
Je ne veux pas du tout polémiquer. Moi même, j'ai ce trait de caractère (chez moi, j'appelle cela "un trait de caractère") mais j'avoue que j'essaye de lutter contre et de continuer à croire au progrès, notamment au progrès social.
Pensez-vous qu'il y ait quelque chose de fondamentalement conservateur dans toute religion ? Ou non ?

Bonne journée à vous,
Quejana
Bonjour,
Je n'ai pas du tout cette impression. Les études sociologiques montrent que les catholiques pratiquants font les mêmes choix électoraux que les non croyants.
De plus, je remarque que les catholiques ont tendance à être beaucoup plus favorables à certaines orientations gauchistes, comme par exemple l'ouverture des frontières sans aucun contrôle.

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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par SavedByJesus » dim. 23 août 2020, 19:10

Dans la messe il y a des paroles et des gestes qui sont conservés depuis plusieurs millénaires. Ce que Jésus a fait, ses enseignements sont vrais maintenant comme pareil.
Mais Jésus a aussi autorisé que les disciples mangent le jour du sabbat malgré les interdictions.
C'est compliqué de savoir quand il ne faut plus respecter la règle.
Dieu te bénit et te garde, il rayonne sur toi, il t'accorde sa grâce NV Worship
https://www.youtube.com/watch?v=9PW0YtrFVdM

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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par Altior » dim. 23 août 2020, 19:34

Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 11:37
Pensez-vous qu'il y ait quelque chose de fondamentalement conservateur dans toute religion ? Ou non ?
Plutôt, oui. Sous réserve que l'opposé du progressisme n'est pas forcément le conservatisme, mais le passéisme. Tout dépend de ce que l'on définit comme «âge d'or». Ainsi, «L'âge d'or est dans le futur!» disent les progressistes. «L'âge d'or est dans le présent!» disent les conservateurs. «L'âge d'or est dans le passé» disent les passéistes. Dans quel futur et comment sera-t-il ? Dans quel aspect du présent ? Où exactement dans le passé ? Voici des nuances et des écoles. Parfois des obédiences aussi. C'est pourquoi tous, progressistes, conservateurs, passéistes n'ont pas la même ligne de mire, pourtant voilà leur dénominateur commun.

Il est vrai que lorsque les choses changent vite, et nous voyons qu'elles changent vite («c'est incontournable et c'est bien!» disent les progressistes), alors les conservateurs ont tendance de devenir un peu passéistes.

Et la religion, en tout ça ? Guénon (mais lui-même était un passéiste de premier ordre) disait que toutes les religions gardent quelque chose de ce qu'il appelait la Révélation Primordiale. Cette révélation-là que Dieu a transmis aux premiers êtres humains. Un souvenir, plus embrouillé pour des unes, plus limpide pour des autres. Et c'est pourquoi j'ai répondu «plutôt, oui». Car tout sépare, par exemple, le brahmanisme du christianisme, pourtant il y a un fil conducteur commun. Selon le brahmanisme, on est parti d'un âge d'or et on est arrivé dans l'âge de fer. Le kali yuga, dernière étape de l'humanité. Il est vrai qu'il s'agit de la dernière étape de l'humanité telle que nous la connaissons, car après un nouveau cycle reprend par encore un âge d'or. Selon la Bible (bon, je parle du christianisme traditionnel) Adam et Eve ont été crées dans un état parfait. Un âge d'or. Et après ? Eh bien, après le terrible évènement qui fut la Chute, ça dépend de la façon qu'on voit les choses. Pour les progressistes, il y a eu un progrès tout au long de l'histoire et plus particulièrement de nos jours. Pour les conservateurs, l'histoire sainte est une longue alternance de progrès et de regrès : un cheminement qu'on pourrait qualifier de sinueux. Pour les passéistes, en dépit des multiples interventions de Dieu, l'histoire sainte va du mal en pire, de façon que notre Seigneur est venu au seuil du marasme. Bon, et depuis ? Eh bien, depuis «les choses vont de mieux en mieux, de façon qu'aujourd'hui on voit un pâle reflet de ce que nous attend! Nous connaissons beaucoup mieux la Révélation par rapport aux Apôtres, les Pères de l'Église n'ont qu'un intérêt historique, car ils sont largement dépassés par le niveau théologique de nos jours et l'Église n'arrête pas de vivre dans son printemps!» disent les progressistes. «Il n'est pas évident que nous sommes plus proches de Jésus que ceux qui criaient "Crucifiez-le!" et globalement l'humanité a perdu en spiritualité ce qu'elle a gagné en technique de façon qu'il soit assez inquiétant si les choses continuent comme ça ou, du moins, avec la même vitesse» disent les conservateurs. «Depuis, après une période globalement stable due à la prépondérance de l'Église dans la société, on constate une marche en arrière presque année après année. En tout cas pontificat après pontificat!» disent les passéistes.

Et moi, en tout ça? Très fidèle à la religion du progrès pendant ma première jeunesse, je suis devenu clairement passéiste depuis qu'il m'arrive à me trouver dans la deuxième... Le Livre que j'aime le plus me parle du paradis sur la terre dans son début, ensuite de la débauche totale pour arriver à l'Armageddon vers sa fin. Une seule lumière dans ce «progrès» à recul: la venue de notre Seigneur. Et c'est ici la clé de l'optimisme que je garde. Pour citer encore une fois Guénon: lorsque tout semblera perdu, tout sera gagné. Cet espoir, cet optimisme ne vient pas des données de l'histoire et encore moins des données de 'actualité, mais des données de la Révélation. Finalement, de Dieu, c'est un espoir surnaturel.

Ave Crux, spes unica!
Dernière modification par Altior le lun. 01 févr. 2021, 23:07, modifié 1 fois.

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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par Carolus » dim. 23 août 2020, 22:46

Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 22:13
Quejana :
Carolus a écrit :
dim. 23 août 2020, 15:59
Carolus :

Jn 14, 15 Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements.

En ce qui concerne les commandements de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, nous devons être conservateurs, n’est-ce pas ⁉️
Carolus > C'est vrai, mais n'y a-t-il pas des endroits aussi dans les Evangiles où Jésus vient renverser l'ordre établi ?
Merci de votre réponse, chère Quejana. :)

Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ne renverse aucun commandement de Dieu. Il les accomplit.

Les vrais disciples de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ gardent les commandements de leur MAÎTRE, n’est-ce pas ? :oui:

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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par cmoi » lun. 24 août 2020, 4:03

Chère Quejana,

vous avez su créer et rendre ce fil intéressant, ce qui n'était pas évident ! Sincèrement bravo...

Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 22:13
. Pour atteindre un discours authentique, il faudrait réussir à se débarrasser de ces raccourcis.
C'est tout à fait cela, merci de m'avoir compris.
C'est un "travail" que l'on doit faire déjà et en premier pour soi-même, et les autres en bénéficieront par surcroît
Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 22:13
Est-ce que je me trompe ? corrigez-moi si c'est le cas.
Nullement. Toutefois cela ne concerne pas que les pauvres, mais tous, et à l'arrivée (dès avant aussi, mais c'est moins évident à cause de nos péchés), nous formons aussi une communauté
Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 22:13
Dans le protestantisme luthéro-réformé, on considère plutôt les choses ainsi (je ne prétends bien entendu pas parler au nom de tous les protestants) :
Les traditions peuvent entraîner une sclérose, générer des habitudes qui effacent le sens profond de l'émerveillement et de la joie et appauvrissent le sens. Elles ont besoin d'être vivantes, et pour cela de renouvellement, de "souffle vivant", de créativité.
Il me semble pourtant que le protestantisme en manque quelque peu, parce qu'il a perdu un peu sa colonne vertébrale qui reste le catholicisme, alors il est prudent et quand il se déploit, c'est avec une sorte de pudibonderie ou d'exagération, voire de secret : c'est mon impression...
Vos 3 remarques ne sont pas fausses. Elles doivent juste avoir des garde-fou.
Autre exemple, pour la pauvreté, elle doit aussi être respectée, elle contient quelque chose de sacré et ne doit pas être traitée globalement, mais dans le respect de chaque individualité, il y a un risque sinon de dépersonnalisation
Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 22:13
C'est cette tension qu'il y a dans le protestantisme qui en fait pour moi la richesse).
Je comprends. Vos remarques sont très intéressantes.
On dirait (je peux me tromper) que vous avez intériorisé la résurrection qui pourtant doit rester quelque chose d'incontrôlable qui vient de l'extérieur et nous happe - certes en dedans aussi, totalement... mais c'est seulement à venir, cela dépasse le cadre étroit de nos vies même si on aime en évoquer le ressort pour expliquer certaines sorties d'impasses ou de tunnels
Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 22:13
Merci pour cet échange ! j'espère que cela ne dérange pas que j'ai parlé de ma propre confession alors qu'on est sur un forum catholique. Je ne cherche pas à faire de prosélytisme en tout cas et je reconnais que le protestantisme a ses failles.
A mon humble avis, ceux qui font ce reproche de prosélytisme sont surtout jaloux et ceux qui en sont le plus pollués dans leur coeur, si bien qu'ils le voient partout... Je trouve au contraire que vos remarques (et toujours celles qui leur ressemblent) ont enrichi le débat.
Il est important d'apprendre à se connaître et de découvrir d'autres sensibilités... Qu'elle soient en quelque sorte le filtre pour accéder aux doctrines. Cela les rend moins impersonnelles

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Philon
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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par Philon » lun. 24 août 2020, 9:15

Bonjour,
voici une réponse de ma part à la question de ce fil :
Le conservatisme est lié à ce qui est pérenne et donc il est lié aussi à la notion d'identité. Ce qui ne va pas changer ( ou alors peu et lentement) garantit une continuité à long terme. Nous avons le sens de notre identité en perpétuant des rites, des habitudes, des pensées, des réferences, des repères...nous pensons et évaluons dans des catégories historiques , sociales, religieuses liées à des traditions, même lorsque c'est pour les critiquer, nous nous appuyons sur des références traditionnelles.

Cela vaut à titre individuel et aussi à titre collectif : les changements sociaux qui ne se heurtent pas à suffisamment de résistance conservatrice opèrent des changements trop rapides et trop radicaux pour être bien tolérés et débouchent souvent sur un totalitarisme.
Le conservatisme représente un enracinement. Il est une forme de réalisme puisqu'il se base sur ce qui est et qui a toujours été ( son contraire, la révolution, se base sur une théorie de ce qui n'est pas encore et sera peut-être).
Il relie l'individu aux autres, à des buts collectifs, au passé ( l'histoire de sa culture, de son pays) et à ce qui le dépasse, à ce qui dépasse la vie terrestre ( fins dernières). Autrement dit il est le contrepoids du changement, de la nouveauté et de l'individualisme. Un contrepoids indispensable.

Un petit exemple tiré de Boris Cyrulnik : étudiant la plus ou moins bonne intégration de populations étrangères, il constate que les mieux intégrés sont ceux qui ont un lien régulier, stable, avec une communauté d'immigrés de leur pays/culture et qui CONSERVE des habitudes culturelles. Au contraire ceux qui sont totalement déracinés, ceux pour qui il y a changement culturel radical ont bien plus de difficulté à s'intégrer.

Le lien avec le religieux est évident : le conservatisme va préserver, maintenir en vie une "vie au-delà de notre vie", CAD de tout ce qui dépasse notre existence immédiate et terrestre individuelle : histoire, langue, culture, moeurs, morales, ce qui nous est transmis, ce qui n'est pas le produit de notre inventivité mais que nous RECEVONS. Nous le recevons des autres et en dernière instance du Créateur de qui nous tenons la vie. Ce lien est à l'origine de l'étymologie de "religion".'(relier)

Ce que nous n'avons pas choisi.
Ce qui nous a éduqué, institué
Ce qui demande souvent des efforts et des contraintes( interdits culturels, Commandements religieux...)
C'est cela qui nous permet d'advenir comme individu.
Nous ne choisissons pas notre langue maternelle, le "destin" nous l'impose et cependant c'est grâce à elle que nous exprimerons, en apprenant à la manier, notre spécificité individuelle. Le pianiste qui joue du jazz improvise mais il est passé d'abord par l'apprentissage laborieux du solfège, de la pratique musicale. On lit avant de devenir écrivain.
Le conservatisme a l'air de nous dire " renoncez à être vous même, n'inventez rien, reproduisez ce que vos ancêtres ont fait avant vous."..et cependant c'est la condition à laquelle nous devenons des individus capables précisément d'innover.

Il est lié à la reconnaissance de l'existence de Dieu puisque l'autorité vient de Lui, la Parole transmise, la Foi transmise viennent de Lui.
Toutes les religions sont dans un sens conservatrice et DONC toutes les sociétés aussi.
La vie en société nous est donnée par Dieu et n'est possible que si nous conservons "un minimum" de choses. Trop d'innovation détruirait une civilisation.
La "table rase du passé" a été historiquement un régime hostile à la religion, ce n'est pas un hasard.

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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par prodigal » lun. 24 août 2020, 9:31

Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 22:13
Mais comment distinguer un système de valeurs (une idéologie) de la vérité ?
Je crois tout simplement que cela n'a rien à voir!
Un système de valeurs n'est ni vrai ni faux, il n'est que la traduction plus ou moins élaborée de préférences collectives.
La charité chrétienne n'est pas une valeur essentielle d'un système qui par exemple vanterait l'indulgence et mépriserait la rectitude morale, pas du tout. La charité chrétienne est une vertu théologale.
Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 22:13
Le christianisme (toutes confessions confondues) propose une voie individuelle de salut : ce n'est pas la société qui doit changer, mais l'individu qui doit se convertir. Dans le catholicisme, le pauvre ne doit pas chercher à changer la société mais à se changer lui-même.
Est-ce que je me trompe ? corrigez-moi si c'est le cas.
Vous nous donnez vous-même une réponse à votre question qui me paraît très intéressante. En effet, le salut est individuel, même si je nuancerai en disant que la conversion conduit aussi à l'action, y compris politique. Mais il faut d'abord se changer soi-même. Qui peut prétendre améliorer le monde sans s'améliorer lui-même?
Or, ceci nous conduit à dépasser l'opposition entre progressiste et conservateur. Le converti est changé, donc n'est pas un pur conservateur. Mais sa voie n'est pas de s'inféoder à une idéologie, il n'est donc pas progressiste.
Par ailleurs, moi qui ne le connais pas, sinon de façon très extérieure, je trouve assez sclérosant le protestantisme tel que vous le résumez, car on dirait qu'il s'agit toujours d'opposer un aspect du réel à un autre.
Tout ce qui vient de Dieu est bon, et tout ce qui est bon vient de Dieu!
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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par Philon » lun. 24 août 2020, 13:27

Je dirais que l l'injonction à changer d'abord soi-même et ensuite changer ou non la société me semble être un des credos du libéralisme individualiste. La conversion nous change mais dans les sociétés traditionnelles cette démarche de se convertir n'a pas le même impact ni la même signification que pour nous aujourd'hui car les gens sont baptisés majoritairement dès la naissance, les conversions adultes sont sans doute moins fréquentes. Le Chrétien traditionnel croit au règne de NSJC et aura donc des choix politiques ( par exemple) ou conjugaux en rapport avec ses convictions ( voter pour un candidat défavorable à l'euthanasie, etc)

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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par ademimo » lun. 24 août 2020, 15:10

Altior a écrit :
dim. 23 août 2020, 19:34
Quejana a écrit :
dim. 23 août 2020, 11:37
Pensez-vous qu'il y ait quelque chose de fondamentalement conservateur dans toute religion ? Ou non ?
Plutôt, oui. Sous réserve que l'opposé du progressisme n'est pas forcément le conservatisme, mais le passéisme. Tout dépend de ce que l'on définit comme «âge d'or». Ainsi, «L'âge d'or est dans le futur!» disent les progressistes. «L'âge d'or est dans le présent!» disent les conservateurs. «L'âge d'or est dans le passé» disent les passéistes. Dans quel futur et comment sera-t-il ? Dans quel aspect du présent ? Où exactement dans le passé ? Voici des nuances et des écoles. Parfois des obédiences aussi. C'est pourquoi tous, progressistes, conservateurs, passéistes n'ont pas la même ligne de mire, pourtant voilà leur dénominateur commun.

Il est vrai que lorsque les choses changent vite, et nous voyons qu'elles changent vite («c'est incontournable et c'est bien!» disent les progressistes), alors les conservateurs ont tendance de devenir un peu passéistes.

Et la religion, en tout ça ? Guénon (mais lui-même était un passéiste de premier ordre) disait que toutes les religions gardent quelque chose de ce qu'il appelait la Révélation Primordiale. Cette révélation-là que Dieu a transmis aux premiers êtres humains. Un souvenir, plus embrouillé pour des unes, plus limpide pour des autres. Et c'est pourquoi j'ai répondu «plutôt, oui». Car tout sépare, par exemple, le brahmanisme du christianisme, pourtant il y a un fil conducteur commun. Selon le brahmanisme, on est parti d'un âge d'or et on est arrivé dans l'âge de fer. Le kali yuga, dernière étape de l'humanité. Il est vrai qu'il s'agit de la dernière étape de l'humanité telle que nous la connaissons, car après un nouveau cycle reprend par encore un âge d'or. Selon la Bible (bon, je parle du christianisme traditionnel) Adam et Eve ont été crées dans un état parfait. Un âge d'or. Et après ? Eh bien, après le terrible évènement qui fut la Chute, ça dépend de la façon qu'on voit les choses. Pour les progressistes, il y a eu un progrès tout au long de l'histoire et plus particulièrement de nos jours. Pour les conservateurs, l'histoire sainte est une longue alternance de progrès et de regret : un cheminement qu'on pourrait qualifier de sinueux. Pour les passéistes, en dépit des multiples interventions de Dieu, l'histoire sainte va du mal en pire, de façon que notre Seigneur est venu au seuil du marasme. Bon, et depuis ? Eh bien, depuis «les choses vont de mieux en mieux, de façon qu'aujourd'hui on voit un pâle reflet de ce que nous attend! Nous connaissons beaucoup mieux la Révélation par rapport aux Apôtres, les Pères de l'Église n'ont qu'un intérêt historique, car ils sont largement dépassés par le niveau théologique de nos jours et l'Église n'arrête pas de vivre dans son printemps!» disent les progressistes. «Il n'est pas évident que nous sommes plus proches de Jésus que ceux qui criaient "Crucifiez-le!" et globalement l'humanité a perdu en spiritualité ce qu'elle a gagné en technique de façon qu'il soit assez inquiétant si les choses continuent comme ça ou, du moins, avec la même vitesse» disent les conservateurs. «Depuis, après une période globalement stable due à la prépondérance de l'Église dans la société, on constate une marche en arrière presque année après année. En tout cas pontificat après pontificat!» disent les passéistes.

Et moi, en tout ça? Très fidèle à la religion du progrès pendant ma première jeunesse, je suis devenu clairement passéiste depuis qu'il m'arrive à me trouver dans la deuxième... Le Livre que j'aime le plus me parle du paradis sur la terre dans son début, ensuite de la débauche totale pour arriver à l'Armageddon vers sa fin. Une seule lumière dans ce «progrès» à recul: la venue de notre Seigneur. Et c'est ici la clé de l'optimisme que je garde. Pour citer encore une fois Guénon: lorsque tout semblera perdu, tout sera gagné. Cet espoir, cet optimisme ne vient pas des données de l'histoire et encore moins des données de 'actualité, mais des données de la Révélation. Finalement, de Dieu, c'est un espoir surnaturel.

Ave Crux, spes unica!
Bonjour Altior,
Considérer René Guénon comme un passéiste me semble très réducteur. René Guénon était surtout obsédé par l'idée d'être relié, de façon authentique, à Dieu. Pour lui, toutes les religions existantes sont les avatars d'une religion originelle qu'il appelle Tradition primordiale. Celle-ci aurait subsisté sous la forme ésotérique de ces religions, car chaque religion serait dotée d'une forme exotérique (le forme extérieure connue des fidèles du tout-venant), et d'une forme ésotérique, c'est-à-dire secrète, cachée, connue seulement par les initiés. Et chaque forme ésotérique de chaque religion serait en réalité une survivance de la Tradition primordiale. Ensuite, il a longtemps recherché la forme ésotérique du christianisme, avant de conclure qu'elle avait certainement disparu au moyen-âge. Dante serait l'un de ses derniers initiés. Passant au crible l'ensemble des religions, il en identifie deux qui auraient conservé leur forme ésotérique en toute authenticité : l'Islam sous la forme du soufisme, et le taoïsme. Hésitant entre les deux, il opte pour l'Islam, et va passer la fin de sa vie en Égypte où il fonde une loge soufie, qui existe encore aujourd'hui.

Je précise qu'à titre personnel, je n'adhère pas au choix de René Guénon, ni à sa quête, chimérique selon moi, d'une religion traditionnelle authentique. Mais ses écrits sont de qualité, et son analyse très certainement juste. Mais la démarche de René Guénon n'est pas isolée, et hérite très certainement de l'engouement Fin-de-siècle pour l'exotisme et l'idée très pessimiste de la décadence de l'Occident. Huysmans s'inscrit aussi dans ce mouvement et fait le choix de la religion catholique et de sa tradition architecturale, artistique, liturgique, fuyant les orientations libérales déjà à l’œuvre (et qui aboutiront plus tard au Concile). Certains partisans de René Guénon n'ont pas abandonné l'idée d'un ésotérisme chrétien rénové et restauré, et publiaient encore il y a peu une revue (Regnabit, je crois). Evidemment, le courant traditionaliste n'est pas très éloigné de cette démarche. Il paraît que le père Verlinde serait également lié à cette mouvance.

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Re: Conservatisme et religion

Message non lu par Altior » mar. 25 août 2020, 0:36

ademimo a écrit :
lun. 24 août 2020, 15:10

Considérer René Guénon comme un passéiste me semble très réducteur.
Toute classification et puis tout encadrement dans la classification qu'on a faite est une démarche réductrice. Souvent, approximative aussi. Et pourtant on ne peut pas se dispenser de classifications, car autrement la réalité serait inconcevable. Guénon ne peut pas être considéré conservateur, car selon ses travaux il ne reste plus grande chose à être conservée, du moins en Occident.
René Guénon était surtout obsédé par l'idée d'être relié, de façon authentique, à Dieu. (...) il en identifie deux qui auraient conservé leur forme ésotérique en toute authenticité : l'Islam sous la forme du soufisme, et le taoïsme. Hésitant entre les deux, il opte pour l'Islam, et va passer la fin de sa vie en Égypte où il fonde une loge soufie, qui existe encore aujourd'hui.
Bon, pour être un peu méchant, je ne peux pas m'abstenir à noter qu'il s'est marié avec une musulmane. Fille d'un khalife, comme par hasard... Ce choix matrimonial aurait eu aussi un mot à dire sur son choix spirituel? Mais je ne veux pas être méchant, surtout envers un philosophe de premier poids, qui m'a laissé effectivement bouche-bée dans une époque où j'étais un fidèle de la «religion du progrès». À cette époque je ne pouvais pas même concevoir que quelqu'un puisse être, raisonnements irréfutables à l'appui, dans le déni de ce que je considérais comme tout aussi évident que la lumière du soleil: le dogme de l'évolution sans cesse de l'humanité. Aucun philosophe (hormis St Thomas) n'a changé ma vision des chose comme il l'a fait. Il m'a mis aussi dans la plus grande tourmente, car j'ai été obligé de me séparer de certains aprioris.

Mais ceci n'est pas un fil concernant Guénon, qui, sans doute, mérite un fil dédié (si vous prenez l'initiative, comptez sur moi). Pour revenir:
Evidemment, le courant traditionaliste n'est pas très éloigné de cette démarche.
C'est normal. Un catholique qui a une vision passéiste est un traditionaliste. Un qui a une vision conservatrice est plutôt un ratzinguérien. Je sais, je sais, je suis très réducteur...

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