Un chrétien peut-il regarder un film d'horreur ou violent

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Cinci
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Re: Un chrétien peut-il regarder un film d'horreur ou violent

Message non lu par Cinci » jeu. 01 juil. 2021, 18:43

Un exemple de récit traditionnel ... un conte d'Amérique du sud (indiens)

L'esprit de la forêt trompé par la ruse

Une famille avait été invitée à une fête ou la coutume est de boire. Toute la famille s'y rendit, à l'exception de la fille qui refusa d'y aller. Elle demeura donc seule à la maison. En fin d'après-midi. elle eut la visite d'une amie qu'elle n'avait pas vue depuis longtemps. Elle pensait tout au moins que c'était son amie, nommée Daï-adalla, avec laquelle elle avait procédé à l'échange des noms. Or, la visiteuse était en réalité un esprit de la forêt qui avait pris l'aspect et l'apparence de son amie pour mieux réussir, ainsi déguisée, à réaliser ses sinistres desseins. Étant donné que les deux filles étaient d'excellentes amies, l'esprit de la forêt s'adressa à la jeune fille en l'appelant du nom de Daï-adalla, et il lui demanda ce qu'elle faisait ainsi à la maison, toute seule.

Lorsque la jeune fille lui eut expliqué qu'elle avait refusé de partir à la fête de la boisson, l'esprit de la forêt lui dit :"Voilà qui est bien ! Je resterai donc ici cette nuit pour te tenir compagnie." Le soir, lorsque la nuit tomba, on entendit coasser de nombreuses grenouilles. C'est pourquoi la fille demanda à son amie si elle aimait manger des grenouilles et celle-ci lui ayant répondu que c'était son mets de prédilection, elles partirent aussitôt afin d'en attraper quelques unes. Elles sortirent donc ensemble dans l'obscurité de la nuit, chacune de son côté. Après un certain temps, elles s'interpellèrent mutuellement pour s'enquérir du nombre de grenouilles que chacune avait réussi à capturer. L'esprit de la forêt répondit :'Beaucoup, mais je les mange au fur et à mesure que je les attrape."

Cette réponse étrange, qui montrait que sa compagne mangeait les animaux crus, fit peur à la jeune fille qui se rendit soudain compte de la véritable nature de sa prétendue amie. Aussi, lorsque l'esprit de la forêt l'appela : "Daï-adalla ! combien en as-tu capturées ?", la jeune fille répondit : "Beaucoup, mais je les mets toutes dans ma calebasse." Elle réfléchissait pendant ce temps à la façon de fausser compagnie à son amie pour se mettre à l'abri, car elle savait fort bien que l'esprit de la forêt saurait la retrouver grâce au son de sa voix, malgré l'obscurité de la nuit. Aussi, quand l'esprit de la forêt l'appela une nouvelle fois, elle répliqua :"Chut ! Ne parle pas ! Ne fais pas de bruit ! Les grenouilles s'en effrayent et je n'arrive plus à les attraper !"

Quand le silence fut rétabli, la jeune fille se glissa vers la maison sans faire de bruit; elle y entra doucement et retourna tous les pots qui s'y trouvaient, dans le plus grand silence. Elle jeta ensuite les grenouilles par la fenêtre et monta sur le toit, afin d'attendre et de voir venir. Le choses ne tardèrent pas à prendre une tournure nouvelle. Après avoir patienté un moment, et n'obtenant pas de réponse à ses appels, l'esprit de la forêt comprit enfin qu'il avait été trompé. Il courut vers la maison. Il tâtonna dans l'obscurité et il retourna les pots l'un après l'autre, mais sa proie n'était caché dans aucun de ces pots. "Ah ! s'écria-t-il assez fort pour que la jeune fille l'entendit, si j'avais soupçonné qu'elle allait m'échapper, je l'aurais dévorée sur-le-champ avec les grenouilles."

Il chercha en vain - car il y avait un grand nombre de pots - jusqu'à ce que l'aube se pointât et qu'il dût partir. La jeune fille descendit alors du toit et attendit le retour de ses parents. Lorsqu'ils rentrèrent, elle leur raconta que l'esprit de la forêt l'avait visitée en se présentant sous les traits de son amie. Le père lui dit alors : "La prochaine fois que nous te dirons de venir avec nous, tu obéiras."
Commentaire de Marie-Louise von Franz :

"Chez beaucoup de peuples primitifs, le véritable nom de l'enfant était tenu secret et on l'interchangeait avec celui d'un autre enfant, ce qui créait un lien entre eux : ils devenaient des sortes de jumeaux. Ces pratiques avaient pour but de dérouter les démons et de protéger l'enfant de leurs maléfices. Le fait que la soi-disant amie de la jeune fille l'appelle de son vrai nom aurait dû éveiller sa méfiance, car c'était là la désigner aux mauvais esprits. On voit que ce conte a un arrière-fond culturel très profond : l'adolescente ne s'expose pas seulement aux dangers de rester seule à la maison, mais à ceux de l'isolement moral par rapport à son village. De plus, en refusant les rites de sa tribu, elle refuse l'évolution intérieure qu'ils sont censés lui apporter."

Le danger de l'isolement ...

"Si l'on me demandait de dire, d'après ma propre expérience, quelle est la forme la plus terrible de mal que j'aie jamais rencontrée dans ma vie, je répondrais que c'est celle des personnes qui ont été englouties par les archétypes du mal, que c'est le phénomène de possession.

Si nous observons maintenant les conditions dans lesquelles ces personnes sont tombées au pouvoir du mal, nous voyons se dégager certains traits communs à la quasi-totalité des récits. Dans plusieurs d'entre eux, la boisson joue un rôle important; on peut en conclure que boire de l'alcool ou le jus de certaines plantes est, pour le primitif, l'un des moyens les plus simples et les plus faciles d'ouvrir la porte aux esprits par abaissement du niveau mental. La solitude ou l'isolement par rapport au village à laquelle on appartient rend également vulnérable. La plupart des personnages à qui il arrive des désagréments avec les démons de la nature sont seuls, ou à deux seulement, dans les bois ou à la montagne.
"

On retrouverait bien ici le canevas déjà présent dans le film de Stanley Kubrick ("The Shining") : l'alcool, la solitude, la rébellion par rapport à certaines conventions sociales, etc.

Cinci
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Re: Un chrétien peut-il regarder un film d'horreur ou violent

Message non lu par Cinci » jeu. 01 juil. 2021, 18:54

Marie-Louise von Franz continue :

«Dans beaucoup de récits de par le monde, on rencontre une sorte d'audace infantile qui ressemble à du courage, mais n'en est pas vraiment un; il s'agit plutôt d'un manque de jugement, d'une absence d'instinct et de réserve respectueuse devant des forces qui nous dépassent.

Dans les sagas de nos montagnes (en Suisse), cette attitude est traitée de frevel. Ce mot est de la même famille que le mot "frivole" et il en a aussi le sens de "superficiel", "léger". Mais il signifie plus encore que cela. En allemand moderne, il signifie : enfreindre les règles et s'emploie surtout dans un contexte particulier : celui de transgresser les lois de la chasse, comme de chasser hors saison, tuer une biche grosse, ou mal viser et blesser un animal sans s'occuper de l'achever. Autrefois, ce mot avait une connotation plus religieuse, proche du sens de blasphème ou sacrilège : cracher dans l'église ou y prononcer des gros mots était frevelrische, Dans un contexte plus ancien, frevel signifiait "passer les bornes", quitter l'attitude respectueuse due aux puissances numineuses.

Une histoire bien connue du canton d'Uri illustre ce que nous venons de dire. C'est la coutume en Suisse que les paysans ou la communauté villageoise des vallées aient leurs propres alpages. Deux ou trois hommes y mènent ensemble le troupeau et restent là tout l'été, ne redescendant qu'aux premières neiges. Ils vivent seuls avec les bêtes dans la montagne, sans échanges avec l'extérieur et sans femmes, et mènent une vie très dure. Le Senn (le berger responsable) doit aller au crépuscule réciter une prière dans les quatre directions de l'espace. Cette prière, qui est encore pratiquée, est appelée «la bénédiction du soir» et elle est destinée à appeler la protection de Dieu sur le bétail, les montagnes et les hommes qui s'y trouvent.

Récit :

Une fois, donc, un berger et un jeune garçon étaient sur les alpages avec leur troupeau. Un soir, le vieux berger, étant sorti comme d'habitude de la cabane pour la prière du soir, entendit une voix crier :"Puis-je la laisser aller ?", et lui, au lieu d'être effrayé, répondit :"Oh, tu peux la retenir encore !" Rien ne se produisit. La journée passa et le second soir la voix répéta :"Puis-je la laisser aller ?" et le berger répondit :"Oh, tu peux la retenir encore !" Mais le jeune garçon se sentit inquiet et se dit que ce n'était pas la façon juste d'agir; sentant que cela devenait dangereux, il s'enfuit en courant. Alors retentit une voix venant du sommet de la montagne :"Je ne peux la retenir plus longtemps !" Et, dans un vacarme épouvantable, tout un pan de la montagne s'éboula, ensevelissant les vaches, la cabane et le vieux berger, tandis que le jeune garçon atteignait la vallée sain et sauf.

L'aîné des bergers était un frevler; il s'était comporté avec bravade et impertinence envers l'esprit de la montagne, le traitant en égal. Ce faisant, il manquait de réalisme et d'instinct du danger.

Dans ces régions montagneuses extrêmement primitives de Suisse, ces paysans qui nous paraissent touchés par la mentalité moderne et rationnelle tant que nous ne les connaissons pas bien, s'ouvrent et expriment leurs sentiments réels et leur véritable attitude devant la vie dès qu'ils sont émus par une naissance, une mort, ou tout autre événement important. En surface, ils sont catholiques, mais cela ne les a pas pénétrés en profondeur et cache une mentalité préhistorique. Pour eux, la nature est peuplée de forces auxquelles ils ne donnent même pas de nom. Ils se contentent de parler de "Ça".

Qui est ce "Ça" qui retient la montagne ou la laisse aller ? Renner cite de nombreux récits ou le "Ça" est tantôt bénéfique, tantôt mauvais et tantôt neutre. Parfois son comportement se rapproche de celui d'un être humain, et parfois il est tout à fait impersonnel. Nul ne sait de quoi il a l'air, il agit seulement : il laisse la montagne vous tomber dessus.

On raconte aussi qu'au sommet du Seelisberg, à un certain endroit, "Ça" aime à demeurer et emporte le bétail. Si cela arrive, pour l'amour du ciel, ne vous effrayez pas, parce que si vous vous laisser gagner par la panique, le troupeau tombera dans le précipice et vous vous romprez le cou. La seule chose à faire est de continuer votre chemin avec votre bâton, comme si les vaches étaient toujours là [...] on voit que "Ça" demande à être traité de façon tout à fait spécial : il ne faut pas se laisser impressionner par lui au point d'être pris de panique, mais il ne faut pas non plus le traiter à la légère, sinon il devient hostile.»

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Re: Un chrétien peut-il regarder un film d'horreur ou violent

Message non lu par Cinci » ven. 02 juil. 2021, 2:35

Enfin ...

«Ces phénomènes et les règles de conduite à tenir en face d'eux ne sont pas, on l'aura compris, réservés aux seules sociétés ou aux individus demeurés proches de la nature : on voit tous les jours des personnes chez qui le vernis culturel et le conscient rationnel craquent.

Les individus qui vivent en contact direct avec les forces de la nature et ses dangers apprennent à la respecter davantage que ceux qui sont protégés par le confort et la vie artificielle procurés par la société technique dans laquelle nous vivons. La vie citadine nous entretient dans une inconscience des dangers du dehors et du dedans jusqu'à ce que ceux-ci nous rattrapent par quelque catastrophe : tremblement de terre, crise économique, guerres, pollution - ou encore épidémies d'angoisses et de névroses. C'est pourquoi l'attitude de crainte respectueuse vis-à-vis des forces du mal est tout aussi valable pour les citadins que pour les bergers des montagnes.

J'éprouve toujours un malaise lorsque je découvre cette imprudence infantile. Quelqu'un dira :

"J'aime aller à cet endroit ou il y a des mauvais sujets et ou des meurtres ont été commis !", ou encore :"J'ai envie d'avoir une expérience avec cette femme bien qu'elle soit dangereuse; je vais coucher avec elle, il faut que je me rende compte, que je fasse l'expérience de la vie !", ou encore :"Cette affaire est peut-être louche, mais je vais tenter ma chance, voir ce qui en sortira."; "J'aime conduire vite et prendre des risques (sous-entendu : pour moi et pour autrui), c'est exaltant !»

Si vous devez rencontrer le mal et l'explorer, parce qu'il est une partie de vous, de votre destin, s'il y a une raison valable ou que vos rêves vous disent de le faire. c'est autre chose : il s'agit alors de votre mal, de l'abîme que vous portez en vous et qu'il vous faudra, tôt ou tard, reconnaître. Mais si vous agissez poussé par une attitude frivole, par simple curiosité intellectuelle ou par un goût pervers, "pour voir", sans tenir compte du caractère contagieux et destructeur du phénomène, vous vous comportez en inconscient irresponsable, incapable de juger de la gravité d'un danger; vous devenez donc une proie toute prête à être engloutie. »

(Marie-Louise von Franz, L'interprétation des contes de fées ("Shadow and Evil in Fairy Tales"), Albin Michel, «la collection spirituelle», 1995 (1970), 635 pages)
Quatrième de couverture :

«... Marie-Louise von Franz s'appuie sur la psychologie des profondeurs pour nous offrir une interprétation plus féconde que l'analyse classique, exclusivement centrée sur les complexes et refoulements personnels. Grâce à sa grande pénétration du langage symbolique, toute une richesse de sens s'ouvre à nous. Le mystère éternel du Mal, notamment, s'éclaire d'un jour nouveau. Ainsi nous découvrons, au-delà de tout moralisme et dans une perspective à la fois thérapeutique et initiatique, que l'expérience millénaire véhiculée par les contes peut nous aider à dialoguer avec les puissances «mauvaises» qui sont en nous, pour les désarmer et les transformer en influence bénéfique.»
P.S. : J'amène cet élément du conte mythologique ou de la tradition folklorique parce que le prêtre l'évoquait sous le lien plus haut et c'est assurément cet arrière-fond culturel très ancien qui explique l'attrait de base pour le genre au cinéma. Refusera-t-on le genre par principe ? Autant refuser les contes ...

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Re: Un chrétien peut-il regarder un film d'horreur ou violent

Message non lu par gabrielle89 » lun. 19 juil. 2021, 13:18

Affirmatif. En vertu du principe selon lequel ce qui n'est pas interdit est permis.
Pour moi, la question comporte un biais. Certes il semblerait que vous ayez le droit de regarder des films d'horreur puisque cela n'est pas spécifiquement interdit (je me fie à Altior sur ce point). Mais est-il bon que vous regardiez des films d'horreur ? Les deux plus grands commandements que nous a donnés Jésus, avant les dix commandements de Moïse, c'est d'aimer Dieu et d'aimer notre prochain (Marc 12:28-31). Regarder des films d'horreur vous aide-t-il à suivre ces commandements ?

Je ne prétends pas être capable d'aimer mais ce dont je suis sûre c'est que la peur m'empêche d'aimer donc je trouve qu'un film d'horreur m'éloigne de Jésus. Pas vous ?

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Re: Un chrétien peut-il regarder un film d'horreur ou violent

Message non lu par Fleur de Lys » mer. 21 juil. 2021, 13:25

Je ne prétends pas être capable d'aimer mais ce dont je suis sûre c'est que la peur m'empêche d'aimer donc je trouve qu'un film d'horreur m'éloigne de Jésus. Pas vous ?
+1

Les films d'horreur, c'est comme l'alcool avec modération ;) (personnellement j'évite, je trouve que ça n'aide pas à "s'élever").

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Re: Un chrétien peut-il regarder un film d'horreur ou violent

Message non lu par gerardh » mer. 21 juil. 2021, 16:31

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Bonjour,

On pourrait trouver quelques éléments de réponses en 1 Corinthiens 6 :12 et 1 Corinthiens 10 : 23.

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