Léon Bloy

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etienne lorant
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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par etienne lorant » sam. 30 nov. 2013, 19:14

Mon premier "confesseur", un Rédemptoriste, décédé au début des 90, m'avait conseillé de lire "La femme pauvre" - et c'est vrai que c'est un des livres que j'aurais gardé longtemps dans ma bibliothèque "privée"... mais depuis tout ce temps, jamais je ne l'ai eu sous la main, ni sur un marché aux puces, ni en magasin.

En voici un aperçu :

« La femme pauvre », roman écrit par Léon Bloy à la fin du 19ème siècle, fait partie de ces livres oubliés qu’il faut redécouvrir, sinon aimer. L’auteur a emprunté à Balzac pour la fresque sociale, à Zola pour la misère des pauvres et à Hugo pour le personnage de Clothilde, sœur jumelle de Cosette. Mais comment prospérer à l’ombre de ces grands chênes et faire éclore et reconnaitre durablement un réel talent ? Tel est le dilemme de Léon Bloy. La trame du récit est simple mais « La femme pauvre » fourmille d’arborescences descriptives et de divagations philosophico-religieuses qui en font la richesse mais en atténuent l’impact romanesque.

Clothilde est née dans la misère ouvrière du Second Empire. Vive et jolie, elle en est sortie provisoirement grâce à Gacougnol et ses revenus d’enlumineur. Une cécité précoce le contraint à cesser ses travaux et assèche définitivement leurs revenus. Il meurt. La misère revient plus noire encore car marquée des signes du destin et de la violence de sa voisine de galetas, la mère Poulot, qui, jour après jour, lui fait payer le prix de sa propre déchéance sociale : harcèlements, stigmatisations diverses, appels à la haine. Clothilde perd ce qui lui reste de santé. Leopold, son honnête nouveau compagnon, meurt dans des circonstances obscures. Elle touche le fond de la misère et de la souffrance et meurt avec une auréole de sainteté ceinte avec soin par Leon Bloy. Le livre s’affranchit avec bonheur des stéréotypes qui existaient déjà à cette époque et ont survécu jusqu’à la nôtre : dans cet ouvrage, ce sont les pauvres les pires ennemis des pauvres et non les riches, les femmes pauvres et non les hommes leurs pires tortionnaires. Ils font ici figure de sauveurs.

La pauvreté est une voie vers la rédemption. Ce vieux thème chrétien est peut-être le véritable sujet et en tout cas la chute de ce livre touffu, truffé de développements théologiques qui en font l’ambigüité et en dresse les limites. Cette finalité religieuse a pour effet d’atrophier le développement de la forme romanesque en créant une distance entre l’auteur et ses personnages, qui perdent ainsi en densité et en crédibilité et deviennent de façon masquée les instruments d’une entreprise qui n’est pas la leur. Elle interdit aux personnages de papier de devenir, grâce au mystère de la création, des êtres vivants qui habiteront les cœurs et les esprits pour des générations. En pratiquant le mélange des genres entre littérature et essai théologique Léon Bloy interdit à Clothilde de devenir Cosette et se ferme l’accès au Panthéon des grands écrivains. Sa trace comme penseur religieux reste par ailleurs floue. Pour l’auteur, l’entreprise littéraire n’a de sens que dans une perspective biblique. Ainsi le livre commence par : Ça pue le Bon Dieu ici ! et s’achève sur Il n’y a qu’une tristesse, lui a-t-elle dit, la dernière fois, c’est de N’ETRE PAS DES SAINTS . L’encadrement est clair mais un roman se nourrit de la pâte des hommes et non d’exégèses.

Il y a la langue enfin, vigoureuse, parfois lourde, souvent brillante, marquée d’une férocité roborative et émaillée de nombreux bonheurs d’écriture, pain bénit pour les amoureux de la littérature. Quelques brefs extraits valent mieux qu’un long discours :

En Madame Poulot paraissait renaître le mastic des plus estimables trumeaux du dernier siècle. Non qu’elle fut charmante ou spirituelle, où qu’elle gardât avec une grâce polissonne, des moutons fleuris au bord d’un fleuve. Elle était plutôt crapaude et d’une stupidité en cul de poule qui donnait à supposer des ouailles moins bucoliques. Mais il y avait dans sa figure ou dans ses postures, quelque chose qui retroussait incroyablement l’imagination.

Ou encore :

A l’exception des acacias et des platanes rôtis de l’avenue principale, on chercherait vainement un arbre honnête dans ce pays qui fut un bois. L’un des signes les plus caractéristiques du petit bourgeois, c’est la haine des arbres. Haine furieuse et vigilante qui ne peut être surpassée que par son exécration célèbre des étoiles ou de l’imparfait du subjonctif.

Edouard BERLET

La femme pauvre, 1897, disponible en Folio

http://enfinlivre.blog.lemonde.fr/2012/ ... me-pauvre/
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

p.cristian
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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par p.cristian » jeu. 06 févr. 2014, 2:12

bonjour,

Le Salut par les juifs serait-il un ouvrage antisémite?
http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Salut_par_les_Juifs

Poussé par la curiosité, je l'ai lu en espérant y trouver un message théologique intéressant.
À la vérité, j'y trouvé un poison de haine, et des passages manifestement antisémites.


Il est possible que le message soit plus subtil que celui Drumont, mais au final, on retrouve une bonne partie des préjugés en vogue vers la fin du 19ème siècle.

Tout d'abord quelques passages qui pourront faire penser à d'autres circonstances plus d'actualité...
Le pamphlétaire de la France Juive peut se vanter d’avoir trouvé le bon coin et le bon endroit. Considérant avec une profonde sagesse et le sang-froid d’un chef subtil que le caillou philosophal de l’entregent consiste à donner précisément aux ventres humains la glandée dont ils raffolent, il inventa contre les Juifs la volcanique et pertinace revendication des pièces de cent sous.
C’était l’infaillible secret de tout dompter, de tout enfoncer et de jucher son individu sur les crêtes les plus altissimes.
Dire au passant, fût-ce le plus minable récipiendaire au pourrissoir des désespérés : — Ces perfides Hébreux, qui t’éclaboussent, t’ont volé tout ton argent ; reprends-le donc, ô Égyptien ! crève-leur la peau, si tu as du cœur, et poursuis-les dans la mer Rouge.
Ah ! dire cela perpétuellement, dire cela partout, le beugler sans trève dans des livres ou dans des journaux, se battre même quelquefois pour que cela retentisse plus noblement au-delà des monts et des fleuves ! mais surtout, oh ! surtout, ne jamais parler d’autre chose, — voilà la recette et l’arcane, le medium et le retentum de la balistique du grand succès. Qui donc, ô mon Dieu ! résisterait à cela ?
[...]
Tous les livides mangeurs d’oignons chrétiens de la Haute et Basse Égypte comprirent admirablement que la guerre aux Juifs pouvait être, — à la fin des fins, — un excellent truc pour cicatriser maint désastre ou ravigoter maint négoce valétudinaire.
[...]
Ensuite voici quelques passages que je trouve antisémite à en vomir, assez caractéristiques comme je disais de l'antisémitisme du début du siècle.

Le thème de la pestilence:
« Le Moyen Âge, disais-je en parlant des Juifs, avait le bon sens de les cantonner dans des chenils réservés et de leur imposer une défroque spéciale qui permît à chacun de les éviter. Quand on avait absolument affaire à ces puants, on s’en cachait comme d’une infamie et on se purifiait ensuite comme on pouvait. La honte et le péril de leur contact était l’antidote chrétien de leur pestilence, puisque Dieu tenait à la perpétuité d’une telle vermine.
« Aujourd’hui que le christianisme a l’air de râler sous le talon de ses propres croyants et que l’Église a perdu tout crédit, on s’indigne bêtement de voir en eux les maîtres du monde, et les contradicteurs enragés de la Tradition apostolique sont les premiers à s’en étonner. On prohibe le désinfectant et on se plaint d’avoir des punaises. Telle est l’idiotie caractéristique des temps modernes. »
Je ne vois pas le moyen de changer un quart de ligne à cette page gracieuse. Plus que jamais il est clair pour moi que la société chrétienne est empuantie d’une bien dégoûtante engeance et c’est terrible de savoir qu’elle est perpétuelle par la volonté de Dieu.
Au double point de vue moral et physique, le Youtre moderne paraît être le confluent de toutes les hideurs du monde.
Je vous laisse découvrir les chapître 5,6 et 7 qui est une description d'un marché aux juifs où Bloy étale l'aversion qui est la sienne face à cette communauté. (aversion qui à mon avis est plus dû à la pauvreté, qu'à leur religion... )
Jusqu’à ce jour, la parfaite justice d’en haut ou d’en bas continuera d’exiger impérieusement qu’on l’exècre en le vomissant. Rigoureusement, je sais bien que les Israélites peuvent être appelés nos « frères », — au même titre, j’en ai peur, que les plantes ou les animaux dénommés ainsi par le séraphique saint François, qui ne s’est jamais trompé. Mais les aimer comme tels est une proposition qui révolte la nature.
Ch.9
La sympathie pour les Juifs est un signe de turpitude, c’est bien entendu. Il est impossible de mériter l’estime d’un chien quand on n’a pas le dégoût instinctif de la Synagogue. Cela s’énonce tranquillement comme un axiome de géométrie rectiligne, sans ironie et sans amertume.
Et voilà le type de sympathie dont il se flatte:
Je ne sais plus exactement où j’ai lu l’aventure assez naïve de cet ancien chevalier, siégeant en sa qualité de haut notable dans un synode assemblé pour le jugement ecclésiastique d’un rabbin turbulent qui avait mis en circulation de damnables gloses contre la Vierge Marie.
Après une longue dispute où l’audacieux circoncis avait aisément confondu les théologiens ignares qu’on lui opposait, et le louche silence qui précède l’évacuation d’un arrêt sans miséricorde ayant commencé, — le vieil homme vêtu de fer, qui n’avait pas encore fait acte de vivant, descendit avec lenteur de la stalle en cœur de vieux chêne où il avait paru sommeiller et, s’approchant du talmudique :
— Juif, dit-il, tu as bien parlé, mais il reste un argument que tu n’avais pas prévu et qui te laissera sans réponse.
À ces mots, il dégaîne son immense épée de Ptolémaïs ou d’Antioche et le fend en deux, comme un Sarrasin félon, de la tête aux pieds.
De telles anecdotes sont précieuses pour exaspérer les imbéciles et rafraîchir l’imagination des bons chrétiens.
Quelques passages sur les préjugés "classiques" des juifs et l'argent :
ch.9
Ce qu’ils font de l’argent, je vais vous le dire, ils le crucifient.
Je demande pardon pour cette expression assez généralement inusitée, je crois, mais qui n’est pas plus extravagante, si on y regarde bien, que cette autre : « Manger de l’argent », dont la monstruosité réelle, divulguée, ferait expirer d’effroi les innombrables humains qui l’utilisent.
J’ai dit exactement ce que je voulais dire. Ils le crucifient, parce que c’est la manière juive d’exterminer ce qui est divin.[...]
Crucifier l’argent ? Mais quoi ! c’est l’exalter sur la potence ainsi qu’un voleur ; c’est le dresser, le mettre en haut, l’isoler du Pauvre dont il est précisément la substance !…
Ch.14
À l’apparition du Pauvre, — imprévue depuis deux mille ans, — tout ce qu’il y avait de spirituel en eux a décampé et leur nature charnelle d’idolâtres compteurs d’argent s’est manifestée.
Bloy évoque longuement dans le chapitre 30 (première spéculation juive) Génèse 18.
Les lecteurs au tâtonnement lucide y trouveront à coup sûr une preuve singulière de la juiverie du Patriarche qui marchande pied à pied, — comme un Youtre d’Alger ou de Varsovie marchanderait un haillon pourri, — le très-juste assouvissement de son Seigneur en colère.
Miséricordieuse, adorable juiverie des commencements, lorsque le nom même des Juifs n’était pas encore et que les chevreaux des pasteurs pouvaient exulter sur des collines pleines de parfums et d’encensoirs, que n’avait pas profanées l’abomination du Peuple de Dieu !
Enfin, le thème du marchant juif, corrupteur du monde... et une petite pincée contre les franc-maçons.
Mais cet instinct de mercantilisme et de fourberie, dépouillé de ses attenances mystérieuses, n’était plus alors qu’une pente raide vers les lieux très-bas de l’avarice et de la cupidité.
[...]Inarrêtables dans leur chute, ils roulèrent tant qu’ils purent, jusqu’au plus infime degré de l’Escalier des Géants de l’ignominie.[...]
N’ayant retenu de leur apanage souverain que le Simulacre de la puissance, qui est l’Argent, ce métal infortuné devint une ordure entre leurs griffes d’oiseaux des morts, et ils exigèrent qu’il travaillât pour leur service à l’abrutissement du monde entier.
Dans la crainte que ce serviteur unique ne leur échappât, ils l’enchaînèrent férocement et ils s’enchaînèrent à lui par des chaînes monstrueuses qui faisaient sept fois le tour de leurs cœurs, employant ainsi leur despotisme farouche à se rendre eux-mêmes ses esclaves.
Et l’âme des peuples, à la longue, s’encrassa de leur pestilence.
[...]
Car il est indubitable qu’ils ont diaboliquement abaissé le niveau de l’homme en ce dernier siècle où leur pouvoir d’avilir a tant éclaté.
C’est par eux que s’est instaurée la moderne conception du But de la vie et que flamboya le crapuleux enthousiasme des Affaires.
C’est par eux que cette algèbre de turpitudes qui s’est appelée le Crédit a définitivement remplacé le vieil Honneur dont les âmes chevalières se contentaient pour tout accomplir.
Et t comme si ce peuple étrange, condamné, quoi qu’il advienne, à toujours être, en une façon, le Peuple de Dieu, ne pouvait rien faire sans laisser apparaître sur-le-champ quelque reflet de son éternelle histoire, la PAROLE vivante et miséricordieuse des chrétiens, qui suffisait naguère aux transactions équitables, fut de nouveau sacrifiée, dans tous les négoces d’injustice, à la rigide ÉCRITURE incapable de pardon.
Victoire infiniment décisive qui a déterminé la débâcle universelle.
Le précipice étant ouvert, les sources pures de la grandeur et de l’idéal y tombèrent en sanglotant. La Raison s’exfolia comme une vertèbre frappée de nécrose, et la peste juive étant parvenue enfin, dans la ténébreuse vallée des goîtres, au point confluent où le typhus maçonnique s’élançait à sa rencontre, un crétinisme puissant déborda sur les habitants de la lumière, dévolus ainsi à la plus abjecte des morts.
Pour vous laver de tout cela je vous suggère la lecture de Races Sans Histoires de Maurice Olender.
Toute communauté a une histoire qui se transforme au fil du temps. Raciser une population, c'est l'enfermer dans un passé sans présent ni avenir : l'assigner à être une Race sans histoire. Les groupes qualifiés de «races» sont désignés comme les immobiles de l'histoire : incapables du moindre changement social, religieux, économique, politique. A ceux qu'on enferme ainsi dans «une race», cercle magique dont on ne peut sortir, on assène : «Vous, vous êtes toujours les mêmes.» Au temps de la colonisation, les sciences du XIXe et de la première moitié du XXe siècle ont pensé, classé, hiérarchisé et légitimé «les races humaines»
N.B. le P. de mon pseudo ne veut pas dire "père".

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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par elenos » jeu. 06 févr. 2014, 22:22

elenos a écrit :Le juge des référés de Bobigny est-il un illettré ?
Ajoutons ce fait plus récent à l'encontre du Tribunal de Bobigny qui condamne Léon Bloy :
A propos du tribunal de Bobigny
Le principal suspect dans le meurtre d'un disc-jockey battu à mort en 2011 en Seine-Saint-Denis a été libéré mercredi à cause d'un manque d'encre dans un télécopieur.
"Il est sorti hier à 17H00 de la maison d'arrêt de Villepinte à cause d'un problème de procédure. Le parquet de Bobigny n'avait pas d'encre dans son fax et un papier n'est jamais parvenu à la chambre de l'instruction", a affirmé à l'AFP Bernard Benaïem, avocat de la famille de Claudy Elisor, qui s'est dit "plus qu'affligé".

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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par isabelle48 » jeu. 06 févr. 2014, 23:35

Bonjour P. Cristian,

Léon Bloy utilise la méthode des scolastiques consistant à exposer une thèse pour mieux la réfuter (selon le bon vieux procédé de Thomas d'Aquin: question/objections/sed contra/respondeo/solution - et conclusion.
Il semblerait que les textes de Bloy que vous citez fassent partie de l'exposition de la thèse à réfuter et non l'opinion de Léon Bloy lui-même.
C'est donc exactement le contraire de ce que vous semblez vouloir démontrer (à savoir l'antisémitisme de Bloy) c'est aussi le contresens des juges qui ont décidé de censurer ce texte. S'ils l'avaient seulement lu et compris la méthode, ils ne l'auraient pas censuré.
Dernière modification par isabelle48 le ven. 07 févr. 2014, 12:33, modifié 1 fois.

p.cristian
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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par p.cristian » ven. 07 févr. 2014, 0:17

isabelle48 a écrit :Bonjour P. Cristian,

Léon Bloy utilise la méthode des scolastique consistant à exposer une thèse pour mieux la réfuter (selon le bon vieux procédé de Thomas d'Aquin: question/objections/sed contra/respondeo/solution - et conclusion.
Il semblerait que les textes de Bloy que vous citez fassent partie de l'exposition de la thèse à réfuter et non l'opinion de Léon Bloy lui-même.
C'est donc exactement le contraire de ce que vous semblez vouloir démontrer (à savoir l'antisémitisme de Bloy) c'est aussi le contresens des juges qui ont décidé de censurer ce texte. S'ils l'avaient seulement lu et compris la méthode, ils ne l'auraient pas censuré.
J'aimerais bien vous croire. Mais c'est lui-même qui se cite (dans le désespéré) en indiquant qu'il ne changerait pas une ligne de ses propos assimilant les juifs à une vermine. Pouvez vous me dire dans quel chapitre de cet ouvrage il se dédit de ce propos indiscutablement antisémite?
Dernière modification par p.cristian le ven. 07 févr. 2014, 0:45, modifié 1 fois.
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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par Fée Violine » ven. 07 févr. 2014, 0:36

J'aime beaucoup Léon Bloy, mais je dois dire que je suis perplexe à propos de ce livre. Je l'ai lu autrefois, et je l'ai mis à la poubelle.
Pourtant Léon Bloy n'était pas antisémite. Raïssa Maritain, sa filleule d'origine juive, n'était pas choquée par ce livre.
Il doit y avoir quelque chose qui m'échappe !

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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par p.cristian » ven. 07 févr. 2014, 1:53

Je persiste et je signe.

Voici comme Bloy décrit les juifs dans l'avant dernier chapitre, perpétuant le stéréotype des juifs, maîtres du monde par l'argent (il poursuivra plus tard dans le même chapitre que j'ai déjà cité, en y mêlant les francs-maçons... thème classique du complot franc-maçonnique.).
N’ayant retenu de leur apanage souverain que le Simulacre de la puissance, qui est l’Argent, ce métal infortuné devint une ordure entre leurs griffes d’oiseaux des morts, et ils exigèrent qu’il travaillât pour leur service à l’abrutissement du monde entier.
Dans la crainte que ce serviteur unique ne leur échappât, ils l’enchaînèrent férocement et ils s’enchaînèrent à lui par des chaînes monstrueuses qui faisaient sept fois le tour de leurs cœurs, employant ainsi leur despotisme farouche à se rendre eux-mêmes ses esclaves.
Et l’âme des peuples, à la longue, s’encrassa de leur pestilence.
J'ai cité d'assez longs passages, toute citation étant partielle, pour que vous puissiez vous faire une idée.

Petite remarque en passant, l'article Antisémitisme de wikipedia cite Bloy en indiquant que ce passage se trouve dans le Salut par les Juifs, :
"quelques unes des plus nobles âmes que j'ai rencontrées étaient des âmes juives. La sainteté est inhérente à ce peuple exceptionnel, unique et impérissable."
Je n'ai pas retrouvé de tels propos dans la version électronique à ma disposition.

Après quelque recherche, il apparaît que cette citation, plus raisonnable vient du volume de ses mémoires, le Vieux de la montagne.
https://archive.org/stream/levieuxdelam ... 4/mode/2up

D'où je tire cette remarque de Bloy qui condamne l'antisémitisme.
Supposez que des personnes autour de vous parlassent continuellement de votre père et de votre mère avec le plus grand mépris et n'eussent pour eux que des injures ou des sarcasmes outrageants, quels seraient vos sentiments ? Eh bien, c'est exactement ce qui arrive à Notre Seigneur Jésus Christ. On oublie ou plutôt on ne veut pas savoir que notre Dieu fait homme est un Juif, le Juif par excellence de nature, le Lion de Judas; que sa mère est une Juive, la fleur de la race juive; que tous ses ancêtres ont été des Juifs, aussi bien que tous les prophètes, enfin que toute notre Liturgie sacrée tout entière est puisée dans les livres juifs. Dès lors, comment exprimer l’énormité de l'outrage et du blasphème qui consiste à vilipender la race juive ?
Autrefois, on détestait les juifs, on les massacrait volontiers, mais on ne les méprisait pas en tant que race. Bien au contraire, on les redoutait et l’Église priait pour eux, se souvenant que Saint Paul, parlant au nom de l'Esprit Saint, leur a tout promis et qu'ils doivent, un jour, devenir les astres du monde. L'antisémitisme, chose toute moderne, est le soufflet le plus horrible que Notre Seigneur ait reçu dans sa Passion qui dure toujours, c'est le plus sanglant et le plus impardonnable parce qu'il le reçoit sur la Face de sa mère et de la main des Chrétiens.
(Cette citation parle de race.. autre concept opposée à la foi chrétienne, sur le sujet, et étant un peu HS, voici l'opinion (en anglais) d'une anthropologue à la question, "quelle idée scientifique est mûre pour la retraite". Sa réponse : la race.
http://www.edge.org/response-detail/25534 )
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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par prodigal » ven. 07 févr. 2014, 13:16

A vous lire j'ai un peu honte d'avoir vivement défendu ce livre, mais je n'irai jamais jusqu'à le censurer.
La mémoire étant sélective, j'ai surtout retenu la critique de Drumont et des antisémites, qui se trouve bien dans Le Salut par les Juifs j'en suis à peu près sûr (je ne peux vérifier, n'ayant pas ce livre dans ma bibliothèque).
L'antisémitime de Léon Bloy, hélas, c'est l'antisémitisme catholique. La synagogue a les yeux bandés, telle est la manière chrétienne de se représenter le judaïsme. Parfois c'est l'occasion chez Léon Bloy de passages lyriques et violents comme il adorait en écrire.
Mais c'est toujours le symbole qui est visé. Sauf que pour un Léon Bloy la détestation du symbole implique la détestation du symbolisant, le peuple juif en l'occurrence.
Mais comme tout n'est pas négatif dans le symbole, des paroles favorables aux juifs peuvent aussi se trouver dans l'oeuvre de Bloy, qui n'oublie pas, puisque c'est le titre, que Salus ex Judaeis est une parole du Christ, donc à lire comme une vérité pure.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par AdoramusTe » ven. 07 févr. 2014, 14:04

Bonjour,

Le sujet n'est en réalité ici pas le livre de Léon Bloy. On ne peut nier les propos de Bloy.
En effet, ce livre est actuellement réédité par d'autres éditeurs. Or ces autres éditeurs ne sont pas poursuivis par la LICRA, alors que le contenu du livre est le même car ce livre est dans le domaine public.
En fait, la LICRA cherche avant tout à s'en prendre à Alain Soral et à sa maison d'édition.

Même si on n'est pas sur la même ligne qu'Alain Soral, on ne peut qu'être inquiets des conséquences que pourraient avoir une telle jurisprudence.
Car c'est la porte ouverte à toutes les tentatives de censure de livres.
Pourquoi ne pas censurer le N.T. pour propos antisémites ?
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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par Peccator » ven. 07 févr. 2014, 14:44

Dans la Tanakh, il est écrit que Israël est un peuple à la nuque raide. C'est manifestement antisémite. Censurons la Tanakh pour antisémitisme. :clown:

D'ailleurs, la notion de peuple élu est discriminatoire. Censurons. :clown:

Jesus affirme que ce ne sont pas ses disciples qui l'ont choisi, mais Lui qui les a choisi. Discrimination patente. Censurons. :clown:


Tout ca au nom de la liberté d'expression, bien sûr. :siffle:
Non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux. Mc 14, 36

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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par Cinci » ven. 07 févr. 2014, 15:40

Adoramus te,
En effet, ce livre est actuellement réédité par d'autres éditeurs. Or ces autres éditeurs ne sont pas poursuivis par la LICRA, alors que le contenu du livre est le même car ce livre est dans le domaine public. En fait, la LICRA cherche avant tout à s'en prendre à Alain Soral et à sa maison d'édition.
C'est l'organisme de défense «contre le racisme» qui aimerait donc empêcher Alain Soral d'exploiter l'oeuvre de Bloy, pour des fins d'apologètes dans son genre, pour interdire qu'on fasse de l'écrivain catholique un parrain posthume du combat à mener contre l'empire sioniste.

En fait, on ne voudrait pas que l'aura youtubesque de Soral, auprès de ses fans racistes, puissent servir de puissant incitatif, ensuite, à mal entendre la réalité des choses (parlant de ceux qui ne se seraient pas aperçu ''autrement'' de l'existence de Bloy, c'est à dire sans Soral), pour se constituer une réserve personnelle de «grains à moudre», en attendant de passer aux choses sérieuses tels qu'incendier une synagogue. Ce serait le point de vue de la LICRA, si je comprend bien.

C'est le personnage public d'Alain Soral que l'on aimerait censurer. A défaut de pouvoir le faire embastiller, la tactique adoptée va se résumer à des mesures de harcèlements procéduriers.
Dernière modification par Cinci le ven. 07 févr. 2014, 17:57, modifié 1 fois.

p.cristian
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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par p.cristian » sam. 08 févr. 2014, 12:51

Hello,

En fait, c'est vrai, la question est la censure, plus que le texte lui-même, certes classiquement antisémite, mais inscrit dans une histoire, à l'époque où la prière Oremus et pro perfidis Judaeis existait toujours.

Je m'interroge souvent s'il est bon de censurer.

Lorsque la loi définit des opinions punissables, cela induit un fléchissement du discours, une hypocrisie.
C'est bien sûr une limitation à la liberté d'expression.

Ce qui justifie pourtant ces lois est le risque de dérapage. Cela paraît moral d'interdire les appels à la violence sur quelque communauté que ce soit.
Les discriminations mènent insidieusement à la violence.
Désolé du point Goodwin, mais on voit où cela a mené.

Ceci dit, on pourrait vouloir prendre l'attitude inverse comme les États-unis, et laisser s'exprimer les plus glauques des messages sous prétexte de liberté, et espérer en la raison humaine pour faire le tri correctement, n'utiliser la coercition de la loi que lorsque la violence s'exprime.

En tout état de cause, que ces messages soit légaux ou pas, il me semblera toujours, que j'ai le devoir au moins de ne pas me taire face à des propos qui ostracisent.
"En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait"

Je saute peut-être du coq à l'âne, mais je voudrai évoquer l'anti-sionisme.

Sous couvert de ce point de vue, opinion politique qu'il conviendrait de clarifier tant ceux qui s'en réclament peuvent être différents dans leur application (voir http://leplus.nouvelobs.com/contributio ... siper.html ), se tapit bien souvent de l'antisémitisme. Et la cause est l'existence de ces lois contre l'antisémitisme ou le racisme.

Soit dit en passant, je condamne également l'amalgame dans l'autre sens, qui prétend faire taire toute discussion sur les décisions de l'État d'Israël sous couvert de lutte contre l'antisémitisme.

Et puisque j'ai commencé à dévier, sur le sujet, je dois également dire que je suis mal à l'aise de voir des spectacles interdits, sous prétexte de trouble à l'ordre public. L'interdiction ne devrait avoir lieu que lorsqu'il est absolument impossible à l'état de garantir la sécurité. Rien ne prouve que cela soit le cas en l'espèce concernant Dieudonné.
Par ailleurs, d'autres spectacles comme Golgota Picnic monté par JM Ribes au théâtre du rond-point, ont bien été autorisés malgré les troubles réels que ce spectacle anti-chrétien n'a pas manqué de provoquer, mais qui ont été contenu par les forces de l'ordre.
N.B. le P. de mon pseudo ne veut pas dire "père".

Tout ce que vous voudriez que les hommes fassent pour vous, vous aussi, faites-le de même pour eux, car c'est ce qu'enseignent la loi et les prophètes.

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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par AdoramusTe » sam. 08 févr. 2014, 13:21

p.cristian a écrit : En fait, c'est vrai, la question est la censure, plus que le texte lui-même, certes classiquement antisémite, mais inscrit dans une histoire, à l'époque où la prière Oremus et pro perfidis Judaeis existait toujours.
C'est un faux problème parce que « juifs perfides » était une mauvaise traduction du latin.
Ce qui justifie pourtant ces lois est le risque de dérapage. Cela paraît moral d'interdire les appels à la violence sur quelque communauté que ce soit.
Les discriminations mènent insidieusement à la violence.
Désolé du point Goodwin, mais on voit où cela a mené.
La république ne reconnait aucune communauté. Elle ne reconnait que les individus.
Il existe des lois pour condamner les insultes, les atteintes à l'honneur, les diffamations sur les individus et bien sur les appels à la violence, etc.
Ce qui est raisonnable dans un état de droit.

Mais la loi n'a pas à sanctuariser des communautés, spécialement des minorités car cela se transforme en des dictatures des minorités sur la majorité.
Ainsi la toute puissance du CRIF et de la LICRA, de l'inter-LGBT, etc.
Mais ça risque de se retourner contre ces communautés à terme.
Soit dit en passant, je condamne également l'amalgame dans l'autre sens, qui prétend faire taire toute discussion sur les décisions de l'État d'Israël sous couvert de lutte contre l'antisémitisme.
Aujourd'hui, il y a plutôt une tendance à faire passer la critique d'Israël pour de l'antisémitisme. C'est d'ailleurs l'origine de l'affaire Dieudonné il y dix ans.
Mais, c'est un jeu dangereux auquel joue le CRIF et la LICRA, car ils importent ainsi le conflit israëlo palestinien en France qui a une forte population musulmane pro-palestinienne.
Du coup, cela favorise la montée de l'antisémitisme.
Et puisque j'ai commencé à dévier, sur le sujet, je dois également dire que je suis mal à l'aise de voir des spectacles interdits, sous prétexte de trouble à l'ordre public. L'interdiction ne devrait avoir lieu que lorsqu'il est absolument impossible à l'état de garantir la sécurité. Rien ne prouve que cela soit le cas en l'espèce concernant Dieudonné.
Par ailleurs, d'autres spectacles comme Golgota Picnic monté par JM Ribes au théâtre du rond-point, ont bien été autorisés malgré les troubles réels que ce spectacle anti-chrétien n'a pas manqué de provoquer, mais qui ont été contenu par les forces de l'ordre.
La différence est que ces pièces sont subventionnées par les collectivités locales. Ce qui n'est pas le cas de Dieudonné.
Il y a quand même un léger parti pris.
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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par Jeremy43 » sam. 08 févr. 2014, 13:34

Bonjour,

De toute manière le peuple juif restera un peuple persécuté / insulté / méprisé par le monde comme il l'a toujours été, mais il triomphera car Dieu n'a qu'une Parole.

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Re: L'affaire Léon Bloy

Message non lu par AdoramusTe » sam. 08 févr. 2014, 13:43

Jeremy43 a écrit : De toute manière le peuple juif restera un peuple persécuté / insulté / méprisé par le monde comme il l'a toujours été, mais il triomphera car Dieu n'a qu'une Parole.
Ce n'est pas pour ça qu'il doit être persécuteur.
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