Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » sam. 18 oct. 2008, 8:10

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot EMPAN.

31. EMPAN

A l’heure de la technologie souveraine qui nous fait vivre entourés d’outils
sophistiqués, il est émouvant d’apercevoir un geste simple et comme issu
du fond des âges.

Je voyais l’autre jour un artisan mesurer rapidement mais justement le bas
d’une cloison en utilisant l’espace compris entre l’extrémité de son pouce
et celle de son petit doigt. C’est simple et pratique ; on porte son instrument
de mesure sur soi. Il avait malheureusement oublié le nom de cette mesure ...

Il s’agit de l’empan :

Image

Le terme est très ancien, comme la pratique. Il appartient au vieux fond
apporté par les invasions germaniques. Le francique appelait cette mesure
spanna. L’allemand moderne dit spanne lié au verbe spannen ("étendre").

Le mot apparaît dans les plus anciens textes, y compris la bible : souvenez-vous
du jeune David qui terrassa le géant Goliath avec une fronde. Eh bien, la Bible
nous apprend que la taille de Goliath était de « six coudées et un empan »,
soit plus de 2 mètres 90 !

Image

Le mot a pratiquement disparu aujourd’hui, sauf en psychologie. On appelle
« empan de mémoire » le nombre d’éléments que l’on peut mémoriser en une
seule fois. De même, les cognitivistes (= étude du processus d'assimilation
des connaissances) appellent empan la portion du texte qu’embrasse le
regard, ce qui est très important pour l’apprentissage de la lecture.

Mais par ailleurs, on ne mesure plus guère avec sa main ; on n’évalue plus du
tout en empans. Et c’est bien dommage ; le mot ne manque pas d’une certaine
beauté. Voyez ce qu’un poète en fait : « Le monde s’ouvre et si large qu’en
soi l’empan, mon regard le traverse d’un bout à l’autre
… » (Paul Claudel)

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Fée Violine » sam. 18 oct. 2008, 17:25

le mot "empan" se trouve dans un très beau poème, lu sur un forum littéraire, bref et mystérieux comme un haïku :
je suis l'empan

du rire aux larmes


et l'intérieur du ciel

ma plaie

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » dim. 19 oct. 2008, 19:25

(Merci pour le poème, Fée Violine !)

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, l'expression PEU OU PROU.

32. PEU OU PROU

Tout francophone a entendu ou employé au moins une fois l’expression
peu ou prou. On en comprend le sens, celui de "plus ou moins", mais on
ignore généralement l’origine de ce curieux prou

Le latin populaire possédait un adjectif, prodis, qui signifiait "profitable".
Ce mot a eu trois résultats en français où se retrouve l’idée d’utilité :

Tout d’abord le substantif prou lequel signifiait en ancien français "le bénéfice",
"le profit". Le terme a disparu très vite. La Fontaine, dont la langue est souvent
archaïsante, écrit encore dans Le paysan qui avait offensé son seigneur :
Or buvez donc, et buvez à votre aise ; bon prou vous fasse ! Holé, du vin, holé !

Ensuite, l’adjectif preux, lequel est encore bien vivant en français moderne :
être preux en ancien français signifiait "être utile". Si l’on est un homme, et
particulièrement un chevalier, on est preux quand on est brave et courageux.
Et si l’on est une femme, on est preude quand on est sage et de bon conseil.
Mais la langue est sexiste : l’ancien français preude est devenu le français
moderne prude.

Image

Enfin, l’adverbe prou, lequel était très courant en ancien français, signifiait
"beaucoup". Cet adverbe court et commode a néanmoins disparu de la langue
et ne subsiste plus que de façon figée dans l’expression peu ou prou, seul
héritier avec l’adjectif preux d’une d’une famille lexicale très vivante dans
l’ancienne langue et qui a disparu, ou peu ou prou !

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » lun. 20 oct. 2008, 19:40

Bonjour ! :ciao:

Ajourd'hui, les mots suivants :

33. JEU D’ECHECS / ECHEC ET MAT / ECHIQUIER / CHEQUE

« Il se passe plus d'aventures sur un échiquier que sur toutes
les mers du globe !
» écrit Joseph Conrad au sujet des échecs.

D’où vient ce jeu de stratégie si populaire et qui, encore aujourd'hui,
est un des domaines dans lesquels l'homme surpasse les capacités
de calcul de la machine ?

Il est apparu en Inde au VIe siècle sous le nom de chaturanga
(« quatre forces » en sanskrit). On y jouait à quatre, puis, plus tard,
à deux. Chaque joueur disposait d'une armée miniature comprenant
des éléphants, des chevaux, des chars et des fantassins.

Le jeu se diffusa sur les routes du commerce et des conquêtes, d'abord
en Perse où il devint le chatrang, puis dans l'Empire byzantin et dans
le reste du continent asiatique. Lorsque les Arabes envahissent la Perse,
ils adoptent le jeu sous le nom de shatranj, le nom qu'on lui connaît
aujourd'hui, et les pièces sont alors stylisées en raison de l’interdiction
de représenter, chez les musulmans, des êtres animés.

Les échecs arrivent en Europe vers l'an mil, d'abord à travers la conquête
de l'Espagne par l'Islam, puis, plus tard, grâce aux Croisés de retour de
Terre sainte. Les joueurs italiens commencèrent à dominer la scène,
arrachant cette suprématie aux Espagnols. Les Italiens, à leur tour, furent
supplantés par les Français et les Anglais au cours des XVIIIe et XIXe siècles.

C’est d’abord les rois et la noblesse qui jouent aux échecs. Le but du jeu,
inspiré de l'art de la guerre, est de s'emparer du roi de l'adversaire.
Aussi, l'apprentissage des échecs fait-il partie de l'éducation des chevaliers.


Très vite, le jeu atteint les universités et les cafés, et avec l'accroissement
du nombre de joueurs, les matchs et les tournois se font beaucoup plus
fréquents. Le café Procope, premier café de Paris, et surtout Le café
de la Régence
, furent de 1680 à 1910, le centre du jeu d’échecs en Europe
et virent défiler les joueurs et les célébrités les plus connus de leur temps.

A cette époque, les échecs se jouaient très souvent avec des dés et pour de
l’argent. Dans les tavernes, les parties soumises à des enjeux entraînaient
souvent rixes voire meurtres qui nuisirent longtemps à la réputation du jeu, à
un tel degré qu'au XIe siècle, le pape Innocent III, et à sa suite saint Louis,
enjoignent aux joueurs d’abandonner les dés. C'est en renonçant progressivement
à l’emploi des dés que les échecs acquièrent une certaine honorabilité.

En 1796, sous la Révolution, le jeu est frappé d'interdit : le Directoire le jugeait
trop associé au roi et à la noblesse. Certaines pièces du jeu seront même
débaptisées (dame au lieu de reine, etc). Bonaparte, grand amateur du jeu
mais piètre joueur, réhabilitera les échecs en 1804, après son sacre.

ECHEC ET MAT

Quant à l’expression échec et mat, voici ce qu’elle signifie : lorsque
le pion figurant le roi du joueur adverse était sur le point de succomber,
le vainqueur disait shâh mât !ce qui signifiait en persan : le roi est mort !

ECHIQUIER

Alors que le reste de l’Europe utilisait le boulier pour le calcul, l’Angleterre employait
un autre procédé : les réunions des employés de la finance se passaient autour
d'une table à cases blanches et noires, pareille à un échiquier, sur laquelle les
fonctionnaires faisaient leurs calculs en utilisant des jetons qui ressemblaient aux
pièces du jeu d’échecs. Voilà pourquoi au XIe siècle, les Anglais nommèrent-ils le
ministre des Finances Chancelier de l'Echiquier (Chancellor of the Exchequer)

CHEQUE

En 1742, la banque d'Angleterre détenant le monopole des billets de banque, les
banquiers qui ne pouvaient plus émettre de billets inventèrent une monnaie
scripturale (c’est-à-dire une monnaie dont l’existence est totalement immatérielle):
le chèque. Il fut nommé d'abord « exchequer bill » parce qu'issu de l'Echiquier anglais.

« Exchequer » fut ensuite abrégé en "check" (chèque), mot issu du vieux français
« eschec » ("échec"), lui-même issu du latin "scaccus". Scaccus est la transcription
du mot persan « shah » (le roi).

La banque de France émet les premiers chèques en 1826 et les appellera
des « mandats blancs » jusqu’en 1865.

L'AUTOMATE LE PLUS CELEBRE DE L'HISTOIRE :
LE JOUEUR D'ECHECS DU BARON DE KEMPELEN


Toujours au sujet des échecs, connaissez-vous la très célèbre supercherie
que fut l'automate turc du baron de Kempelen ? L'histoire vaut la peine
d'être contée !

Les automates, ancêtres des robots, faisaient fureur dans les salons du XVIIIe
siècle. En 1769, l’ingénieur W. von Kempelen met au point un automate doté
de la prétendue faculté de jouer aux échecs. L’automate et son génial inventeur
font la tournée des capitales d’Europe et sont présentés aux reines et aux rois
ébahis. Le "Turc" défait les plus grands joueurs et les célébrités de l'époque :
Benjamin Franklin est vaincu ; Philidor le bat ; Napoléon Bonaparte l'affronte en
1809 et perd la partie. L'impératrice Catherine de Russie offrira même d'acheter
la machine.

Avant chaque séance, Kempelen faisait inspecter l'automate, ouvrait les portes
de la commode, révélant une mécanique et des engrenages internes qui, lors
de l'activation de l'automate, s'animaient. Des comités de savants, de mécaniciens
et même de magiciens expertisèrent l'engin. En vain. L'attraction tenait du prodige.

La ruse ne sera découverte qu’en 1834 ! En réalité, le mécanisme n'était qu'une
illusion. Le coffre possédait un compartiment secret très sophistiqué dans lequel
un vrai joueur de petite taille pouvait se glisser et manipuler le mannequin ...
Ce chef-d’œuvre de mécanique passionnera des générations d’historiens, de
cinéastes et d’écrivains, mais aussi de magiciens, car le Turc mécanique fut le
premier dans l'histoire de la magie à contenir un compartiment secret escamotable ...

A demain ! :ciao:

COMPLEMENTS :

Vidéo YouTube sur l'automate (en anglais) :
http://www.youtube.com/watch?v=RdT4yG8wczQ

Un livre qui dévoile les secrets de l'extraordinaire ingéniosité
de l'automate et nous parle du XVIIIe siècle :
Le Secret de l'automate de Robert Löhr.
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » mar. 21 oct. 2008, 20:17

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, l'expression COUPE SOMBRE.

34. COUPE SOMBRE

J’entendais recemment un candidat à une élection promettre des « coupes sombres »
dans le budget de la fonction publique. Votons pour lui, ai-je pensé, sa politique ne
sera pas trop sévère !

En effet, à cause de l’adjectif « sombre », on pense généralement, comme ce candidat,
qu’une telle coupe est brutale … C’est tout le contraire !

Le mot « coupe » désigne, entre autres, l’action d’abattre des arbres dans une forêt :
pratiquer une coupe. La coupe d’ensemencement ne porte que sur quelques arbres ;
elle est faible et favorise les semences naturelles ; elle laisse la forêt dans une relative
obscurité : on parle de « coupes sombres ».

Image

En revanche, si l’on abat de nombreux arbres, produisant une large arrivée de lumière
dans le bois, les forestiers parlent alors de « coupes claires ». C’est cette dernière qui
est brutale ! et que l’on devrait utitiliser, par image, dans un discours volontariste :
annoncer des coupes claires dans le personnel de l’entreprise ou dans son budget …

Image

Le bon usage est donc paradoxal, qui semble utiliser les adjectifs "sombre" et "clair" à
contre emploi. Il n’empêche, la coupe sombre est bénigne ; la coupe claire, dévastatrice.

Pour vous en souvenir, si vous pratiquez une coupe claire, vous abattez de nombreux
arbres et produisez une … clairière !

A demain ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » mer. 22 oct. 2008, 15:45

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot ENVOUTER.

35. ENVOUTER

L’ancien français possédait de nombreux mots pour désigner la partie
antérieure de la tête. Curieusement, ils ont presque tous disparu :

Chière du grec kara (tête) était d’emploi très fréquent. Il n’existe plus
que dans l’expression faire bonne ou mauvaise chère, c’est-à-dire "bon ou
mauvais visage", en d’autres termes "bon ou mauvais accueil", et par suite,
"bon ou mauvais repas". C’est le sens actuel de l’expression faire bonne chère.

Vis du latin visus (vue) était un terme de base. On ne le reconnaît
plus que dans vis-à-vis et dans son dérivé visage.

Image

• Mais mon préféré est le mot vout, du latin vultus (le visage).
D’emploi très général également, il n’existe plus que dans un dérivé verbal,
et pas n’importe quel verbe : envoûter !

Vout était en effet employé par les magiciens pour désigner cette figurine
de cire ou de terre glaise représentant le visage de la personne à laquelle
on entendait nuire, une représentation à laquelle on inflingeait toute sorte
d’actions désagréables, comme par exemple, y planter des clous ...

Image

Envoûter, par suite, a pris le sens de soumettre une personne à une action
magique, l’ensorceler, et l’envoûtement est un sortilège où ne se reconnaît plus
le vieux mot vout ... Comme vous le voyez, il s’est passé des choses étranges
dans l’histoire du vocabulaire français !

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » jeu. 23 oct. 2008, 12:09

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot CRAVATE.

36. CRAVATE

Nos amis d’Europe centrale et orientale ont donné bien des mots à la
langue française. Prenez le mot cravate …

Les très élégants cavaliers croates, slaves catholiques, avaient formé un
régiment de mercenaires dès le règne de Louis XIII pour donner leur appui
au roi et au cardinal Richelieu dans ce qu’on a appelé par la suite la guerre
de Trente ans.

A l’époque, on ne les appelait pas des Croates, mais des « Cravates », la
forme francisée du mot « Hrvat », qui signifie « Croate » en langue croate.

Le régiment devint, sous Louis XIV, le fameux Royal-Cravate. Ces beaux
cavaliers lancèrent une mode qui remplaça le traditionel rabat (= col garni
ou non de dentelles). Ils portaient autour du cou une bande d’étoffe que
l’on tournait deux fois autour du col de chemise et dont on laissait pendre
les extrémités.

Il devint du meilleur gôut de porter cette bande d’étoffe « à la cravate »,
c’est-à-dire, à la croate. La mode se propagea très vite à toute l'Europe.
La cravate prit ensuite des formes diverses selon les modes : discrète au
XVIIIème siècle, volumineuse pendant la Révolution, presque un foulard
à La Vallière, etc.

Patrie de la cravate, la Croatie se devait d'être logiquement aussi celle de
la plus grande cravate du monde ! C'est chose faite depuis 2003, lorsqu'une
cravate de 971 mètres de long sur 25 mètres de large fut nouée autour
des arènes romaines de Pula, en Croatie :

Image

Vous l’avez deviné : c’est à l’élégance croate que l’on doit cet ornement
vestimentaire qui devient un peu désuet à la télévision mais que je défends
avec ardeur : la cravate !

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » ven. 24 oct. 2008, 19:58

Bonjour ! :ciao:

Aujourd’hui, l’expression BALLON D’ESSAI.

37. BALLON D’ESSAI

Il est de ces expressions qu’on emploie tous les jours sans y songer, sans
savoir dans quel contexte précis elles ont été forgées …

Prenez l’allocution « ballon d’essai ».

On l’entend beaucoup en politique : "Le gouvernement a lancé cette réforme
sans trop y croire, comme un ballon d’essai" …

Elle signifie un propos avancé, une expérience tentée afin de sonder l’opinion.
Cette expression familière apparaît dans les années 1830. On la trouve, par
exemple, dans la correspondance de Chateaubriand et dans celle de Balzac.

De quoi s’agit-il ?

Depuis la fin du XVIIIème siècle, le mot ballon désigne, entre autres, un aérostat
gonflé d’un gaz plus léger que l’air : c’est une montgolfière, du nom des frères
Montgolfier, leur inventeur. On parlera plus tard de ballon, de dirigeable, de ballon
sonde, voire de ballon stratosphérique …

Or, avant de tenter une ascension, on lançait un petit ballon perdu afin de
déterminer la direction du vent : c’était un ballon d’essai. La mode des excursions
puis des voyages en ballon des années trente à la fin du siècle, a popularisé
l’expression « ballon d’essai », laquelle a peu à peu perdu son sens propre.

Image

Aujourd’hui, quand un gouvernement lance un ballon d’essai, il entend donc,
mais sans le savoir, nous emmener en ballon, et parfois même, en bateau !

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » dim. 26 oct. 2008, 23:08

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot ASSIETTE.

38. ASSIETTE

Après les fêtes et les excès gastronomiques, on n’est pas vraiment « dans son
assiette
»... Est-ce à dire que l’on manque d’appétit, que celle-ci reste pleine ?
Pas du tout ! Il s’agit d’un terme d’équitation.

Assiette signifie la façon dont le cavalier se tient, dont il est assis. C’est en
effet un dérivé de asseoir. Assiette, dans l’ancienne langue, signifait tout
simplement la position, la situation. On parlait de « l’assiette d’une ville », de
sa situation facilement ou difficilement assiégable. Egalement de « l’assiette
d’un navire
» : son équilibre dans l’eau.

Comment est-on arrivé au sens moderne de plat individuel ?

On n’en sait trop rien ! Sans doute qu’à l’époque où l’on s’est mis à manger
dans son plat personnel, on disposait autour de la table, des convives et des
plats individuels, chacun ayant sa position, sa situation, son assiette ... D’où,
peut-être, le sens moderne.

Et puisque nous parlons d’assiettes, saviez-vous qu'à l'époque des derniers rois
de France, seule la noblesse était autorisée à posséder et à utiliser des assiettes
en porcelaine ? Les contrevenants étaient emprisonnés ... Ce matériau rapporté
de Chine par Marco Polo était si rare et si précieux qu'il fut appelé « l'or blanc. »

Photo ci-dessous :
Cette assiette de 1757 de Nevers à décor polychrome (= plusieurs couleurs)
représentant le Jeu de paume (l’ancêtre du tennis) a été vendue récemment
aux enchères pour 29 597 euros.

Image

En tous les cas, assiette signifie à la fois le contenant (mangeur d’assiettes,
casseur d’assiettes, pique-assiette) et le contenu : une assiette anglaise...
Les expressions anciennes, par suite, comme « ne pas être dans son assiette »
sont devenus imcompréhensibles et très poétiques. Ma préférée, c’est « l’assiette
d’un impôt
» (sa base fiscale) ; elle évoque admirablement la fiscalité vorace, la
taxation gourmande, le percepteur glouton !

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » lun. 27 oct. 2008, 20:11

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot LURETTE.

39. LURETTE

Qui n’est tombé amoureux de la belle, de la très belle Lurette ?
Mais c’était il y a fort longtemps !

En effet, le substantif lurette, généralement construit avec "belle", signifie
"longtemps". Il appartient au langage familier : il y a belle lurette, voici belle
lurette
... Depuis belle lurette est un synonyme expressif de "depuis très longtemps".

L’expression n’est pas très ancienne. Elle est attestée au XIXe siècle et succède
à une autre expression qui en fournit la clé : « Il y a belle heurette », c’est-à-dire,
une jolie petite heure. Il s’agit d’une anti-phrase plaisante comme en connaît bien
la langue populaire : "un joli petit moment" signifie "un grand moment" .
Il y a belle heurette s’entend encore régionalement dans l’est et dans le nord
de la France.

Image

Pénétrant dans le français standard qui ne connaît pas le mot « heurette »,
l’expression a été mal comprise et donc transformée : belle heurette ...
belle leurette ... belle lurette !

Et c’est vrai qu’il est joli ce mot lurette, gracieux et poétique, avec son
diminutif et son quelque chose d’un "leurre". Ne craignons pas d’en faire
usage, même si l’étymologie exacte en est perdue ... depuis belle lurette !

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » mar. 28 oct. 2008, 8:24

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, l'expression :

40. JEUNE FILLE AU PAIR

Une amie qui a reçu chez elle une jeune fille québecoise, me demande
l’origine de l'expression jeune fille au pair.

Image

Mon amie a bien vu que le terme est masculin ("au pair"), qu’il ne comporte
pas de e final. Il ne s’agit donc pas d’un emploi du mot « la paire. »

La locution est formée sur le substantif masculin « pair » issu du latin par,
paris, qui signifiait "égal". Il porte en lui l’idée de parité, d’où les expressions
la chambre des pairs, être hors pair, aller de pair ...

Très vite, le terme a pris un sens précis en économie. Dès le XVIème siècle, il
désigne la valeur de change d’une monnaie, d’où l’expression "change au pair" :
change entre deux monnaies étrangères fondé sur le poids d’or qu’elles valent.

Le terme, ensuite, est entré en bourse : une action remboursée "au pair" possède
un prix de remboursement égal à sa valeur nominale. Cette notion de parité
économique se retrouve dans l’expression "travailler au pair". La locution désigne
un travail fourni en échange du logement et de la nourriture. Un travail au pair
est généralement défini par un contrat qui délimite cette équivalence.

Une jeune fille au pair travaille donc dans les limites d’un échange de service.
Elle n’est pas ... une bonne à tout faire. :)

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » mer. 29 oct. 2008, 9:09

Bonjour ! :ciao:

Aujourd’hui, les mots suivants :

41. COMPUTER / INFORMATIQUE / ORDINATEUR

COMPUTER

L’anglais désigne par « computer science », c’est-à-dire "science des ordinateurs",
tout ce qui a trait au calcul, humain, mécanique ou électronique.

Issu du latin computare (compter), le mot computer signifie littéralement
"calculer", et plus exactement, calculer les dates des fêtes mobiles dans la religion
chrétienne. Ainsi le "comput ecclésiastique" : les fêtes du calendrier sont en effet
définies par rapport à la date de Pâques, qu’il faut déterminer chaque année.

Image

INFORMATIQUE

Le terme "informatique" est ce qu’on appelle un mot-valise, c’est-à-dire la
contraction de deux mots, en l’occurrence "INFORmation" et "autoMATIQUE".
C'est l'Allemand Karl Steinbuch qui emploie pour la première fois le terme
"informatik" dans un essai qu'il publie en 1954. Le mot est ensuite repris en
français en 1962 par Philippe Dreyfus, ingénieur chez Bull.

L'usage officiel de ce néologisme (= nouveau mot) a été consacré par Charles
de Gaulle qui a tranché entre "informatique" et "ordinatique", et en 1967,
l'Académie française choisit ce mot pour désigner cette nouvelle discipline.

Plusieurs pays adoptèrent ce nouveau terme. C'est ce que voulurent également
faire les Américains, seulement voilà : il existait déjà une société américaine, la
Informatics Inc. qui avait déposé son nom en 1962, interdisant à quiconque
d’utiliser le mot "informatics". C'est pourquoi les Américains ont gardé l'expression
computer science.

ORDINATEUR

Le terme "ordinateur, lui, est d’origine ... divine ! le mot existait en effet bien
avant les ordinateurs et relevait du vocabulaire théologique et écclésiastique.

Tout a commencé en 1954. IBM France recherchait un nom français pour ses
nouvelles machines, et voulait éviter le mot "calculateur", traduction littérale
du mot computer. IBM consulta le professeur Jacques Perret, linguiste à la
Sorbonne. Celui-ci répondit par une lettre désormais célèbre dont voici le début :

« Que diriez vous d' "ordinateur" ? C'est un mot correctement formé,
qui se trouve même dans le [dictionnaire] Littré comme adjectif designant
Dieu qui met de l'ordre dans le monde. Un mot de ce genre a l'avantage
de donner aisément un verbe "ordiner", un nom d'action "ordination".

L'inconvénient est que "ordination" designe une cérémonie religieuse ;
mais les deux champs de signification (religion et comptabilité) sont
si éloignés et la cérémonie d'ordination connue, je crois, de si peu de
personnes que l'inconvénient est peut-être mineur. D'ailleurs votre
machine serait "ordinateur" (et non ordination) et ce mot est tout à
fait sorti de l'usage théologique. (…) »


Image

En effet, le mot "ordinateur", issu du latin ordinator est attesté en français
dès 1491 : "Celui qui met de l’ordre", " l’organisateur ". Pour les chrétiens
d’expression latine, c’était le Christ. Dans la liturgie de l'Église, ce terme avait
aussi le sens d' "ordinant", c’est-à-dire celui qui confère un ordre ecclésiastique.
Ainsi, une "ordination" est la cérémonie au cours de laquelle l’évêque confère
les ordres sacrés au futur prêtre.

Notons au passage que toutes les autres langues utilisent le terme
"calculateur" et non "ordinateur"... Pourquoi n’avons-nous pas gardé
le sympathique mot computer, à qui l'on ne peut reprocher de n'être
pas latin ? ... Mystère.

Image

Photo ci-dessous : Voici l’ancêtre de l’ordinateur : "La machine à différences".

Concue en 1821 par le mathématicien britannique Charles Babbage, père de
l'informatique, il s’agit d’un ordinateur entièrement mécanique. Une simple
manivelle permet de faire fonctionner la machine et de lancer le calcul.
Babbage ne put terminer sa machine, mais en 1991, des ingénieurs réalisèrent
un exemplaire de son ordinateur à partir des plans originaux. La machine
fonctionne parfaitement et réalise un calcul toutes les six secondes !

Image

A demain ! :ciao:

COMPLEMENTS

• Pour les amateur de romans d'anticipation et de science-fiction :
un livre fut publié en 1991, construit autour de l'uchronie suivante :
Que se serait-il passé si Charles Babbage avait réussi à compléter
sa machine au XIXe siècle, déclenchant ainsi la révolution
informatique un siècle plus tôt ?

La machine à différences, de Bruce Sterling et William Gibson
(éditions Robert Laffont).
Dernière modification par Balade le mer. 19 nov. 2008, 11:35, modifié 1 fois.

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » jeu. 30 oct. 2008, 11:04

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot GLAUQUE.

42. GLAUQUE

Nos chers adolescents (ou plutôt, nos ados), familiers d’expressions du genre
Il est glauque, ce mec ! seraient très étonnés d’apprendre que l’on pouvait,
au XVIIe siècle, tomber amoureux des beaux yeux glauques d’une dame !

L’adjectif glauque, en effet, n’est au départ en rien péjoratif. Il a été emprunté
au XVe siècle au latin glaucus, qui le tenait lui-même du grec. C’est un adjectif
de couleur qui désigne un espace chromatique compris entre le bleu, le vert et
le gris très clair.

Image

En d’autres termes, glauque désigne une couleur intermédiaire, bleu-vert, vert-bleu,
grisâtre. Ce qui a une double conséquence : Tout d’abord, le fond de l’œil présentant
cette couleur, on a calqué au XVIIe siècle, sur le latin glaucoma (lui-même emprunté
au grec), le "glaucome", qui désigne une affection de l’œil.

Ensuite, glauque signifiant une couleur intermédiaire, changeante, a été souvent
associé à l’eau de la mer, et, à l’époque moderne, aux eaux stagnantes, marécageuses.
On a là le point de départ d’une évolution qui a fait disparaître la signification première,
chromatique, au profit d’un sens dérivé. Est glauque ce qui est trouble, malsain, et
pour tout dire, pas net.

Image

On obtient ainsi le sens fétiche de la jeune génération, une évolution sémantique
assez glauque, il faut le reconnaître. :)

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
Dernière modification par Balade le mer. 19 nov. 2008, 11:46, modifié 1 fois.

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Fée Violine » jeu. 30 oct. 2008, 11:40

"glaukos" signifie exactement :
- brillant, étincelant, éclatant, sans idée de couleur déterminée, en parlant de la mer [qualifie les vagues, l'aurore, la lune, les astres, l'éclat des yeux, les races d'hommes aux yeux clairs, les serpents aux yeux étincelants, la déesse Athéna];
- de couleur glauque, d'un vert pâle ou gris [qualifie la couleur de l'olive, l'olivier, certaines pierres précieuses]
quelquefois : d'un bleu mélangé de blanc ; ou d'un bleu pâle ou gris, nuance peu goûtée des Grecs.

et le nom grec de la chouette est "glaux", à cause de ses yeux brillants. En passant, je découvre dans le dictionnaire grec le savoureux proverbe "porter une chouette à Athènes" qui est l'équivalent de "porter de l'eau à la rivière".
Athéna, la déesse éponyme de la ville d'Athènes, avait pour emblème la chouette, et on la qualifiait de "glaukôpis Athéna", c'est-à-dire : Athéna aux yeux brillants.

Cette incertitude à propos des couleurs vient du fait que dans l'Antiquité, du moins chez les Grecs et les Romains, il y avait très peu de mots pour désigner les couleurs. Ils étaient plus sensibles à l'aspect brillant ou mat des choses, qu'à la nuance exacte. Ainsi en latin, il y a deux mots pour désigner le noir et le blanc selon qu'ils sont brillants ou mats (niger/ater ; candidus/albus), il y a le rouge, mais pour les autres, il n'y a que des termes assez vagues, et rarement employés.
D'ailleurs en ancien français aussi : les mots bleu, blanc, et blond viennent tous de la même racine qui désigne quelque chose de brillant.

Mais pour revenir à "glauque", je ne suis pas adolescente mais c'est un mot que j'emploie aussi pour qualifier les gens "pas clairs", que j'oppose aux gens "pétillants". Les gens "new age" sont généralement glauques, je trouve.

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » ven. 31 oct. 2008, 8:10

(Merci pour ces précisions, Fée Violine !)

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot CATIN.

43. CATIN

Constatant le goût de la Révolution française, qu’il n’aimait pas, pour l’Antiquité
romaine, le prince Charles-Joseph de Ligne commentait, goguenard : Les Catons
ont replacé les Catins !
(Caton était un patronyme répandu chez les Romains)

Les catins. Voilà un mot qui fleure bon le XVIIIe siècle.

Au départ, ce terme n’est en rien péjoratif. C’est un dérivé affectueux du prénom
Catherine, dont on a gardé l’initiale et auquel on a ajouté le suffixe-in.
On rencontre aussi « Catiche ».

Au XVIe siècle, « catin » désigne gentiment une fille de la campagne, d’où le sens
dérivé de "poupée", encore vivant au Québec : une "catin de cire", une "catin de son".
La poétesse Antoinette Deshoulières, première académicienne de France en 1689, écrit :

Dans ce hameau, je vois de toutes parts
De beaux atours mainte fillette ornée ;
Je gagerais que quelque jeune gars
Avec Catin unit sa destinée.


Image

Du sens de fille de la campagne, on est passé à celui de servante, et ensuite,
trop facilement, à celui de femme de mauvaises mœurs, prostituée. Voilà bien
l’emploi le plus courant de catin au XVII et au XIIIe siècle, au sens propre :
Madame, vous n’êtes qu’une catin ! comme au sens figuré : Cette catin
de fortune m’a abandonné !


Ensuite, le terme est tombé dans l’oubli ... Que dit-on aujourd’hui ?
Une (pardonnez-moi) putain, une traînée, voire une pouffiasse ?
Tout cela est assez vulgaire. Tant qu’à être désobligeant avec les dames,
autant le faire avec un peu d’élégance et de distinction. Ne craignons donc
pas de faire revivre ce terme d’Ancien régime. De grâce, mes seigneurs,
vive les catins !

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
Dernière modification par Balade le sam. 15 nov. 2008, 23:31, modifié 4 fois.

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