L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

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Popeye
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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par Popeye » sam. 15 sept. 2007, 19:53

L'élève Marchenoir aura un bon point. :)

En fait, s'il n'y avait qu'Humani Generis, le monogénisme ne serait que proche de la foi (proche d'une vérité à tenir). Mais en fait toute la Tradition tient pour un couple unique, une unique racine de l'homme (homo sapiens vs néanderthalien). A partir de là, on peut diverger. Soit tenir qu'il s'agit d'une vérité de fide ut tenenda, soit tenir pour une vérité de fide ut credenda. J'incline, contrairement à vous, pour la seconde branche de l'alternative, car je pense que c'est là la position des Pères et des Docteurs, témoins authentiques du Magistère ordinaire et universel.

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marchenoir
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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par marchenoir » dim. 16 sept. 2007, 0:29

popeye a écrit :L'élève Marchenoir aura un bon point. :)

En fait, s'il n'y avait qu'Humani Generis, le monogénisme ne serait que proche de la foi (proche d'une vérité à tenir). Mais en fait toute la Tradition tient pour un couple unique, une unique racine de l'homme (homo sapiens vs néanderthalien). A partir de là, on peut diverger. Soit tenir qu'il s'agit d'une vérité de fide ut tenenda, soit tenir pour une vérité de fide ut credenda. J'incline, contrairement à vous, pour la seconde branche de l'alternative, car je pense que c'est là la position des Pères et des Docteurs, témoins authentiques du Magistère ordinaire et universel.
Oh, vous savez, cher Popeye, mon opinion est fondée sur une connaissance tellement partielle que je la considère sans vergogne comme révocable à l'envi.

Si j'incline pour la première branche de l'alternative, c'est que je pense que la vérité de fid ut credenda est plutôt le dogme du péché originel, et que le mode de propagation de ce péché est à ce point mystérieux qu'il est osé d'inférer directement le monogénisme de ce dogme. Sur ce point je me trompe peut-être et accepte volontiers d'être repris, mais il me semble que l'utilisation du pape Pie XII de l'expression : "on ne voit absolument pas comment pareille affirmation peut s'accorder avec ce que les sources de la vérité révélée..." n'est pas anodine. Si l'inférence était patente, il n'aurait pas hésité à écrire "on voit absolument qu'elle ne s'accorde pas".

En tout cas, cher Popeye, merci pour vos éclaircissements et au plaisir de vous lire.

Marchenoir.

PS. A la place du bon point, je pourrai avoir une Plèstècheune3, dites, siouplè ?
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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par Popeye » dim. 16 sept. 2007, 2:32

Bonsoir Marchenoir.

Le monogénisme et le polygénisme n'ont pas pour objet la transmission du péché originel, mais l'unité ou la pluralité des souches homo sapiens. Je ne vois pas comment peut s'accorder au dogme du péché originel une pluralité de souches. Car dire qu'en Adam tous ont péché, c'est dire qu'il y a un seul Adam.

Quant à dire que l'expression "on ne voit absolument pas comment pareille affirmation peut s'accorder avec ce que les sources de la vérité révélée et les Actes du magistère de l'Eglise enseignent sur le péché originel" excluerait la première branche de l'alternative, ça me parait fort de café. Car si la Révélation (le donné formellement révélé = vérité de foi divine) et les actes du magistère (qui en l'espèce engagent l'infaillibilité) excluent le polygénisme, le monogénisme est soit un dogme (vérité dont il est de foi catholique qu'elle est de foi divine), soit proche d'un dogme (vérité de fide ut tenenda par ailleurs de foi divine, raison pourquoi elle pourra ultérieurement être consacrée comme ut credenda, raison pourquoi elle est proche d'être un dogme).

:bise:

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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par marchenoir » dim. 16 sept. 2007, 13:20

popeye a écrit :Bonsoir Marchenoir.

Le monogénisme et le polygénisme n'ont pas pour objet la transmission du péché originel, mais l'unité ou la pluralité des souches homo sapiens. Je ne vois pas comment peut s'accorder au dogme du péché originel une pluralité de souches. Car dire qu'en Adam tous ont péché, c'est dire qu'il y a un seul Adam.

Quant à dire que l'expression "on ne voit absolument pas comment pareille affirmation peut s'accorder avec ce que les sources de la vérité révélée et les Actes du magistère de l'Eglise enseignent sur le péché originel" excluerait la première branche de l'alternative, ça me parait fort de café. Car si la Révélation (le donné formellement révélé = vérité de foi divine) et les actes du magistère (qui en l'espèce engagent l'infaillibilité) excluent le polygénisme, le monogénisme est soit un dogme (vérité dont il est de foi catholique qu'elle est de foi divine), soit proche d'un dogme (vérité de fide ut tenenda par ailleurs de foi divine, raison pourquoi elle pourra ultérieurement être consacrée comme ut credenda, raison pourquoi elle est proche d'être un dogme).

:bise:
Bonjour Popeye, :ciao:

entièrement d'accord avec vous, à ceci près que je ne prétends pas que la tournure de la phrase du pape Pie XII, dans l'encyclique, exclut à proprement parler la première branche de l'alternative. Le prétendre serait en effet gonflé. Ce que je dis, c'est qu'elle permet raisonnablement d'opter pour la seconde. Maintenant, comme vous l'avez souligné, il convient certainement de prendre en compte l'avis des Pères et des Docteurs de l'Eglise.

Très cordialement,

Marchenoir. :fleur:
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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par ti'hamo » lun. 19 mai 2008, 22:07

Alors, le monogénisme...

-> du point de vue de la foi :
je m'y perds dans vos locutions latines, mais j'inclinerais à dire que, au vu du récit de la Genèse, de sa signification, de ses implications, croire au récit de la Genèse revient à affirmer le monogénisme.
(ce qui n'empêche pas de travailler en science avec l'hypothèse du polygénisme, juste pour voir ce que ça donne, on ne sait jamais trop quels résultats intéressants on peut trouver.)

-> scientifiquement :
L'hypothèse du Pr Lejeune est tout à fait intéressante. Elle serait en phase, effectivement, avec les versions "saltatoires" de l'évolution - Gould, je crois, en expose une semblable, quoique sa version alterne évolution graduelle et brusque saut -,
et lui-même cite un certain Goldschmidt, qui propose que les mécanismes de la macroévolution ne soient pas forcément ceux de la microévolution. La macroévolution (celle qui donne de nouvelles espèces) pourrait ainsi fonctionner par "sauts", par exeple de la manière que propose le Dr Lejeune. De tels sauts donnant naissances à ce que ce Goldschmidt nomme des "monstres prometteurs" (c'est à dire porteur d'une mutation "en gros", lui donnant d'un coup d'importantes différences génétiques avec la population dont il est issu, et qui pour autant soit viable).
de telles mutations et la possibilité qu'elles donnent naissance à tout un nouveau groupe, sont plus probables dans de petits effectifs. (l'hypothèse "gradualiste" de l'évolution, elle, suppose plutôt de grands effectifs pour se réaliser).

Et il y a encore d'autres versions de l'évolution, théories que l'on peut d'ailleurs combiner.
(sur ce sujet, on pourra lire l'ouvrage de Jean Staunne, "notre existence a-t-elle un sens ?", chapitre "les évolutions de la théorie de l'évolution". Cet ouvrage a le grand intérêt d'être clair, de présenter une vulgarisation des connaissances de qualité, et surtout de pratiquer le décloisonement des disciplines scientifiques)


-> Concernant la consanguinité :
En élevage et d'un point de vue génétique, la consanguinité n'est pas forcément une hérésie à éviter à tout prix ; trop de consanguinité finit par faire ressortir des anomalies (portées par des allèles récessifs, qui doit être en double pour s'exprimer). Mais la consanguinité permet également de renforcer des traits forts.

à ce sujet, si on en croit la Genèse, les premiers hommes qu'elle décrit sont étonnamment robustes et de longue durée de vie. (là, ça n'a rien d'une observation scientifique, juste une remarque que l'on peut se faire en passant).
“Il serait présomptueux de penser que ce que l'on sait soi-même n'est pas accessible à la majorité des autres hommes.”
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Celui qui connaît vraiment les animaux est par là même capable de comprendre pleinement le caractère unique de l'homme.
[Konrad Lorenz]
Extrait de L'Agression

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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par Christophe » lun. 19 mai 2008, 22:33

Cher ti'hamo

Je précise que je me suis inspiré de la biographie Le Professeur Lejeune, fondateur de la génétique moderne et de quelques réminiscences de cours de biologie du lycée pour écrire le message initial de ce fil. Si sa théorie vous intéresse, n'hésitez pas à consulter l'ouvrage (vous pouvez me contacter par MP si vous en voulez quelques extraits...).

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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par Xavi » jeu. 01 oct. 2009, 19:21

Jérôme Lejeune (1926-1994), professeur de génétique, a constaté que la théorie darwinienne de l'évolution, si elle permet d'expliquer les variations raciales à l'intérieur d'une même espèce, ne rend en revanche pas compte de l'apparition d'espèces nouvelles. En effet, une espèce se définit par la notion d'interfécondité. Or le professeur Lejeune démontra que "chaque espèce vraie, c'est-à-dire présentant une barrière génétique avec les espèces voisines, possède un caryotype original. Une espèce - un caryotype". Le caryotype désigne l'arrangement standard de l'ensemble des chromosomes d'une cellule : passer d'une espèce à l'autre suppose des "remaniements chromosomiques". Ainsi, une douzaine de remaniements sont nécessaires pour passer du caryotype des primates à celui de l'homme.
Cette typologie bien distincte est-elle prouvée ? Ne faut-il pas imaginer, au contraire, des cas intermédiaires ? Il y a un stade où les différences des cariotypes sont telles que l’interfécondité n’est plus possible, mais aussi un stade où, malgré des différences mineures, l’interfécondité est encore possible.
Le professeur Lejeune avance l'hypothèse à l'époque totalement nouvelle, mais en accord avec les données paléontologiques, que la nature procède par bonds, par sauts brusques, dans la fabrications d'espèces nouvelles. Pour s'établir, un remaniement chromosomique nécessite qu'il existe un coupe de sujets, de sexe différent, marqués de la même particularité.
Ici encore, c’est une hypothèse possible, mais elle n’exclut pas une autre hypothèse qui ne l’est pas moins : celle d’un gêne ou d’un remaniement chromosomique dominant qui se transmet soit à toute la descendance, soit uniquement par les mâles ou uniquement par le femelles. Diverses maladies et caractéristiques génétiques ont ces particularités.
A partir de ce couple, une nouvelle espèce est isolée : les enfants sont identiques à leurs parents, ils sont féconds entre eux, mais ne peuvent échanger aucun gène avec la souche ancestrale dont ils viennent d'émerger.
Comme dit ci-dessus, cette conclusion reste à démontrer. Si Adam et Eve présentaient un remaniement, une mutation ou une caractéristique génétique, elle pouvait a priori être encore suffisamment mineure sur le plan biologique pour ne pas empêcher immédiatement une interfécondité avec d’autres êtres de l’espèce pré-humaine dont ils provenaient.
Reste à établir par quel miracle une telle mutation chromosomique, désavantageant sévèrement le premier porteur, pourrait se retrouver en double exemplaire, ce qui rétablirait la fertilité comme nous venons de le voir.
C’est la difficulté majeure de l’hypothèse présentée qui ne retient qu’un monogénisme excluant immédiatement toute interfécondité. Il faut constater que, dans la Genèse, le monogénisme (tous les humains descendent du même couple originel d’Adam et Eve) contredit l’hypothèse d’une exclusion immédiate de toute interfécondité : le plus clairement en Gn 6, 2-4 qui nous relate une interfécondité des filles des hommes avec d’autres créatures, mais aussi, malgré des avis divergents, indirectement en Gn 4, 16-17, par la descendance de Caïn avec une femme trouvée après qu’il ait été chassé.
La solution serait de partir d'un sujet unique se reproduisant par autofécondation. "Mais si toutes les espèces nouvelles obtenues chez les plantes l'ont été de cette façon, chez les animaux supérieurs, la séparation des sexes s'oppose à cette pratique. L'autofécondation n'existe pas chez les mammifères. En revanche, la pathologie fournit un exemple extrêmement proche de l'autofécondation. On sait que des jumeaux identiques sont issus du clivage d'un seul oeuf en deux embryons distincts. A partir d'un oeuf fécondé mâle porteur de 46 chromosomes dont un X et un Y, il arrive exceptionnellement que le chromosome Y soit perdu lors de la séparation. Il en résulte deux jumeaux dont l'un persiste dans son devenir de garçon, tandis que l'autre, qui n'a pas reçu de chromosome Y et ne possède donc que 45 chromosomes dont un chromosome X, se développe en une femme imparfaite." Au chromosome Y près, ces deux jumeaux de sexe différent ont exactement le même ADN. Et le généticien d'ajouter : "Chez la souris, la femelle porteuse d'un seul X est normalement féconde et, même dans notre espèce, de très rares femmes porteuses d'un seul X ont engendré".
Et si cet oeuf fécondé original portait un remaniement chromosomique, le couple ainsi produit aurait une descendance indéfiniment fertile, sans croisement possible avec l'espèce d'origine. "Tirer la femelle du mâle est une possibilité très réelle et un moyen expéditif pour contourner la difficulté majeur des théories évolutives", conclut Lejeune.
L’hypothèse retenue c’est de considérer qu’Adam et Eve seraient frère et sœur et même faux jumeaux. Puis d’en déduire une concordance scientifique avec le récit de la Genèse qui indique que la femme est tirée de l’homme.

Mais, dans le récit de la Genèse, rien ne confirme l’hypothèse. Au contraire, un adam nous est présenté avant l’apparition de la femme. Il crie le nom des choses, il ne trouve pas d’aide semblable à lui, il est mis dans un état de torpeur.
Un couple unique à l'origine de l'espèce humaine ?...
La réponse est oui, mais la difficulté reste dans les prémisses. Le monogénisme ne doit pas nous égarer dans une recherche exclusivement biologique. L’humain n’est pas que biologique, il a une âme immortelle et il a reçu la capacité de transmettre à sa descendance cette caractéristique spirituelle et pas uniquement ses caractéristiques biologiques.

S’il existait aujourd’hui (supposons…) un être ayant exactement toutes nos caractéristiques biologiques mais sans un âme immortelle, sans la vie spirituelle, sans être à l’image et à la ressemblance de Dieu, ce qui est essentiel à la définition d’un humain, selon la Genèse, il serait « humain » aux yeux de la science, mais le serait-il aux yeux de Dieu ?

La question me semble cependant absurde, car le biologique de l’humain a été façonné et pénétré par Dieu dès l’origine et rien ne permet de l’envisager sans sa réalité spirituelle. Nous ignorons tout des interférences qui ont pu se produire.

Nous connaissons à notre époque le psychosomatique, nous constatons des miracles qui nous témoignent de l’action du spirituel dans le monde concret, et nous savons surtout que Dieu est créateur.

Dès lors, nous ne pouvons réduire la création de l’humain à sa seule survenance biologique considérée isolément.

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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par Pneumatis » jeu. 01 oct. 2009, 21:27

Xavi a écrit :Cette typologie bien distincte est-elle prouvée ? Ne faut-il pas imaginer, au contraire, des cas intermédiaires ? Il y a un stade où les différences des cariotypes sont telles que l’interfécondité n’est plus possible, mais aussi un stade où, malgré des différences mineures, l’interfécondité est encore possible.
Les seuls cas de fécondité inter-espèces constatés à ce jour (et il sont pourtant assez nombreux) n'ont toujours donné naissance qu'à des êtres hybrides stériles. Jamais une spéciation n'a pu être observée ou n'a été rapportée par l'homme, à savoir la création d'un cariotype à la fois original et fécond à partir de deux êtres d'espèces différentes. Sans compter que pour que l'espèce subsiste, on doit imaginer, au moins dans le cas qui nous concerne, que ce "miracle" de la génétique jamais observé jusqu'alors ne se serait pas produit seulement une fois mais deux fois.

La théorie sur laquelle Benoit XVI nous invite aujourd'hui à nous pencher serait le "saut d'espèce", qui n'a plus rien à voir avec des mutations progressives, mais avec un véritable saut d'une espèce à l'autre où seul, peut-on en conclure, l'intervention divine explique cette spéciation. Cela dit c'est quand même une hypothèse scientifique à part entière, qui s'appuie sur des observations paléoanthropologiques très précises. Cela ne résout de toute façon rien du problème des descendances.

Je ne crois pas, personnellement, à des croisements entre premiers hommes et pré-hommes. Je crois que la descendance d'Adam et Eve se présente comme toute une génération d'hommes et de femmes, et parmi eux certains ont été établis par la providence pour illustrer la révélation divine, tel Abel, Caïn ou Seth par exemple. Mais ils ne sont pas les seuls descendants d'Adam et Eve, loin de là, et les autres n'en sont pas moins humains.

D'abord parce que si on s'en tient au stricte sens littéral on peut imaginer qu'avec une vie aussi longue ils ont eu le temps d'établir une très large descendance. L'ordre des événements tels qu'annoncé dans la Genèse est perturbant, mais les récits façon tradition hébraïque n'avait pas pour habitude d'avoir un grand respect pour la chronologie. Les anachronismes sont monnaie courante dans la Bible, parce qu'on mettait dans la bouche des personnages des paroles du "narrateur" que le personnage ne pouvait pas connaitre au moment où on lui fait dire. C'est un style narratif qui nous dépasse un peu aujourd'hui, mais ce n'est pas plus bizarre que le cubisme en peinture, si vous voyez où je veux en venir. Les sages juifs ont d'ailleurs très bien compris cela. Ainsi lorsque que Caïn dit qu'il a peur que le premier venu lui tombe dessus, il faut arrêter de se représenter la scène comme si Caïn dialoguait pépère avec une grosse voix descendue du ciel. Il faut se rappeler une chose primordiale : ce n'est pas Caïn qui parle dans la Genèse, pas plus que ce n'est Adam ou Eve ou Noé... C'est Moïse (et à travers lui, l'Esprit Saint qui s'exprime). La Torah est le livre de Moïse, le Sepher Moshe. C'est Moïse qui nous raconte l'histoire de l'Homme, et cette histoire est Vérité inspirée par Dieu.

La question à se poser ce n'est donc pas pourquoi Caïn a dit ça, mais pourquoi l'Esprit Saint nous dit ça, sachant que c'est Moïse qui le raconte et qu'il nous raconte quelque chose de l'ontologie humaine. En l'occurence, si Caïn ne pouvait pas savoir que sa génération allait côtoyer un peuple entier et qu'il y avait un potentiel de conflits, Dieu lui pouvait le savoir, et comme la parole est de toute éternité, il importe peu que l'on fasse faire cette observation à Caïn, faisant pour nous lecteur du futur un anachronisme. Les sages juifs disent : il n'y a pas d'avant et pas d'après dans la Genèse. L'ordre des événements n'est pas à penser selon une chronologie, même si dans une chaine de cause à effet on peut constater une chronologie. L'ordre (au sens de ce qui ordonne) suit une logique d'explicitation de la révélation, ce qui signifie que toute la révélation est déjà dans le premier verset, et qu'elle s'explicite peu à peu. C'est pourquoi il n'y a pas d'avant et pas d'après. Les termes qui se présentent à un moment du récit n'arrivent pas parce que c'est leur tour dans l'ordre du temps, mais parce qu'ils existent déjà de toute éternité et que c'est là qu'ils sont porteur de sens pour la révélation.

Ainsi de toute éternité l'humanité est nombreuse, multiple. De toute éternité Caïn a eu des frères. Il importe peu qu'on fasse référence à leur existence avant de faire référence à leur naissance, puisqu'il existent déjà dans l'éternité du projet divin.

Ensuite, si on on aborde encore un autre aspect du sens littéral (mais vraiment un tout petit peu), ma théorie c'est que les patriarches de la Genèse ne représentent pas qu'eux-même dans le récit, mais qu'ils sont, tels qu'on les présente, une métonymie pour toute une époque de l'humanité qui leur correspond (une génération à part entière). Les générations s'engendrant évidemment les unes les autres. Peut-être justement par saut d'espèce si on considère des espèces différentes au plan biologique (cariotypal), mais peut-être simplement par grandes étapes de l'évolution psycho-sociologiques de l'humain. Par exemple, Adam et Eve dans la Genèse pourrait représenter non seulement la réalité d'Adam et Eve au début, puis lorsqu'on parle de leur génération (des fils et des filles) il est possible de parler de toute l'humanité qui en découle jusqu'à par exemple la découverte et la maitrise du feu (je dis n'importe quoi, là comme ça, pour donner un exemple). En effet, la notion de "fils et de fille" étant surtout, dans l'hébreu biblique, à prendre au sens de l'oeuvre d'une vie, de sa fécondité au sens complet du terme, de ce qu'elle engendre pour l'humanité.

En fait si on veut vraiment comprendre ce qui a pu se passer au plan de l'évolution biologique, et la réalité des mécanismes physiques correspondant au récit de la Genèse après la chute, il faut surtout chercher à comprendre ce que signifie ce récit sur le plan anthropologique, c'est-à-dire ce qu'il nous révèle de la nature de l'homme. Alors seulement nous pouvons découvrir ce qui s'oppose ou non à la vérité révélée dans nos diverses interprétations.

Peut-être y a-t-il un parallèle important à faire avec la naissance de Jésus ou celle de Moïse... on sait par exemple qu'il y a une analogie intéressante, entretenue par le vocabulaire très précis de l'hébreu, entre l'arche de Noé et le panier qui a porté Moïse sur les eaux. Peut-être doit-on rechercher des analogies entre le péché originel et ce qui en découle jusqu'à Noé, et la naissance de Moïse jusqu'à ce qu'il soit livré au fleuve (mais ça suppose de reprendre le Targum, parce que là, la Bible est assez limitée en détails). Peut-être aussi si l'on veut purifier cette vision et véritablement voir ce que cela nous apprend sur l'Homme, faut-il encore comparer tout cela à la naissance de Jésus, sans péché quant à elle, jusqu'à... jusqu'à quoi d'ailleurs ? La fuite en Egypte ? La présentation au temple ? Son baptême ? Je ne sais pas, ça demande réflexion... plus tard ! Bonne soirée.
Site : http://www.pneumatis.net/
Auteur : Notre Père, cet inconnu, éd. Grégoriennes, 2013

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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par MB » jeu. 01 oct. 2009, 23:24

Bonsoir

Je ne veux pas être désagréable, mais il me semble vain de vouloir à tout prix "coller" les données des théories et des expérimentations scientifiques sur les exigences du dogme. D'abord parce que la science bouge en permanence et qu'on n'est jamais totalement certain - surtout dans des domaines comme celui-là, où beaucoup reste à faire - d'avoir établi un corpus définitif de connaissances. Ce n'est pas une bonne idée de causer des questions de foi, touchant à des choses intemporelles, en employant des théories scientifiques qui, si ça se trouve, seront invalidées ou réévaluées dans 20 ans.
De plus, on risque de tomber dans des interprétations totalement abusives. Les jésuites, dit-on, étaient grands ennemis de Galilée, non pour ses théories sur l'astronomie, mais en raison de son atomisme : s'il y a des atomes, que devient la transsubstantiation ? En fait, nous savons bien que cela ne change absolument rien à cette vérité.

Alors, même si la question des origines de l'homme est passionnante, très franchement, du point de vue de la foi, je ne vois pas l'intérêt de savoir le fin du fin en ce qui concerne le monogénisme ou le polygénisme. Le dogme n'a pas pour but d'expliquer pourquoi l'eau bout à 100°C. Si ces théories doivent être discutées, qu'elles le soient donc du point de vue de leur seule cohérence scientifique. Pour le reste, on verra après.

Amicalement
MB

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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par Xavi » ven. 02 oct. 2009, 12:58

Il me semble préférable de répondre d’abord à l’interpellation plus générale de MB avant de reprendre le sujet de manière détaillée avec les réflexions de Pneumatis. Mais, avant tout, merci déjà à tous les deux à qui j’adresse mes salutations bien amicales.
MB a écrit : il me semble vain de vouloir à tout prix "coller" les données des théories et des expérimentations scientifiques sur les exigences du dogme. D'abord parce que la science bouge en permanence et qu'on n'est jamais totalement certain - surtout dans des domaines comme celui-là, où beaucoup reste à faire - d'avoir établi un corpus définitif de connaissances… qui, si ça se trouve, seront invalidées ou réévaluées dans 20 ans. De plus, on risque de tomber dans des interprétations totalement abusives. Les jésuites, dit-on, étaient grands ennemis de Galilée, non pour ses théories sur l'astronomie, mais en raison de son atomisme : s'il y a des atomes, que devient la transsubstantiation ? En fait, nous savons bien que cela ne change absolument rien à cette vérité… Le dogme n'a pas pour but d'expliquer pourquoi l'eau bout à 100°C.
D’accord.
MB a écrit : Ce n'est pas une bonne idée de causer des questions de foi, touchant à des choses intemporelles, en employant des théories scientifiques… même si la question des origines de l'homme est passionnante, très franchement, du point de vue de la foi, je ne vois pas l'intérêt de savoir le fin du fin en ce qui concerne le monogénisme ou le polygénisme… Si ces théories doivent être discutées, qu'elles le soient donc du point de vue de leur seule cohérence scientifique. Pour le reste, on verra après.
Merci pour cette réaction. L’opinion qu’elle exprime est, en effet, fort répandue et me donne l’occasion d’y répondre. N’ayez pas peur, cher MB, d’être désagréable. Ce n’est d’ailleurs pas le cas, même s’il est exact que le sujet est facilement irritant. Allez-y franchement !

Si vous le permettez, je serai heureux d’en débattre avec vous et d’autres, car je défends, en effet, une opinion plutôt contraire. Mais, au départ d’un franc désaccord, nous pourrons certainement approfondir au mieux ce qui est en cause.

La science a fait d’immenses progrès. Pas seulement les sciences physiques ou techniques, mais aussi les sciences humaines, l’exégèse, la théologie. Nous savons qu’avec l’informatique, les progrès du savoir vont certainement augmenter bien davantage et bien plus vite encore.

Beaucoup de pensées religieuses ont dû en tenir compte. Nous partageons la même conviction que la prudence s’impose lorsque nous évoquons la science dans un forum de foi, entre personnes très peu compétentes sur le plan scientifique.

Là où je vois un piège, c’est lorsque le croyant croit devoir reconnaître à une science une autorité supérieure à sa foi, en oubliant qu’il s’agit toujours d’un savoir limité.

La science, qui explore le monde terrestre, ne peut guère nous parler que de lui. Elle peut certes éclairer notre foi.

Mais, notre foi en un Dieu créateur, en un Dieu qui vient dans l’histoire et se fait homme, affirme, de manière essentielle, que la réalité terrestre (tant matérielle que immatérielle) n’est pas la seule, mais qu’il existe aussi une réalité (dite spirituelle) qui la transcende, qui est présente en même temps et, en plus, que cette réalité a des liens et des effets concrets dans notre réalité terrestre, dans notre histoire, notamment, par l’action de Dieu et des anges.

Dieu fait homme en Jésus-Christ, la conception du Christ par l’Esprit Saint, c’est une action spirituelle bien concrète dans la réalité terrestre, scientifique et historique. Le Christ ressuscité corporellement qui apparaît à ses amis, mais aussi les miracles, relient visiblement notre monde terrestre et ses limites au royaume de Dieu.

La toute-puissance absolue reconnue à la science me paraît contraire à la foi.

Si nous laissons à la science le seul discours concret sur les origines de l’homme et sur la vie, nous tombons dans du matérialisme et nous transformons la foi chrétienne en une abstraction spirituelle, intellectuelle, désincarnée.

La foi chrétienne est, au contraire, totalement incarnée. Rien de concret ne lui est étranger et certainement pas l’origine de l’homme et sa réalité concrète.

Ce que je reproche à la théorie du professeur Lejeune présentée dans ce sujet (j’ignore ses détails et ses nuances) et à la plupart des débats actuels sur la création, c’est de se laisser enfermer dans une perspective et une approche exclusivement terrestres, matérialistes, qui explique la réaction de MB.

Si l’homme était exclusivement terrestre, il serait légitime de laisser les explications de son origine aux seuls scientifiques.

Mais, c’est une profonde erreur souvent inconsciente. C’est toute la compréhension de l’Evangile, de l’incarnation, des miracles, de la résurrection et de la vie éternelle qui est en cause si nous acceptons, même inconsciemment, de considérer que l’homme n’est qu’un être biologique ou même qu’il est principalement biologique, ce que notre foi en la vie éternelle suffit déjà à contredire.

Il est urgent de ne pas laisser des pensées matérialistes ou scientistes détruire la vérité sur l’homme et sur le Christ en laissant détruire la réalité concrète, historique, que l’Ecriture Sainte nous présente, dans la Genèse d’abord, et dans l’Evangile ensuite.

Le plus souvent, les discussions sur la Genèse s’enferment à tort dans une définition de l’homme qui est celle des athées et des matérialistes et non celle de la Genèse elle-même.

Cette définition, étrangère à la foi, se limite strictement à des considérations biologiques et terrestres.

Elle ignore totalement la réalité spirituelle qui complète la définition de l’homme.

Contrairement aux vaines discussions infinies sur ce qui distingue l’homme de l’animal, sans cesse battues en brèche par des découvertes de l’éthologie moderne mais aussi par les multiples nuances qu’implique l’évolution biologique de l’humanité elle-même, la Genèse ne retient aucune différence biologique entre l’homme et l’animal. Cette différence existe, mais sur ce point, la Genèse laisse toute liberté aux scientifiques car elle n’en dit rien. On peut en déduire que cette différence biologique n’est pas importante pour notre foi. Comme les animaux nous sommes faits de poussière du sol (l’adamah) et nous sommes une âme vivante (Gn 1, 24 et 2, 7).

Mais surtout, la Genèse contredit radicalement la prétention de l’homme à faire dominer par la science l’explication de son origine, en nous donnant de l’homme une définition qui transcende le terrestre, en nous indiquant qu’il est fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, avec une âme immortelle.

Votre opinion, cher MB, me semble vouloir à tort évacuer l’origine concrète de l’homme du domaine de la foi.

Je vais m’arrêter ici, pour ne pas être trop long, par une question claire et précise à MB et à tous ceux qui nous lisent : Dans la longue chaîne de l’évolution des espèces et de l’humanité, croyez-vous qu’il y a un moment précis dans le temps et dans l’espace, dans l’histoire bien concrète que la science peut étudier, où Dieu a créé un être terrestre avec une âme immortelle à son image et à sa ressemblance ?

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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par Xavi » ven. 02 oct. 2009, 13:01

Pneumatis a écrit : Les seuls cas de fécondité inter-espèces constatés à ce jour (et ils sont pourtant assez nombreux) n'ont toujours donné naissance qu'à des êtres hybrides stériles. Jamais une spéciation n'a pu être observée ou n'a été rapportée par l'homme, à savoir la création d'un cariotype à la fois original et fécond à partir de deux êtres d'espèces différentes.
Je maintiens que la notion d’espèces étanches est un a priori qui me semble excessif et que des exceptions sont possibles aux extrêmes.
Pneumatis a écrit : Sans compter que pour que l'espèce subsiste, on doit imaginer, au moins dans le cas qui nous concerne, que ce "miracle" de la génétique jamais observé jusqu'alors ne se serait pas produit seulement une fois mais deux fois.
Pas impensable, si on veut bien intégrer la réalité spirituelle et ne pas réduire la définition de l’homme à du biologique étanche. Les caractères biologiques de l’humanité ont pu être quasi achevés avant Adam et Eve et la vie spirituelle qui leur a conféré une âme immortelle a pu achever en eux la création de l’humanité et même induire en eux un effet biologique. Ce que nous croyons pour le Christ, conçu physiquement dans le sein de la Vierge Marie par l’action de l’Esprit Saint, a pu se produire de manière similaire aux origines de l’humanité.
Pneumatis a écrit : La théorie sur laquelle Benoit XVI nous invite aujourd'hui à nous pencher serait le "saut d'espèce", qui n'a plus rien à voir avec des mutations progressives, mais avec un véritable saut d'une espèce à l'autre où seul, peut-on en conclure, l'intervention divine explique cette spéciation. Cela dit c'est quand même une hypothèse scientifique à part entière, qui s'appuie sur des observations paléoanthropologiques très précises.
Il me semble en effet qu’il y a bien eu, au moins, un saut d’espèces. Cette base minimale ne me semble plus guère discutée.
Pneumatis a écrit : Cela ne résout de toute façon rien du problème des descendances.
Je ne crois pas, personnellement, à des croisements entre premiers hommes et pré-hommes.
La question me semble ouverte et relativement secondaire. Sur le plan concret, le rejet de tout croisement implique une rupture radicale immédiate avec l’espèce pré-humaine au sein de laquelle sont nés Adam et Eve, puis leurs descendants. Ils avaient pourtant des parents, des cousins, des amis, des voisins. L’idée implique aussi de l’inceste entre leurs descendants.

Personnellement, j’ai expliqué, sur base de Caïn et de Gn 6, pourquoi je préfère une opinion qui me semble plus réaliste et qui admet un mélange entre humains et préhumains au début de l’humanité, mais avec une transmission dominante des particularités biologiques et spirituelle de l’humanité. Nous descendons tous d’Adam et Eve, mais nous descendons aussi d’ancêtres préhumains plus lointains, par les parents d’Adam et Eve, et aussi probablement par des partenaires préhumains lors des premières générations. Mais, on est loin ici d’avoir des certitudes, ce ne sont que des hypothèses qui restent à vérifier.
Pneumatis a écrit : Je crois que la descendance d'Adam et Eve se présente comme toute une génération d'hommes et de femmes, et parmi eux certains ont été établis par la providence pour illustrer la révélation divine, tel Abel, Caïn ou Seth par exemple. Mais ils ne sont pas les seuls descendants d'Adam et Eve, loin de là, et les autres n'en sont pas moins humains.
D’accord.
Pneumatis a écrit : D'abord parce que si on s'en tient au stricte sens littéral on peut imaginer qu'avec une vie aussi longue ils ont eu le temps d'établir une très large descendance. L'ordre des événements tels qu'annoncé dans la Genèse est perturbant, mais les récits façon tradition hébraïque n'avaient pas pour habitude d'avoir un grand respect pour la chronologie. Les anachronismes sont monnaie courante dans la Bible, parce qu'on mettait dans la bouche des personnages des paroles du "narrateur" que le personnage ne pouvait pas connaitre au moment où on lui fait dire. C'est un style narratif qui nous dépasse un peu aujourd'hui, mais ce n'est pas plus bizarre que le cubisme en peinture, si vous voyez où je veux en venir. Les sages juifs ont d'ailleurs très bien compris cela.
D’accord. En effet, le narrateur s’exprime de nombreux siècles plus tard. Il me semble que son expression est du même ordre que les prophéties, mais en regardant le passé. Il dégage l’essentiel. Avec les expressions et la culture d’une époque postérieure. C’est vrai pour tous les textes, encore aujourd’hui. Un témoignage est toujours une traduction. L’auteur utilise des mots, des expressions et des images de son temps (que nous avons déjà les plus grandes difficultés à traduire pour nous, mais qui sont encore plus difficiles lorsqu’elles évoquent elles-mêmes une réalité d’une autre époque et encore davantage plus difficiles lorsqu’elles relatent des réalités spirituelles), mais cela ne supprime pas la vérité des faits qu’il veut nous rapporter.
Pneumatis a écrit : Ainsi lorsque que Caïn dit qu'il a peur que le premier venu lui tombe dessus, il faut arrêter de se représenter la scène comme si Caïn dialoguait pépère avec une grosse voix descendue du ciel. Il faut se rappeler une chose primordiale : ce n'est pas Caïn qui parle dans la Genèse, pas plus que ce n'est Adam ou Eve ou Noé... C'est Moïse (et à travers lui, l'Esprit Saint qui s'exprime). La Torah est le livre de Moïse, le Sepher Moshe. C'est Moïse qui nous raconte l'histoire de l'Homme, et cette histoire est Vérité inspirée par Dieu.
Ici, il me semble que le vrai se mélange à du moins vrai. L’auteur de la Genèse n’est pas un témoin direct historique des paroles qu’il rapporte. Mais, sous l’inspiration, il peut nous donner, de manière vraie, l’essentiel de ces paroles.

C’est ce que nous faisons nous-mêmes lorsque nous rapportons une conversation entendue dont nous avons oublié les mots exacts. Si nous sommes de bons témoins, nous relatons avec nos mots (qui ne sont pas exactement ceux de la réalité) ce qui a été vraiment dit.
Pneumatis a écrit : La question à se poser ce n'est donc pas pourquoi Caïn a dit ça, mais pourquoi l'Esprit Saint nous dit ça, sachant que c'est Moïse qui le raconte et qu'il nous raconte quelque chose de l'ontologie humaine. En l'occurence, si Caïn ne pouvait pas savoir que sa génération allait côtoyer un peuple entier et qu'il y avait un potentiel de conflits, Dieu lui pouvait le savoir, et comme la parole est de toute éternité, il importe peu que l'on fasse faire cette observation à Caïn, faisant pour nous lecteur du futur un anachronisme.
Ici, je peux pas être d’accord, car les propos attribués à Caïn ne seraient plus vrais dans une telle hypothèse.
Pneumatis a écrit : Les sages juifs disent : il n'y a pas d'avant et pas d'après dans la Genèse.
C’est nier toute réalité historique et abandonner à la science l’origine de l’homme. Ces sages juifs ne me paraissent pas sages du tout !
Pneumatis a écrit : L'ordre des événements n'est pas à penser selon une chronologie, même si dans une chaine de cause à effet on peut constater une chronologie. L'ordre (au sens de ce qui ordonne) suit une logique d'explicitation de la révélation, ce qui signifie que toute la révélation est déjà dans le premier verset, et qu'elle s'explicite peu à peu.
Partiellement d’accord, mais uniquement en ce sens que le texte n’est pas toujours chronologique, ce qui ne l’empêche pas de l’être parfois.
Pneumatis a écrit : C'est pourquoi il n'y a pas d'avant et pas d'après. Les termes qui se présentent à un moment du récit n'arrivent pas parce que c'est leur tour dans l'ordre du temps, mais parce qu'ils existent déjà de toute éternité et que c'est là qu'ils sont porteur de sens pour la révélation.
Cela me semble de nouveau excessif. Attention de ne pas sortir la foi de l’histoire !
Pneumatis a écrit : Ainsi de toute éternité l'humanité est nombreuse, multiple. De toute éternité Caïn a eu des frères.
Ici, on est, me semble-t-il radicalement en dehors de l’histoire, dans l’abstraction la plus totale. Si le Christ s’est incarné dans l’histoire à un moment et à un endroit bien précis, c’est dans une humanité réelle dans l’histoire.
Pneumatis a écrit : Il importe peu qu'on fasse référence à leur existence avant de faire référence à leur naissance, puisqu'il existent déjà dans l'éternité du projet divin.
D’accord, mais sous les réserves qui précèdent.
Pneumatis a écrit : Ensuite, si on aborde encore un autre aspect du sens littéral (mais vraiment un tout petit peu), ma théorie c'est que les patriarches de la Genèse ne représentent pas qu'eux-même dans le récit, mais qu'ils sont, tels qu'on les présente, une métonymie pour toute une époque de l'humanité qui leur correspond (une génération à part entière). Les générations s'engendrant évidemment les unes les autres. Peut-être justement par saut d'espèce si on considère des espèces différentes au plan biologique (cariotypal), mais peut-être simplement par grandes étapes de l'évolution psycho-sociologiques de l'humain.
Je ne peux pas suivre cette hypothèse d’espèces successives car elle allègue un Adam et une Eve qui ne seraient pas pleinement humains. Je crois qu’il n’y a qu’une seule espèce humaine créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Quand situez-vous la création d’une âme immortelle dans votre hypothèse ?
Pneumatis a écrit : Par exemple, Adam et Eve dans la Genèse pourrait représenter non seulement la réalité d'Adam et Eve au début, puis lorsqu'on parle de leur génération (des fils et des filles) il est possible de parler de toute l'humanité qui en découle jusqu'à par exemple la découverte et la maitrise du feu (je dis n'importe quoi, là comme ça, pour donner un exemple). En effet, la notion de "fils et de fille" étant surtout, dans l'hébreu biblique, à prendre au sens de l'oeuvre d'une vie, de sa fécondité au sens complet du terme, de ce qu'elle engendre pour l'humanité. En fait si on veut vraiment comprendre ce qui a pu se passer au plan de l'évolution biologique, et la réalité des mécanismes physiques correspondant au récit de la Genèse après la chute, il faut surtout chercher à comprendre ce que signifie ce récit sur le plan anthropologique, c'est-à-dire ce qu'il nous révèle de la nature de l'homme. Alors seulement nous pouvons découvrir ce qui s'oppose ou non à la vérité révélée dans nos diverses interprétations.
On revient ici à la vraie question sur « ce qu'il nous révèle de la nature de l'homme » mais n’est-elle pas introduite par des approches strictement biologiques alors que le récit nous parle d’une humanité à l’image et à la ressemblance de Dieu, d’une réalité spirituelle, d’une immortalité qui transcende la seule réalité terrestre ?
Pneumatis a écrit : Peut-être y a-t-il un parallèle important à faire avec la naissance de Jésus ou celle de Moïse... on sait par exemple qu'il y a une analogie intéressante, entretenue par le vocabulaire très précis de l'hébreu, entre l'arche de Noé et le panier qui a porté Moïse sur les eaux. Peut-être doit-on rechercher des analogies entre le péché originel et ce qui en découle jusqu'à Noé, et la naissance de Moïse jusqu'à ce qu'il soit livré au fleuve (mais ça suppose de reprendre le Targum, parce que là, la Bible est assez limitée en détails). Peut-être aussi si l'on veut purifier cette vision et véritablement voir ce que cela nous apprend sur l'Homme, faut-il encore comparer tout cela à la naissance de Jésus, sans péché quant à elle, jusqu'à... jusqu'à quoi d'ailleurs ? La fuite en Egypte ? La présentation au temple ? Son baptême ? Je ne sais pas, ça demande réflexion... plus tard !
En effet, que de pistes à explorer ! Un grand merci et mes meilleurs salutations amicales à Pneumatis pour tant de réflexions partagées qui expriment une grande profondeur de pensée et d’analyse qui fait honneur à son titre de Pater Civitatis (un clin d’œil à Charles…).

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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par Pneumatis » ven. 02 oct. 2009, 13:59

Bonjour Xavi, et merci pour ce long commentaire... Ne pouvant pas moi-même faire court, je prendrai plutôt le temps de vous répondre ce soir, si vous le voulez bien (voire finir dans le week-end).

En attendant, le thème de ma réponse sera surtout porté à tenter de vous montrer que votre approche de l'histoire (chronologie, événement, incarnation) n'est pas équivalent à la Vérité. L'histoire, tel que vous l'évoquez c'est surtout - et cela peut se montrer épistémologiquement je crois - un type de représentation du réel. Le fait qu'en d'autres temps, on faisait des récits anachroniques ne les rend pas moins vrai. Le fait de considérer une réalité spirituelle éternelle ne sort pas la foi de l'histoire.

- Car oui à une logique de correspondance entre la réalité des faits et la vérité révélée sur l'Homme.
- Mais non pour dire qu'il n'y qu'une seule manière de relater ces faits en vérité
- Et non pour dire que ces faits sont la vérité

Les faits sont la réalité, c'est-à-dire une manifestation de la vérité (ou une incarnation de la Vérité, il n'y a peut-être pas meilleure moyen de le dire, d'ailleurs). Une projection de l'être dans l'étant pour parler comme en métaphysique. La vérité est du domaine de l'être et ne se confond pas avec le réel qui est du domaine de l'étant (l'existence). Elle se confond encore moins avec une projection de cet étant dans le langage (humain), projection qui constitue la base du récit historique et qui, comme toute projection dans le langage, n'est plus un élément de nature, mais de culture.

Nous ferons donc un peu de métaphysique... à très bientôt.
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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par Xavi » ven. 02 oct. 2009, 14:35

Bonjour Pneumatis,

Votre dernier message me paraît tout à fait correct. Vous pouvez interpréter le mien sur cette base et aller directement plus loin.

Au plaisir de vous lire bientôt,

Xavi

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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par MB » sam. 03 oct. 2009, 2:02

Avé Xavi (salutations tout aussi amicales !)

N'ayez crainte au sujet de ma réponse, je ferai de mon mieux pour ne pas vous dire de choses désagréables... et de toute façon, dans cet échange, je ne vois pas de raison de le faire. Une petite remarque de forme cependant : essayez d'écrire en formant des paragraphes complets et non des phrases sautées à la ligne, cela rend votre lecture plus malaisée.
Revenons au fond. La divergence que vous croyez signaler entre nous n'est, en réalité, que très partielle et même assez surfaite. Je vous cite :
Si nous laissons à la science le seul discours concret sur les origines de l’homme et sur la vie, nous tombons dans du matérialisme et nous transformons la foi chrétienne en une abstraction spirituelle, intellectuelle, désincarnée.
La foi chrétienne est, au contraire, totalement incarnée. Rien de concret ne lui est étranger et certainement pas l’origine de l’homme et sa réalité concrète.
Il ne s'agit pas de laisser à la science le monopole de ce discours. Simplement, ce n'est pas en lisant la Bible, les Pères ou le Catéchisme qu'on saura si la nature fait faire ou non des sauts à une espèce, si nos ancêtres étaient ou non de petits êtres simiesques et recourbés. C'est précisément parce que les Ecritures ne sont pas des écrits scientifiques qu'on n'a pas à les faire intervenir dans le débat. (petite précision : ce que je dis ne signifie pas qu'elles ne sont pas vraies, mais que leur régime de vérité n'est pas le même).
Là où je vois un piège, c’est lorsque le croyant croit devoir reconnaître à une science une autorité supérieure à sa foi, en oubliant qu’il s’agit toujours d’un savoir limité.
La science, qui explore le monde terrestre, ne peut guère nous parler que de lui. Elle peut certes éclairer notre foi...
La toute-puissance absolue reconnue à la science me paraît contraire à la foi.
Là encore, il n'est pas question de reconnaître à la science une autorité supérieure. Foi et science ne parlent pas de la même chose, et pas de la même manière. Le discours scientifique est limité, comme vous le dites justement ; c'est bien la raison pour laquelle il ne faut pas chercher à l'évaluer à travers le prisme des Ecritures ou du dogme, car cela reviendrait à rabaisser ces derniers à son niveau. Chacun son taf, c'est tout, et si je vous ai bien lu, le rabaissement que je dénonce ici est celui que vous avez vu chez les théories du Pr. Lejeune :
Ce que je reproche à la théorie du professeur Lejeune présentée dans ce sujet (j’ignore ses détails et ses nuances) et à la plupart des débats actuels sur la création, c’est de se laisser enfermer dans une perspective et une approche exclusivement terrestres, matérialistes, qui explique la réaction de MB.
Nous sommes donc bien d'accord, je pense.

Il y a peu de temps, j'ai lu une interview d'un Jésuite qui est l'un des astrophysiciens du Vatican. Il expliquait, en substance, ceci : les gens qui croient en Dieu simplement parce qu'ils ont besoin de cette hypothèse pour expliquer la conception du monde, au fond, sont des gens de peu de foi. Son idée à lui, au contraire, c'était de partir du principe que l'univers est la création de Dieu, et de faire son travail de savant après cela seulement ; aussi, étudier le monde consistait à jouer en permanence dans cette création, à "nager" dedans, ce qui lui procurait une grande joie. Cela doit être la bonne attitude. Pour en revenir au sujet, si la science établit la validité de théories qui, à première vue, nous paraîtraient contradictoires, ce n'est pas grave, bien au contraire : cela serait une injonction à chercher toujours à en savoir un peu plus... ça donnerait du travail aux gens !

Vos objections me semblent provenir du constat non du contenu même donné aux directions de la recherche, mais à l'omniprésence d'un discours matérialiste qui prétend se fonder sur une argumentation scientifique. Vous devinez bien que ce n'est pas la même chose. La question à se poser n'est donc pas : "comment faire pour que les résultats de la science coïncident avec ceux du dogme", mais : "comment faire pour que la société reconnaisse à la philosophie et à la métaphysique leur juste place". Force est de constater que cette place est aujourd'hui singulièrement rabaissée. Mais ce n'est pas de la faute de la science ; c'est de la faute de certains idéologues pressés de l'enrôler à leur profit.

- Je réponds maintenant à cette question :
Je vais m’arrêter ici, pour ne pas être trop long, par une question claire et précise à MB et à tous ceux qui nous lisent : Dans la longue chaîne de l’évolution des espèces et de l’humanité, croyez-vous qu’il y a un moment précis dans le temps et dans l’espace, dans l’histoire bien concrète que la science peut étudier, où Dieu a créé un être terrestre avec une âme immortelle à son image et à sa ressemblance ?
Je peux vous suggérer cette hypothèse, qui vaut ce qu'elle vaut : on peut remonter aux plus anciens témoignages de pratiques funéraires (je ne me souviens plus à combien de dizaines de milliers d'années cela remonte). Ils suggèrent une réflexion sur la différenciation entre vie et mort, et des actes culturels autour de ce travail.
Cette indication n'a pas valeur absolue. Au mieux, elle ne fait que se fonder sur des faits matériels, et ne présuppose pas de leur origine. De plus, elle est tributaire du hasard des découvertes. Enfin, le rapprochement sommaire que je vous ai exposé emprunte un mode historique : celui qui le suit s'engage ipso facto à se taire quand il n'y a pas de sources.
Bref - je coupe brutalement - en suivant des chemins scientifiques, il est impossible de savoir quand et où Dieu a permis la merveille que vous dites. Alors pourquoi se fatiguer à mélanger science et religion ? Autant croire, orienter notre vie vers Dieu, et faire ce qu'il faut... ça me paraît plus simple, plus sage, et cela n'empêche pas, par ailleurs, de réfléchir un peu.

Fraternellement
MB

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Re: L'hypothèse du monogénisme (Pr. Jérôme Lejeune)

Message non lu par Xavi » sam. 03 oct. 2009, 12:53

Bonjour MB,

Merci pour votre réponse profonde et attentive.

Merci aussi pour votre souhait de paragraphes complets. Je vais y penser. C’est vrai que j’utilise volontiers la technique des sauts de ligne par peur de paragraphes trop longs.

Vous avez déjà bien réduit les divergences et nous pouvons avancer.
MB a écrit : les Ecritures ne sont pas des écrits scientifiques … ce que je dis ne signifie pas qu'elles ne sont pas vraies, mais que leur régime de vérité n'est pas le même.
Même si vous y ajoutez les bonnes nuances, je trouve un peu trompeuses les expressions comme : la Bible n’est pas un livre d’histoire, ni un livre de science. Elle ne parle pas du comment mais du pourquoi…etc.

Les écrits scientifiques ont la précision d’un film de cinéma réaliste, avec possibilité d’arrêt sur chaque image photographique du réel (on sait combien cela peut être trompeur et manipulé, mais c’est tout de même une représentation très fortement exacte du réel).

L’Ecriture s’exprime plutôt comme une bande dessinée impressionniste (avec mes excuses à ceux que cette référence trop peu juste ou infantile pourrait choquer, ce n’est qu’une tentative imagée de ma part).

Cela n’empêche pas l’un comme l’autre de parler de la même vérité.
MB a écrit : ce n'est pas en lisant la Bible, les Pères ou le Catéchisme qu'on saura si la nature fait faire ou non des sauts à une espèce, si nos ancêtres étaient ou non de petits êtres simiesques et recourbés… Le discours scientifique est limité … il ne faut pas chercher à l'évaluer à travers le prisme des Ecritures ou du dogme.
Tout à fait d’accord.

Là où le désaccord peut s’amorcer c’est dans la conclusion que vous tirez de ce qui précède :
MB a écrit : Chacun son taf, c'est tout.
Là, cela me semble excessif. C’est la même vérité qui concerne l’un comme l’autre, même si la Bible s’étend bien au delà de ce qui intéresse la science. La différence tient au fait que la Bible et la foi ne s’étendent pas à tous les détails qui intéressent la science, mais, lorsque la Bible et la foi évoquent des faits historiques ou scientifiques, elles attirent notre attention sur l’essentiel, sur ce qui est important pour notre vie en communion avec Dieu.

Je suppose que vous êtes d’accord, que ce n’est pas là la difficulté. Tout à fait d’accord aussi pour ne pas fonder la foi sur une quelconque conception scientifique du monde.

Nous sommes aussi d’accord lorsque vous écrivez de manière pertinente :
MB a écrit : si la science établit la validité de théories qui, à première vue, nous paraîtraient contradictoires, ce n'est pas grave, bien au contraire : cela serait une injonction à chercher toujours à en savoir un peu plus... "comment faire pour que la société reconnaisse à la philosophie et à la métaphysique leur juste place". Force est de constater que cette place est aujourd'hui singulièrement rabaissée. Mais ce n'est pas de la faute de la science ; c'est de la faute de certains idéologues pressés de l'enrôler à leur profit.
Mais, après avoir bien avancé ensemble et avoir trouvé nos repères communs, nous arrivons à la difficulté.

Vous avez bien compris mes objections sur « l'omniprésence » d'un discours matérialiste.

Comme c’est le plus souvent le cas, c’est une exclusion (trop rapide, me semble-t-il) qui me pose problème.
MB a écrit :La question à se poser n'est donc pas : "comment faire pour que les résultats de la science coïncident avec ceux du dogme".
Si je vous comprends bien, vous pensez ici : il ne faut pas tomber dans le concordisme, cette forme révisée du fondamentalisme ou du littéralisme.

Cela mériterait un nouveau sujet que j’intitulerais : Le concordisme, un danger trompeur.

Il ne faut pas accorder trop d’importance au sens littéral. Il y en a d’autres et il y a tous les éléments contextuels, linguistiques, culturels, à considérer pour ne pas se faire piéger, au pire, par une interprétation qui n’est que le produit d’une perception simpliste de la réalité, une compréhension particulière trompeuse d’une traduction de la Bible en langue moderne.

Celui qui pense trouver dans la Bible la preuve ou la démonstration d’affirmations scientifiques risque d’abord de subir au fil du temps de pénibles révisions, mais donne surtout à la Bible une portée qu’elle ne prétend pas avoir. Elle n’a pas pour but de prouver la science.

Tout cela ne fait pas difficulté entre nous.

Mais, vous serez aussi d’accord pour considérer que lorsque la science nous propose des découvertes convaincantes (à tort ou à raison), notre compréhension de l’Ecriture ne peut l’ignorer.

Parfois, nous ne parvenons plus à faire concorder notre conviction religieuse avec une argumentation rationnelle ou scientifique. Cela ne suffit pas pour affirmer que la Bible n’est pas « historique » sur tel fait ou que tel autre fait qu’elle affirme est une contre-vérité « scientifique » ou est contredit par la « science ». Soyons plus modestes dans de tels cas.

Il me semble que nous ne devons jamais cesser de sonder le sens littéral des récits bibliques (sans exclure les autres, ni les nuances nécessaires), ni de chercher à faire concorder nos connaissances scientifiques convaincantes avec ces récits non pour en tirer une conclusion scientifique définitive ou une confirmation d’affirmations scientifiques (qui seront peut-être contredites ou nuancées demain), mais pour continuer à admettre que l’Ecriture Sainte nous parle réellement et concrètement de notre réalité humaine et de nos origines, qu’elle n’abandonne pas les explications de nos origines aux seuls scientifiques.

Lorsque les convictions scientifiques pensaient que la terre était un plateau au milieu de l’univers, le récit de la Genèse concordait avec ces convictions. Ce n’est pour autant qu’elle les prouvait ou les soutenait. Lorsqu’on a découvert que la terre était ronde et tournait autour du soleil, le récit de la Genèse a été compris autrement et a de nouveau été compris en concordance avec la science sans qu’il faille en déduire une preuve des affirmations scientifiques.

Cela ne veut évidemment pas dire ni que la Genèse a changé au fil des siècles, ni qu’elle a confirmé jadis que la terre était plate.

Les découvertes scientifiques doivent corriger nos interprétations lorsqu’elles s’avèrent erronées.

Il ne faut pas dire que la Genèse prouve les affirmations actuelles de la science, mais il ne faut pas affirmer non plus qu’elle ne parle pas de notre histoire réelle. Elle nous dit l’essentiel de cette histoire réelle et elle le dit de manière vraie.

Ce qui peut en être déduit, c’est que la science ne peut pas dire le contraire de ce que la Bible dit réellement. Si la science nous convainc sur un point, nous devons faire l’effort d’adapter notre compréhension et nos interprétations pour renouveler sans cesse une compréhension raisonnable de l’Ecriture Sainte.

Non pas pour changer le moindre dogme, ni pour imposer « une » interprétation exclusive nouvelle, mais pour garder notre cœur ouvert tant à la science, qu’à une compréhension moderne de la vérité.

La vérité ne change pas, mais notre regard sur elle devra toujours être purifié dans notre monde marqué par le péché.

Revenons ici à la Genèse. Nous devons accueillir les diverses possibilités d’interprétations et celles que je suggère n’excluent pas les autres, mais je crois à l’intérêt très important, à notre époque, de ne pas laisser le discours sur l’homme et sur ses origines aux seuls scientifiques.

Il est important d’accepter que, dans ses limites propres et dans le respect de toute l’étendue complexe des interprétations possibles, c’est bien de l’histoire vraie et concrète que le récit de la Genèse nous parle et il est important de l’entendre avec tout le sérieux de la critique historique et des exigences scientifiques, mais sans prétendre lui donner une précision qu’elle ne nous donne pas. Cette absence de précision fait aussi partie de l’Ecriture Sainte pour notre plus grand bien.

Il ne me semble pas du tout vain de s’intéresser à la réalité historique de nos origines sur la base de la Genèse, mais sans jamais oublier que notre compréhension personnelle est toujours insuffisante, sans jamais s’éloigner de la foi de l’Eglise qui reste notre guide indispensable pour une écoute vraie de l’Ecriture Sainte.

Nous voici à la question « claire et précise » que je vous ai posée.

La référence, pour le début de l’humanité, aux pratiques funéraires est raisonnable. Sans plus. Elle n’a, me semble-t-il, aucun appui dans la Genèse qui ne définit pas ce qu’est un humain par rapport à des pratiques funéraires.
MB a écrit :un mode historique : celui qui le suit s'engage ipso facto à se taire quand il n'y a pas de sources …en suivant des chemins scientifiques, il est impossible de savoir quand et où Dieu a permis la merveille que vous dites ».
Tout à fait exact, mais croyez-vous pouvoir en déduire que la Bible ne peut pas nous en dire davantage sur la réalité historique et scientifique ? La foi nous permet heureusement d’aller au delà de la raison et des seules connaissances humaines.
MB a écrit : Alors pourquoi se fatiguer à mélanger science et religion ? Autant croire, orienter notre vie vers Dieu, et faire ce qu'il faut... ça me paraît plus simple, plus sage, et cela n'empêche pas, par ailleurs, de réfléchir un peu.
Se fatiguer ? Réfléchir un peu ? Voilà du bien nuancé !

Pourquoi se fatiguer à mélanger science et religion ? Parce que c’est le cœur de notre foi ! Le Christ fait homme. L’action de Dieu dans notre monde concret. Le besoin d’une parole simple sur l’essentiel de ce qu’est l’humain, de son âme immortelle, de la vie éternelle, pour les gens de notre temps largement informés des découvertes scientifiques.

Parce que les enfants et les gens les plus simples posent des questions. Avez-vous remarqué que le sujet « créationnisme et évolutionnisme » a reçu plus de 18.000 visites ?

Un grand merci tout particulier si vous avez eu le courage de me lire jusqu’ici.

Fraternellement,

Xavi

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