Je vous salue une fois encore cher Pneumatis. Cela nous prend un temps précieux qui reporte d’autres occupations mais cela vaut la peine.
J’espère que vous avez eu (ou que vous aurez) l’occasion de lire le texte poétique plus aéré et plus synthétique que j’ai posté dans ce même forum sous l’intitulé « Parabole sur la Genèse ». Il exprime de manière plus globale tant le mystère qui entoure la création que les pensées que j’essaie de développer de manière plus argumentée et rationnelle dans ce sujet. C’est un peu comme le cadre impressionniste dans lequel j’espère que vous pourrez compléter ou corriger ce que nos échanges peuvent avoir parfois de trop aride.
Poursuivons notre conversation détaillée.
C’est vrai que le mot sapiens contribue à brouiller l’expression d’homo sapiens. Rendons et laissons à la science ce concept sans le confondre avec celui d’humain que nous essayons de comprendre selon l’Ecriture. Nous sommes bien d’accord là dessus.
Pneumatis a écrit :Tous les homo sapiens ne sont donc pas forcément doté d'une nature et d'une dignité humaine.
D’accord, mais vous poursuivez :
Pneumatis a écrit : a priori, la remarque marche en sens contraire : tout être vivant doté de nature humaine (qui n'est pas génétique, mais métaphysique) et de dignité humaine (pure grâce) n'est pas forcément un homo sapiens. Vous affirmez que si, et je suis assez d'accord avec ça, mais cela demande quand même autre chose qu'une simple affirmation. Pourquoi ?
Cela me paraît évident. Le mot homo sapiens est un mot scientifique qui recouvre sans aucune contestation tous les humains, quelle que soient les définitions proposées. Il est tout aussi évident que tout humain actuel est un homo sapiens, selon la science, et qu’aucune discussion n’existe à ce sujet dans la réalité concrète, ni pour les scientifiques, ni pour les juristes (oublions ici la période de la grossesse), ni pour l’Eglise.
Vous proposez des définitions que je pense pouvoir suivre sauf lorsque vous attribuez à l’âme de la nature humaine terrestre le caractère « immortel » qui se rattache, me semble-t-il, à ce que vous nommez la dignité humaine, ou lorsque vous attribuez à cette seule dignité l’image de Dieu.
Ce qui fait un humain, c’est un corps spécifique à nul autre pareil non seulement parce qu’il est d’une espèce distincte de toutes les autres sur le plan biologique, mais aussi parce que sa constitution (et, notamment, les combinaisons génétiques des trois milliards et demi de paires de son ADN) le distingue de tout autre humain.
Le souffle de vie qui l’anime lui donne une âme invisible, produit du mélange unique de terrestre et de souffle. Les animaux ont aussi un âme, selon la Genèse. Par contre, l’âme de l’humain est immortelle par le don spirituel de Dieu, l’image et la ressemblance de Dieu dont l’humain est fait.
Je suppose que nous sommes bien d’accord.
Pneumatis a écrit : l'âme invisible étant la forme du corps visible, ce qui fait du corps le signifiant de l'âme.
Je dirais plutôt que l’âme invisible est la forme du corps visible et du souffle spirituel de Dieu, ou encore que l’âme est le signifiant du corps « et » de l’esprit.
Mais, c’est vrai que c’est généralement le matériel qui est signifiant. Je ne pense pas qu’il y ait un désaccord réel entre nous sur ce point. C’est plutôt une question de vocabulaire et de sens privilégié par chacun.
Pneumatis a écrit : Nous sommes donc d'accord pour dire qu'un Homme peut être ainsi appelé que s'il possède en lui la nature humaine ET la dignité humaine. Et que la dignité humaine est étroitement liée à la nature humaine, comme la finalité l'est à un acte libre. Nous sommes donc d'accord aussi pour dire, si j'ai bien suivi, qu'il ne peut exister de créature qui reçoive la dignité humaine sans avoir été formé dans la nature humaine, ni de créature qui ait été formée dans la nature humaine sans en avoir reçu la dignité.
D’accord.
Pneumatis a écrit : Nous nous interrogeons donc finalement pour savoir si un Vrai Homme peut naitre de l'union d'un Vrai Homme et d'une créature qui n'est humain ni en nature ni en dignité.
Exactement.
Pneumatis a écrit :si il y a analogie entre nature humaine et "structure génétique" (ce qui ne reste qu'une hypothèse, mais qui vous semble acquise), alors l'union de deux de ces êtres conduirait à un fait biologique jamais observé jusqu'alors par la science.
D’où sortez-vous une telle affirmation qui ne me semble pas exacte en l’absence de nuances ?
Ce fait biologique me semble, au contraire, relativement banal.
Toute fécondité unit des êtres différents biologiquement en partie.
Nous avons déjà évoqué plusieurs fois cette difficulté et j’ai un peu peur de me répéter sans me faire comprendre. Mais, je vais encore essayer.
Ce qui vous pose problème, c’est toujours la barrière entre les espèces à leurs extrêmes.
Nous avons 99,9 % de notre patrimoine génétique en commun avec tous les humains. Un millième varie parmi les humains, mais 99 % nous sont aussi communs aux chimpanzés.
Le 0,9 % qui nous différencie des chimpanzés est suffisamment important pour exclure toute interfécondité. Les espèces sont bien distinctes. Aucun animal connu n’a une différence de moins de un %.
Le 0,1 % qui nous différencie des autres humains n’empêche pas l’interfécondité de deux êtres différents entre eux de seulement 0,1 %.
Voulez-vous prendre votre loupe et me dire si une différence de 0,2 %, ou de 0,19 % ou de 0,101 % … etc, peut empêcher l’interfécondité ?
Quand la science nous dit 0,1 %, c’est évidemment une approximation sans frontière plus précisément définie.
Avec la même approximation, ne pouvons-nous envisager que les homos sapiens non humains, pré humains, n’aient été différents de nous, sur le plan biologique, que de 0,15 %, par exemple, mais que cette différence ait cependant été associée à une mutation majeure sans être suffisamment importante pour empêcher l’interfécondité ?
Pneumatis a écrit : en toute logique une nature hybride … cumulerait en elle une nature humaine et une nature non humaine
Parler de nature « hybride » renvoie toujours à des espèces bien distinctes entre lesquelles l’interfécondité est impossible et introduit donc une contradiction immédiate qui rend aussi impossible d’envisager l’hypothèse d’une créature issue d’une telle union hybride.
Il ne s’agit pas ici d’une référence à deux natures distinctes comme pour le Christ.
Comme vous le ressentiez de manière juste dans vos messages précédents, il est difficile de concevoir un mélange d’une nature humaine et d’une nature non humaine.
La nature humaine est faite biologiquement d’éléments naturels qui constituent aussi les autres vivants. Il n’y a pas une « nature » humaine et une « nature » non humaine.
Ce ne sont pas les éléments matériels chimiques qui caractérisent l’humanité sur le plan biologique, mais leur combinaison particulière toujours différente pour chaque humain (à concurrence de 0,1 %).
Pneumatis a écrit : On devrait donc déduire de l'union d'une nature humaine et d'une nature non humaine, que la créature née cumulerait en elle les deux natures. Peut-on appeler cette créature un vrai homme. Je serais tenté de dire oui
Moi, je suis tenté de dire non. Tout est dans votre mot « nature » qui enferme les possibilités dans une alternative sans issue.
Il y a d’innombrables combinaisons génétiques, dans des limites que Dieu seul connaît, qui peuvent accueillir la dignité humaine.
Ce qui est vrai, c’est qu’à l’origine, un être non encore humain donne naissance à un être qui reçoit de Dieu l’humanité, qui est créé humain. Ce qui est vrai pour Adam et Eve par rapport à leurs parents peut l’être aussi pour certains de leurs premiers descendants.
L’humain qui provient de deux parents non humains (Adam et Eve), comme celui qui aurait eu un seul parent non humain, a pu recueillir pleinement l’humanité (et aussi le péché originel) par un seul de ses père et mère, tout comme Jésus a reçu pleinement l’humanité et l’a pleinement délivré du péché originel uniquement par sa mère.
Il n’y a pas de cumul de deux natures.
Pneumatis a écrit : Si donc une vie peut naitre de l'union d'un Humain et d'un non-Humain, c'est que Dieu a consacré cette union. Or nous savons par la Genèse que ce n'est pas ce type d'union que Dieu a consacré pour l'homme, quand il a unit Adam et Eve.
Votre observation est fort judicieuse et vous m’emmenez plus loin.
J’espère que vous avez lu ma parabole et qu’elle pourra faciliter la compréhension.
Pneumatis a écrit : la reproduction humaine comporte une efficience commune avec celle des animaux mais n'a pas la même finalité. Ce surcroit de finalité dans la reproduction humaine (image de l'union des natures divine et humaine, du Christ et de son Eglise, ...) s'accorde-t-il avec le fait qu'un des deux membres de l'union soit dénué de nature et dignité humaine ? On pourrait dire oui… Mais... (parce qu'il doit y avoir un mais, non ?)
Vous le dites du bout des lèvres. Je vous comprends.
Je ne pense pas davantage pouvoir soutenir un oui à votre pertinente interrogation principale. Je pense aussi qu’il doit y avoir un mais…
Oserais-je entr’ouvrir la porte vers le récit de la création de Eve ?
N’oublions pas qu’elle a été créée humaine à partir de quelque chose tiré de son époux.
J’entends ici comme un écho de Saint-Paul : « le mari non croyant se trouve sanctifié par sa femme, et la femme non croyante se trouve sanctifiée par le mari croyant. Car autrement, vos enfants seraient impurs, alors qu’ils sont saints » (1 Co 7, 14).
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