Les lettres aux sept églises

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
Règles du forum
Forum d'échanges sur la Sainte Bible.
ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par ademimo » ven. 07 mai 2021, 23:16

Cinci a écrit :
ven. 07 mai 2021, 22:21
Je n'ai jamais vu comment un commentateur pourrait s'y prendre, pour déterminer avec une bonne certitude ce que le terne «Nicolaïte» devait recouvrir à l'origine. J'ignore ce que feu Jean Daniélou aura pu dire à ce sujet. J'aurais aimé le savoir. Quelles preuves ou quel bon indice aurait-il pu penser avoir trouvés.

:?:

Merci pour la critique en tout cas, ademimo.


Pour l'emplacement

Le positionnement géographique des villes antiques concernées pourrait toujours expliquer les noms choisis, et l'ordre de succession dans l'énumération. Oui, c'est vrai.



Il serait assez simple d'imaginer, ensuite, que sur cette succession de communautés chrétiennes réelles, dans ces cités ainsi géographiquement disposées : Jean n'aurait eu qu'à y reporter sa lecture de l'Ancien Testament en superposition. Ce serait une manière de forger comme une sorte d'unité du peuple de Dieu, assimilant aussi bien l'ancien ou nouveau. Le drame des uns pouvant être tout aussi bien vécu par les autres. Et on rejoint ce que vous venez d'écrire sur l'universalité des critiques à distribuer.

Et Jean fait le tour de l'histoire sainte ayant précédé la venue de Jésus. Il se trouve que juste avant la venue de Jésus, le peuple se trouve en réalité dans un état d'impréparation totale à le recevoir. C'est vrai en l'an 30, ce serait sans doute aussi vrai pour d'autres en l'an 90 et ... et comme cela risque fort de l'être dans les derniers temps, plaçant ceux-ci dans l'année que l'on voudra ... 2033 ... 2100 ... etc.; dans le temps comme dans le temps.
Daniélou exploite le matériau des sources, comme les autres historiens avant lui. La littérature antique des premiers siècles contient de nombreuses informations. L'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée, bien sûr. Mais aussi les apocryphes, Les exégèses des paroles du Seigneur de Papias (dont Eusèbe cite des fragments), les Epîtres d'Ignace d'Antioche, les écrits de saint Irénée, etc.

Son livre est passionnant : L'Eglise des premiers temps, des origines à la fin du IIIe siècle. Si vous avez l'occasion d'y jeter un oeil.

gerardh
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 5032
Inscription : ven. 26 déc. 2008, 20:02
Conviction : chrétien non catholique
Localisation : Le Chambon sur Lignon (France)

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par gerardh » ven. 07 mai 2021, 23:25

__

Bonjour ademimo,

Je reprends que je pense être la partie centrale de votre exposé :
Votre lecture est très partisane. On peut comprendre qu'en tant que protestant, vous vouliez voir dans l'Apocalypse l'annonce prophétique de la Réforme, reléguant l'Eglise catholique dans l'errance (et pourquoi pas dans la doctrine de Jézabel et de Balaam, tant qu'on y est), mais c'est totalement gratuit, partisan et non étayé.

D'ailleurs, rien n'étaie non plus ce découpage en différentes périodes historiques censées correspondre à chacune des sept lettres. Si on prend, par exemple, la lettre à l'ange d’Éphèse, le propos est tellement général qu'il pourrait s'appliquer à l'Eglise prise dans toute son histoire, comme à n'importe quel cas particulier. Et la même chose peut être dite des autres "églises".
Lecture très partisane : Récemment, Poutine, reprenant une comptine enfantine, a répondu à un détracteur : « C’est celui qui le dit qui l’est ! ».

Le problème est de considérer si l’on admet ou non cette vision « historique » comme l’une des applications possibles du passage. On pourrait y revenir, mais si l’on retient cette lecture, ce qui pourrait être plaidé avec quelque pertinence, vous devrez reconnaître que je n’ai pas été tendre avec le protestantisme, car c’est un ersatz assez dégénéré de la Réforme. La Réforme elle-même a sans doute été évoquée à la fin de la lettre à Thyatire, au même titre que d’autres catholiques, lesquels sont considérés avec eux comme « les autres qui sont à Thyatire » (2 : 24).

Quant aux catholiques, ils figurent essentiellement selon moi dans les églises de Pergame et de Thyatire. Pergame est l’époque allant de l’empereur Constantin, jusqu’au Pape Grégoire le Grand qui n’a pas été ainsi nommé par hasard. Thyatire correspond grosso modo à l’époque du Moyen-âge. Notez que dans mon exposé, je me suis montré très charitable dans mes propos envers Thyatire.

En tout cas tant les églises de Pergame que de Thyatire, au même titre que les 5 autres, sont considérées par le Seigneur comme des églises à part entière, qu’il aime toutes et exhorte à mieux faire.

Ephèse, Smyrne et Pergame ne sont plus présentes sur la scène terrestre, tandis que Thyatire, Sardes, Philadelphie et même Laodicée, seront présentes au moment du retour du Seigneur.

J’ai aussi bien précisé que le passage d’Apocalypse 2 et 3 est adressé à l’ensemble des 7, et par extension à l’ensemble des individus les composant, ce qui le rend disponible aux cœurs et aux consciences tant des églises que de ceux qui en font partie.

Mais pour Ephèse par exemple, puisque vous la citez, le Seigneur n’en reste pas à des généralités, mais « appuie là où cela fait mal en lui reprochant d’avoir abandonné son premier amour. Cela peut tous nous toucher personnellement, mais en l’occurrence, dans cette « seconde épître aux Ephésiens », c’est d’abord Ephèse et les Ephésiens qui sont repris. Et cela contrairement à la première épître (de Paul) qui était d’un niveau spirituel des plus élevés.

Donc, malgré tout ce qui était si louable à Éphèse, le Seigneur doit lui dire : «mais j’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour» (à savoir le premier en qualité, pas en chronologie). Cela nous dit que, malgré l’appréciation du Seigneur de tous les merveilleux traits des œuvres, du travail, de la patience, de l’horreur du mal, etc., qui se trouvaient dans l’assemblée à Éphèse, Il recherche ce premier amour dans les cœurs. C’est le résultat produit quand on tombe sous l’influence puissante et personnelle de Son amour à lui. Il en restait quelque chose à Éphèse, mais cela déclinait. Le premier amour pour Christ, comme la source d’où tout doit couler, manquait. Le travail pour le Seigneur est nécessaire, mais notre service doit jaillir de l’amour pour Lui. On note aussi que le Seigneur ne dit pas qu’ils avaient « perdu » leur premier amour, mais qu’ils l’avaient «abandonné». Quelque chose de perdu ne peut jamais être retrouvé, mais quelque chose abandonné peut en général être retrouvé. N’est-ce pas encourageant ?
__

cmoi
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3088
Inscription : jeu. 28 févr. 2019, 12:07

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par cmoi » sam. 08 mai 2021, 12:56

gerardh a écrit :
ven. 07 mai 2021, 23:25
vous devrez reconnaître que je n’ai pas été tendre avec le protestantisme,
Je l'avais pour ma part remarqué et j'en avais été fort étonné.
Décidément, je trouve dommage que la censure ne vous permette pas de vous exprimer pleinement, car parfois deviner votre pensée vraie relève de l'impossible.
Comme nous sommes tous un peu flattés de ce que nos adversaires (ce qu'aucun chrétien honnête et sincère n'est pour moi, mais c'est une façon de dire car je manque ici d'inspiration...) soient "quelqu'un", je me suis dit car je n'y échappe pas, que vous étiez peut-être un pasteur, mais maintenant j'ai des doutes...!! :clown:

ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par ademimo » sam. 08 mai 2021, 16:01

gerardh a écrit :
ven. 07 mai 2021, 23:25
__

Bonjour ademimo,

Je reprends que je pense être la partie centrale de votre exposé :
Votre lecture est très partisane. On peut comprendre qu'en tant que protestant, vous vouliez voir dans l'Apocalypse l'annonce prophétique de la Réforme, reléguant l'Eglise catholique dans l'errance (et pourquoi pas dans la doctrine de Jézabel et de Balaam, tant qu'on y est), mais c'est totalement gratuit, partisan et non étayé.

D'ailleurs, rien n'étaie non plus ce découpage en différentes périodes historiques censées correspondre à chacune des sept lettres. Si on prend, par exemple, la lettre à l'ange d’Éphèse, le propos est tellement général qu'il pourrait s'appliquer à l'Eglise prise dans toute son histoire, comme à n'importe quel cas particulier. Et la même chose peut être dite des autres "églises".
Lecture très partisane : Récemment, Poutine, reprenant une comptine enfantine, a répondu à un détracteur : « C’est celui qui le dit qui l’est ! ».

Le problème est de considérer si l’on admet ou non cette vision « historique » comme l’une des applications possibles du passage. On pourrait y revenir, mais si l’on retient cette lecture, ce qui pourrait être plaidé avec quelque pertinence, vous devrez reconnaître que je n’ai pas été tendre avec le protestantisme, car c’est un ersatz assez dégénéré de la Réforme. La Réforme elle-même a sans doute été évoquée à la fin de la lettre à Thyatire, au même titre que d’autres catholiques, lesquels sont considérés avec eux comme « les autres qui sont à Thyatire » (2 : 24).

Quant aux catholiques, ils figurent essentiellement selon moi dans les églises de Pergame et de Thyatire. Pergame est l’époque allant de l’empereur Constantin, jusqu’au Pape Grégoire le Grand qui n’a pas été ainsi nommé par hasard. Thyatire correspond grosso modo à l’époque du Moyen-âge. Notez que dans mon exposé, je me suis montré très charitable dans mes propos envers Thyatire.

En tout cas tant les églises de Pergame que de Thyatire, au même titre que les 5 autres, sont considérées par le Seigneur comme des églises à part entière, qu’il aime toutes et exhorte à mieux faire.

Ephèse, Smyrne et Pergame ne sont plus présentes sur la scène terrestre, tandis que Thyatire, Sardes, Philadelphie et même Laodicée, seront présentes au moment du retour du Seigneur.

J’ai aussi bien précisé que le passage d’Apocalypse 2 et 3 est adressé à l’ensemble des 7, et par extension à l’ensemble des individus les composant, ce qui le rend disponible aux cœurs et aux consciences tant des églises que de ceux qui en font partie.

Mais pour Ephèse par exemple, puisque vous la citez, le Seigneur n’en reste pas à des généralités, mais « appuie là où cela fait mal en lui reprochant d’avoir abandonné son premier amour. Cela peut tous nous toucher personnellement, mais en l’occurrence, dans cette « seconde épître aux Ephésiens », c’est d’abord Ephèse et les Ephésiens qui sont repris. Et cela contrairement à la première épître (de Paul) qui était d’un niveau spirituel des plus élevés.

Donc, malgré tout ce qui était si louable à Éphèse, le Seigneur doit lui dire : «mais j’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour» (à savoir le premier en qualité, pas en chronologie). Cela nous dit que, malgré l’appréciation du Seigneur de tous les merveilleux traits des œuvres, du travail, de la patience, de l’horreur du mal, etc., qui se trouvaient dans l’assemblée à Éphèse, Il recherche ce premier amour dans les cœurs. C’est le résultat produit quand on tombe sous l’influence puissante et personnelle de Son amour à lui. Il en restait quelque chose à Éphèse, mais cela déclinait. Le premier amour pour Christ, comme la source d’où tout doit couler, manquait. Le travail pour le Seigneur est nécessaire, mais notre service doit jaillir de l’amour pour Lui. On note aussi que le Seigneur ne dit pas qu’ils avaient « perdu » leur premier amour, mais qu’ils l’avaient «abandonné». Quelque chose de perdu ne peut jamais être retrouvé, mais quelque chose abandonné peut en général être retrouvé. N’est-ce pas encourageant ?
__
Bonjour Gerardh,

Comme vous l'avez peut-être remarqué, les catholiques n'ont pas disparu à la fin du moyen âge. Donc, dans votre explication des sept églises, ils disparaissent tout simplement après Pergame. Autrement dit, le Seigneur n'a plus rien à leur dire dans les cinq autres lettres. Que sont donc, à vos yeux, les catholiques d'aujourd'hui, auxquels le Seigneur n'a rien à leur dire ? Il est clair que pour vous, ils ne sont plus au nombre des fidèles auxquels ces lettres sont adressées.

Maintenant, reprenons la lettre à l'ange d'Ephèse :
2 Je connais vos œuvres, votre travail et votre patience ; je sais que vous ne pouvez souffrir les méchants, et qu’ayant éprouvé ceux qui se disent apôtres, et ne le sont point, vous les avez trouvés menteurs ;
3 je sais que vous êtes patient ; que vous avez souffert pour mon nom, et que vous ne vous êtes point découragé.
4 Mais j’ai un reproche à vous faire, qui est que vous vous êtes relâché de votre première charité.
5 Souvenez-vous donc de l’état d’où vous êtes déchu, et faites pénitence, et rentrez dans la pratique de vos premières œuvres. Si vous y manquez, je viendrai bientôt à vous ; et j’ôterai votre chandelier de sa place, si vous ne faites pénitence.
6 Mais vous avez ceci de bon, que vous haïssez les actions des nicolaïtes, comme je les hais moi-même.
7 Que celui qui a des oreilles, entende ce que l’Esprit dit aux Églises : Je donnerai au victorieux à manger du fruit de l’arbre de vie, qui est au milieu du paradis de mon Dieu.
(Lemaistre de Sacy)
Je me demande quelle communauté chrétienne, de n'importe quelle époque, pourrait ne pas se sentir concernée par cette diatribe. Car en résumé, il s'agit de :
- louer ses efforts (le travail, la patience)
- louer sa lutte contre les "méchants" et les "menteurs" (applicable à n'importe qui)
- blâmer son relâchement de la charité (quel chrétien au monde n'est pas concerné ?)
- l'exhorter à la pénitence et à retrouver sa première ferveur
- louer sa lutte contre les hérésies (symboliquement représentées par les "Nicolaïtes")

C'est applicable à l'Eglise tout au long de son histoire, y compris l'Eglise actuelle. C'est applicable à n'importe quelle église protestante, même, si on veut, et à n'importe quelle époque.

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par Cinci » sam. 08 mai 2021, 17:20

Merci pour la référence, ademimo. Je note ça.

:)

gerardh
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 5032
Inscription : ven. 26 déc. 2008, 20:02
Conviction : chrétien non catholique
Localisation : Le Chambon sur Lignon (France)

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par gerardh » sam. 08 mai 2021, 19:27

__

Bonjour cmoi,

Vous avez remarqué que j’ai écrit : « vous devrez reconnaître que je n’ai pas été tendre avec le protestantisme, car c’est un ersatz assez dégénéré de la Réforme » Mais vous n’avez pas relevé cette autre mention : « Notez que dans mon exposé, je me suis montré très charitable dans mes propos envers Thyatire ».

Au total j’aurais donc des réserves envers les uns et les autres. Dans un premier temps permettez-moi de reproduire un texte que j’ai écrit sur la base de sources diverses :

Dans les premiers temps de la chrétienté, les croyants étaient « un cœur et une âme ». « Et le Seigneur ajoutait tous les jours à l’assemblée ceux qui devaient être sauvés ». La réception des saints dans l’Eglise (l’assemblée) était donc automatique car elle allait de soi, les croyants étant unis. Mais nous savons, de par la Parole même, que cette situation s’est très vite largement dégradée, et qu’à notre époque, il en a été encore de mal en pis, comme nos devanciers l’ont constaté, décrit clairement, et en ont tiré les conséquences. Aussi ils ont pu redécouvrir par grâce des vérités que Dieu nous a confiées au commencement, vérités remises en lumière de nos jours, comme témoignage .

Ainsi, du point de vue de la responsabilité des hommes, l’Eglise est en ruines (voir notamment Apocalypse 2 et 3), même si Dieu le Père et le Christ la voient dans son unité, une unité effective bien que non réalisée dans les faits en tant que corps visible sur la terre. Cette ruine est irrémédiable. Elle fut prédite par les apôtres et commença déjà de leur temps .

En l’occurrence, la chrétienté s’est divisée en de multiples dénominations et/ou systèmes, lesquels chacun, bien qu’ayant souvent entre eux des invariants doctrinaux, prétendent détenir la vérité, au moins sur certains points de doctrine qu’ils entendent mettre plus particulièrement en avant, et qui pour certains d’entre eux sont des hérésies funestes. Dans le même temps de points importants de la révélation biblique ont été perdus de vue. Dans ces milieux se sont mélangés de vrais chrétiens et des personnes n’ayant pas en fait la vie divine, comme cela avait été annoncé par le Christ dans sa parabole du bon grain et de l’ivraie . Enfin tous, nous y compris, sommes dans un état de faiblesse et d’infirmité qui ne sont pas à la gloire de Dieu. La mondanité et le légalisme se sont introduits et accrus ainsi que l’indifférence et la satisfaction de soi. Par ailleurs, depuis l’empereur Constantin en passant par les Réformateurs, l’Eglise s’est associée avec le monde, qui pourtant la hait et s’est ainsi compromise avec les puissants de la terre et avec les associations humaines. En outre, du fait d’un cléricalisme avoué ou non, les services religieux sont le plus souvent sous la direction d’un chef temporel, qui officie et dicte le déroulement des réunions, comme aussi la vie de leur groupement, de sorte que, même s’il y a là de bonnes intentions, cela est charnel, et ne laisse pas la place à la liberté du Saint Esprit, lequel devrait être le seul directeur.

__

gerardh
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 5032
Inscription : ven. 26 déc. 2008, 20:02
Conviction : chrétien non catholique
Localisation : Le Chambon sur Lignon (France)

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par gerardh » sam. 08 mai 2021, 20:07

__

Bonjour ademimo, vous avez écrit :
Comme vous l'avez peut-être remarqué, les catholiques n'ont pas disparu à la fin du moyen âge. Donc, dans votre explication des sept églises, ils disparaissent tout simplement après Pergame. Autrement dit, le Seigneur n'a plus rien à leur dire dans les cinq autres lettres. Que sont donc, à vos yeux, les catholiques d'aujourd'hui, auxquels le Seigneur n'a rien à leur dire ? Il est clair que pour vous, ils ne sont plus au nombre des fidèles auxquels ces lettres sont adressées.
Vous n’avez sans doute pas lu mes propos avec suffisamment d’attention. J’ai écrit, peut-être pas assez clairement, que les catholiques en tant que tels sont figurés tour à tour par les églises de Pergame et de Thyatire. Certes Pergame a disparu, mais Thyatire subsistera jusqu’au retour du Seigneur, avec d’autres églises décrites. Or, notamment vers la fin de la lettre à Thyatire, mais pas uniquement, il est question des « autres qui sont à Thyatire, autant qu’il y en a qui n’ont pas cette doctrine, qui n’ont pas connu les profondeurs de Satan, comme ils disent : je ne vous impose pas d’autre charge ; mais seulement, ce que vous avez, tenez-le ferme jusqu’à ce que je vienne ».

Dans ces « autres », je pense qu’il y aura beaucoup de catholiques purs de cœur, mais aussi beaucoup de réformés de la première époque.
Maintenant, reprenons la lettre à l'ange d'Ephèse : Je me demande quelle communauté chrétienne, de n'importe quelle époque, pourrait ne pas se sentir concernée par cette diatribe. C'est applicable à l'Eglise tout au long de son histoire, y compris l'Eglise actuelle. C'est applicable à n'importe quelle église protestante, même, si on veut, et à n'importe quelle époque.
C’est bien évident. Certes l’église d’Ephèse a été la toute première après l’Eglise des tous débuts, a abandonner son premier amour. Mais la plupart des autres églises décrites dans ces passages, et tous les individus appartenant à ces églises, pourraient prendre sur eux ce reproche et en tirer les conséquences morales et spirituelles

Je ferais quand même (avec prudence) deux exceptions en ce qui concerne l’église de Smyrne (l’église des persécutions), et l’église de Philadelphie (qui a peu de force, a gardé la Parole divine, et n’a pas renié le nom du Seigneur). Nous pouvons noter en effet que le Seigneur ne fait aucun reproche à ces deux églises, contrairement aux 5 autres.

__

Avatar de l’utilisateur
Libremax
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1367
Inscription : mer. 01 avr. 2009, 16:54
Conviction : chrétien catholique

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par Libremax » sam. 08 mai 2021, 20:42

ademimo a écrit :
ven. 07 mai 2021, 21:58
Ce sont deux dérives opposées. D'après Jean Daniélou, la communauté chrétienne phrygienne possède déjà ces traits caractéristiques avant même que Paul la visite. Paul n'en est d'ailleurs pas l'évangélisateur initial. Et on remarquera que nul ne parle de Jean dans les Actes des Apôtres [EDIT : à partir de la persécution de Jérusalem] et dans tous les écrits pauliniens. On ne sait pas ce que devient Jean par la suite. Quant au jeune âge de Jean, franchement, on ne peut rien en conjecturer. Au lendemain de la Passion, il est membre du comité apostolique, le disciple que le Seigneur aimait et c'est à lui que ce dernier confie sa Mère avant d'expirer. [EDIT : au début des Actes des apôtres, il est fréquemment associé à Pierre pour représenter l'Eglise]. Que faut-il de plus pour être convaincu que - malgré son jeune âge - Jean possède une position éminente dans l'Eglise ? On situe généralement la mort du Christ vers l'an 33. Les voyages de Paul commencent aux alentours de 40. En quelques années, le christianisme a déjà essaimé dans tout l'Empire romain. Et bien sûr, les apôtres ne sont pas restés inactifs durant tout ce temps, puisqu'ils ont reçu le mandat express de répandre l'évangile par toute la terre.

D'ailleurs, Paul aussi est "jeune", à cette époque. Au moment du martyre d'Etienne, Paul est un tout jeune homme. Peut-être plus jeune que Jean. Ce n'est pas parce que dans l'iconographie Jean est présenté comme un adolescent imberbe et Paul comme un homme mûr au crâne dégarni et à la longue barbe que Paul était plus âgé que Jean. Paul était dans la force de l'âge au moment de son martyre vers 68. Mais vers 36, c'était un jeune homme.

Parmi les traits judaïsants de la communauté johannique, le plus connu est la tradition quartodécimaine qui célèbre la Pâque le même jour que dans la tradition juive. Elle se manifeste dans l'Evangile de saint Jean par une chronologie de la Passion qui lui est propre, et se distingue de celle des trois autres évangiles. Mais ce n'est qu'un trait parmi d'autres. Jean Daniélou évoque le millénarisme apocalyptique (comme dit dans mon post précédent). Et le Concile de Jérusalem montre bien que cette tendance était déjà lourde au sein de l'Eglise, puisqu'elle a suscité le premier concile de son histoire.

Et justement, vous faites bien de remarquer que Paul s'oppose à cette imminence de la Parousie. Mais cette vision de Paul n'était pas partagée uniformément, notamment par le courant judaïsant.
Les dérives gnostiques et politiques étaient opposées, mais tout aussi bien présentes l'une que l'autre au mouvement judaïsant.
On ne peut donc pas affirmer que les dérives que l'Apocalypse évoque avec les nicolaïtes, Jézabel ou la doctrine de Balaam étaient spécifiques d'une communauté judaïsante qui serait en conflit avec Paul. La synchronisation de la liturgie chrétienne primitive (et notamment orientale) ne constituait pas un "judaïsme". Toutes les fêtes chrétiennes ont longtemps été calées sur le calendrier synagogal, ce n'est pas ce que Paul reprochait aux chrétiens qui "judaïsaient".

Pour ce qui est de Jean, je vous parle des traditions, bien sûr, et rien de ce qui se trouve consigné dans le Nouveau Testament.
On ne parle plus de Jean dans les Actes après la persécution, justement parce qu'il se retire. Et les témoignages sont nombreux à dire qu'il se retire avec Marie (selon la volonté de son Maître) à Ephèse. L'âge de Jean n'a peut-être rien à voir dans toute cette affaire, mais Paul connaît les apôtres par leur nom, et il ne citerait pas Jean qui aurait évangélisé Ephèse avant lui ? J'en doute. Sa lettre aux éphésiens est cela dit d'une hauteur théologique peu commune, et très en harmonie avec le Quatrième Evangile. Je crois que Jean était un apôtre très mystique (ses écrits le montrent), dont l'enseignement était réservé aux croyants déjà très avancés dans leur formation.

ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par ademimo » sam. 08 mai 2021, 22:37

gerardh a écrit :
sam. 08 mai 2021, 20:07
__

Bonjour ademimo, vous avez écrit :
Comme vous l'avez peut-être remarqué, les catholiques n'ont pas disparu à la fin du moyen âge. Donc, dans votre explication des sept églises, ils disparaissent tout simplement après Pergame. Autrement dit, le Seigneur n'a plus rien à leur dire dans les cinq autres lettres. Que sont donc, à vos yeux, les catholiques d'aujourd'hui, auxquels le Seigneur n'a rien à leur dire ? Il est clair que pour vous, ils ne sont plus au nombre des fidèles auxquels ces lettres sont adressées.
Vous n’avez sans doute pas lu mes propos avec suffisamment d’attention. J’ai écrit, peut-être pas assez clairement, que les catholiques en tant que tels sont figurés tour à tour par les églises de Pergame et de Thyatire. Certes Pergame a disparu, mais Thyatire subsistera jusqu’au retour du Seigneur, avec d’autres églises décrites. Or, notamment vers la fin de la lettre à Thyatire, mais pas uniquement, il est question des « autres qui sont à Thyatire, autant qu’il y en a qui n’ont pas cette doctrine, qui n’ont pas connu les profondeurs de Satan, comme ils disent : je ne vous impose pas d’autre charge ; mais seulement, ce que vous avez, tenez-le ferme jusqu’à ce que je vienne ».

Dans ces « autres », je pense qu’il y aura beaucoup de catholiques purs de cœur, mais aussi beaucoup de réformés de la première époque.
Maintenant, reprenons la lettre à l'ange d'Ephèse : Je me demande quelle communauté chrétienne, de n'importe quelle époque, pourrait ne pas se sentir concernée par cette diatribe. C'est applicable à l'Eglise tout au long de son histoire, y compris l'Eglise actuelle. C'est applicable à n'importe quelle église protestante, même, si on veut, et à n'importe quelle époque.
C’est bien évident. Certes l’église d’Ephèse a été la toute première après l’Eglise des tous débuts, a abandonner son premier amour. Mais la plupart des autres églises décrites dans ces passages, et tous les individus appartenant à ces églises, pourraient prendre sur eux ce reproche et en tirer les conséquences morales et spirituelles

Je ferais quand même (avec prudence) deux exceptions en ce qui concerne l’église de Smyrne (l’église des persécutions), et l’église de Philadelphie (qui a peu de force, a gardé la Parole divine, et n’a pas renié le nom du Seigneur). Nous pouvons noter en effet que le Seigneur ne fait aucun reproche à ces deux églises, contrairement aux 5 autres.

__
Mais pourquoi faites-vous mourir certaines églises, tandis que d'autres survivraient ? C'est un peu brinquebalant. L'Eglise catholique actuelle serait l'église de Thyatire ? Si je comprends votre système, on aurait :

- Ephèse serait l'Eglise de 33 à 167, qui ne subsiste plus
- Smyrne : de 167 à 313, qui ne subsiste plus
- Pergame : de 313 à 600, qui ne subsiste plus
- Thyatire : l'église catholique de 600 à aujourd'hui
- Sardes : les églises protestantes de Luther à aujourd'hui
- Philadelphie : les églises protestantes de la fin du XVIIIe à aujourd'hui
- Laodicée : l'ensemble de la chrétienté (protestantisme et catholicisme ?) de la fin du XIXe à aujourd'hui

Pas clair. Où sont les orthodoxes, au fait ? Les anglicans ? Les courants évangéliques ? Les courants en marge tels que les TJ ?

En tous les cas, ce schéma est une interprétation allégorique parmi d'autres possibles. Rien ne dit que ce soit vrai ou faux.

ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par ademimo » sam. 08 mai 2021, 23:32

Libremax a écrit :
sam. 08 mai 2021, 20:42
Les dérives gnostiques et politiques étaient opposées, mais tout aussi bien présentes l'une que l'autre au mouvement judaïsant.

On ne peut donc pas affirmer que les dérives que l'Apocalypse évoque avec les nicolaïtes, Jézabel ou la doctrine de Balaam étaient spécifiques d'une communauté judaïsante qui serait en conflit avec Paul.
Je me suis mal exprimé.

Les deux dérives dont je parle sont : la dérive judaïsante (qui provoque le concile de Jérusalem, où le "parti de Jacques" s'oppose à Paul), et la dérive gnostique. Les milieux judaïsants et de l'entourage de Jean sont particulièrement marqués par le millénarisme apocalyptique. Ce n'est pas sans raison, d'ailleurs, que l'Apocalypse soit l’œuvre de Jean. La théologie apocalyptique semble s'être diffusée dans la tradition asiate (on la retrouve chez Papias et Irénée). Le mouvement gnostique apparaît comme une dérive de cette théologie apocalyptique. On le trouve à l’œuvre dans le domaine de Philippe à Hiérapolis (domaine voisin de celui de Jean), ce qui se traduira par le cycle de Philippe de tendance gnostique. Mais on le rencontre également chez Apollos, que Paul trouve sur son chemin, et qui lui rend si difficile sa prédication, notamment dans la région placée sous l'influence de Jean (Ephèse). Et ce n'est pas seulement le milieu gnostique qui fait difficulté, mais également les milieux judaïsants, très puissants dans cette région que Paul visite tardivement, de 54 à 57. Vous remarquerez qu'à cette époque, il n'est plus possible de présenter Jean comme un "jeune homme". ça se passe plus de vingt ans après la Passion.
Libremax a écrit :
sam. 08 mai 2021, 20:42
La synchronisation de la liturgie chrétienne primitive (et notamment orientale) ne constituait pas un "judaïsme". Toutes les fêtes chrétiennes ont longtemps été calées sur le calendrier synagogal, ce n'est pas ce que Paul reprochait aux chrétiens qui "judaïsaient".
Je me contente de suivre l'avis des historiens, sur cette question-là. Que ce soit chez les historiens anciens, ou chez les critiques contemporains, la question fait consensus. Tout le monde s'accorde pour dire que les traditions johanniques asiates ont des traits fortement judaïsants, et sont en opposition avec les traditions occidentales sur ce point. La date de Pâques est un marqueur très fort, mais ce n'est pas le seul élément. A l'époque de Jean, il y a aussi le rapport avec les pratiques païennes, la participation aux banquets, les viandes immolées, les viandes "impures", etc. C'est un trait d'ailleurs très présent dans l'Apocalypse.

En l’occurrence, je vous renvoie vers l'ouvrage de Jean Daniélou qui consacre plusieurs chapitres sur cet aspect.
Libremax a écrit :
sam. 08 mai 2021, 20:42
Pour ce qui est de Jean, je vous parle des traditions, bien sûr, et rien de ce qui se trouve consigné dans le Nouveau Testament.
On ne parle plus de Jean dans les Actes après la persécution, justement parce qu'il se retire. Et les témoignages sont nombreux à dire qu'il se retire avec Marie (selon la volonté de son Maître) à Ephèse. L'âge de Jean n'a peut-être rien à voir dans toute cette affaire, mais Paul connaît les apôtres par leur nom, et il ne citerait pas Jean qui aurait évangélisé Ephèse avant lui ? J'en doute. Sa lettre aux éphésiens est cela dit d'une hauteur théologique peu commune, et très en harmonie avec le Quatrième Evangile.
Il faut bien que quelqu'un ait évangélisé Ephèse, de toute façon. Et ce n'est pas Paul, c'est une certitude. Et vous êtes d'accord pour dire que Jean était à Ephèse, probablement bien avant Paul, car il faut bien que Jean ait été quelque part entre 36 et 54. On ne peut pas interpréter le fait que Paul ne le cite pas dans sa lettre. Ce serait vraiment extrapoler.
Je remarque que l'un des rares endroits où Paul cite Jean, dans la lettre aux Galates, il le cite avec Pierre et Jacques en disant que ce sont les "colonnes de l'Eglise". Et dans les Actes des Apôtres, lorsque les apôtres sont cités, c'était toujours en commençant par Pierre, Jean et Jacques. Cela montre l'éminence de Jean dans l'Eglise, où il fait figure de "numéro deux". Dans les Actes, il est souvent associé à Pierre lorsqu'il faut parler au nom de l'Eglise.

Hromis les Actes, généralement les différents apôtres ne se citent pas les uns les autres (lorsqu'on lit les différentes épîtres : Pierre ne cite pas Jean et Paul, Jacques ne cite pas Pierre et Jean, etc.). Il n'y a rien d'autre à en conclure que lorsqu'un apôtre parle aux fidèles, il n'a pas besoin de se référer à ses collègues.
Libremax a écrit :
sam. 08 mai 2021, 20:42
Je crois que Jean était un apôtre très mystique (ses écrits le montrent), dont l'enseignement était réservé aux croyants déjà très avancés dans leur formation.
Cependant à resituer dans un contexte régional et de courant doctrinal. D'ailleurs vous remarquez vous-même que la lettre aux Ephésiens à quelque chose de spécial (je ne suis pas allé vérifier, je vous crois sur parole). Sans doute parce que Paul tient compte de l'ambiance locale.
Dernière modification par ademimo le dim. 09 mai 2021, 14:05, modifié 2 fois.

cmoi
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3088
Inscription : jeu. 28 févr. 2019, 12:07

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par cmoi » dim. 09 mai 2021, 7:46

gerardh a écrit :
sam. 08 mai 2021, 19:27
Bonjour cmoi,

Vous avez remarqué que
Cette fois, je remarque que Suliko ne renierait probablement pas votre propos...

Avatar de l’utilisateur
Libremax
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1367
Inscription : mer. 01 avr. 2009, 16:54
Conviction : chrétien catholique

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par Libremax » dim. 09 mai 2021, 15:26

ademimo a écrit :
sam. 08 mai 2021, 23:32
Les milieux judaïsants et de l'entourage de Jean sont particulièrement marqués par le millénarisme apocalyptique. Ce n'est pas sans raison, d'ailleurs, que l'Apocalypse soit l’œuvre de Jean. La théologie apocalyptique semble s'être diffusée dans la tradition asiate (on la retrouve chez Papias et Irénée). Le mouvement gnostique apparaît comme une dérive de cette théologie apocalyptique.
Mais lier l'Apocalypse et du coup les communautés johanniques à un millénarisme de type politique restreint la lecture de l'Apocalypse à son sens littéral, et non pas symbolique et spirituel, ce qui est aberrant, venant de quelqu'un comme Jean et d'un livre de la teneur de l'Apocalypse.
La gnose par ailleurs, dans son essence, n'est pas tant liée à l'accomplissement terrestre du règne du Messie (et donc, le millénarisme à proprement dit) qu'à l'accomplissement de la divinité en soi, ce qui est tout différent.
La gnose a évolué dans les communautés judaïsantes, certainement, mais aussi parce que c'est une spiritualité qui a précédé le christianisme.

Les historiens ont bien raison de dire que les communautés asiates ont dû être rapidement en désaccord avec les "traditions occidentales" sur le calendrier liturgique. Mais cerner le désaccord sur l'influence johannique est un non sens. Toute l'église orientale était en désaccord avec l'église occidentale, très vite coupée de ses fondements juifs. L'église orientale a conservé l'usage de l'araméen, et avec lui de nombreux aspects de la culture juive, dont le calendrier. Mais ceci ne s'est pas limité à l'Asie, c'est allé beaucoup plus loin, en Mésopotamie, en Inde, en Arabie, Egypte, Crimée et probablement en Chine. donc lier les dérives, "judaïsantes" ou gnostiques, à la prédication johannique et à l'Apocalypse est un gigantesque malentendu.

Je ne vois pas ce qui fait affirmer que Paul aurait visité Ephèse aussi tard, mais peu importe. Si Jean s'y retire avec Marie, ce n'est pas nécessairement pour y fonder une communauté de fidèles pratiquant un culte à Jésus. Les autres Apôtres s'étant réparti les territoires d'évangélisation, il a pu demeurer comme maître retiré, se réservant à de petits groupes de disciples plus avancés que les autres dans la formation de fidèles, c'est ce qu'on peut conclure de son Evangile. C'est une vision romantique ? Vous avez jeté un coup d'oeil aux différences entre les synoptiques et le Quatrième Evangile. Nous parlons de l'Apocalypse. On peut parler des Lettres de Jean. Ce n'est pas un auteur très mystique qui a écrit tout ça, voire ésotérique?

En tout cas, si Paul ne cite pas Jean davantage que pour lui rendre hommage, c'est qu'il n'est pas en conflit avec lui ni avec sa prédication : il ne s'est pas gêné de se vanter du reproche fait à Pierre, d'évoquer à une pseudo "appartenance à Appollos" pour mieux la condamner. Si Jean avait fondé une tendance judaïsante contre laquelle Paul aurait dû se battre, comment ne l'aurait-il pas nommé? Je ne pense pas que ce soit de la conjecture, il y a là quelque chose en jeu de grâve au moment de la fondation de l'Eglise, plus encore que la simple question de la circoncision, qui a causé le concile de Jérusalem. Paul désigne clairement les coupables : ce sont des faux frères. Et Jean serait l'instigateur de ce genre de mouvement, sans que Paul n'en parle jamais sans autre propos pour le coup flagorneur, que de l'appeler "colonne de l'église" ou "super apôtre"? Je n'y crois pas. Si tendance "judaïsante" il y avait, qui crispait éventuellement la foi des fidèles, elle dépassait de loin la seule influence de Jean, et donc, de son Apocalypse. Le problème était ailleurs.

ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par ademimo » dim. 09 mai 2021, 17:15

Libremax a écrit :
dim. 09 mai 2021, 15:26
ademimo a écrit :
sam. 08 mai 2021, 23:32
Les milieux judaïsants et de l'entourage de Jean sont particulièrement marqués par le millénarisme apocalyptique. Ce n'est pas sans raison, d'ailleurs, que l'Apocalypse soit l’œuvre de Jean. La théologie apocalyptique semble s'être diffusée dans la tradition asiate (on la retrouve chez Papias et Irénée). Le mouvement gnostique apparaît comme une dérive de cette théologie apocalyptique.
Mais lier l'Apocalypse et du coup les communautés johanniques à un millénarisme de type politique restreint la lecture de l'Apocalypse à son sens littéral, et non pas symbolique et spirituel, ce qui est aberrant, venant de quelqu'un comme Jean et d'un livre de la teneur de l'Apocalypse.
Situer un écrit dans son contexte historique, littéraire et religieux, ne revient pas à en exclure la portée. Où avez-vous vu que je dévalorisais le contenu de l'Apocalypse ? Tous les exégètes, pour n'importe quel écrit biblique, étudient le contexte, toujours source d'une meilleure compréhension.
Libremax a écrit :
dim. 09 mai 2021, 15:26
Les historiens ont bien raison de dire que les communautés asiates ont dû être rapidement en désaccord avec les "traditions occidentales" sur le calendrier liturgique. Mais cerner le désaccord sur l'influence johannique est un non sens. Toute l'église orientale était en désaccord avec l'église occidentale, très vite coupée de ses fondements juifs. L'église orientale a conservé l'usage de l'araméen, et avec lui de nombreux aspects de la culture juive, dont le calendrier. Mais ceci ne s'est pas limité à l'Asie, c'est allé beaucoup plus loin, en Mésopotamie, en Inde, en Arabie, Egypte, Crimée et probablement en Chine. donc lier les dérives, "judaïsantes" ou gnostiques, à la prédication johannique et à l'Apocalypse est un gigantesque malentendu.
Ce n'est pas ce que disent la plupart des auteurs, anciens ou modernes, qui définissent en général un contexte asiate fortement marqué par la prédication johannique. Oubliez le reste de l'Orient. Je vous parle uniquement de l'Asie au sens antique, c'est-à-dire la région située entre le massif anatolien et le littoral occidental de l'Asie mineure. Une région fortement hellénisée avec des communautés juives qui ont produit des courants singuliers. Jean y représente une figure importante, incontestablement.
Libremax a écrit :
dim. 09 mai 2021, 15:26

Je ne vois pas ce qui fait affirmer que Paul aurait visité Ephèse aussi tard, mais peu importe.
La chronologie de Paul a été très étudiée. Il se trouve que lors de son premier voyage, il évite justement de se rendre dans cette région qui ne lui est pas favorable. C'est dans les Actes des apôtres, je crois. De toute façon, les voyages de Paul commencent plusieurs années après le départ hypothétique de Jean de Jérusalem.
Libremax a écrit :
dim. 09 mai 2021, 15:26
Si Jean s'y retire avec Marie, ce n'est pas nécessairement pour y fonder une communauté de fidèles pratiquant un culte à Jésus. Les autres Apôtres s'étant réparti les territoires d'évangélisation, il a pu demeurer comme maître retiré, se réservant à de petits groupes de disciples plus avancés que les autres dans la formation de fidèles, c'est ce qu'on peut conclure de son Evangile. C'est une vision romantique ? Vous avez jeté un coup d'oeil aux différences entre les synoptiques et le Quatrième Evangile. Nous parlons de l'Apocalypse. On peut parler des Lettres de Jean. Ce n'est pas un auteur très mystique qui a écrit tout ça, voire ésotérique?
Oui, c'est une vision romantique, car vous jugez d'après votre point de vue anachronique. Evidemment, quand on compare les écrits de Jean au reste du Nouveau testament, le style est beaucoup plus mystérieux, et paraît donc bien plus élevé et mystique. Et donc, vous vous figurez Jean comme un ermite retiré au milieu d'un petit nombre de fidèles. Mais ce n'est pas ce que disent les auteurs - encore une fois. L'aura de Jean était importante, et elle transparaît dès les Actes des Apôtres. Et s'il pouvait nommer des presbytres, c'est-à-dire des chefs d'églises, c'est qu'il occupait un rang hiérarchique élevé.
Libremax a écrit :
dim. 09 mai 2021, 15:26
En tout cas, si Paul ne cite pas Jean davantage que pour lui rendre hommage, c'est qu'il n'est pas en conflit avec lui ni avec sa prédication : il ne s'est pas gêné de se vanter du reproche fait à Pierre, d'évoquer à une pseudo "appartenance à Appollos" pour mieux la condamner. Si Jean avait fondé une tendance judaïsante contre laquelle Paul aurait dû se battre, comment ne l'aurait-il pas nommé? Je ne pense pas que ce soit de la conjecture, il y a là quelque chose en jeu de grâve au moment de la fondation de l'Eglise, plus encore que la simple question de la circoncision, qui a causé le concile de Jérusalem. Paul désigne clairement les coupables : ce sont des faux frères. Et Jean serait l'instigateur de ce genre de mouvement, sans que Paul n'en parle jamais sans autre propos pour le coup flagorneur, que de l'appeler "colonne de l'église" ou "super apôtre"? Je n'y crois pas. Si tendance "judaïsante" il y avait, qui crispait éventuellement la foi des fidèles, elle dépassait de loin la seule influence de Jean, et donc, de son Apocalypse. Le problème était ailleurs.
On est en train de placer sur le même plan deux époques distinctes : la période où Paul prêche en Asie, et celle plus tardive où Jean rédige l'Apocalypse. Dans la première période, on voit que Paul est aux prises avec des dérives judaïsantes, notamment chez les Galates. Quand Paul écrit aux Galates, il se situe sans doute à Ephèse. Vingt à trente ans plus tard, le contexte a beaucoup changé : le gnosticisme est à présent en pleine efflorescence, tandis que les tendance judaïsantes se sont stabilisées. On ignore quel a été le rôle de Jean au cours de la première période. En revanche, ce que disent les auteurs, c'est que le genre apocalyptique, et différentes thématiques évoquées dans l'Apocalypse, s'inscrivent dans le contexte judaïsant de cette région asiate, lequel s'installe dans la durée.

Personnellement, je ne dis rien d'autre. Je ne vous dis pas que Jean serait à l'origine des difficultés rencontrées par Paul. Il ne faut pas tout mélanger et caricaturer le propos.

Avatar de l’utilisateur
Libremax
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 1367
Inscription : mer. 01 avr. 2009, 16:54
Conviction : chrétien catholique

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par Libremax » dim. 09 mai 2021, 19:54

ademimo a écrit :
dim. 09 mai 2021, 17:15
Situer un écrit dans son contexte historique, littéraire et religieux, ne revient pas à en exclure la portée. Où avez-vous vu que je dévalorisais le contenu de l'Apocalypse ? Tous les exégètes, pour n'importe quel écrit biblique, étudient le contexte, toujours source d'une meilleure compréhension.
Pardon, je n'ai pas parlé de dévaloriser le contenu de l'Apocalypse, mais d'en restreindre la lecture à un sens littéral, en parlant de l'intention de son auteur et de la réception des communautés asiates. Vous n'êtes pas visé.
Or le contexte de l'Apocalypse que vous évoquez ne permet pas de camper ce livre dans une dérive "judaïsante". Pour que le millénarisme s'inspire de l'Apocalypse pour appuyer ses vues (ce qui arrive, c'est vrai), il doit cependant réduire celle-ci à une lecture littérale. Le contexte religieux, historique de sa composition ne permet pas d'affirmer que c'était l'intention de l'auteur, loin de là, c'est tout ce que j'affirme ...
Ce n'est pas ce que disent la plupart des auteurs, anciens ou modernes, qui définissent en général un contexte asiate fortement marqué par la prédication johannique. Oubliez le reste de l'Orient. Je vous parle uniquement de l'Asie au sens antique, c'est-à-dire la région située entre le massif anatolien et le littoral occidental de l'Asie mineure. Une région fortement hellénisée avec des communautés juives qui ont produit des courants singuliers. Jean y représente une figure importante, incontestablement.
Oublier le reste de l'Orient quand on parle de la prédication de Jean en Asie (je sais très bien qu'on parle de l'Asie antique) amène précisément à ce genre de bévue : faire en définitive de Jean l'inspirateur d'une dérive dite judaïsante, dont certaines idées seraient celles de son Apocalypse, et certaines pratiques trop conservatrices par rapport au judaïsme. C'est oublier que la prédication de Jean (évidemment figure importante à l'époque) s'inscrit dans une Eglise bien plus vaste que l'Eglise occidentale hellénophone, qui n'est en aucun cas une dérive, et qui n'a rien à voir avec les polémiques liées au baptême. Les élites asiates ont beau être hellénophones, l'araméen circulait depuis pas mal de siècles dans la région.
Oui, c'est une vision romantique, car vous jugez d'après votre point de vue anachronique. Evidemment, quand on compare les écrits de Jean au reste du Nouveau testament, le style est beaucoup plus mystérieux, et paraît donc bien plus élevé et mystique. Et donc, vous vous figurez Jean comme un ermite retiré au milieu d'un petit nombre de fidèles. Mais ce n'est pas ce que disent les auteurs - encore une fois. L'aura de Jean était importante, et elle transparaît dès les Actes des Apôtres. Et s'il pouvait nommer des presbytres, c'est-à-dire des chefs d'églises, c'est qu'il occupait un rang hiérarchique élevé.
Bien sûr qu'il avait un rang hiérarchique élevé, lui le disciple bien-aimé qui prêche en même temps que Pierre dès le début. Ça n'empêche pas de penser que Jean a été peu mobile durant un certain temps. (après tout, quand on lit les textes qui parlent du passage de Paul à Ephèse, on n'a pas l'impression que les chrétiens du coin ont eu une évangélisation très avancée).
Je ne vous donne pas que ma propre vision, mais je ne me réfugie pas derrière les auteurs. Pourquoi l'évangile de Jean est-il si différent? Je ne me contente pas de dire qu'il "paraît" plus élevé et plus mystique. Il est structurellement très différent. Tous les auteurs n'avancent pas d'argument convainquant pour l'expliquer. Avancer que son Evangile serait un texte judaïsant, pardonnez moi, m'amuserait.
On est en train de placer sur le même plan deux époques distinctes : la période où Paul prêche en Asie, et celle plus tardive où Jean rédige l'Apocalypse. Dans la première période, on voit que Paul est aux prises avec des dérives judaïsantes, notamment chez les Galates. Quand Paul écrit aux Galates, il se situe sans doute à Ephèse. Vingt à trente ans plus tard, le contexte a beaucoup changé : le gnosticisme est à présent en pleine efflorescence, tandis que les tendance judaïsantes se sont stabilisées. On ignore quel a été le rôle de Jean au cours de la première période. En revanche, ce que disent les auteurs, c'est que le genre apocalyptique, et différentes thématiques évoquées dans l'Apocalypse, s'inscrivent dans le contexte judaïsant de cette région asiate, lequel s'installe dans la durée.
Ce que je dis, malgré ce que disent "les auteurs", c'est qu'il est délicat d'associer la culture liturgique et scripturaire de souche juive des chrétiens d'Orient (dont l'Asie antique), évangélisés par les Apôtres dont Jean, à des dérives judaïsantes crispées sur les mitsvoth, que Paul aura à combattre. Cette confusion se prolonge et profite d'une lecture millénariste de l'Apocalypse de Jean, Apôtre important de cette région, qui, par ricochet, est soupçonné de représenter la dérive en question. Je ne suis pas d'accord.
J'espère ne pas encore caricaturer vos propos. :)

ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: Les lettres aux sept églises

Message non lu par ademimo » dim. 09 mai 2021, 22:15

Libremax a écrit :
dim. 09 mai 2021, 19:54
Cette confusion se prolonge et profite d'une lecture millénariste de l'Apocalypse de Jean, Apôtre important de cette région, qui, par ricochet, est soupçonné de représenter la dérive en question. Je ne suis pas d'accord.
J'espère ne pas encore caricaturer vos propos. :)
Et si, pourtant, vous caricaturez à fond, et refusez de lire ce que j'écris tel que je l'écris. Je vais faire une pause, car je n'ai pas le courage de tout reprendre. Je vous renvoie aux posts ci-dessus. Il me semble que vous pouvez les relire avec un autre état d'esprit. Parce que si je voulais vous répondre, je serais condamné à la redite. En lisant votre dernier post, j'ai l'impression que mon message précédent n'a servi à rien.

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 25 invités