Question sur Mt 23,12, svp

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Ombiace
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Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Ombiace » dim. 05 nov. 2023, 9:46

Voici Mt 23,
12 Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé.
Bonjour,
Ce qui précède ce verset tend, me semble-t-il, avec ce verset, à nous suggérer de nous abaisser (= ? se faire humble?).

Il se trouve que de manière générale, l'humilité dont je suis capable trouve sa limite dans la perspective de mentir.
Par exemple, si, dans notre schéma social de compétition, je suis médecin (bac+8, je crois), dans les faits, je ne vais pas prétendre être infirmier (bac+3, je crois), juste pour m'abaisser, en vue d'être élevé, ou de plaire à Jésus.

Sans doute, je comprends mal ce verset, car je lui trouve cette ambiguïté que je viens de soulever : Comment s'abaisser, sans mentir, le mensonge étant tout autant immoral que l'orgueil ?

Quelqu'un aurait-il une réponse à ce dilemme, svp ?

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prodigal
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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par prodigal » dim. 05 nov. 2023, 11:27

Je prends "s'abaisser" à la lettre. S'abaisser, c'est s'agenouiller, se prosterner, ou au moins incliner la tête en signe d'humilité. Rien que de tout simple, comme vous voyez.
La fausse modestie, que vous semblez avoir dans votre viseur, ce n'est pas s'abaisser, c'est attendre des autres qu'ils protestent, afin que l'amour-propre soit satisfait. Cela me fait penser à une magnifique maxime de La Rochefoucauld : "le refus des louanges est désir d'être loué deux fois".
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Ombiace » dim. 05 nov. 2023, 14:37

Merci de votre réponse Prodigal.

En effet, votre interprétation s'en tient, dirais-je, au premier degré.

Voici pourquoi la question ne me semble pas forcément si simple :
1. Voyez : Mt23,
05 Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges ;

06 ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues

07 et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi.
Tout fonctionne pour eux de manière "centralisée" :
Ils cherchent à se faire remarquer (verset 5), par un travail actif des apparences, ont le goût passif des attentions honorifiques (versets 6 et 7).

Je veux dire :
Que leur comportement soit actif (chercher à se faire remarquer, au verset 5), ou que, passivement, ils "réceptionnent" les mondanités (amour de la chose honorifique, aux versets 6 et 7), ils semblent, en résumé, "préoccupés par leur réputation".

Et, dans le verset dont nous parlons : Mt 23,
12 Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé.
, ne serait-il pas crédible que dans une sorte d'effet miroir, Jésus nous invite en fait à ne pas nous préoccuper de la nôtre.
Je m'égare peut-être, car cela m'amène à ne pas comprendre l'utilité de ce verset 12, en ce sens qu'en lui associant cette dernière conclusion (ne pas nous préoccuper de notre réputation(*)), cela m'amènerait à penser que l'idéal (**) est de ne chercher ni à s'élever, ni à s'abaisser.

Du coup, je suis encore dans l'impasse, pourtant, je ne parviens pas à écarter ma dernière analyse sur la quête de notoriété des scribes et pharisiens, dont les conséquences, en terme de conclusion (*), ne me semblent pas forcément incompatibles avec votre interprétation, mais disons au moins rivales, à mes yeux en tout cas, en terme de crédibilité.

Auriez vous, vous ou d'autres, de quoi trancher la question, svp?

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par prodigal » dim. 05 nov. 2023, 18:12

Pourquoi vouloir trancher, cher Ombiace?
Votre interprétation porte surtout sur la première partie de la phrase, et donc la volonté de s'élever. La mienne porte surtout sur la seconde, et donc la vertu d'humilité.
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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Perlum Pimpum » dim. 05 nov. 2023, 21:40

Cher Ombiace,


« Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé » =

Même doctrine au Magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur l’humilité de sa servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

Même doctrine chez Jean le Baptiste : « Et il alla dans tout le pays des environs du Jourdain, prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés, selon ce qui est écrit dans le livre des paroles d'Esaïe, le prophète: C'est la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers. Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées. Ce qui est tortueux sera redressé, et les chemins raboteux seront aplanis. Et toute chair verra le salut de Dieu. »

L’orgueilleux sera abaissé, l’humble sera élevé. Car sans humilité aucune charité n’est possible. L’humilité est la nourrice et la gouvernante de la charité, comme l’enseigne sainte Catherine de Sienne, s’il est vrai, comme l’enseigne saint Augustin, que l’amour de Dieu va jusqu’au mépris de soi, et l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu.

Quant au mensonge, abstenez-vous : « Que ton oui soit oui, que ton non soit non, tout le reste vient du Mauvais. » S’il vous est préjudiciable de dire la vérité sans que vous soyez tenu de la dire, contentez-vous de vous faire.

:)
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Ombiace » dim. 05 nov. 2023, 22:13

prodigal a écrit :
dim. 05 nov. 2023, 18:12
Pourquoi vouloir trancher, cher Ombiace?
Je crois avoir pas mal erré, cher Prodigal. Je ne sais pas s'il est opportun de trancher. Merci en tout cas pour ces réflexions que vous m'avez "insufflées".
Je reprendrais juste votre propos :
prodigal a écrit :
dim. 05 nov. 2023, 11:27
Je prends "s'abaisser" à la lettre. S'abaisser, c'est s'agenouiller, se prosterner, ou au moins incliner la tête en signe d'humilité.
En effet, le passage scriptural ne parle pas, si j'ai bien lu, de la relation avec notre Dieu, Lui qui est seul à recevoir ces manifestations d'humble adoration.
Non, il parle de la relation entre les créatures, donc, je crois qu'il faut adapter le discours

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Ombiace » dim. 05 nov. 2023, 22:25

Bonsoir cher Perlum Pimpum,
Perlum Pimpum a écrit :
dim. 05 nov. 2023, 21:40
Cher Ombiace,


« Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé » =

Même doctrine au Magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur l’humilité de sa servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

Même doctrine chez Jean le Baptiste : « Et il alla dans tout le pays des environs du Jourdain, prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés, selon ce qui est écrit dans le livre des paroles d'Esaïe, le prophète: C'est la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers. Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées. Ce qui est tortueux sera redressé, et les chemins raboteux seront aplanis. Et toute chair verra le salut de Dieu. »

L’orgueilleux sera abaissé, l’humble sera élevé. Car sans humilité aucune charité n’est possible. L’humilité est la nourrice et la gouvernante de la charité, comme l’enseigne sainte Catherine de Sienne, s’il est vrai, comme l’enseigne saint Augustin, que l’amour de Dieu va jusqu’au mépris de soi, et l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu.

Quant au mensonge, abstenez-vous : « Que ton oui soit oui, que ton non soit non, tout le reste vient du Mauvais. » S’il vous est préjudiciable de dire la vérité sans que vous soyez tenu de la dire, contentez-vous de vous faire.

:)
et merci de votre message éclairant.

Hélas, Prodigal ne m'a pas complètement convaincu..
Je suis toujours dubitatif sur la frontière adaptée entre vérité et humilité, concernant l'exemple du médecin dans mon premier message.
Si vous avez des tuyaux, ils seront bienvenus, mais de grâce, soyez brefs autant que possible

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Perlum Pimpum » dim. 05 nov. 2023, 23:35

Ce n’est pas manquer d’humilité que dire la vérité, mais c’est manquer d’humilité que s’enorgueillir de pouvoir la dire.

Le manque d’humilité, pour le médecin, n’est pas de se dire médecin, mais de de s’infatuer de sa science médicinale, comme elle est, pour le brancardier, de prétendre lui donner des leçons de médecine…

:)
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Ombiace » lun. 06 nov. 2023, 4:00

Merci pour votre concision
Perlum Pimpum a écrit :
dim. 05 nov. 2023, 23:35
Ce n’est pas manquer d’humilité que dire la vérité, mais c’est manquer d’humilité que s’enorgueillir de pouvoir la dire.
Certes !
Perlum Pimpum a écrit :
dim. 05 nov. 2023, 23:35
Le manque d’humilité, pour le médecin, n’est pas de se dire médecin, mais de de s’infatuer de sa science médicinale, comme elle est, pour le brancardier, de prétendre lui donner des leçons de médecine…
Je suis d'accord avec vous, mais, pour établir un parallèle avec
Ombiace a écrit :
dim. 05 nov. 2023, 9:46
Il se trouve que de manière générale, l'humilité dont je suis capable trouve sa limite dans la perspective de mentir.
Par exemple, si, dans notre schéma social de compétition, je suis médecin (bac+8, je crois), dans les faits, je ne vais pas prétendre être infirmier (bac+3, je crois), juste pour m'abaisser, en vue d'être élevé, ou de plaire à Jésus.
, il faudrait trouver un exemple de la manière dont le médecin peut s'abaisser, et non s'élever.
Selon l'exemple, en effet, ou bien il mentira, se déguisera en mendiant, etc.., et je ne suis pas certain que Jésus attende cela de lui, ou bien il dira la vérité, s'habillera en médecin, etc.., et il échouera dans ses tentatives de s'abaisser.
Du moins, je ne vois pas d'alternative

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Perlum Pimpum » lun. 06 nov. 2023, 10:29

1. L’humilité s’oppose à l’orgueil. Or l’orgueil consiste à se prétendre supérieur à ce que l’on est.

« L'orgueil (superbia) tire son nom de ce que l'on prétend volontairement à ce qui nous dépasse. Comme dit Isidore : "Le "superbe" est ainsi appelé parce qu'il veut paraître "supérieur" à ce qu'il est : en effet celui qui veut dépasser ce qu'il est un orgueilleux." Or la raison droite exige que la volonté de chacun se porte à ce qui lui est proportionné. Il est donc clair que l'orgueil implique quelque chose qui s'oppose à la droite raison. Or cela constitue un péché, car, selon Denys le mal de l'âme est "d'être en dehors de la raison". L'orgueil est donc manifestement un péché. » II-II, 162, 1, co.

2. L’humilité ne consiste pas à se prétendre inférieur à ce que l’on est : ce serait mentir alors que le mensonge est un péché.

« Une chose mauvaise par nature ne peut jamais être bonne et licite ; parce que, pour qu'elle soit bonne, il est nécessaire que tous les éléments y concourent ; en effet, "le bien est produit par une cause parfaite, tandis que le mal résulte de n'importe quel défaut" selon Denys. Or, le mensonge est mauvais par nature ; c'est un acte dont la matière n'est pas ce qu'elle devrait être ; puisque les mots sont les signes naturels des pensées, il est contre nature et illégitime qu'on leur fasse signifier ce qu'on ne pense pas. Aussi Aristote dit-il que "le mensonge est par lui-même mauvais et haïssable, tandis que le vrai est bon et louable". Tout mensonge est donc un péché, comme l'affirme saint Augustin. » II-II, 110, 3, co.

« Nous l'avons dit, la vertu de vérité fait que l'on se montre à l'extérieur, par des signes visibles, tel qu'on est. Or les signes extérieurs ne sont pas seulement des paroles, mais aussi des actes. De même qu'il est contraire à la vertu de vérité de parler contre sa pensée, ce qui est mentir ; de même on s'oppose à la vérité en se montrant, par des signes qui sont des actes ou des choses, contrairement à ce qu'on est au fond, et c'est là ce qu'on appelle proprement la simulation. Aussi est-elle à proprement parler un mensonge constitué par ces signes extérieurs que sont les actions. Peu importe qu'on mente en paroles ou par tout autre fait, nous l'avons dit. Aussi, puisque tout mensonge est un péché, nous l'avons vu aussi, il s'ensuit que toute simulation est un péché. » II-II, 111, 1, co.

« Comme le dit Isidore au même endroit "le mot "hypocrite" a pour origine l'apparence de ceux qui se produisent dans les spectacles avec des masques qui distinguaient par leur diversité les personnages représentés, hommes ou femmes, pour créer l'illusion chez les spectateurs de ces jeux." Ce qui fait dire à saint Augustin : "De même que les comédiens (hypocritae) simulent d'autres personnages, jouent le rôle de celui qu'ils ne sont pas (car l'acteur qui joue Agamemnon ne l'est pas vraiment, mais le simule) - de même, dans l'Église et dans toute la vie, tout homme, qui veut se faire prendre pour ce qu'il n'est pas, est un hypocrite (hypocrite) : il simule la justice, il ne la pratique pas." Ainsi faut-il dire que l'hypocrisie est une simulation ; non pas n'importe laquelle, mais seulement celle où l'on simule un autre personnage, par exemple lorsqu'un pécheur simule le personnage de l'homme juste. » II-II, 111, 2, co.

3. L’humilité consiste à se reconnaître inférieur à ses supérieurs.

« On peut considérer deux points de vue en l'homme : ce qui est de Dieu, et ce qui est de l'homme. Mais tout ce qui est défaut est de l'homme, et tout ce qui est salut et perfection est de Dieu, selon Osée (13, 9) : "Ô Israël, ta perte vient de toi-même, ton secours de moi seul." Or l'humilité, nous l'avons dit, regarde proprement la révérence par laquelle l'homme se soumet à Dieu. C'est pourquoi tout homme, s'il considère ce qui est de lui, doit se mettre au-dessous du prochain en considérant ce qui, en celui-ci, est de Dieu. Mais l'humilité n'exige pas que l'on mette ce qui, en soi-même, est de Dieu, au-dessous de ce qui apparaît être de Dieu en l'autre. Car ceux qui reçoivent en partage les dons de Dieu savent bien qu'ils les ont. Saint Paul dit en effet (1 Co 2, 12) que nous avons reçu l'Esprit qui vient de Dieu "afin de connaître les dons que Dieu nous a faits". C'est pourquoi, sans manquer à l'humilité, on peut préférer les dons que l'on a soi-même reçus aux dons de Dieu qui paraissent avoir été attribués aux autres… De même l'humilité n'exige pas non plus que l'on mette ce que l'on a d'humain au-dessous de ce qui est humain dans le prochain. Autrement, il faudrait que tout homme se jugeât plus pécheur que tous les autres, et cependant saint Paul a pu dire sans manquer à l'humilité (Ga 2, 15) : "Nous sommes, nous, des juifs de naissance, et non de ces pécheurs de païens." Néanmoins, tout homme peut juger qu'il y a dans le prochain quelque chose de bon que lui-même n'a pas, ou qu'il y a en lui-même quelque chose de mauvais qui ne se trouve pas chez l'autre, ce qui lui permet de se mettre par humilité au-dessous du prochain. »

4. L’humilité n’interdit pas de vouloir acquérir une supériorité, mais s’oppose de le vouloir de manière désordonnée.

« Nous avons dit plus haut qu'à des mouvements de l'appétit qui se comportent par mode d'impulsion, il faut qu'il y ait une vertu morale qui modère et refrène ; et à l'égard de ceux qui se comportent par mode de répulsion et de recul du côté de l'appétit, il faut qu'il y ait une vertu morale qui affermisse et pousse en avant. C'est pourquoi, en ce qui concerne l'appétit du bien ardu, deux vertus sont nécessaires : l'une qui tempère et refrène l'esprit, pour qu'il ne tende pas de façon immodérée aux choses élevées, et c'est la vertu d'humilité ; l'autre qui fortifie l'esprit contre le découragement, et le pousse à poursuivre ce qui est grand conformément à la droite raison, et c'est la magnanimité. Il apparaît donc ainsi que l'humilité est une vertu. » II-II, 161, 1, co.

« Comme on l'a dit, il appartient en propre à l'humilité que nous nous réprimions nous-mêmes, afin de ne pas être entraînés à ce qui nous dépasse. Mais il est nécessaire pour cela que nous prenions conscience de ce qui nous manque en comparaison de ce qui excède nos forces. C'est pourquoi la connaissance du manque qui nous est propre fait partie de l'humilité comme règle directrice de l'appétit. Pourtant, c'est dans l'appétit lui-même que l'humilité réside essentiellement. Aussi doit-on dire que le propre de l'humilité est de diriger et de modérer le mouvement de l'appétit. » II-II, 161, 2, co.

:)
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Perlum Pimpum » lun. 06 nov. 2023, 10:44

Donc, pour vous répondre, un simple médecin de campagne manquera profondément d’humilité s’il excipe de sa qualité pour se prétendre, par amour-propre dévoyé, un grand ponte de la médecine. Inversement un médecin généraliste fera preuve d’humilité en avouant à ses patients son incompétence là où leur pathologie exige qu’il les renvoie vers un spécialiste.

Ou encore, si vous pouvez légitimement être fier d’avoir un bac +8, cela ne doit pas vous masquer que, quelque compétent que vous soyez en votre domaine, vous êtes incompétent en bien d’autres. Et sachant que même un analphabète peut vous être supérieur, intellectuellement ou moralement ou spirituellement, vous ne vous infatuerez pas d’être médecin pour vous croire supérieur à tous, mais reconnaîtrez humblement votre infériorité partout où elle se trouve.

:fleur:
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Fée Violine » lun. 06 nov. 2023, 11:46

un médecin généraliste fera preuve d’humilité en avouant à ses patients son incompétence là où leur pathologie exige qu’il les renvoie vers un spécialiste.
Et c'est justement en quoi la vérité et l'humilité vont de pair.
D'ailleurs, plus on est savant, plus on se rend compte de son ignorance.
Ainsi, l'humilité va aussi de pair avec l'intelligence.

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Ombiace » mar. 07 nov. 2023, 3:30

Merci de nouveau, cher Perlum Pimpum, je vois que nous sommes d'accord sur la manière d'agir en vérité et avec humilité.
Mais du coup, vous me voyez venir, sans doute : De quelle utilité est donc la parole de Jésus dans le verset qui nous occupe, si, finalement, on ne peut en vérité s'abaisser en dessous de ce que nous sommes au fond ? (en vue d'être élevé par la suite). Il doit y avoir un autre sens à ce verset..

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Ombiace » mar. 07 nov. 2023, 3:31

Fée Violine a écrit :
lun. 06 nov. 2023, 11:46
un médecin généraliste fera preuve d’humilité en avouant à ses patients son incompétence là où leur pathologie exige qu’il les renvoie vers un spécialiste.
Et c'est justement en quoi la vérité et l'humilité vont de pair.
D'ailleurs, plus on est savant, plus on se rend compte de son ignorance.
Ainsi, l'humilité va aussi de pair avec l'intelligence.
Finement pensé, chère Fée Violine, merci

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Re: Question sur Mt 23,12, svp

Message non lu par Perlum Pimpum » mar. 07 nov. 2023, 5:55

Ombiace a écrit :
mar. 07 nov. 2023, 3:30
Merci de nouveau, cher Perlum Pimpum, je vois que nous sommes d'accord sur la manière d'agir en vérité et avec humilité.
Mais du coup, vous me voyez venir, sans doute : De quelle utilité est donc la parole de Jésus dans le verset qui nous occupe, si, finalement, on ne peut en vérité s'abaisser en dessous de ce que nous sommes au fond ? (en vue d'être élevé par la suite). Il doit y avoir un autre sens à ce verset..
Bonjour Ombiace,

En régime chrétien, l’humilité se comprend essentiellement par rapport à Dieu. De sorte déjà que vous êtes comme l’epsilon face à l’infini : vous n’êtes rien, ou quasi-rien. Et le très peu que vous êtes, c’est par Dieu que vous l’êtes. Et ceci vaut autant pour l’être que pour l’agir, « car c'est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir » (Ph. II, 13). Tant parce que nul n’agit s’il n’est agit par Dieu, que parce que sans la grâce du Christ nous ne sommes que péché, « enfants de colère par nature » (Eph. II, 3).

S’abaisser, c’est reconnaître son néant, et l’entière souveraineté de Dieu sur nous , « car qui est-ce qui te distingue, qu’as-tu que tu ne l'aies reçu, et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifies-tu comme si tu ne l'avais pas reçu ? » (I Cor. IV, 7). C’est conséquemment, par la foi spécifiant l’espérance, mendier les secours de la grâce.

S’élever, s’enorgueillir, c’est s’imaginer être quelque chose par soi-même, jusqu’à s’imaginer pouvoir se passer de Dieu. C’est se prétendre supérieur au néant que nous sommes, soit en s’imaginant posséder des qualités dont on est dépourvu, soit en les possédant sans rendre grâce de les avoir reçues, soit en en prétextant pour se croire supérieur à ceux dont nous sommes par ailleurs inférieurs.

S’abaisser, c’est reconnaître son néant, et tout espérer de Dieu, en rendant grâce. Et ceci vaut d’abord pour l’ordre surnaturel. Plus vous sanctifierez, plus vous auprès conscience que de vous-même vous n’êtes que péché. Bref, il ne s’agit pas de s’abaisser en dessous de ce que nous sommes, mais de reconnaître en vérité que de nous-mêmes nous ne sommes rien.

:burning:
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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