Ainsi, ils ne sont plus deux mais une seule chair.
Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (Mc 10,8-9 ; Mt 19,4-6).
Nous connaissons si bien ces paroles que nous risquons de ne plus entendre en profondeur à quel point cet enseignement du Christ est une lumière inouïe pour toute l’humanité au moment où les discussions suscitées par le synode sur la famille se concentrent souvent sur la discipline des sacrements au sein de l’Eglise, par rapport aux seuls baptisés.
C’est bien sûr très important, mais n’oublions pas que la parole du Christ sur le mariage concerne tous les hommes, chrétiens ou non, croyants ou non.
Le pape Pie XI, dans l’encyclique Casti Connubii a écrit :ces paroles du Christ s'appliquent à n'importe quel mariage, même seulement naturel et légitime ; car cette indissolubilité convient à tout vrai mariage, qui, par elle, pour ce qui est de la rupture du lien, est soustrait au bon plaisir des parties et à toute puissance séculière.
…
Pie VI, d'heureuse mémoire, écrivait avec une grande sagesse à l'évêque d'Eger : « Par où il est évident que même dans l'état de nature, et, en tout cas, bien avant d'être élevé à la dignité d'un sacrement proprement dit, le mariage a été divinement institué de manière à impliquer un lien perpétuel et indissoluble, qu'aucune loi civile ne peut plus dénouer ensuite. C'est pourquoi, bien que le mariage puisse exister sans le sacrement — c'est le cas du mariage entre infidèles, — il doit, même alors, puisqu'il est un mariage véritable, garder — et il garde, en effet — ce caractère de lien perpétuel qui, depuis l'origine, est de droit divin, tellement inhérent au mariage qu'aucune puissance politique n'a de prise sur lui. Aussi bien, quel que soit le mariage que l'on dit contracté, ou bien ce mariage est contracté en effet de façon à être effectivement un mariage véritable, et alors il comportera ce lien perpétuel inhérent, de droit divin, à tout vrai mariage ; ou bien on le suppose contracté sans ce lien perpétuel, et alors ce n'est pas un mariage, mais une union illicite incompatible comme telle avec la loi divine : union dans laquelle, en conséquence, on ne peut ni s'engager ni demeurer.» (Pie VI, Rescript. ad Episc. Agriens., 11 juillet 1789)
Dès les origines, il a été donné à Adam et Eve de pouvoir transmettre leur vie nouvelle à toute leur descendance biologique dans la nature.Le catéchisme de l’Eglise Catholique (n°s 1603 à 1605) a écrit :La communauté profonde de vie et d’amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur. Dieu lui-même est l’auteur du mariage. La vocation au mariage est inscrite dans la nature même de l’homme et de la femme, tels qu’ils sont issus de la main du Créateur. Le mariage n’est pas une institution purement humaine…
leur amour mutuel devient une image de l’amour absolu et indéfectible dont Dieu aime l’homme…
Que cela signifie une unité indéfectible de leurs deux vies, le Seigneur Lui-même le montre.
Ce que le Christ nous révèle dans l’Evangile, c’est que cette transmission dans la nature, que le péché originel n’a pas supprimée, ne concerne pas seulement la transmission d’une immortalité de l’âme la rendant capable de partager éternellement la vie de Dieu, mais aussi la transmission d’une attirance entre l’homme et la femme par laquelle Dieu lui-même reproduit jusqu’à la fin des temps le lien conjugal d’Adam et Eve, qui est l’image du lien conjugal du Christ et de son Eglise, dans tous les couples qui s’unissent comme Adam et Eve.
Ce lien conjugal ne fut pas une rajoute à une création achevée. Il fut, dans le jardin spirituel d’Eden, le dernier acte du Créateur réalisant l’humanité à son image. Jésus nous révèle que Dieu n’a pas seulement créé l’homme et la femme, mais qu’il les a aussi unis Lui-même.
Pourquoi Dieu a-t-il créé l’humain à son image en le créant homme et femme ? N’est-ce pas parce que c’était nécessaire pour leur permettre par leur amour mutuel de partager la vie éternelle d’amour de Dieu, dans une humanité à l’image et à la ressemblance de la communion d’amour qui fait vivre la Trinité de toute éternité ?
Pourquoi les a-t-il unis ? N’est-ce pas, de même, parce qu’il fallait créer en eux l’amour même de la vie de Dieu pour les faire vivre comme Dieu, pour leur permettre de partager sa vie d’amour.
C’est ce lien d’amour qui a achevé la création de l’humanité à l’image de Dieu qui est une Trinité d’amour, qui a achevé de façonner l’âme humaine de manière à lui permettre de partager la vie éternelle d’amour de Dieu.
Cet achèvement s’est produit dans une communion d’amour entre Adam et Eve avec leur Créateur dont le Christ a révélé la transmission à toutes les générations ultérieures.
Ce souffle d’amour n’a pas été donné qu’une seule fois à Adam et Eve dans un passé révolu.
Des attirances et inclinaisons, inscrites dans la nature elle-même, attirent sans cesse des hommes et des femmes de toutes nations et de toutes races à s’attacher comme Adam et Eve, à réaliser par leur amour conjugal, le lien puissant de vie par lequel Dieu a insufflé dans l’humanité une vie d’amour capable de partager sa propre vie.
Le Christ nous révèle que le mariage d’Adam et Eve est une œuvre de Dieu qui se renouvelle dans tous les couples semblables de leur descendance. Il concerne de manière universelle tous les hommes de toutes les générations et en tout lieu, sans distinction entre chrétiens ou non chrétiens.
L’enseignement de Jésus nous montre désormais le mariage, qui ne paraissait qu’une institution humaine consolidée par l’un des dix commandements, comme un signe et un moyen d’une action renouvelée de Dieu Lui-même.
Ainsi, avant de devenir un sacrement formel, le mariage a d’abord été indiqué par le Christ comme un sacrement naturel. Un sacrement où depuis l’origine, dans chaque union semblable à celle d’Adam et Eve, un homme et une femme réalisent volontairement dans leur vie un acte de Dieu Lui-même, auquel ils collaborent même lorsqu’ils n’en sont pas conscients.
Bien avant d’être un sacrement chrétien, le mariage est un sacrement naturel qui permet à des inclinations dans l’homme et la femme de désirer et d’accueillir une union voulue et réalisée par Dieu lui-même.
Le sacrement du mariage est pour tous. Le mariage qui est signe et moyen de la présence de Dieu se réalise encore aujourd’hui partout et toujours lorsqu’il y a un vrai mariage semblable à celui de nos premiers parents.Le pape Léon XIII, dans l’encyclique Arcanum divinae a écrit :le sacrement de mariage existe chez les fidèles et chez les infidèles…
le mariage est un sacrement, parce qu'il est un signe sacré qui produit la grâce et offre l'image des noces mystiques du Christ avec l'Eglise
Chaque fois qu’une telle union se réalise sur la terre, la lumière fondamentale du Christ, l’action créatrice de Dieu et l’image de Dieu créateur viennent surgir dans l’humanité créée avec toute la puissance inégalable de Dieu Lui-même.
Le souffle divin se renouvelle et est présent dans l’amour inouï qui peut surgir entre un homme et une femme qui s’unissent comme nos premiers parents.
Ainsi, comme le lien du Saint Esprit dans la Trinité divine, Dieu lui même se fait lien dans une seule chair formée par un homme et une femme qui, ainsi, ne sont plus deux, mais une seule chair formée par trois personnes : l’homme, la femme et Dieu qui les faits un comme l’Esprit Saint fait un avec le Père et le Fils.
Ainsi encore, l’homme et la femme mariés deviennent ensemble une image de Dieu Trinité par la présence de Dieu qui les unit.
Et, parce qu’il est une œuvre de Dieu lui-même, Jésus a déclaré un tel mariage indestructible, indissoluble dans le cœur de tous les hommes qui le choisissent, même lorsqu’ils n’en ont aucune conscience.
Un tel mariage est non seulement une image qui figure les noces du Christ et de l’Eglise, mais il incorpore un lien divin de Dieu lui-même parce que, dès l’origine, Dieu a mystérieusement intégré dans la nature de l’homme et de la femme tout ce qui était nécessaire pour leur permettre de reproduire entre eux le lien conjugal créé par Dieu, aussi sûrement qu’un prêtre peut reproduire la présence du corps et du sang du Christ.
Le mariage devient ainsi eucharistie, c’est-à-dire une action de grâce, un don qui rend Dieu présent dans un lien entre deux époux.
Comme dans le sacrement de l’Eucharistie, c’est Dieu lui-même qui se fait chair chaque fois qu’il unit un homme et une femme à travers leur propre volonté amoureuse comme il l’a fait pour Adam et Eve dans l’Eden. Dans l’eucharistie, il se fait corps et sang de chair. Dans le mariage, il se fait lien dans la chair pour les époux.
De même que l’amour du Christ se renouvelle et est sans cesse présent à nouveau dans chaque eucharistie par l’acte volontaire d’un homme prêtre et un don de Dieu, qui, ensemble, réalisent une transsubstantiation qui rend le Christ présent sous les espèces du pain et du vin de sorte que celles-ci deviennent réellement le corps et le sang du Christ, quelles que soient les qualités et l’état de conscience du prêtre, l’enseignement de Jésus nous révèle qu’une transsubstantiation semblable se produit de la même manière lorsqu’un nouveau couple de constitue comme celui d’Adam et Eve.
Dans l’eucharistie, un même corps divin. Dans le mariage, un même lien divin.
Voici un enseignement sûr que le Christ adresse à toute l’humanité, et pas seulement aux chrétiens : Dieu unit lui-même. Dieu crée un lien substantiellement identique à celui qu’il a réalisé entre Adam et Eve, chaque fois qu’un homme et une femme de leur descendance s’unissent de la même manière.
Quelles que soient les fautes, les blasphèmes, les inconsciences et les faiblesses des hommes, un miracle eucharistique se reproduit d’innombrables fois dans l’histoire depuis Adam et Eve.
Ce miracle, inscrit dans la nature créée depuis les origines de l’humanité, insuffle sans cesse le souffle divin d’amour et de vie des origines dans l’humanité et la création toute entière. Il fait entrer le souffle divin d’amour avec autant de puissance et d’efficacité qu’au premier jour de l’humanité.
Ce miracle qui se reproduit sans cesse insuffle dans toute la création l’amour de Dieu, son amour pour l’humanité. Il préfigure depuis les origines l’amour du Christ et de l’Eglise.
La force d’amour de ce miracle perpétuel est un bienfait qui innerve la vie de l’humanité tout au long de son histoire comme un levain dans la pâte sans lequel le péché et la mort déborderaient de toutes parts.
Le Christ nous invite à veiller soigneusement à ce trésor eucharistique perpétuel. Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas.
Dans ce trésor, le Christ lui-même, par qui tout a été fait, est présent.
Que l’Eglise ne cesse jamais de veiller soigneusement à proclamer cette grâce donnée à tous les hommes et à bénir les hommes et femmes de toutes nations, de toutes religions et de toutes convictions qui, dans un élan d’amour, quittent père et mère pour s’attacher l’un à l’autre et former une seule chair.
Même s’ils ne le savent pas, c’est Dieu Lui-même qui les unit par un lien indissoluble.