Re: Du rapport entre prescience et omniscience
Publié : dim. 22 mars 2020, 16:34
(Je découvre la réponse de Fernand Poison en publiant la mienne. Il me semble qu'elles se rejoignent...)
Pour répondre à votre question de départ, Didyme, je dirai que ce n'est ni l'un ni l'autre, qu'elles découlent toutes les deux de qualités différentes et qui n'ont rien à voir entre elles, - propres à Dieu, et donc de raisons différentes.
Il me semble que le fait de vivre en dehors du temps n’est pas suffisant pour expliquer que l’on connaisse tous les temps de ce temps. C’est une qualité de plus qui le permet.
D’autre part, le fait de tout connaître et d’avoir tout créé, n’est pas non plus suffisant, quand on a donné la liberté, pour pouvoir permettre de considérer que celle-ci se limite à un enchaînement de causes et d’effets, donc à un déterminisme. Car ce déterminisme n’est qu’extérieur, et que la finalité de la vie, de l’être, est intérieure.
C’est pourquoi peu importe au fond les hauts et les bas, les chutes et les ascensions, Ce qui compte c’est celui que nous sommes et qui a une destinée à réaliser, non pas celle qui nous fait devenir clochard ou président, riche ou pauvre, amoureux ou abandonné, mais plus sage, «éveillé». Ce qui suppose des actes intérieurs qui rééquilibrent l’extérieur (le repentir et le ferme propos, qui rééquilibrent le péché, mais aussi certains vices entretenus en secret qui déséquilibrent nos belles actions…)
Si cette liberté seule peut expliquer le péché, elle seule aussi peut expliquer qu’au paradis, il ne nous sera plus possible de pécher et qu’en cela nous aurons une liberté absolue. Ce qui ne veut pas dire que la tentation empiète sur notre liberté, mais elle arrache à notre être une partie de ce qu’il n’a pas connu de lui et qui lui en fait un objet de séduction extérieure, et si nous préférons la partie au tout, le mirage à la réalité, il nous faudra accepter de perdre autant pour pouvoir le rechercher et le retrouver… (ou grandir extérieurement jusqu’à ne plus vivre en soi, mais dans nos qualités exposées, explosées aussi parfois).
En fait, vous voulez exclure deux choses qui se complètent en Lui parce qu’elles s’excluent pour nous. D’un côté il n’y a pas de déterminisme (mais liberté) mais Il sait ce qui va être ou arriver, d’un autre il y a un déterminisme (qui est la liberté) mais il n’en connaît pas le résultat. Les 2 s’imbriquent ensemble et se surajoutent à l’infini.
Il me semble que ce vous appelez hasard n’est qu’une liberté qui s’ignore, une conséquence qui s’est affranchie de sa cause et qui, rencontrant d’autres conséquences, crée de nouvelles causes sans qu’intervienne ni donc leurs causes de départ, ni une liberté qui serait soit extérieure, soit (ce qui suppose une autonomie, une identité propre) intérieure. Cette identité aurait bien alors une cause qui est extérieure à toutes causes et qui lui a donné cette autonomie, et un pouvoir plus ou moins étendu ou restreint d’agir, donc de créer de nouvelles conséquences ce qui déterminera, quand elle cessera de vivre ou se désintégrera, en tant que cause possible, ce qu’elle est (ou aura été).
Quand vous dites nécessaire que la liberté réponde à une forme de détermination dans le sens de causalité, vous ne faites que définir la conscience, qui nous donne une détermination morale.
Le hasard étant hors de sa portée, ce qui seul lui importe c’est ce qu’elle décide en face des événements qui se présentent : cela n’a donc pas d’importance pour elle que ces événements soient ou non le fruit d’un hasard. Quand ce dernier devient à sa portée, c’est par rapport à un futur en ce qu’elle va par ce qu’elle va déterminer, l’influencer (lui, ou le déterminisme qu’il voile et qui n’est pas si puissant qu’il ne puisse éviter cette influence).
Cette influence agira sur d’autres libertés d’une façon difficilement prévisible (notre part de prescience et d’omniscience étant limitée) mais aussi elle s‘agglutinera aux causes et événements du passé d’une façon qui est aussi hors de notre contrôle et qui pourra nous surprendre.
C'est précisément en ce que le péché nous détourne de notre origine et donc de notre fin, qu'il nous détermine, parce que dans le cas contraire ce que nous faisons fait partie du déterminisme général. Mais de toute façon le bien réalisé aussi nous détermine, il n’en existe pas qu’un, mais plusieurs choix, à tout instant, en fonction de ce que nous aurons décidé par un arbitrage entre sentiment, désir, volonté, connaissance, intelligence… Simplement qu’on le dit autrement car il nous laisse en accord avec notre fin, il ne nous dépouille de rien (ce qui n’a rien d‘apparent…)
Trop souvent, nous ne nous déterminons pas en fonction de notre origine, mais en fonction d’un écran que les événements interposent et pour nous leurrer, par la joie ou la tristesse, l’espoir ou le désespoir, l’amour ou la haine, la colère ou l’apathie, le zèle ou la paresse, etc. Bref : nos sentiments, nos désirs, nos projets, nos affections, nos « passions » mais aussi notre sens de la justice, de l’amitié, du devoir, nos connaissances, nos idéaux…
« Nous sommes des dieux », cela veut dire que nous sommes une origine, car créés à l’image de Dieu, et quand nous agissons ce n’est ni par notre origine Divine ni par le résultat du péché, c’est en aveugle et par liberté (par l’usage des dons de Dieu) et en cela nous déterminons qui nous sommes, car chacun reconnaîtra ce qui est sien (et qui ici-bas se mélange) entre Dieu et le péché.
En aveugle mais en accord avec la seule lumière qui nous soit certaine, et qui est intérieure, à rechercher au fond de soi, que le péché obscurcit, et qu’il nous faut traverser pour l’atteindre.
Les sacrements nous aident, mais pas que (et pas qu’eux) et ils ne sauraient suppléer ni remplacer l’effort de conscience à faire et qui revient, selon la philosophie antique, à « se connaître soi-même » car en se connaissant et pour se connaître, on chasse ce qui s’oppose à la nature humaine (fondamentalement pauvre et dépendante) et donc aussi qui lui fait du mal chez les autres, et puis aussi à la nature tout court (plantes, animaux, environnement…)
Peu importe qu’il y ait déterminisme, pourvu que notre liberté soit bien libre et en cela, sujette à devoir choisir - cela en est presque douloureux, parfois !
Peu importe le hasard, pourvu que nos actes aient bien la portée qui est la leur et que nous pouvons prévoir - même si elle dépasse aussi ce que nous pouvons prévoir…
Dire que là où il y a vertu c’est le déterminisme qui gagne, et que là où c’est le hasard, c’est le péché, c’est poser un acte de foi qui ne change rien. D’autant qu’il y a bien une forme de déterminisme dans le mal et parfois davantage que dans le bien. Ce qui est certain, c’est que le refus de penser et de s’approprier ce que nous faisons, toute conséquence étant mise de côté, nous éloigne de la vérité.
Pour répondre à votre question de départ, Didyme, je dirai que ce n'est ni l'un ni l'autre, qu'elles découlent toutes les deux de qualités différentes et qui n'ont rien à voir entre elles, - propres à Dieu, et donc de raisons différentes.
Il me semble que le fait de vivre en dehors du temps n’est pas suffisant pour expliquer que l’on connaisse tous les temps de ce temps. C’est une qualité de plus qui le permet.
D’autre part, le fait de tout connaître et d’avoir tout créé, n’est pas non plus suffisant, quand on a donné la liberté, pour pouvoir permettre de considérer que celle-ci se limite à un enchaînement de causes et d’effets, donc à un déterminisme. Car ce déterminisme n’est qu’extérieur, et que la finalité de la vie, de l’être, est intérieure.
C’est pourquoi peu importe au fond les hauts et les bas, les chutes et les ascensions, Ce qui compte c’est celui que nous sommes et qui a une destinée à réaliser, non pas celle qui nous fait devenir clochard ou président, riche ou pauvre, amoureux ou abandonné, mais plus sage, «éveillé». Ce qui suppose des actes intérieurs qui rééquilibrent l’extérieur (le repentir et le ferme propos, qui rééquilibrent le péché, mais aussi certains vices entretenus en secret qui déséquilibrent nos belles actions…)
Si cette liberté seule peut expliquer le péché, elle seule aussi peut expliquer qu’au paradis, il ne nous sera plus possible de pécher et qu’en cela nous aurons une liberté absolue. Ce qui ne veut pas dire que la tentation empiète sur notre liberté, mais elle arrache à notre être une partie de ce qu’il n’a pas connu de lui et qui lui en fait un objet de séduction extérieure, et si nous préférons la partie au tout, le mirage à la réalité, il nous faudra accepter de perdre autant pour pouvoir le rechercher et le retrouver… (ou grandir extérieurement jusqu’à ne plus vivre en soi, mais dans nos qualités exposées, explosées aussi parfois).
En fait, vous voulez exclure deux choses qui se complètent en Lui parce qu’elles s’excluent pour nous. D’un côté il n’y a pas de déterminisme (mais liberté) mais Il sait ce qui va être ou arriver, d’un autre il y a un déterminisme (qui est la liberté) mais il n’en connaît pas le résultat. Les 2 s’imbriquent ensemble et se surajoutent à l’infini.
Il me semble que ce vous appelez hasard n’est qu’une liberté qui s’ignore, une conséquence qui s’est affranchie de sa cause et qui, rencontrant d’autres conséquences, crée de nouvelles causes sans qu’intervienne ni donc leurs causes de départ, ni une liberté qui serait soit extérieure, soit (ce qui suppose une autonomie, une identité propre) intérieure. Cette identité aurait bien alors une cause qui est extérieure à toutes causes et qui lui a donné cette autonomie, et un pouvoir plus ou moins étendu ou restreint d’agir, donc de créer de nouvelles conséquences ce qui déterminera, quand elle cessera de vivre ou se désintégrera, en tant que cause possible, ce qu’elle est (ou aura été).
Quand vous dites nécessaire que la liberté réponde à une forme de détermination dans le sens de causalité, vous ne faites que définir la conscience, qui nous donne une détermination morale.
Le hasard étant hors de sa portée, ce qui seul lui importe c’est ce qu’elle décide en face des événements qui se présentent : cela n’a donc pas d’importance pour elle que ces événements soient ou non le fruit d’un hasard. Quand ce dernier devient à sa portée, c’est par rapport à un futur en ce qu’elle va par ce qu’elle va déterminer, l’influencer (lui, ou le déterminisme qu’il voile et qui n’est pas si puissant qu’il ne puisse éviter cette influence).
Cette influence agira sur d’autres libertés d’une façon difficilement prévisible (notre part de prescience et d’omniscience étant limitée) mais aussi elle s‘agglutinera aux causes et événements du passé d’une façon qui est aussi hors de notre contrôle et qui pourra nous surprendre.
C'est précisément en ce que le péché nous détourne de notre origine et donc de notre fin, qu'il nous détermine, parce que dans le cas contraire ce que nous faisons fait partie du déterminisme général. Mais de toute façon le bien réalisé aussi nous détermine, il n’en existe pas qu’un, mais plusieurs choix, à tout instant, en fonction de ce que nous aurons décidé par un arbitrage entre sentiment, désir, volonté, connaissance, intelligence… Simplement qu’on le dit autrement car il nous laisse en accord avec notre fin, il ne nous dépouille de rien (ce qui n’a rien d‘apparent…)
Trop souvent, nous ne nous déterminons pas en fonction de notre origine, mais en fonction d’un écran que les événements interposent et pour nous leurrer, par la joie ou la tristesse, l’espoir ou le désespoir, l’amour ou la haine, la colère ou l’apathie, le zèle ou la paresse, etc. Bref : nos sentiments, nos désirs, nos projets, nos affections, nos « passions » mais aussi notre sens de la justice, de l’amitié, du devoir, nos connaissances, nos idéaux…
« Nous sommes des dieux », cela veut dire que nous sommes une origine, car créés à l’image de Dieu, et quand nous agissons ce n’est ni par notre origine Divine ni par le résultat du péché, c’est en aveugle et par liberté (par l’usage des dons de Dieu) et en cela nous déterminons qui nous sommes, car chacun reconnaîtra ce qui est sien (et qui ici-bas se mélange) entre Dieu et le péché.
En aveugle mais en accord avec la seule lumière qui nous soit certaine, et qui est intérieure, à rechercher au fond de soi, que le péché obscurcit, et qu’il nous faut traverser pour l’atteindre.
Les sacrements nous aident, mais pas que (et pas qu’eux) et ils ne sauraient suppléer ni remplacer l’effort de conscience à faire et qui revient, selon la philosophie antique, à « se connaître soi-même » car en se connaissant et pour se connaître, on chasse ce qui s’oppose à la nature humaine (fondamentalement pauvre et dépendante) et donc aussi qui lui fait du mal chez les autres, et puis aussi à la nature tout court (plantes, animaux, environnement…)
Peu importe qu’il y ait déterminisme, pourvu que notre liberté soit bien libre et en cela, sujette à devoir choisir - cela en est presque douloureux, parfois !
Peu importe le hasard, pourvu que nos actes aient bien la portée qui est la leur et que nous pouvons prévoir - même si elle dépasse aussi ce que nous pouvons prévoir…
Dire que là où il y a vertu c’est le déterminisme qui gagne, et que là où c’est le hasard, c’est le péché, c’est poser un acte de foi qui ne change rien. D’autant qu’il y a bien une forme de déterminisme dans le mal et parfois davantage que dans le bien. Ce qui est certain, c’est que le refus de penser et de s’approprier ce que nous faisons, toute conséquence étant mise de côté, nous éloigne de la vérité.