mikesss a écrit : ↑ven. 05 mars 2021, 9:02
la question qui vient alors (et c'est une question trop complexe pour que j'arrive a réfléchir dessus), c'est est ce que ce principe est vrai parce que Dieu a décidé qu'il est vrai ou Dieu respecte-t-il ce principe car il est vrai?
Sans pouvoir trouver de solution a un tel problème, la voie négative de Saint Thomas permet de penser Dieu tout en soulignant l'équivocité de nos pensée à son propos.
Ce paradoxe permet donc d'appréhender ce que Dieu est tout en soulignant ce qu'il n'est pas, faisant retour sur nos capacités rationnelles.
En effet, ainsi posé, notre entendement analytique tend à décomposer en Dieu la volonté et l'intellect, conformément à notre expérience courante et humaine de la vie. On aura donc tendance à penser qu'en Dieu, il y a un entendement et une volonté, que son entendement voit l'essence du triangle (le vrai), et que sa volonté poursuit le vrai tant cette vérité s'impose à lui - on dira donc que Dieu obéit à une logique qui le précède, en quelque sorte, et on optera pour la seconde alternative du paradoxe.
De même, on parlera de l'essence de Dieu, et on remarquera que Dieu, selon son essence, doit exister; mais son essence est son existence, sans séparation possible et sans commune mesure avec les créatures. Dieu est Acte pur, et les créatures ne font que participer plus ou moins de cet acte en le limitant dans une forme finie.
Mais cette manière de voir est équivoque dans le sens où elle présuppose que Dieu est intérieurement divisé en plusieurs facultés et attributs, et qu'il crée les choses en suivant un plan logique et physique préétabli. Or, Dieu est absolument Simple et Un, Indivisible de telle sorte qu'en lui, intellect et volonté sont la même chose (ce ne sont que des distinctions de raison). Sans compter qu'il est éternel, au-delà de nos catégories temporelles, et qu'il n'y a pas le Bien que Dieu regarde par son intelligence et qu'il se décide ensuite à créer. Comme le dit le récit de la création : Dit créa la lumière, les anmimaux, etc., et il vit que cela était bon. On ne nous présente pas un Dieu qui suit un plan de réalisation, mais un fiat créateur qui sanctifie, dans le même geste créateur, sa créature - "c'est bien".
Pour Dieu selon Saint Thomas, essence et existence (acte d'être) sont identiques, et tous ses attributs sont convertibles : la Volonté de Dieu est le Bien lui-même, et le Bien n'est Bien que parce que Dieu le veut, de même que la Volonté de Dieu est la Vérité, et la Vérité n'est vraie que parce que Dieu la Veut. Ce que nous distinguons, séparons et hiérarchisons n'est en fait qu'une seule et même chose en Dieu. Bien, Vérité, Volonté sont la même chose, dans un Acte éternel qui affirme tous ses attributs dans le même geste. Notre langage humain ne peut véritablement comprendre ceci, et c'est pourquoi nous n'en parlons que de manière équivoque et très imparfaite, toujours à la limite de l'erreur et de la vérité, car nous divisons l'indivisible, nous pensons temporellement l'éternité, et nous colorons l'idée de Dieu de notre expérience finie. Alors Dieu est bon, sans doute, mais pas au sens où nous nous représentons spontanément la bonté, car la bonté divine est d'une surabondance infinie et inépuisable qui nous dépasse.
Dieu n'est donc pas sommé de suivre le vrai, puisqu'il est la vérité. Je crois que Saint Thomas d'Aquin dépasse le paradoxe en disant qu'être et vérité sont convertibles en Dieu.
Mais d'autres écoles diront en effet que Dieu n'est pas "soumis" à notre logique, et que nos vérités mathématiques et physiques sont nécessaires pour nous, mais qu'elles auraient pu être tout autrement dans un autre monde.
Kerygme a écrit : ↑ven. 05 mars 2021, 11:30
Descartes, dans ses méditations métaphysiques, définit Dieu comme un être souverainement parfait avec une souveraine perfection et dont l'existence ne peut être séparée de son essence; j'aime bien cette définition.
Pour prolonger la réponse qui précède, Descartes dira ailleurs que la Volonté de Dieu prime sur tout, et que la somme des angles d'un triangle aurait pu être égale à 200° si Dieu l''avait voulu. C'est parce que Dieu le veut que la chose est vraie, et non l'inverse.
Mais il dit bien, dans cette même méditation métaphysique que vous citez, que cet Être souverainement parfait ne peut qu'être adoré et admiré,mais qu'il demeure incompréhensible, c'est-à-dire impossible à embrasser par la pensée humaine.