Une question sur le Jansénisme

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Fée Violine
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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par Fée Violine » mer. 10 mars 2021, 23:46

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apatride
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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par apatride » mer. 10 mars 2021, 23:53

Si j'en crois cet article de La Croix :
Courant religieux qui se développa au XVIIe siècle au sein de l’Église catholique, le jansénisme trouve ses racines dans les écrits de saint Augustin sur la grâce. Cette doctrine, inspirée par les écrits de Baïus, un professeur de Louvain (dont la thèse a été condamnée en 1567 par le pape Pie V), a été formalisée dans l’Augustinus, un ouvrage posthume de Jansénius, évêque d’Ypres, publié en 1640. Dans ce texte, dont cinq propositions seront à plusieurs reprises condamnées par Rome (en 1643, 1653 et 1656), Jansénius explique que la grâce de Dieu, nécessaire au salut de l’âme humaine, est accordée ou refusée par avance, sans que les œuvres du croyant, tout entaché du péché originel, puissent changer le sort de son âme.
Le reste de l'article est intéressant quant à la position de l'Eglise face à ce courant de pensées, l'opposition ayant été apparemment tout autant théologique que politique.

Marcos4
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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par Marcos4 » jeu. 11 mars 2021, 14:26

Trinité a écrit :
mer. 10 mars 2021, 23:36
Bonsoir Marcos,

Je ne connais pas très bien le jansénisme, mais il me semble qu'en résumé:
seule la grâce divine permet d'obtenir la vie éternelle, après un choix de Dieu relatif aux hommes envers lesquels, il consent à la donner!
Le libre arbitre de l'homme n'intervenant jamais...
Comment peux t'on imaginer un Dieu d'Amour fonctionnant ainsi?
Dans ces conditions, quoique fasse l'homme, s'il n'a pas été choisit par Dieu, il serait condamné....c'est totalement aberrant !
Je ne dis pas que la grâce divine n'existe pas, mais elle ne peut supplanter le "libre arbitre"

Cordialement
Je ne suis pas d'accord avec vous. Selon moi, le jansénisme ne nie pas la libre arbitre, il en a seulement une conception différente de celle des jésuites.

Selon moi, le libre arbitre c'est de pouvoir choisir entre plusieurs possibilités celle que l'on pense être la meilleure. Ainsi, je ne vois comment une personne douée de libre arbitre pourrait sciemment résister au bien (à la grâce divine), car une personne ne peut que vouloir le bien, ne peut pas vouloir son malheur.

Les jésuites pensent que l'homme peut sciemment faire le mal en ignorant la grâce divine. Cela ne revient-il pas à dire que l'homme est incapable de choisir librement ? On ne peut pas faire le mal volontairement si on est doué de libre arbitre. Le libre arbitre est la faculté de faire primer le bien sur le mal.

De mon point de vue, le jansénisme est du côté du libre arbitre.

Ce qui est problématique est que certaines personnes pourraient ne pas recevoir la grâce divine leur permettant d'être sauvé. Dieu serait injuste, sauvant les uns mais pas les autres alors qu'ils n'ont pas eu la chance d'être sauvés.

Néanmoins, je ne pense pas que l'on devrait juger la bonté de Dieu avec des critères humains. Il peut nous paraître injuste, mais nous n'avons pas la légitimité de dire ce que devrait faire Dieu. Dieu est omnipotent.

Qu'en pensez-vous ?

Trinité
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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par Trinité » jeu. 11 mars 2021, 20:29

Bonsoir Marcos,

En effet, pour moi également le libre arbitre c'est de pouvoir choisir entre plusieurs possibilités.
Ou je ne vous suis plus, c'est lorsque vous dites " une personne ne peut que vouloir le bien, ne peut pas vouloir son malheur."....
Mais pour cette personne choisissant le mal, ce n'est pas un malheur, puisqu'elle fonde son bonheur sur d'autres critères, ne relevant pas de l'Amour du prochain, mais de son propre bonheur égoïste ...
Nous n'avons pas la même définition du "libre arbitre"
Pour moi le "libre arbitre" n'est pas " la faculté de faire primer le bien sur le mal." A cet égard , il y a d'ailleurs une contradiction dans votre formulation, car si l'on parle de "libre arbitre" c'est relatif à deux choses et non pas à une seule...
Bien-sûr que l'homme est capable de faire le mal, en ignorant la grâce divine...
Vous dites :
"Ce qui est problématique est que certaines personnes pourraient ne pas recevoir la grâce divine leur permettant d'être sauvé. Dieu serait injuste, sauvant les uns mais pas les autres alors qu'ils n'ont pas eu la chance d'être sauvés"

C'est plus que problématique, en effet...
Il ne s'agit pas de juger la bonté de Dieu, et j'ai entière confiance en son amour et sa justice, mais j'essaie d'avoir un raisonnement logique, avec mes pauvres possibilités humaines

Cordialement

Marcos4
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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par Marcos4 » jeu. 11 mars 2021, 21:56

Je ne suis pas d'accord. L'homme ne peut pas choisir le mal. Je considère que le bien (même si on peut en avoir une conception erronée centrée sur les plaisirs terrestres) est l'objectif de tous les hommes. Le libre arbitre, c'est de pouvoir choisir ce que l'on croit être le bien entre plusieurs possibilités.

Platon pensait que "nul n'est méchant volontairement", le libre arbitre n'étant pas la capacité de choisir le mal sur le bien (en étant méchant) mais celle de choisir le bien. Le bien est défini comme la fin ultime de l'homme : s'il est libre, il cherchera à atteindre cette fin, le bien.

Si je fais le mal, c'est que je suis incapable de faire un choix. Je ne peux pas choisir ce que je ne veux pas.

Bien amicalement

Cinci
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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par Cinci » jeu. 11 mars 2021, 22:33

Pour référence :


Michel Baius : la loi du péché

Michel de Bay, dit Baius, né à Meslin en Belgique en 1513, enseigna toute sa vie la théologie à l'université de Louvain. Il s'attacha à la méthode positive, à l'exemple des humanistes et entendit opérer un retour aux Pères de l'Église par-delà la scolastique, tout en demeurant un systématicien impénitent. En fait, il connaît surtout saint Augustin dont il a lu neuf fois toute l'oeuvre. Il publia en 1563-1564 ses principaux opuscules, pratiquement tous de nature anthropologique. Baius identifia le péché originel à la concupiscence qu'il considère coupable en elle-même. Cette culpabilité est égale pour tous. La concupiscence demeure mortelle chez les baptisés qu'elle domine.

Baius renchérit donc sur le pessimisme augustinien jusqu'à des excès injustifiables. Baius mourut en 1589 s'étant toujours soumis aux condamnations dont il fut l'objet.

Les propositions suivantes tirées, entre autres, de l'oeuvre de Baius, furent condamnées par la bulle Ex omnibus afflictionibus de Pie V en 1567 comme «offensives pour les oreilles des fidèles» :

Aucun péché n'est véniel de par sa nature, mais tout péché mérite la peine éternelle (prop. 20)
Toutes les oeuvres des infidèles sont des péchés (prop. 25)
Le libre arbitre, sans la grâce de Dieu, n'est bon qu'à pécher (prop. 27)
Les mauvais désirs auxquels la raison ne consent pas sont interdits par le précepte : Tu n'auras pas de mauvais désirs (Ex 20) (propr. 50)
La concupiscence est une vraie désobéissance à la loi (prop. 51)

Tout mouvement de concupiscence est donc un péché en soi, sans possible distinction entre péché mortel et véniel.


Jansénius

Cornelius Janssen, dit Jansénius (1585-1638), rencontra Saint-Cyran à Paris en 1604, et avec lui, dans les années 1612-1617, il conçut un vaste plan théologique visant les théologiens de controverse de la Contre-Réforme. Il enseigna quelque temps à Louvain, avant de commencer en 1628 la rédaction de l'Augustinus, qui sera publié en 1640, deux ans après sa mort. Il avait été élu évêque d'Ypres en 1636.

L'équation entre concupiscence et péché originel fut exprimée par Jansénius avec la clarté qui le caractérise : «Saint Augustin a toujours enseigné, dit-il, comme étant sa propre découverte, que le péché originel, c'est la concupiscence.» Cette thèse de l' Augustinus dépend du thème central de l'ouvrage, à savoir le concept augustinien de «nature viciée», comme cela est indiqué dans le sous-titre : Doctrine de saint Augustin sur la santé, la maladie et la guérison de la nature humaine, contre les pélagiens et les moines de Marseille.

Jansénius confond le péché avec la corruption : le premier appartenant à l'ordre moral de la grâce et de la liberté, et la seconde à l'ordre de la réalité physique, corporelle et naturelle. Il radicalise ainsi la notion de concupiscence et le rapport étroit entre nature viciée et péché, en raison de sa conception particulière de la nécessité de la grâce. Le fond du débat entre Augustin et Pélage aurait donc été, selon Jansénius, de vérifier si la nature humaine était véritablement viciée en conséquence du péché d'Adam.
Il faut savoir qu'Augustin et Pélage ont eu un très grave désaccord au sujet de l'intégrité et de la blessure de la nature humaine [...] Pélage soutenait que la nature humaine n'était pas viciée par le péché [...] et Augustin, que la nature est violée par le péché, c'est à dire que le libre arbitre a contracté une certaine maladie qui l'empêche de bien vouloir
(Augustinus, II, De la nature déchue, 1,1 et 12)
D'autre part, aux yeux de Jansénius, la «délectation de la concupiscence» (delectatio libidinosa) sera invincible :
De cette libido ou concupiscence, il se trouve que la volonté de l'homme ne peut être libérée ni par sa propre puissance, ni par celle d'un homme ou d'un ange, mais seulement par la grâce de Dieu.
(Augustinus, II, De la nature déchue, 1,3
Bernard Sesboüé (Dir.), «Péché originel et péché des origines : du concile de Trente à l'époque contemporaine» dans L'homme et son salut, tome II, p. 246

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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par Cinci » ven. 12 mars 2021, 0:34

Jansénius avait repris à son compte les thèses les plus pessimistes de l'augustinisme baïaniste limitant au maximum la liberté des hommes, et la doctrine du prédestinatianisme absolu tenant que le Christ n'est mort que pour quelques uns d'entre eux. De telles positions n'auraient eu sans doute qu'une audience limitée si Arnauld (1694), Nicole (1695) et Pascal (1662) n'avaient développé les aspects moraux du jansénisme. Par delà les nuances propres à chaque auteur, il est possible de présenter dans ses grandes lignes la morale janséniste.

La source unique de la morale chrétienne est la volonté de Dieu révélée soit dans les Écritures, soit dans la conscience habitée par la grâce. Dans la recherche de la volonté de Dieu, la raison humaine corrompue par le péché originel ne peut servir de guide. Quand la conscience se met à douter, elle doit prendre le parti de Dieu, c'est à dire de la loi.

On doit reconnaître que le jansénisme produisit des exemples d'une grande rigueur morale. Percevant les risques que pouvaient faire courir les tentations légalistes visant à s'arrêter aux exigences minimales de la loi et à ne considérer l'agir humain que sous le seul angle de la pénitence, il insiste sur les sources bibliques et patristiques de la morale. Il préfère conseiller le retrait du monde, plutôt que l'adaptation aux circonstances. Toutefois, l'impact de la morale janséniste s'explique surtout par son inscription dans la pensée d'Augustin, et plus spécialement dans le courant de l'augustinisme qui définit l'homme non seulement comme «un néant environné de Dieu, indigent de Dieu, capable de Dieu et rempli de Dieu, s'il veut», mais aussi comme une créature déchue qui ne peut parvenir à Dieu qu'au coeur d'un anéantissement qui est d'abord purification. Bien que le rigorisme ne puisse se réduire au jansénisme, il n'empêche que celui-là a beaucoup contribué à celui-ci par son opposition caractérisée au laxisme, mais aussi au probabilisme «fondement de toute la morale des jésuites", selon Pascal.




[...]

Les sacrements et le jansénisme

On dit parfois que Baius a ouvert la voie à Jansénius. [...] Le jansénisme fut, quant à lui, un phénomène durable puisqu'il exerça de l'influence jusqu'au début du XXe siècle et il se présenta comme une réalité aux multiples aspects, tantôt doctrinale, tantôt morale, tantôt sacramentelle, tantôt politique et culturelle.

L'augustinisme de Jansénius a pour caractéristique de s'opposer à la spiritualité «modernisante» des jésuites. Alors que ces derniers voulaient faire place dans l'Église à la nouveauté culturelle de la Renaissance, du savoir et de l'éducation, l'évêque Jansénius tenait que l'homme est vicié par le péché et que la grâce divine a une efficacité totale, allant jusqu'à la prédestination des humains. Cette doctrine portait donc sur le sens de la grâce et sur la liberté humaine. Elle était pessimiste à l'extrême et ne faisait pas assez de cas de la liberté. A cette première ligne doctrinale et spirituelle, se joignit très vite, notamment en France, une perspective pastorale et sacramentelle. Saint Cyran, directeur de conscience de l'abbesse de Port-Royal Angélique Arnauld et surtout le frère de l'abbesse, Antoine Arnauld, opérèrent ce déplacement. Les textes de Jansénius ne parlaient pas des sacrements. Antoine Arnauld entreprit de poser la question de la grâce à leur sujet. Dans son livre De la fréquente communion (1643), il s'en prit à la pastorale jésuite qu'il jugeait trop laxiste en ce qui concerne l'admission à l'eucharistie. Il s'opposait à la communion hebdomadaire et exigeait des conditions morales et spirituelles rigoureuses pour l'accès au sacrement. Cette position eut de l'audience en Europe au moins jusqu'à la fin du XIXe siècle. Le curé d'Ars, dans la première partie de son ministère, en subit l'empreinte.

La magistère romain n'intervint pas d'abord directement à propos de l'eucharistie et ce fut Pie X, en 1905 et surtout en 1910, qui devait revenir sur ce point (Décret de 1905 sur la communion quotidienne et de 1910 sur la confession et la communion des enfants à l'âge de raison (Dzs 3375-3383 et 3530-3533).

Le débat se concentra en premier lieu sur la pénitence. Un décret du Saint-Office de 1690 qui récapitule l'ensemble des positions jansénistes fait place, pour la première fois, à la question sacramentelle à propos de la valeur d'une contrition imparfaite chez les pénitents et quant à l'usage de placer l'absolution avant l'accomplissement de la satisfaction pénitentielle. Il souligne également que le jansénisme a tort de lier à l'extrême confession et communion ou d'exiger pour communier une pureté de coeur trop radicale. Par ailleurs, une autre donnée est relevée au sujet du baptême : ne pas minimiser le rôle du ministre. (DzS 231502318 et 2322-2323, 2327) Car le jansénisme donnait l'impression d'Insister tellement sur le rôle de la grâce que l'acte propre du ministre pouvait devenir secondaire.

Cette dernière tendance se manifeste au début du XVIIIe siècle, à nouveau dans le domaine pénitentiel. En face des censures romaines, certains jansénistes entendaient garder un «silence respectueux» en confession, contestant intérieurement l'interprétation de Jansénius faite par le magistère, ce qui revenait à affirmer l'autonomie relative du fidèle par rapport à l'autorité doctrinale et par rapport au ministre du sacrement. En 1705, Clément XI condamna cette attitude. Puis, à la suite de la publication par l'oratorien Quesnel de commentaires bibliques jugés jansénisants, le même Clément XI intervint en 1713 par la bulle Unigenitus, demeurée fameuse. Il passait en revue 101 affirmations de Quesnel qui sont jugées incompatibles avec la foi catholique.

Au sujet des sacrements, on peut retenir le sens donné par Quesnel à la grâce baptismale comme si plus rien du péché ne demeurait dans la vie des baptisés (prop. 43) en sorte qu'un chrétien n'accomplissant pas la loi évangélique ou vivant dans la crainte est censé relever encore de l'ancienne alliance (prop. 63). Quesnel tenait rigoureusement «qu'hors de l'Église aucune grâce n'est concédée», ce que le magistère ne pouvait accepter. Le bulle Unigenitus créa des remous dans l'Église de France, pour des motifs à la fois religieux et politiques. Benoit XIV demanda même en 1756 de refuser les derniers sacrements aux fidèles refusant notoirement la bulle.

Toutefois, le jansénisme n'eut pas dans le domaine sacramentel cette seule tendance, globalement minimisante. Il eut aussi une tout autre attitude dans le sens d'un renouveau pastoral des célébrations et de la prédication. En France, mais aussi en Allemagne, en Autriche et en Italie, ce courant chercha à faire participer les fidèles à la liturgie dominicale (langue nationale, anaphore prononcée à voix haute, communion sous les deux espèces) et à rendre à la liturgie sa priorité par rapport aux dévotions. Ce faisant, il entendait secouer les normes et les habitudes. Était-ce là du jansénisme à proprement parler ? Ou bien certains jansénistes se trouvèrent-ils accordés à un renouveau liturgique influencé par la philosophie des Lumières ?

Toujours est-il que le synode de Pistoie fut condamné par Pie VI en 1794, simultanément pour jansénisme et pour innovations dans la célébration des sacrements ( DzS 2627; eucharistie 2628-2633; pénitence 2634-2650; ordre 2651-2657; mariage 2658-2660).

Bernard de Sesboüé (Dir.), «Du concile de Trente à Vatican II» dans Les signes du salut, tome III, p. 228

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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par Cinci » ven. 12 mars 2021, 1:45

http://catho.org/9.php?d=bwx#d5o

Décret du Saint-Office, 7 décembre 1690

Les erreurs des jansénistes (voir sur la page)

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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par Cinci » ven. 12 mars 2021, 16:48

gérardh :
Peut-on nous expliquer ce que l'Eglise catholique a eu à reprocher au jansénisme ?
Comme on pourrait le voir avec les différentes citations rapportées et même le décret de l'an 1690, il s'avère que les difficultés que le jansénisme a pu charrier sont nombreuses et variées.

Si on résume, c'est que les jansénistes ont pu s'apparenter à des protestants dissidents (tout en se réclamant du catholicisme). Ils avaient tendance à prendre leur distance de Rome, tout aussi bien que du pouvoir civil catholique. Leur zèle religieux les faisaient mépriser les ministres catholiques et les poussaient à vouloir comprendre différemment de quelle façon la vie chrétienne devrait s'organiser, la discipline et les sacrements. Il n'était pas acceptable pour le catholicisme l'idée que le Christ soit mort uniquement pour quelques uns (happy few), ni une surrenchère sur la grâce au point de pouvoir tenir pour négligeable le sacrement du baptême. L'Église reprochait aux jansénistes leur vision par trop pessimiste de la nature, une vision noire du «tout est pourri-vicié». Traditionnellement, dans le monde catholique, c'est bien que l'on aura retenu culturellement des jansénistes, je pense : une manie de voir le mal partout, le péché dans tout, en sorte que la vie devrait consister à expier le péché des origines, à souffrir pour réparer - quasiment le portrait des luthériens sévères et archi-austères du film, Le festin de Babette. On ne peut pas dire que ça rigolait ferme tous les jours.

Les jansénistes avaient tendance à vouloir prendre la communion comme une récompense pour la sainteté au lieu de la recevoir essentiellement comme un médicament, un fortifiant pour la route à l'usage des éclopés. C'est un peu comme le malade qui voudrait afficher tellement de respect pour le médicament qu'il n'oserait plus le prendre avant que d'être parfaitement guéri. La prise du médicament devient finalement l'attestation que le type serait100% guéri. C'est excessif.

Jansénistes = paquet de troubles, contestation de l'ordre, les "élus" par rapport aux autres, je suis prédestiné je n'ai pas à m'en faire avec l'enfer, etc.

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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par Cinci » sam. 13 mars 2021, 5:48

Mikess :
A priori, si le jansénisme a été condamné pour hérésie par le pape, il n'y a aucune raison que l'Eglise revienne sur cette décision par la suite; ce qui était vrai il y a 4 siècle l'est toujours aujourd'hui. L'Eglise n'est pas censé modifier sa doctrine en fonction de l'époque. Elle peut l'affiner, mais elle n'ira pas en contradiction avec ce qui a été définit par le passé.
C'est vrai. je serais bien d'accord avec vous.

Mais que quelqu'un puisse se questionner tôt ou tard je n'en serai pas étonné, considérant de quelle façon le Vatican semblerait être capable de réévaluer la figure d'un Luther; et fort capable aussi de se repentir pour des tas d'erreurs d'appréciation que nos ancêtres dans le sacerdoce auraient dû commettre, et y compris via des jugements émis à travers l'exercice du magistère enseignant.

Marcos4 :
Je sais que le jansénisme a été condamné en 1713 par le pape Clément XI, mais je voulais savoir si l'Église avait changé sa position depuis?
Je dirais que non.

Il reste des tas d'erreurs avancés par des jansénistes de l'époque qui ne s'accordent toujours pas avec la pensée doctrinale de l'Église catholique.

Mais, pour le reste, s'il existait dans le monde (supposons !) une importante communauté vivante de jansénistes, c'est bien possible; vous dirais-je, que quelqu'un travaillant à plein temps parmi des «Think thank» catholiques dévoués à la cause oecuméniste s'aviserait de songer qu'il serait temps de réviser notre langage diplomatique à l'égard de ces frères.

:)

Je ne voudrais pas passer sous silence : il y a Salésienne05 à la page 3 du fil . Elle avait produit un très bon résumé, déjà, en 2011. Et François-Xavier également le 12 octobre 2011, à la même page; lui-même nous amenant une citation de Dom Guéranger. Et je viens juste de la découvrir, cette citation. Intéressant.
(Reprise du fil de François-Xavier, mercredi 12 octobre 2011)

Mon but n’est pas de tracer ici [moi, Dom Guéranger] un portrait de la secte, ni de montrer combien elle se montra peu difficile à l’endroit des vertus, lorsqu’elle fut à même de recruter des adeptes dans les hautes régions sociales, et comment elle entendait les lois de l’équité, quand elle avait des adversaires à écraser, et celles de la franchise, quand il s’agissait d’esquiver les décisions de l’église, avec laquelle elle tenait à ne pas rompre extérieurement. Ce qui importe dans l’étude d’une secte ou d’une école, c’est de reconnaître d’abord son principe fondamental, son lien d’association ; là est son essence, sa vie, la raison de ses actes. Or, M. l’abbé Bernier l’a parfaitement expliqué, le Jansénisme avait pour base le système de Calvin, mitigé dans les larmes, mais au fond toujours le même. Un Dieu qui donne à l’homme des préceptes, et lui refuse la grâce sans laquelle il ne peut les accomplir ; un Christ qui n’a versé son sang que pour les élus ; des justes qui, lorsqu’ils font le bien, sont dans l’impuissance de résister à la grâce ; des pécheurs qui, lorsqu’ils font le mal, sont irrésistiblement entraînés : voilà le Jansénisme.
Même si Dom Guéranger laissait apparemment s'exprimer un jugement de valeur personnel, sur le caractère moral des jansénistes présentés par lui comme des tricheurs et des hypocrites s'arrangeant bien avec leur conscience ni plus ni moins, il fait ressortir au moins le caractère calviniste du courant à la base.

Marcos4 :
Il [le pape François] a pris position en faveur de Blaise Pascal, défenseur du jansénisme, en déclarant notamment qu'il devrait être béatifié.
Ah bon ! Je ne savais pas.

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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par gerardh » sam. 13 mars 2021, 7:09

__

Bonjour,

Sur les questions de l’élection et de la prédestination, nous savons que dans la chrétienté notamment protestante calviniste, il y a eu des outrances doctrinales qu’il convient de rejeter.

Sur l’élection, thème qui est aussi traité en Romains 9 :6-33, d’une manière qui pourrait troubler même un croyant, il faut alors considérer que Dieu, qui a été juste en jugeant les égyptiens, a été aussi juste en jugeant son peuple qui se comportait de la même façon : ainsi, la souveraineté de Dieu se manifeste à la fois en miséricorde et en jugement.

Aussi, sur ces deux questions fondamentales, les uns penchent sur le libre arbitre, les autres sur la prédestination. Mais je pense que les deux sont totalement compatibles entre elles, de par la logique de Dieu qui est plus forte que celles des hommes. Les hommes sont en effet à la fois prédestinés et pré connus, et à la fois en responsabilité d’avoir la foi. Exprimé un peu autrement, personne n’est jamais prédestiné à la perdition, à savoir qu’en Romains 9 :22-23, alors qu’il est question de « vases de colère tout préparés pour la destruction, il n’est pas dit « préparés d’avance pour la destruction », tandis » que « les vases de miséricorde, ont été préparés d’avance pour la gloire ».

Ces notions sont difficiles à comprendre par les hommes, mais il existe une anecdote fictive qui pourrait illustrer ces concepts : c’est l’histoire d’une personne qui se trouve devant un portail au fronton duquel il y a l’inscription « crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé ». Alors il peut ne pas entrer ; mais s’il entre et franchit le portail, il trouvera sur la face opposée du portail : « élu en Lui avant la fondation du monde ». Donc la conscience de l’élection n’est accessible que lorsqu’on est croyant.

__

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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par Suliko » sam. 13 mars 2021, 15:40

Donc la conscience de l’élection n’est accessible que lorsqu’on est croyant.
Si quelqu'un dit que l'homme né de nouveau et justifié est tenu par la foi de croire qu'il est certainement au nombre des prédestinés : qu'il soit anathème ! (concile de Trente)
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par Cinci » sam. 13 mars 2021, 19:24

Bonjour,

Par scrupule de conscience, par amour de la vérité aussi j'espère (eh oui ! quoi que l'on dise) et par curiosité également : j'en aurai profité pour visionner l'émission de la chaîne KTO et que notre ami Adoramus Te avait jugé bon placé en lien.

Et, je me dois de dire, suite à l'écoute des deux spécialistes invités (deux femmes, en fait) : il ressort de leurs propos que les jansénistes auraient été pratiquement impossibles à distinguer des autres catholiques. Il serait donc "malséant" de vouloir en faire des crypto-calvinistes, de la «graine de protestant». Il serait caricatural de s'appesantir à l'excès sur leur allure trop morne, tristounet, austère, excessivement sérieux.

Correction

Il faudrait donc que je corrige ce portrait-robot que j'étais moi-même en train de me fabriquer d'eux. C'est très possible. Ces jansénistes ne m'étant pas très bien connus d'une part; de l'autre, la mouvance semblant avoir été un peu éclatée; ce qui ne nous facilite pas les choses. Puis, l'autre raison qui est certainement crédible, sur le fait que les jansénistes auraient eu à traîner une réputation d'épouvantail à moineaux : le fait qu'ils se trouvaient engagés dans de solides querelles à l'encontre des jésuites et bien d'autres. C'est un élément à tenir compte.

Tout ceci - la correction - porterait sur le caractère personnel des individus. Il faudrait un peu faire attention.

Quoi d'autre ?

De l'émission de la chaîne KTO, l'on pourrait encore tirer comme élément valable de réflexion, le fait que ces «jansénistes» dénotaient l'indice d'un changement d'époque, le passage d'une chrétienté d'époque médiévale à un chrétienté des temps modernes en histoire (XVIe, XVIIe siècle ...) ce qui amène inévitablement la foule; le cortège, que dis-je, des problèmes que soulève l'individualisme par rapport à l'autorité. Et, de ce point de vue là - et comme le faisait remarquer aussi François-Xavier en 2011: le problème du jansénisme ne serait pas sans lien avec les problèmes de notre Église d'aujourd'hui. La distanciation d'avec Rome, le subjectivisme, le désir d'une implication personnelle du fidèle dans la liturgie, le développement d'un esprit critique, un certain illuminisme parfois, et aussi quand même une mentalité de censeurs, à l'image du zéle des nouveaux convertis (ce qu'on retrouve de façon dévié dans le gauchisme, je dirais).

Il est tentant de croire que la sévérité que l'on associe malgré tout au jansénisme, une sévérité qui aura bien existé dans le monde catholique (problème endogène) aurait pu être l'écho d'une sorte de dynamique que des catholiques auront pu partager en commun avec des protestants. Alors, une sorte d'influence indirecte ? Volonté de se responsabiliser quant au fait de devoir assurer soi-même son salut ?

gerardh
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Re: Une question sur le Jansénisme

Message non lu par gerardh » sam. 13 mars 2021, 20:00

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Bonjour Suliko,

Rectifions (d’après Internet) le texte du Concile de Trente :

Si quelqu'un dit que l'homme est absous de ses péchés et justifié parce qu'il croit avec une certitude qu'il est absous et justifié, ou que n'est vraiment justifié que celui qui croit qu'il est justifié, et que cette seule foi réalise l'absolution et la justification : qu'il soit anathème. 1533 s ; 1460-1464. 1565 15.

Cela correspond bien plus étroitement à ce que je pense moi-même par rapport au texte que vous avez cité, bien que ces passages tangentent un peu l’incrédulité.

Par ailleurs, lors de conférences données S. Exc. Mgr Fellay en février 2000, pendant la session de théologie qui réunissait au séminaire de Winona les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X. Il y est noté que « bien que les accords luthéro-catholiques aient eu lieu en octobre 1999, leur actualité reste hélas bien vivante, puisqu'ils portent en conclusion. Notre consensus sur les vérités fondamentales de la doctrine de la justification doit avoir des conséquences et faire ses preuves dans la vie et l'enseignement des Églises ». Cette Déclaration est un chef-d’œuvre d’œcuménisme. C'est une brillante démonstration de ce qui ne devrait pas être fait dans nos rapports avec les fausses religions.

Tous les catholiques ne semblent donc pas sur la même longueur d'ondes.

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