L’amour de Dieu et la haine du péché

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Didyme
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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par Didyme » lun. 21 juin 2021, 17:33

[...]


Pour résumer, je ne dis pas que la personne n’est pas coupable, que la personne n’est pas punie. La seule divergence vient dans votre position d'une justice vindicative qui implique que Dieu haïsse la personne pécheresse.
Ce qui m'apparaît c'est que l'Église bien consciente de l'intenabilité du propos d'un Dieu amour/vengeur semble avoir cru bon d'approfondir sa compréhension de la doctrine pour lui préférer une vérité supérieure qui dit que la damnation est le fait de l'exercice du libre-arbitre de la créature, de son auto-exclusion et qu’il subit la peine du péché, de cette séparation.

Pour conclure (car il est évident qu'il n'y a pas de discussion ici), je me contenterai de remettre les passages du catéchisme de l'Église catholique déjà cités :

Sur la haine et la vengeance :

2262 Dans le Sermon sur la Montagne, le Seigneur rappelle le précepte : " Tu ne tueras pas " (Mt 5, 21), il y ajoute la proscription de la colère, de la haine et de la vengeance.Davantage encore, le Christ demande à son disciple de tendre l’autre joue (cf. Mt 5, 22-39), d’aimer ses ennemis (cf. Mt 5, 44). Lui-même ne s’est pas défendu et a dit à Pierre de laisser l’épée au fourreau (cf. Mt 26, 57).

La paix
2302 En rappelant le précepte : " Tu ne tueras pas " (Mt 5, 21), notre Seigneur demande la paix du cœur et dénonce l’immoralité de la colère meurtrière et de la haine : La colère est un désir de vengeance. "Désirer la vengeance pour le mal de celui qu’il faut punir est illicite" ; mais il et louable d’imposer une réparation" pour la correction des vices et le maintien de la justice " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 158, 1, ad 3). Si la colère va jusqu’au désir délibéré de tuer le prochain ou de le blesser grièvement, elle va gravement contre la charité ; elle est péché mortel. Le Seigneur dit : " Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement " (Mt 5, 22).
2303 La haine volontaire est contraire à la charité. La haine du prochain est un péché quand l’homme lui veut délibérément du mal. La haine du prochain est un péché grave quand on lui souhaite délibérément un tort grave. " Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs ; ainsi vous serez fils de votre Père qui est aux cieux... " (Mt 5, 44-45).

1933 Ce même devoir s’étend à ceux qui pensent ou agissent différemment de nous. L’enseignement du Christ va jusqu’à requérir le pardon des offenses. Il étend le commandement de l’amour, qui est celui de la loi nouvelle, à tous les ennemis (cf. Mt 5, 43-44). La libération dans l’esprit de l’Evangile est incompatible avec la haine de l’ennemi en tant que personne mais non avec la haine du mal qu’il fait en tant qu’ennemi.


Sur les peines :

Les peines du péché
1472 Pour comprendre cette doctrine et cette pratique de l’Église il faut voir que le péché a une double conséquence. Le péché grave nous prive de la communion avec Dieu, et par là il nous rend incapables de la vie éternelle, dont la privation s’appelle la " peine éternelle " du péché. D’autre part, tout péché, même véniel, entraîne un attachement malsain aux créatures, qui a besoin
de purification, soit ici-bas, soit après la mort, dans l’état qu’on appelle Purgatoire. Cette purification libère de ce qu’on appelle la " peine temporelle " du péché. Ces deux peines ne doivent pas être conçues comme une espèce de vengeance, infligée par Dieu de l’extérieur, mais bien comme découlant de la nature même du péché. Une conversion qui procède d’une fervente charité, peut arriver à la totale purification du pécheur, de sorte qu’aucune peine ne subsisterait (cf. Cc. Trente : DS 1712-1713 ;
1820).


Sur la justice :

536 Le Baptême de Jésus, c’est, de sa part, l’acceptation et l’inauguration de sa mission de Serviteur souffrant. Il se laisse compter parmi les pécheurs (cf. Is 53, 12) ; il est déjà " l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde " (Jn 1, 29) ; déjà, il anticipe le " baptême " de sa mort sanglante (cf. Mc 10, 38 ; Lc 12, 50). Il vient déjà " accomplir toute justice " (Mt 3, 15), c’est-à-dire qu’il se soumet tout entier à la volonté de son Père : il accepte par amour le baptême de mort pour la rémission de nos péchés (cf. Mt 26, 39). A cette acceptation répond la voix du Père qui met toute sa complaisance en son Fils (cf. Lc 3, 22 ; Is 42, 1).
L’Esprit que Jésus possède en plénitude dès sa conception, vient " reposer " sur lui (Jn 1, 32-33 ; cf. Is 11, 2). Il en sera la source pour toute l’humanité. A son Baptême, " les cieux s’ouvrirent " (Mt 3, 16) que le péché d’Adam avait fermés ; et les eaux sont sanctifiées par la descente de Jésus et de l’Esprit, prélude de la création nouvelle.

602 S. Pierre peut en conséquence formuler ainsi la foi apostolique dans le dessein divin de salut : " Vous avez été affranchis de la vaine conduite héritée de vos pères par un sang précieux, comme d’un agneau sans reproche et sans tache, le Christ, discerné avant la fondation du monde et manifesté dans les derniers temps à cause de vous " (1 P 1, 18-20). Les péchés des hommes, consécutifs au péché originel, sont sanctionnés par la mort (cf. Rm 5, 12 ; 1 Co 15, 56). En envoyant son propre Fils dans la condition d’esclave (cf. Ph 2, 7), celle d’une humanité déchue et vouée à la mort à cause du péché (cf. Rm 8, 3), " Dieu l’a fait péché pour nous, lui qui n’avait pas connu le péché, afin qu’en lui nous devenions justice pour Dieu " (2 Co 5, 21).

Bien vivre n’est autre chose qu’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de tout son agir. On Lui conserve un amour entier (par la tempérance) que nul malheur ne peut ébranler (ce qui relève de la force), qui n’obéit qu’à Lui seul (et ceci est la justice), qui veille pour discerner toutes choses de peur de se laisser surprendre par la ruse et le mensonge (et ceci est la prudence) (S. Augustin, mor. eccl. 1, 25, 46 : PL 32, 1330-1331).

1992 La justification nous a été méritée par la Passion du Christ qui s’est offert sur la Croix en hostie vivante, sainte et agréable à Dieu et dont le sang est devenu instrument de propitiation pour les péchés de tous les hommes. La justification est accordée par le Baptême, sacrement de la foi. Elle nous conforme à la justice de Dieu qui nous rend intérieurement justes par la puissance de sa miséricorde. Elle a pour but la gloire de Dieu et du Christ, et le don de la vie éternelle (cf. Cc. Trente : DS 1529) :

2020 La justification nous a été méritée par la Passion du Christ . Elle nous est accordée à travers le Baptême. Elle nous conforme à la justice de Dieu qui nous fait justes. Elle a pour but la gloire de Dieu et du Christ et le don de la vie éternelle. Elle est l’œuvre la plus excellente de la miséricorde de Dieu.

1836 La justice consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui lui est dû.


Sur l'expiation :

616 C’est " l’amour jusqu’à la fin " (Jn 13, 1) qui confère sa valeur de rédemption et
de réparation, d’expiation et de satisfaction au sacrifice du Christ.

Je vous laisse maintenant aller directement discuter de tout cela avec les autorités de l'Église catholique et peut-être leur proposer de réécrire le catéchisme vous-même pour pallier les manques de tous ces "tarés, déficients..." qui ont pu écrire de telles bêtises... :/
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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par ademimo » mar. 22 juin 2021, 1:23

Didyme a écrit :
lun. 21 juin 2021, 17:33



Pour résumer, je ne dis pas que la personne n’est pas coupable, que la personne n’est pas punie. La seule divergence vient dans votre position d'une justice vindicative qui implique que Dieu haïsse la personne pécheresse.
Ce qui m'apparaît c'est que l'Église bien consciente de l'intenabilité du propos d'un Dieu amour/vengeur semble avoir cru bon d'approfondir sa compréhension de la doctrine pour lui préférer une vérité supérieure qui dit que la damnation est le fait de l'exercice du libre-arbitre de la créature, de son auto-exclusion et qu’il subit la peine du péché, de cette séparation.

Bonjour Didyme,
Je crois que je vous avais posé la question. Auriez-vous des sources anciennes, antérieures à Vatican II, qui exposent cette doctrine (que le damné choisirait délibérément sa damnation, pour résumer) ?

Parce que je peux vous citer au moins un passage qui ne s'accorde pas avec cette idée, dans la parabole du pauvre Lazare : lorsque le mauvais riche souffre les tourments de l'Enfer, il s'adresse à Abraham pour lui demander de soulager ses maux, ce qu'Abraham ne peut faire à cause d'un grand abyme qui les sépare.

Si réellement les damnés avaient choisi la damnation, je ne vois pas pourquoi le mauvais riche demanderait l'intervention d'Abraham en sa faveur ou en celle de ses frères.

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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par Didyme » mar. 22 juin 2021, 19:32

En même temps, c'est le principe de la foi :

"Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui." (Jean 3:36)

Dans la parabole du mauvais riche, est-il question de foi en Dieu ou plutôt de ne pas avoir à subir son péché  ?
Or, sans la foi, sans la confiance en Dieu, sans le "oui" à la vie (libre-arbitre), comment être dans la vie ? Tant que ce "oui" à Dieu,  ce "oui" du coeur, de l'âme n'est pas amorcé, on ne peut demeurer que dans le "non" du péché et de sa souffrance.

Ce n’est pas tant choisir la damnation que refuser la vie. Or, en-dehors de Dieu, de la vie, du bien, de l'amour, que reste-t-il d'autre que son absence, à savoir le péché ? Et la "nature" du péché est de faire souffrir.

Vous avez raison quelque part en disant qu'on ne choisit pas la damnation, car c'est surtout qu'on ne choisit pas l'amour.
Au fond, plus qu'un choix du mal c'est avant tout un non-choix de l'amour. Le choix du mal, de la damnation ressemble plus à une déchéance de la liberté,  du choix. Car la liberté n'est qu'en Dieu, le péché n'est qu'un emprisonnement, une déchéance, une aliénation de la liberté.
Par conséquent, dire qu'on choisit la damnation m'apparaît plus comme un abus de langage pour dire qu'on refuse Dieu.
Mais il est tout de même question de liberté là-dedans.
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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par ademimo » mar. 22 juin 2021, 19:46

Vous ne répondez pas vraiment à ma question. Là, je suis en train de lire la pensée de Didyme. Mais le discours de l'Eglise ? Et en particulier, avant Vatican II ?

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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par Didyme » mar. 22 juin 2021, 21:03

ademimo a écrit :Vous ne répondez pas vraiment à ma question. Là, je suis en train de lire la pensée de Didyme. Mais le discours de l'Eglise ? Et en particulier, avant Vatican II ?


En fait, le problème est que la question que vous me posez est plus subtile qu'elle n'y paraît. Car même lorsque les textes plus anciens ne le formuleraient pas ainsi, le fait de dire qu'une personne est damnée pour ses fautes, cela revient au même finalement. Car si la personne se ferme à l'amour, s'enferme dans le péché et par conséquent, ne reçoit pas le pardon de ses péchés, on pourra dire qu'elle est condamnée pour ses fautes. Mais au final,  si elle est condamnée pour ses fautes c'est bien du fait de son absence de conversion et de ce que cela implique. Car le juste, le sauvé ne l'est pas parce qu'il n'aurait pas fauté mais parce qu'il s'est tourné vers Dieu (libre-arbitre) et que ses fautes ont été pardonnées.

Par conséquent, la formulation est différente mais veut dire la même chose.


La problématique de la présente discussion porte davantage sur l'aspect vindicatif de la peine du damné. À savoir est-ce que la peine du damné est la conséquence de son péché, de son refus de Dieu ou de la volonté vengeresse de Dieu ?


Après, je reconnais que je ne suis pas un spécialiste de tous les textes anciens mais que quand je lis les quelques ouvrages que j'ai sous la main de pères de L'Église, il se trouve qu'à l'époque déjà il y avait un rejet de l'aspect vindicatif des peines.
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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par Trinité » mer. 23 juin 2021, 0:05

Bonsoir,

Et si le nouveau riche n'était pas en enfer , comme le dit le pape Benois XVI , dans Spe Salvi, après un revirement d'opinion...
Car, comme il le précise: le nouveau riche est repentant, et demande à Abraham d'aller avertir ses frères sur terre, et que, cette notion de repentance est incompatible avec une âme se trouvant en enfer...

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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par Perlum Pimpum » mer. 23 juin 2021, 12:09

...
Dernière modification par Perlum Pimpum le mer. 17 août 2022, 8:37, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par Didyme » mer. 23 juin 2021, 14:17

Ce qui est comique (ou plutôt dramatique ?), c'est que vous pensez que les passages que vous citez contredisent l'enseignement de l'Église catholique dans son catéchisme sur la question des peines (parce que oui, ce ne sont pas les propos de Didyme mais bien le catéchisme que j'ai cité).
Car les passages que vous citez ne parlent pas de peines "vindicatives", ça c'est la représentation dans laquelle vous vous êtes enfermé qui vous fait lire "peines vindicatives" quand il est parlé de peines. Car là où vous interprétez des choses qui ne sont pas dites dans ces passages que vous citez, le passage que je vous cite ci-dessous dit quant à lui clairement les choses.

Or, que dit l’Église dans son catéchisme sur les fameuses peines ?...

Les peines du péché
1472 Pour comprendre cette doctrine et cette pratique de l’Église il faut voir que le péché a une double conséquence. Le péché grave nous prive de la communion avec Dieu, et par là il nous rend incapables de la vie éternelle, dont la privation s’appelle la " peine éternelle " du péché. D’autre part, tout péché, même véniel, entraîne un attachement malsain aux créatures, qui a besoin
de purification, soit ici-bas, soit après la mort, dans l’état qu’on appelle Purgatoire. Cette purification libère de ce qu’on appelle la " peine temporelle " du péché. Ces deux peines ne doivent pas être conçues comme une espèce de vengeance, infligée par Dieu de l’extérieur, mais bien comme découlant de la nature même du péché. Une conversion qui procède d’une fervente charité, peut arriver à la totale purification du pécheur, de sorte qu’aucune peine ne subsisterait (cf. Cc. Trente : DS 1712-1713 ;
1820).
Dernière modification par Didyme le mer. 23 juin 2021, 14:38, modifié 2 fois.
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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par Fernand Poisson » mer. 23 juin 2021, 18:29

Bonjour,

Homélie de saint Basile, Que Dieu n'est pas auteur du mal
Quant aux tourments de l'enfer, ils n'ont pas Dieu pour auteur, mais nous-mêmes, puisque la source et le principe du péché viennent de nous et de notre libre arbitre. Nous pouvions ne rien éprouver de fâcheux en nous abstenant du mal; nous avons été entraînés dans le péché par l'attrait du plaisir ; par quelle raison spécieuse pourrions-nous donc soutenir que nous ne sommes pas nous mêmes la cause de nos peines ?

http://remacle.org/bloodwolf/eglise/basile/mal.htm

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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par ademimo » mer. 23 juin 2021, 18:52

Didyme a écrit :
mar. 22 juin 2021, 21:03
ademimo a écrit :Vous ne répondez pas vraiment à ma question. Là, je suis en train de lire la pensée de Didyme. Mais le discours de l'Eglise ? Et en particulier, avant Vatican II ?


En fait, le problème est que la question que vous me posez est plus subtile qu'elle n'y paraît. Car même lorsque les textes plus anciens ne le formuleraient pas ainsi, le fait de dire qu'une personne est damnée pour ses fautes, cela revient au même finalement. Car si la personne se ferme à l'amour, s'enferme dans le péché et par conséquent, ne reçoit pas le pardon de ses péchés, on pourra dire qu'elle est condamnée pour ses fautes. Mais au final,  si elle est condamnée pour ses fautes c'est bien du fait de son absence de conversion et de ce que cela implique. Car le juste, le sauvé ne l'est pas parce qu'il n'aurait pas fauté mais parce qu'il s'est tourné vers Dieu (libre-arbitre) et que ses fautes ont été pardonnées.

Par conséquent, la formulation est différente mais veut dire la même chose.


La problématique de la présente discussion porte davantage sur l'aspect vindicatif de la peine du damné. À savoir est-ce que la peine du damné est la conséquence de son péché, de son refus de Dieu ou de la volonté vengeresse de Dieu ?


Après, je reconnais que je ne suis pas un spécialiste de tous les textes anciens mais que quand je lis les quelques ouvrages que j'ai sous la main de pères de L'Église, il se trouve qu'à l'époque déjà il y avait un rejet de l'aspect vindicatif des peines.
Dans ce cas, je reviens à une question fondamentale : pourquoi Dieu ne sauve pas les damnés ?

Généralement, la réponse fournie est que Dieu respecte un choix. Mais quel choix ? Celui de ne s'être pas repenti ? Mais pourquoi le repentir serait impossible dans l'Enfer ? Généralement, on répond que les Damnés refusent d'être sauvés, même dans l'Enfer (incompatible avec l'histoire du mauvais riche, au passage), et que c'est donc en parfaite connaissance de cause qu'ils ont refusé le pardon de Dieu.

Mais en pratique, les gens n'ont aucune certitude sur l'existence même du Salut, et de son corollaire la Damnation. C'est là, en réalité, que passe la ligne de démarcation : entre ceux qui croient, et ceux qui ne croient pas.

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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par ademimo » mer. 23 juin 2021, 18:54

Fernand Poisson a écrit :
mer. 23 juin 2021, 18:29
Bonjour,

Homélie de saint Basile, Que Dieu n'est pas auteur du mal
Quant aux tourments de l'enfer, ils n'ont pas Dieu pour auteur, mais nous-mêmes, puisque la source et le principe du péché viennent de nous et de notre libre arbitre. Nous pouvions ne rien éprouver de fâcheux en nous abstenant du mal; nous avons été entraînés dans le péché par l'attrait du plaisir ; par quelle raison spécieuse pourrions-nous donc soutenir que nous ne sommes pas nous mêmes la cause de nos peines ?

http://remacle.org/bloodwolf/eglise/basile/mal.htm
Je pense que c'est une tournure de style. Une façon de dire que si on est en Enfer, c'est de notre faute. Mais le Diable n'a pas l'homme pour auteur, il me semble.

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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par Cinci » jeu. 24 juin 2021, 15:07

Trinité a écrit :
mer. 23 juin 2021, 0:05
Bonsoir,

Et si le nouveau riche n'était pas en enfer , comme le dit le pape Benois XVI , dans Spe Salvi, après un revirement d'opinion...
Car, comme il le précise: le nouveau riche est repentant, et demande à Abraham d'aller avertir ses frères sur terre, et que, cette notion de repentance est incompatible avec une âme se trouvant en enfer...

Salut Trinité,

C'est bien ainsi que j'ai toujours compris ce passage du Nouveau Testament. La parabole elle-même ne tranche pas, Jésus si on veut ne sert pas là à ses disciples dans le temps un enseignement sur l'enfer éternel pour dire platement que le riche insuffisamment généreux avec les pauvres va nécessairement aboutir dans l'enfer de flammes pour l'éternité. Non !

C'est plutôt que la parabole montrerait très bien comment - sans le Sauveur attendu - le riche plutôt négligeant aura toutes les chances d'aboutir une fois mort dans une condition fort peu enviable, très inconfortable. Ce riche arrive dans le séjour des morts (non pas l'enfer éternel), percevant trop bien l'odeur de roussi, la chaleur, les flammes qui lui lèchent la plante des pieds. Il est coincé dans le fond du puit. Sans échelle pour en sortir. C'est comme un jugement qui reste suspendu sur sa tête. Une situation angoissante. La parabole ne se prononce pas sur le sort final du mauvais riche. Cette parabole n'est pas concluante comme bien d'autres peuvent l'être. Non, il reste un suspens. On peut deviner ce qui serait la leçon : nous aurions grand intérêt à éviter nous-même d'aboutir dans une aussi mauvaise situation. En suivant le Christ, avec le Sauveur, mettant en pratique ses conseils : on ne risquera pas d'aboutir dans le puit apparemment sans issue. Pour mémoire, le séjour des morts correspond bien à une situation sans issue avant le Christ; sans être dans l'enfer éternel le sujet descendu au pays des morts se trouve bien enfermé dans une certaine condition (plus confortable pour le juste avec Abraham certes, désagréable pour l'Injuste quand même).

Après, le lecteur chrétien de l'évangile sait bien qu'il n'y aurait que le Christ pour être capable d'extraire le riche de la fosse dans laquelle il se trouve.

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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par Trinité » jeu. 24 juin 2021, 15:15

Salut Cinci,

J'aime beaucoup votre explication, que je cautionne entièrement!

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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par Cinci » jeu. 24 juin 2021, 16:23

ademimo :

Si réellement les damnés avaient choisi la damnation, je ne vois pas pourquoi le mauvais riche demanderait l'intervention d'Abraham en sa faveur ou en celle de ses frères.
Salut !

On pourrait vous répondre : le riche ne se trouve pas dans l'enfer éternel justement. Et votre exemple choisi serait alors impropre à nous dire quelque chose des damnés.


Néanmoins

Néanmoins, je partage votre idée. Disons, je suis d'accord avec vous : quelque chose cloche bien à propos de cette histoire de choix.

Il m'apparaitrait incroyable qu'un sujet puisse délibérément vouloir être enfermé dans une condition de malheur. Ce serait absurde. Par exemple, il n'existe aucun prisonnier sur terre, même le plus grand criminel qui soit (surtout celui-là !) qui souhaiterait réellement passer toute sa vie derrière les barreaux.

«Oui, oui, vous me donnez le choix. Je pourrais réussir à m'évader grâce à des complices admettons : mais non je choisi de demeurer au bagne de Cayenne, avec des chaînes au pied, de la mauvaise nourriture, obligé de casser des pierres chaque jour pendant dix heures sous le soleil, etc.» Non, ce ne serait pas crédible.

A choisir, tous aimeraient mieux apprendre une bonne journée que la grâce présidentielle leur serait accordée et qu'ils seraient libérés dès le lundi suivant. S'Il en est ainsi sur la terre, à plus forte raison face à la perspective d'un enfer éternel. Donc, pour Lucifer et ses mauvais anges et toutes les âmes damnées de la création : il ne saurait être question d'un choix pour eux. Ils n'ont pas le choix à vrai dire. Le criminel aimerait mieux le néant un coup parti, l'équivalent du sommeil sans conscience.



Pour le damné

Pour le damné, supposerais-je, c'est ni plus ni moins comme si c'est Dieu lui-même qui leur ferait violence. Le simple fait de les maintenir dans l'existence et dans une existence pouvant les frustrer de ce qu'ils auraient pu préférer; or qu'il reste vrai qu'une certaine violence est inhérente au mode d'existence avec Dieu. Oui, si par violence on entend : ne pas pouvoir tout faire, ni vivre comme j'aurais pu préférer ou devoir accepter des règles que je n'ai pas crées, etc.

La réalité exerce sur nous une forme de violence. Celui qui est né aveugle ! Lui, pourquoi ? Dieu qui peut suspendre ou contourner les lois de la nature qu'il a Lui-même fixées, comme le temps d'un miracle, aurait bien pu empêcher que l'enfant naisse aveugle. Ne le faisant pas, c'est telle une violence insupportable qui est faite à un être entrant dans l'existence. Oui, à certains égards : c'est une violence ! Et c'est lié au mal. Il en va de même pour tout. Il n'y a pas moyen de se départir d'un aspect de dureté, de violence, d'une incompréhension, tant qu'on demeure à l'extérieur de Dieu, comme en face et en réaction.

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Re: L’amour de Dieu et la haine du péché

Message non lu par Didyme » ven. 25 juin 2021, 0:02

Citant le Psaume V, 6 où le psalmiste dit de Dieu : « Tu hais tous les artisans d’iniquité », certains concluaient que Dieu n’aime pas toutes choses, puisqu’il hait les pécheurs. Saint Thomas d’Aquin, qui n’était pas homme à contredire l’Écriture, recevait l’affirmation du psautier comme vérité révélée : Dieu hait les pécheurs ! Nonobstant, sachant aussi l’amour de Dieu pour nous malgré que nous soyons pécheurs, saint Thomas concluait que Dieu aime les pécheurs, non en tant qu’ils sont des pécheurs (à ce titre Thomas affirme expressément qu’ils sont haïs de Dieu), mais en tant qu’ils sont hommes et appelés à la béatitude : « Dieu aime les pécheurs en tant qu’ils sont des natures déterminées [anges ou hommes] et qu’ils sont par Lui. Mais en tant qu’ils sont pécheurs, ils ne sont pas, ils manquent d’être, et cela n’est pas de Dieu. C’est pourquoi, sous ce rapport, ils sont haïs de Dieu. » (ST, I, q.20 a.2 ad.4).


J'aimerais revenir sur cette position de Saint Thomas d’Aquin.
Saint Thomas d’Aquin était certes un très grand théologien mais doit-on considérer pour autant la position dont il est question ici comme une vérité certaine, comme un dogme ?
Étant donné que l'Église catholique rejette aujourd'hui cette idée vindicative de Dieu, il semble plus approprié de considérer cette position comme une simple opinion et non comme un dogme.


En réfléchissant de nouveau à la question je me suis appliqué la remarque à moi-même. Et on peut tous se l'appliquer.
C'est-à-dire que je suis pécheur, nous le sommes tous.
Or, selon cette conception je me retrouve à me dire que Dieu me hait, il me hait moi.
Mais cette affirmation très difficile pour le rapport à la foi est censée être relativisée par l'affirmation que Dieu m'aime en tant qu'homme, que nature.
Mais à bien y réfléchir, je réalise que selon cette position, ce n'est pas MOI, qui je suis que Dieu aimerait ici, mais c'est plutôt ce que je suis. Et c'est là, par cette nuance subtile qu'apparaît le problème de cette position.
Car on se retrouve avec un amour d'une nature, la nature humaine, je suis aimé en tant que je suis un homme. C'est ce que je suis qui est aimé mais pas qui je suis.
On se retrouve alors avec cette drôle de situation d'une nature aimée mais comme d'une nature dépersonnalisée, désincarnée et d'un pécheur haït, comme d'un péché personnifié.
C'est comme une inversion, on a comme vidé la nature humaine de la personne pour personnifié le péché ?!


On pourrait alors être tenté de rétorquer que lorsque Dieu hait le pécheur ce n'est pas non plus qui je suis qu'il hait ici mais aussi ce que je suis. Or, ce que je suis étant invariablement d'être un homme, ce que je suis n'est pas le péché, d'être pécheur.
Être pécheur n’est pas notre nature, notre nature est d'être des hommes. Le péché n'est pas une nature, n'a pas d'essence.
Par conséquent, il ne reste dans le pécheur plus que moi à haïr, qui je suis.

Dieu ne m'aime pas moi mais ma nature, le fait que je sois un homme ?!
J'ai envie de dire pourquoi pas, mais le problème est qu'on n'est plus ici face à un Dieu personnel (qui je suis), de relation mais face à un Dieu impersonnel (ce que je suis).
Or, ce n'est pas ce qu'enseigne le christianisme.
L'autre est un semblable.

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