En fait, il faudrait déjà commencer par définir l'amour et la haine. Qu'est-ce, au fond ? Nous savons qu'il ne s'agit pas, dans les textes qui nous intéressent, d'un sentiment involontaire, mais d'un mouvement intérieur de la volonté, comme vous le rappelez vous-même. Par conséquent, la haine traduirait le simple rejet : Dieu détourne sa face, n'est plus favorable. Et l'amour, l'élection, la grâce divine. "Haïssez les pécheurs", cela veut simplement dire : détournez-vous d'eux. Il faudrait donc peut-être dédramatiser cette "haine" divine, et ne pas lui projeter ce que l'on ressent à propos de l'autre haine, la haine humaine involontaire et ordinaire qui engage les sentiments et peut conduire aux atrocités et actes de cruautés. On ne parle pas du tout de la même chose. Dieu n'appelle pas à commettre des actes de cruauté envers les pécheurs, ce qui d'ailleurs n'a pas de sens, puisque tous les hommes sont pécheurs sans exception. Le commandement "Aimez-vous les uns les autres" suffit à balayer toute idée que les hommes devraient se "haïr", avec tous les actes qui s'ensuivent, pour plaire à Dieu.Perlum Pimpum a écrit : ↑dim. 23 mai 2021, 13:17Cher Didyme,
Je vous réponds point par point.
Didyme a écrit : ↑sam. 22 mai 2021, 23:501. Haïr c'est vouloir du mal, c'est vouloir la disparition, l'anéantissement de l'objet. C'est la négation de l'autre.
2. La haine est amplement compréhensible en ce qu'elle est dirigée contre le péché mais devient beaucoup plus incompréhensible lorsqu'elle est dirigée contre une personne, un être, œuvre de Dieu.
3. Comment Dieu qui est amour pourrait-il donc haïr ce qu'il a créé, son œuvre ?! Et comment nous, oserions-nous donc haïr sa création ?!
4. Comment une personne qui tient son existence de l'amour de Dieu pourrait-elle donc subsister éternellement si Dieu venait à changer, puisque visiblement il n'aimerait pas sa création de toute éternité mais un jour l'aimerait pour le lendemain la haïr ?!
5. Comment la haine qui est rejet de l'autre, sa négation, une volonté de voir disparaître (car il semble évident qu'en ce qui concerne la haine du péché, cette haine est bien la volonté de mettre fin au péché, de le voir disparaître) pourrait-elle donc être conciliable avec le dogme de l'immortalité de l'âme ?! Car si Dieu hait le pécheur (endurci, en enfer) et par conséquent veut sa disparition, comment pourrait-il donc le maintenir à l'existence éternellement ?!
« J’ai aimé Jacob et j’ai haï Esaü. » (Mal. I, 2-3 ; Rm. IX, 13)
1. Si le péché est un crime, le pécheur est un criminel. Et quand le juste juge sanctionne, la peine frappe le criminel, pas le crime : c’est l’assassin qui va en prison ou sur la guillotine, pas l’assassinat... Dieu déteste les criminels, et veut qu’ils cessent de l’être : Dieu veut la conversion des pécheurs. Mais pourquoi veut-il qu’ils se convertissent sinon qu’à défaut ils ne peuvent jouir de son amitié : leur péché s’oppose à la grâce. S’ils refusent de se convertir et meurent dans leur péché, Dieu les damne : ils sont désormais dans un état perpétuel de haine envers Dieu ; aussi ceux qui aiment Dieu les haïssent : c’est l’inimitié des fils de la Vierge envers les fils du Serpent (Gn. III, 15).
2. La haine n’est pas dirigée contre les personnes mais contre le fait que ces personnes soient pécheresses. Les pécheurs sont des êtres humains, mais ce n’est pas en tant qu’ils sont des êtres humains qu’ils sont détestés. Le juge qui condamne l’assassin ne le condamne pas parce pour crime d’humanité mais d’assassinat : ne condamne pas l’assassin parce qu’il est un homme, mais condamne l’homme parce qu’il est un assassin. L’assassin est détesté non parce qu’il est un homme, mais parce qu’il est un assassin.
3. Dieu, qui est Amour de Dieu, déteste du fait-même qui le déteste ; car toute haine est fille d’amour. Puisque le péché est une inimitié à Dieu (Rm. VIII, 6-8 ; Jc. IV, 4 ; I Jn. II, 15...), Dieu se détourne de ceux qui se détournent de Lui. Mais même alors, il les appelle au repentir : « Revenez à moi, que je revienne à vous » (Za. I, 3 ; Jc. IV, 8 ; Jb. XXII, 23...). S’ils refusent de se repentir et meurent dans leur inimitié à Dieu, Dieu consomme la rupture, et les damne : allez maudits au feu éternel...
4. Dieu nous aime. Et tout ce qu’il nous donne est bon. Mais s’il nous donne l’existence, il ne nous donne assurément pas le péché : notre péché ne vient pas de Dieu mais de nous-mêmes. C’est pourquoi Dieu ne détruit pas son œuvre : loin d’annihiler le pécheur mort en état de péché mortel, il le laisse vivre sempiternellement, mais damné : « Allez maudits, au feu de l’Enfer éternel » Mt. XXV, 41. Et d’ailleurs, si la punition est un mal pour celui qu’elle afflige (mal de peine), elle est un bien quant à la justice qu’elle procure, puisqu’elle sanctionne le mal de faute, le péché, en punissant le pécheur. Les sanctions dont Dieu frappe les damnés sont donc un bien, puisqu’elles réalisent le bien de la justice...
5. Le jugement de damnation ne détruit pas ceux sur qui il tombe, qui souffrent sempiternellement des peines infernales. Loin de soustraire le pécheur à sa justice, Dieu soumet le pécheur à la peine du péché : « Car le salaire du péché, c'est la mort, mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur. » Rm. VI, 23. Par « mort », il ne faut pas entendre annihilation, mais mort spirituelle, dès ici-bas, et damnation dans l’au-delà : « Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle. » Mt. XXV, 46.
Cordialement.
Ensuite, il faut parler de l'objet de cet amour et de cette haine. Vous dites que cet objet ne serait pas le péché en lui-même, mais la personne elle-même. Mais en fait, on n'en sait rien. L'affirmation est un peu gratuite. "Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse, et soit sauvé", dit le Christ. Cela montre bien que la personne même du pécheur fait l'objet d'une attention très favorable. Ce qui fait obstacle à la réconciliation, ce n'est donc pas la personne du pécheur, mais son propre détournement de Dieu (que l'on nomme "péché"). Ce qui résume bien la relation de Dieu et du pécheur, c'est l'histoire de Caïn. A aucun moment, Dieu ne s'adresse même rudement à Caïn, et ne le rejette définitivement, mais au contraire, il continue de l'entourer de sa protection jusqu'au bout, attendant une seule chose : qu'il retourne vers lui.
Voilà ce que disent les textes, et la doctrine de l'Eglise.
[EDIT]