La Théocratie

« Assurément, il est grand le mystère de notre religion : c'est le Christ ! » (1Tm 3.16)
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Cinci
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Re: La Théocratie

Message non lu par Cinci » dim. 06 juin 2021, 12:42

Il ne s'agit pas d'un plaidoyer pour la théocratie. Personne ne souhaite le suggérer non plus. Et il s'agit bien d'un rejet du laïcisme dans son principe.

Le document est intéressant pour lui-même. Si je le cite, c'est en réponse à Riou et juste question de signaler combien la confessionnalité de l'État est une notion bel et bien catholique, ainsi que le positionnement partisan des officiels en faveur de l'Église. Et alors que ceci ne réclame jamais une confusion entre le politique et le religieux. Cette idée de «confusion» qui m'est souvent ramenée, cette peur infondée, correspond essentiellement à une projection, la projection d'un préjugé.

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Re: La Théocratie

Message non lu par Perlum Pimpum » dim. 06 juin 2021, 13:05

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Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 13:35, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: La Théocratie

Message non lu par Fernand Poisson » mer. 09 juin 2021, 17:37

Perlum Pimpum a écrit :
mer. 02 juin 2021, 20:33
Cher Fernand Poisson,

Au débotté, je définirais une autorité tyrannique comme une autorité exerçant tyranniquement son pouvoir.

Quant à saint Paul, je vous renvoie à ce que j’écrivais en mon message introductif.
[+] Texte masqué

Conformément aux vieilles conceptions juridiques de la Rome républicaine, l’autorité (auctoritas) est ce qui légitime le pouvoir (potestas)... les deux pouvoirs, civil et ecclésiastique, ont chacun une autorité propre qui les légitime. Pour le pouvoir ecclésiastique, la divine constitution de l’Église, c’est-à-dire le fait pour l’Église d’avoir été instituée par Dieu. Pour le pouvoir civil, d’avoir été institué en son principe par Dieu créateur de l’homme, homme qui de sa nature même, qu’il tient de Dieu, est comme animal social appelé à vivre en société, donc à être soumis à une organisation commune, à des lois et à des instances de commandement. Bref, l’autorité vient de Dieu. Quant au pouvoir civil, on précisera que si sa légitimité est d’abord (inchoativement) dans la sociabilité de l’homme, elle est aussi ensuite (terminativement) dans la conformité des lois de ces sociétés à la Loi divine. La parole de l’Apôtre Paul, « soyez soumis aux autorités car tout pouvoir vient de Dieu » (Rm XIII, 1) affirme la légitimité du pouvoir civil envisagée à sa racine (inchoactivement) ; celle de l’Apôtre Pierre, « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac. V, 29), restreint cette légitimité de principe en exigeant que le pouvoir civil se conforme à la Loi de Dieu pour être légitime à exiger l’obéissance.
Cordialement.
Cher Perlum,

Romains XIII n'est pas qu'un enseignement théologique valable de tout temps sur la nature de l'autorité civile. C'est aussi une prescription donnée par Paul à ses interlocuteurs dans la circonstance particulière qui est la leur : obéir aux autorités romaines, pourtant notoirement idolâtres.
Pierre dit la même chose : "Honorez tout le monde, aimez la communauté des frères, craignez Dieu, honorez l’empereur." (I P, II).
Je pense aussi aux apologies des premiers siècles qui insistaient sur le fait que les chrétiens étaient pacifiques et soumis aux autorités.

Bien sûr la désobéissance est nécessaire lorsque lesdites autorités nous ordonnent un péché (par exemple : sacrifier aux dieux païens), mais je m'intéresse ici à la problématique de la révolte armée ayant pour objectif un changement de gouvernement ou de régime.

Si maintenant tout régime non-catholique étant en un sens illégitime, il est permis (si les circonstances s'y prêtent) de le renverser par la force, cette sage doctrine du "pacifisme chrétien" me paraît ruiné. Elle ne serait au fond qu'un calcul politique.
Au contraire, si les Apôtres demandent à leurs interlocuteurs la soumission à l'empire, c'est qu'ils reconnaissent ces autorités comme légitimes. C'est en tout cas mon sentiment à la lecture des Épîtres.

Tel que je me représente la chose, la lutte armée ne serait légitime (abstraction faite des circonstances) que dans des cas très particuliers où la tyrannie est évidente pour tous. Le Troisième Reich par exemple.
Mais j'avoue que la question est difficile et je m'interroge.

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Re: La Théocratie

Message non lu par Riou » jeu. 10 juin 2021, 16:13

[...]

Pour avoir connu et lu de véritables spécialistes de scolastique, ils ne parlent pas ainsi. Lisez Gilson : il n'écrit pas ainsi.

Petit indice : Pascal, pour sa théorie des trois ordres, s'inspire d'un schéma mathématique pour penser les ordres de réalité, et il appartient à une époque qui est en train de s'extraire de la conceptualité scolastique et médiévale. Ce qui rend toute interprétation en terme scolastique erronée si on ne prend pas soin de traduire son langage auparavant.

J'aurais aimé développer les trois ordres en termes compréhensibles, mais je n'en vois pas l'intérêt, car je crois que la discussion est impossible dans cette situation : la seule fois où je l'ai fait, j'ai eu le droit à un "docte" pavé dont certaines propositions sont à la limite du non-sens et auquel il est impossible de répondre de manière sérieuse sans passer trois jours à écrire un message - qui entraînera à son tour une réponse de trois pages qui demandera deux semaines de boulot, etc., et ainsi de suite à l'infini :) .
C'est pourquoi le fait de citer les textes de Pascal me paraît plus approprié : chacun peut voir ce qu'il dit, et chacun pourra compléter ces textes avec d'autres pensées de Pascal (notamment sur la différence de position politique entre les "dévots" et les "parfaits chrétiens") afin de se faire une idée de ce que notre auteur pense quant à une possible tyrannie du spirituel sur le temporel.
C'est pourquoi je ne participerai plus vraiment à cette discussion qui vise en fait à affirmer des idéologies politiques plutôt qu'à réfléchir de manière cordiale sur le rapport entre le religieux et le politique.

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Re: La Théocratie

Message non lu par Cinci » ven. 11 juin 2021, 16:58

Salut Riou,

Je repasse votre message plus haut. Je ne l'avais pas vu.
Bonjour Cinci,

Par ailleurs, je crois que mon objection subsiste : prenons un pays comme la France, où les gouvernants feraient profession de protéger le catholicisme et de garantir l'esprit de ce dernier dans l'esprit du public. Il faudrait pour cela un sacré changement de Constitution, peut-être même un changement de régime, et j'ose espérer que vous n'imaginez pas une seule seconde qu'un tel changement puisse se produire sans une intégration, par l'Eglise, de l'appareil d'Etat et de toutes les zones de pouvoirs nécessaires à un tel changement (presse, réseaus d'influences, partis politiques, éducation nationale, etc.). A leur manière, c'est bien ce que font les protestants américains conservateurs au USA, qui sont un peu les modèles de ce type d'opinion catholique aujourd'hui. Alors il faudra bien jouer le jeu sinistre de la politique, et il vous faudra bien vous agenouiller devant ce que la force exigera de vous pour s'emparer d'elle, etc. Car la force ne se donne pas à n'importe qui...

Ou alors, on parle en l'air, sans esprit de conséquence. Or je crois que c'est un devoir d'être conséquent avec soi-même.
Par ailleurs, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : à quels types de partis appartiennent les individus qui voudraient ce que vous semblez désirer? Nous le savons tous, et cela concerne une grande majorité des personnes professant votre opinion. Il faudrait se crever les yeux pour ne pas voir dans cette démarche une fusion morbide entre un parti d'élection et l'Eglise, et la pudeur du vote, les habiles détours et les milles nuances de gris ne changeront rien à la tonalité fondamentale qui anime un tel projet aujourd'hui.
Bref, il vous faudra faire comme Pierre : sortir l'épée, d'une manière ou d'une autre. Or qui sort l'épée, périra par l'épée; car la force exige cela de vous, et on ne la maîtrise pas ainsi.

Je me borne à signaler ce qui me semblerait bien préférable, au moins d'un point de vue chrétien ou catholique. Ainsi, du point de vue de la religion, pour la transmission de la foi ou sa conservation : un État chrétien confessionnel vaut mieux qu'un régime libéral dans lequel l'État ne reconnaît officiellement aucune religion. Je le pense. Et c'est aussi ce que les papes de l'ère moderne croyaient; alors, une sottise ?


Un État confessionnel chrétien ne réclame nullement un envahissement du politique par des hordes de moines, de dominicains ou de jésuites. Tout ce que ça demande, par contre, c'est un personnel politique, une certaine "élite" et des magistrats ayant suffisamment de foi, intéressés à s'Inspirer de la civilisation chrétienne ou désireux en tout cas d'assurer sa reproduction. Traditionnellement, le consensus était assuré parmi les magistrats, hauts fonctionnaires et autres notables, du fait qu'à peu près tous sortaient aussi d'écoles dont l'enseignement était opéré par des religieux. Ce genre de système fonctionne quand la direction du pays envoie le signal clair que la religion officielle est respectable. Partant de là, l'évangélisation d'un grand nombre s'en trouve facilité.

C'est une situation qui se trouve validé expérimentalement dans la France du XIXe siècle en rétrospective, avant la formation de la IIIe République, c'est à dire lorsque l'administration du pays considérait encore comme devant être une chose parfaitement normale que la religion des Français ou de la France soit le catholicisme. Et pendant la même période l'on ne trouvait aucun pape venant s'immiscer dans la régie interne du gouvernement. Il n'y avait aucun évêque qui "fricotait" en politique active. Il n'y a pas de prêtres (avec ou sans soutane) qui dirige le parti sur les bancs de l'Assemblée national.

Cette situation de confessionnalité chrétienne de l'État existait chez nous avant les années 1960. Et l'on ne trouvait pourtant aucune formation politique esclave ou à la solde des religieux. Il n'y a que des laïcs avec des opinions personnelles variées qui assuraient la bonne marche des affaires publiques. Par contre, oui il y avait ce consensus minimal à l'effet que la seule religion valable pour le pays tout entier n'en pouvait être que la religion chrétienne. Et ceci n'impliquait en rien que le pays soit un État du tiers-monde, une sordide dictature, un territoire national dans lequel les droits humains sont bafoués, des Juifs emprisonnés, des synagogues brûlées, les indigènes animistes maltraités parce que porteur d'une fausse religion. Non, la confessionnalité de l'État ne faisait qu'induire une impulsion générale contribuant à maintenir la population dans les bornes de la loi naturelle, ainsi qu'à préserver globalement un certain respect envers la religion chrétienne.

En contrepartie, avec un État indifférentiste : il arrive qu'avec la dissolution complète de la religion commune c'est la loi ou morale naturelle elle-même qui fiche le camp par la porte de côté ! Le pays va s'en trouver bien davantage ouvert à toutes les formes possibles et imaginables de subversion ou d'expériences nouvelles loin d'être assurées de bien finir.

Il n'y a personne en France au XIXe siècle ou chez nous qui «tirait l'épée» comme vous l'avancez. Quoi ? Pour assurer la confessionnalité de l'État ? Non. Nul n'y aura vu un ordre de moines guerriers occupé à réduire par le fer la dissidence. Si vous prenez les ministres du temps de la monarchie de juillet en France, vous ne les auriez pas vu levant une masse de miliciens vendéens fanatisés afin d'écraser des bourgeois libéraux mal pensants. Même Poutine en Russie ! Alors même qu'il aura souhaité redonner à la religion orthodoxe russe un vrai statut de religion nationale, pour ce faire, personne n'a jamais été témoin qu'il aurait fallu que les popes s'arment comme des miliciens du Hamas. C'est pas vrai qu'il faille qu'un religieux chrétien se fasse lui-même massacreur pour qu'un État quelconque puisse être un État chrétien !

Pour ce qui est de la France actuelle, je n'ai pas de boule de cristal. Il est possible que la situation soit sans issue pour le catholicisme sur place. Possible. Je ne sais pas. Comme chez nous, la population entière a choisi l'apostasie. Possible que les carottes soient déjà cuites et re-cuites et qu'il ne soit déjà plus possible humainement d'espérer le moindre petit redressement qui puisse être positif pour l'extension (survie) de la foi catholique. Tout m'inciterait à croire qu'il n'y a plus rien à faire ni à espérer. La partie serait finie. Le Vainqueur ? Le grand Orient ? Je ne dirais pas le contraire. Néanmoins, ce n'est pas cela qui m'empêcherait de penser et de dire que le mieux serait une situation autre.

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Re: La Théocratie

Message non lu par Perlum Pimpum » ven. 11 juin 2021, 17:06

Cher Riou,

Vouloir s’extraire de la conceptualité scolastique, c’est casse-gueule : les jansénistes l’ont appris à leur dépens…

La vérité est adéquation de la pensée au réel. Une assertion n’est pas plus vraie à être dite en termes pascaliens qu’en termes scolastiques. Mais étant dite en termes scolastiques, dont la précision et la profondeur légitiment la saveur s’il s’agit de viser à l’adéquation la plus juste et précise de la pensée au réel, elle ne peut se retrouver ailleurs qu’autant qu’usant d’une nouvelle terminologie, les assertions en découlant puissent être converties en termes scolastiques. Tout le problème de ces nouvelles terminologies est dans le flou et la confusion de leurs termes. Le bon ordre du raisonnement suppose la précisions des termes. Il ne suffit pas de dire : « je ne parle pas en langage scolastique mais en langage pascalien » pour que celui-ci fasse sens. Si le propos pascalien est intelligible, il trouvera à se convertir en langage ordinaire avant de se convertir en langage scolastique.

Bonne continuation.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: La Théocratie

Message non lu par Perlum Pimpum » ven. 11 juin 2021, 17:50

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Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 13:36, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: La Théocratie

Message non lu par Cinci » ven. 11 juin 2021, 18:00

Autrement ...

Comme j'ai déjà dit, je ne vois pas ce que la notion de «théocratie» vient faire avec la religion chrétienne. Notre ami Perlum Pimpum ne s'est toujours pas expliqué clairement à ce sujet (*). Le royaume de France n'a jamais été une théocratie.

Que le roi de France ait pu tenir son autorité de Dieu directement via le sacre ou par l'onction de l'huile de la sainte ampoule : il n'en faisait pas du roi le «commandeur des croyants». Ce n'est pas le roi de France qui pouvait faire et défaire les papes, annuler un concile de l'Église ou qui dicterait la discipline à faire observer par les moines à Cluny. Le roi de France ne pouvait même pas se mêler de ce qui se passait dans l'Université de la Sorbonne à Paris ! Le roi de France n'était pas à la tête d'un État religieux tentaculaire. Il n'était pas non plus celui qu'on devait consulter spécialement en cas de litige religieux.

Quant au pape ? Il a un pouvoir de juridiction qui s'exerce sur l'ensemble des membres de l'Église, et le roi de France y compris en tant qu'individu. Sauf que le pape ne gouverne pas la société civile.

Le pape saint Pie V est obligé de supplier à genou le roi de France ou celui d'Espagne pour qu'ils prêtent leur concours à l'opération d'attaque défensive contre le Grand Turc. J'ai même vu le pape François être obligé de rejouer la scène (toute proportion gardée) la fois des Yézidis, quand ces derniers se seront retrouvés quasiment à portée de bras des massacreurs de l'État islamique. Il aura fallu que le pape se déchausse, mettre un cilice et prie les saints du ciel en même temps que quelque puissance occidentale, pour que quelqu'un intervienne et fasse barrage aux mauvais desseins des infidèles. Dans l'un ou l'autre cas, ce ne serait pas la marque d'une théocratie.

_____
(*) Pour l'idée de vouloir faire usage de ce terme inapproprié, selon moi. Je ne vois pas la raison pourquoi Perlum Pimpum souhaiterait à toute force employer ce mot.

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Re: La Théocratie

Message non lu par Riou » ven. 11 juin 2021, 23:47

Cinci a écrit :
ven. 11 juin 2021, 16:58

Je me borne à signaler ce qui me semblerait bien préférable, au moins d'un point de vue chrétien ou catholique. Ainsi, du point de vue de la religion, pour la transmission de la foi ou sa conservation : un État chrétien confessionnel vaut mieux qu'un régime libéral dans lequel l'État ne reconnaît officiellement aucune religion. Je le pense. Et c'est aussi ce que les papes de l'ère moderne croyaient; alors, une sottise ?
Bonjour Cinci,

J'ai bien compris le sens de votre propos, et je comprends bien que vous n'êtes pas un fanatique sanguinaire qui sort le couteau entre les dents pour imposer votre religion. Je vois bien également que vous vous restreignez à ce que la doctrine catholique pourrait en dire, même si je pense que le contexte historique joue beaucoup dans l’élaboration de la position politique de l’Église et dans le rapport entre la cité des homes et la cité de Dieu.
Mon objection est double : elle est factuelle d'une part, et je pense que nous sommes d'accord sur ce point là; il semble en effet qu'aujourd'hui, une telle doctrine politique, même si vous vous contentez de la rappeler, comme vous le dites, est tout simplement impossible dans un pays comme la France, par exemple.
D'autre part, quant au principe d'une religion soutenue politiquement : mon expérience de ce que j'ai pu voir au Maroc ou dans d'autres pays avec une présence politique de l'islam me fait distinguer entre un grand "respect" extérieur pour la religion et un réel attachement du cœur et de l'intelligence; car je vous garantis que dans les cœurs, quand vous avez la possibilité de parler vraiment en privé avec nombre de marocains, la religion laisse indifférent, quand elle ne provoque pas une forme de haine secrète mais bien réelle. Certes, il ne s'agit pas d'un État chrétien, mais tout de même : l'utilité d'une telle comparaison tient au fait qu'une très forte présence sociale et politique de la religion dans l'espace public tend, selon moi, à dégrader cette même religion, qui n'est respectée par beaucoup qu'en façade - la peur de la pression du groupe, la crainte des puissances, la coutume d'affecter un respect pour des choses qui n'emportent pas le cœur, une religiosité qui tend pour une bonne partie à un jeu avec les apparences, une sorte de pratique purement extérieure, un zèle pour se faire bien voir, etc. La religion devient autre chose qu'une authentique religiosité.
Ceci me semble aller dans le sens de la laïcité. Évidemment, je parle d'une laïcité qui ne soit pas une hypocrisie qui passe en contrebande un athéisme D’État et un impératif de jouissance illimitée en guise de mœurs. On gagnerait beaucoup à avoir une véritable historiographie des États chrétiens en France ou ailleurs dans les siècles qui nous précèdent : Qu'en était-il vraiment de la religiosité du peuple dans ces conditions?

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Re: La Théocratie

Message non lu par Cinci » mer. 16 juin 2021, 19:20

Salut Riou,

J'ai lu votre commentaire. Merci pour la réaction. Mais dans votre objection, vous vous arrêterez surtout, il me semble, à supposer que la qualité de la foi chez les fidèles serait supérieure aujourd'hui dans l'ensemble comparativement à ce que cela aurait dû être durant tous ces siècles durant lesquels la foi catholique aura pu être indiscutablement la religion commune, imprégnant de facto la sociabilité des gens, du berceau jusqu'à la tombe.

Vous n'auriez pas l'impression de trouver là-dedans une sorte de préjugé assez téméraire ?

D'un, vous auriez vraiment l'impression que les baptisés d'aujourd'hui sont des fidèles fortement attachés à la foi de l'Église ? à ses dogmes ? Avec un taux de pratique tournant autour d'un peu moins de 5%, l'on pourrait croire facilement que les catholiques prient énormément, font pénitences bien plus que leurs aïeux , on un sens du péché plus développé ?

De deux, l'idée que des croyants vivant une expérience religieuse plus ressemblante à celle des protestants (*) signifierait simultanément avoir affaire à de meilleurs croyants (plus sérieux dans leur engagement personnel, plus adultes, plus portés à rechercher vraiment la volonté du Seigneur, etc.) me ferait surtout penser à une diffamation des catholiques traditionnels purement et simplement. Comme si l'adoration eucharistique du temps du curé d'Ars ne pourrait jamais rien apporter d'aussi bon que le fait de participer soi-même à la messe (participer au sens du changement liturgique de 1968).

Enfin ...

Vous m'amenez en toile de fond l'expérience d'un pays musulman comme le Maroc. Sauf que partout dans le monde islamique qui est une religion de la loi, de toute manière, la religion sera toujours vécue sous un mode extérieur, très axé sur le faire, jamais autant que sur une sorte de relation mystique et tout intimiste avec le divin. En reprenant votre propre exemple musulman : mon point c'est que l'on pourrait s'attendre à ce que la piété musulmane se porte globalement moins bien dans un pays comme le Maroc, une fois (supposons-le !) que le pays aurait pu adopter le régime libéral, lorsque plus personne ne serait dans l'obligation de prier, jeûner; quand la télé pourrait passer des émissions ridiculisant le prophète, des documentaires révélant des scandales à répétition impliquant les religieux, quand la presse valoriserait les esprits éclairés ayant su rompre avec l'obscurantisme et devenir des libre-penseurs tolérants et amis des plaisirs.

_____
(*) avec une religion simplifiée, épurée des anciennes pratiques traditionnelles; plus de Bible et plus d'avis contradictoires de théologiens critiques, et bien moins de vie de saints, moins de procession, etc.

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Re: La Théocratie

Message non lu par Perlum Pimpum » jeu. 17 juin 2021, 10:56

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Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 13:36, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: La Théocratie

Message non lu par Gaudens » ven. 18 juin 2021, 17:36

Bonjour Perlim Pimpum (un pseudo à tout casser finalement ?),

Comme je vois que personne ne vous a répondu depuis hier,je le fais pour mon compte ,encore plus rapidement:

Si votre addendum final (légitimité de l'évangélisation par l'épée) signifie qu'il est la conclusion normale de vos prémisses (c'est apparemment votre opinion mais ,ne voulant pas jouer trop "gagnant" de mon côté, je dirais que c'est encore discutable),je vois qu'une seule courte phrase de l'Evangile suffirait à ruiner votre système:

"quiconque tire l'épée périra par l'épée".

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Re: La Théocratie

Message non lu par Gaudens » ven. 18 juin 2021, 17:53

Une phrase est restée au bout de ma plume virtuelle:
En tous cas vos propos me semblent rendre très désirables une réflexion de fond sur le concept et la pratique de la laicité, surtout dans un contexte français. NNSS les évêques seraient bien inspirés de s'y livrer bien que le thème soit assez glissant mais nous, simples et modestes laics, pouvons aussi nous y risquer.
A voir si la Cité a jamais ouvert un tel fil (je ne suis pas très doué pour balayer les tables des matières...).

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Re: La Théocratie

Message non lu par Riou » ven. 18 juin 2021, 18:39

Bonjour,
Perlum Pimpum a écrit :
jeu. 17 juin 2021, 10:56

  • (1) La laïcité est un affranchissement du droit naturel de sa source divine : les conclusions auxquelles atteint la raison sont donc fausses. Cet affranchissement est paradigmatique : c’est un refus du théocentrisme auquel l’anthropomorphisme est substitué : c’est une idolâtrie.
Il y a vraiment des confusions dans vos propos. Ce n'est pas "anthropomorphisme", mais plutôt "anthropocentrisme" qui conviendrait mieux ici, du moins si j'en crois le sens global de la phrase.
L'anthropomorphisme, en contexte religieux, consiste à se faire une image humaine de la divinité. En ce sens, les critiques adressées au christianisme pour son "anthropomorphisme" sont assez absurdes, puisqu'en un sens, le christianisme assume pleinement cette position, notamment par l'Incarnation.
Perlum Pimpum a écrit :
jeu. 17 juin 2021, 10:56

  • (2) Par delà son inspiration libérale - je parle du libéralisme politique - la laïcité est un article de foi, un dogme de foi humaine (et en France, de foi humaine et maçonnique).


Confusion très courante parmi les français : la loi de 1905, en vérité, ne parle jamais vraiment de laïcité, mais plutôt de "séparation". Et ce point est essentiel, de même qu'il n'est pas si contradictoire avec les évangiles. Beaucoup d'arguments ont déjà été donné ici-même. Il s'agit d'une séparation entre l'Etat et la présence des différentes religions dans la société, ce qui implique une séparation relative entre le spirituel et le temporel. Il n'est donc pas question "d'articles de foi".
Par ailleurs, il semble que vous ne saisissez pas du tout la distinction essentielle entre libéralisme et républicanisme. La théorie de la séparation à la française est un problème typiquement républicain.
Perlum Pimpum a écrit :
jeu. 17 juin 2021, 10:56


Mais je doute que ce soit la seule ou la meilleure façon de faire. J’en connais une autre, révolutionnaire : révolution implique épuration. Bref, l’évangélisation par l’épée, conformément à la praxis ecclésiale médiévale - et je ne résiste pas au plaisir de citer ici ce païen de Nietzsche : « ce n’est pas leur charité mais leur absence de charité qui empêche les chrétiens d’aujourd’hui de nous brûler »
C'est tout simplement effrayant, et le fait que vous ayez recours à Nietzsche, et notamment à cette citation, est assez révélateur : le philosophe allemand veut dire par là que le christianisme est un nihilisme qui, quand on le pousse jusqu'au bout, nie la vie sur l'autel de l'absolu et s'impose par la violence et non l'amour. Il veut dire par là que la "charité" au sens chrétien a un goût de sang, que c'est une apparence qui voile le désir du bourreau, et que c'est la force et la domination qui priment sur tout. Voilà votre catéchisme : une épuration qui va jusqu'à la restauration du bûcher, pour ne pas parler de meurtre. Vous avez foi dans la force, comme lorsque Pierre a sorti l'épée. L'exemple typique de la confusion des ordres, avec la tyrannie d'un ordre sur l'autre.
Gaudens a parfaitement répondu à un tel propos.

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Re: La Théocratie

Message non lu par Perlum Pimpum » ven. 18 juin 2021, 22:28

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Dernière modification par Perlum Pimpum le lun. 13 juin 2022, 13:38, modifié 2 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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