Nouveauté immuable ?!

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Didyme
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Re: Nouveauté immuable ?!

Message non lu par Didyme » lun. 07 nov. 2022, 1:02

Riou a écrit :
dim. 06 nov. 2022, 16:17
Didyme a écrit :
dim. 06 nov. 2022, 14:43


Mais je me demande s'il peut y avoir une nouveauté en Dieu pour Lui-même ?
Ce qui est délicat dans le lien entre nouveauté et immuabilité, c'est que cela implique la tension entre des catégories apparemment contradictoires : le Même et l'Autre, le Mouvement et le Repos.
Dire de quelque chose qu'il est "nouveau", c'est dire qu'il y a quelque chose de plus qu'auparavant, qu'une forme "d'inédit" est advenue. C'est donc dire que, d'une certaine manière, il y a eu altération (Autre), changement, c'est-à-dire mouvement venant troubler le repos.
Or, la notion d'altération, à propos d'un être Absolu et éternel, pose problème, puisque cela revient à introduire en lui du changement, voire de la corruption, perdant ainsi le caractère éternel de l'être en question. Pour autant, envisager un Repos qui serait inerte et comme mort serait tout aussi problématique et limité, pour ne pas dire insatisfaisant.
Il faudrait donc que Dieu intègre l'Autre tout en restant le Même, qu'il soit Mouvement vivant et Repos éternel en même temps. Nous sommes donc à la limite du langage et de la théologie, car nous pensons ces catégories à partir de nos conditions de représentations empiriques des choses, ces mêmes représentations étant plongées dans le relatif. C'est en ce sens que parler de Dieu est toujours équivoque, et qu'il faut toujours s'empresser de nier ce qui a été posé à l'instant.
Effectivement, c'est très compliqué de parler de ces choses-là. Tantôt je découvre quelque chose et tantôt j'ai l'impression de me tromper tant c'est toujours une conception limitée de choses infiniment plus vastes.

Pour ce qui est d'intégrer l'Autre tout en restant le même, je me pose la question de cette réelle séparation, distance entre cet autre et Dieu.
Notre condition, nos œillères, nos représentations, nous font penser que l'autre n'est que autre.
Mais je pense qu'il y a une unité bien plus profonde en Dieu, l'alpha et l'oméga de toute chose, qu'une simple entente d'individualités, même forte.

Pour autant, il me semble être en accord avec le reste.

Riou a écrit :Mais il me semble que la Vie (Zoé) permet de penser la contradiction de manière féconde. Il s'agit de la Vie vivante qui caractérise, dans la Bible, la vie même de Dieu, et pas de la bios, la vie biologique et éthique de l'être humain.

Deux choses peuvent exprimer cette Vie qui dépasse cette tension contradictoire entre le Même et l'Autre, le Mouvement et le Repos :
- La Trinité, qui intègre la Vie de Dieu dans la circulation d'amour au cœur des trois Personnes.
- Le cercle : les grecs, pour se figurer une éternité vivante qui ne soit pas la négation de la vie et du mouvement utilisaient la géométrie : un cercle en mouvement sur lui-même dépasserait la contradiction. Car bien qu'en mouvement et en changement, le cercle qui tourne sur lui-même demeure le Même que lui-même. La figure du cercle s'oppose à la ligne droite indéfinie, souvent utilisée pour figurer la ligne temporelle ou des idéologies comme le progrès (quand la ligne monte vers le haut du plan), la décadence (quand elle va vers le bas), ou les allers et retours incessants (quand elle forme des montagnes).
Vous m'éclairez sur le pourquoi les Pères grecs comme Origène par exemple avaient cette conception du temps cyclique.
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Didyme
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Re: Nouveauté immuable ?!

Message non lu par Didyme » lun. 07 nov. 2022, 1:10

Ombiace a écrit :
dim. 06 nov. 2022, 22:32
Merci, Riou, le recul que vous apportez sur notre réflexion est précieux. Je suis d'accord en particulier avec la partie que j'ai pris la liberté de mettre en gras.

C'est de cela, voyez-vous, Didyme, dont je parlais quand vous me faisiez penser à un Dieu figé, comme s'Il faisait partie du mobilier..
Il ne risque pas de faire partie du mobilier puisqu'il est la pièce. :D
Il n'est pas figé puisque c'est lui qui fait tout, et qui nous fait participer à sa Vie, à son agir.
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Re: Nouveauté immuable ?!

Message non lu par cmoi » lun. 07 nov. 2022, 6:06

Riou a écrit :
dim. 06 nov. 2022, 16:17
La catégorie de "nouveauté" me paraît fragile pour exprimer ce dont il est question ici.
Effectivement, et c’est bien pourquoi la théologie apophatique est meilleure. Votre post exprime parfaitement sinon la difficulté..
Mais puisque Didyme est parti avec cette idée et la relance, je l’adopte :
Il faut bien un point de départ...
Didyme a écrit :
dim. 06 nov. 2022, 14:43
En fait, je crois comprendre que ce que vous voulez dire c'est qu'il est perpétuellement nouveau, mais pour nous, de notre position, de ce qu'il nous dépasse infiniment en toute chose. Ça d'accord.

Mais je me demande s'il peut y avoir une nouveauté en Dieu pour Lui-même ?
L'idée me paraît aberrante. D'un côté, comme vous le disiez ce n'est pas comme si quelque chose pouvait lui être apporté de l'extérieur, par nous par exemple. Quoique assez étrangement beaucoup de ceux qui tendent vers la conception d'une liberté humaine excessivement absolutisée en arrivent à une telle idée...
D'un autre côté, je peux le concevoir selon sa qualité créatrice. Mais alors nouveauté procédant de Lui-même, comme jaillissant de Lui-même, de sa dynamique, de son éternelle fécondité créatrice. Nouveau tout en étant en Lui car procédant de Lui, participant à son Tout et inclus dans son immuabilité.
Par ailleurs, la vie, l'amour sont sans cesse nouveaux, renouvelés, vivants. Sans quoi ils se scléroseraient.
Donc oui, assez mystérieusement il semblerait que Dieu soit nouveauté perpétuelle et immuable, car nouveauté procédant de Lui, non de l'extérieur. Et si cela vient de Lui alors c'est bien nouveau tout en étant inhérent à son immuabilité.

Et au final, comme vous disiez au début "il ne dépend que de lui-même dans l'immutabilité de son être libre".
Cette idée d’extériorité que j’ai lancée ne rend pas compte de la totalité de la problématique même si elle ouvre une porte sur Sa réalité – que vous me semblez avoir bien cernée, je ne fais que compléter.

Prenons l’exemple d’un gymnaste. A force d’entraînement, il est arrivé au max de ses possibilités. Chacun de ses sauts est « parfait ». Pourtant, à chaque saut, il y a la nouveauté de la sensation de Ce saut. Et bien qu’il la connaisse et le connaisse déjà parfaitement. Ainsi en va-t-il pour Dieu à quoi s’ajoute ce que son éternité y apporte, c’est à dire que l’instant du saut lui-même est sans cesse nouveau, il est (et Il est) comme en apesanteur dans son propre temps. Joie pure. (Sans oublier qu'il ne connait ni la fatigue ni le risque de se blesser, etc.)

On peut dire aussi que cette nouveauté découle de sa perfection ou en est un attribut : c’est pourquoi la théologie classique insiste pour dire que Dieu n’a pas créé par ennui, parce que la solitude lui pesait, ou par besoin d‘amour, etc..

Penser à cette « source jaillissante en vie éternelle » qu’il nous promet (Jean). Il est comme ce torrent qui ressemble à lui-même alors que l’eau qui coule n’est jamais la même, et puisqu’Il n’est limité par rien, ni l’espace ni le temps, ni sa création ni lui-même.

Si vous avez suivi mes exemples, vous comprendrez que l’on puisse dire que son immutabilité découle de sa nouveauté et non qu’elles s’opposent. Et du coup, qu’on puisse aussi inverser le sens – sa nouveauté découle etc.
Ce sont 2 concepts qui aident à comprendre mais à un moment de la réflexion, il faut les abandonner…
Alors commence l‘apophatique et que la poésie peut mieux exprimer que le raisonnement…

Et nous sommes alors proches d'entrer en contemplation !

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Re: Nouveauté immuable ?!

Message non lu par Didyme » lun. 07 nov. 2022, 14:51

Oui, c'est vrai que l'apophatique est une approche intéressante.
L'autre est un semblable.

cmoi
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Re: Nouveauté immuable ?!

Message non lu par cmoi » mar. 08 nov. 2022, 5:43

Didyme a écrit :
lun. 07 nov. 2022, 14:51
Oui, c'est vrai que l'apophatique est une approche intéressante.
Je voudrais revenir sur l’entrée en contemplation, qui devrait être le but de toute théologie.
L’intervention de Marss135 était intéressante en ce qu’en recentrant son propos sur Jésus, elle contenait une sorte d’avertissement implicite, concernant le risque de tomber dans l’abstraction, le rêve ou des élucubrations de l’Esprit.
Or il y a la parole de Jésus à la fin du chapitre 8 de Jean : « avant qu’Abraham fut, je suis ». Du coup tout devient très concret, et même inouï, car c’est un homme comme nous qui a dit cela, et quelles conséquences cela a !
A la question :
Didyme a écrit :
dim. 06 nov. 2022, 17:16
alors comment expliquer le péché ?!
Jésus y a aussi un peu déjà répondu : ce n’est qu’une « sottise ».
Or avec le recul, les sottises de nos enfants ne sont-elles pas ce qui alimente nos souvenirs, ce à travers quoi nous les reconnaissons et identifions le mieux – pourvu qu’ils s’en sortent. Certains saints ont imaginé à partir de là que de ces sottises Dieu ferait notre couronne de gloire, au ciel. Jésus a appelé « fils de la foudre » ceux qui voulurent la faire descendre indûment, « le jumeau » celui qui voulait « y aller et mourir avec lui » : ces surnoms dus à son amour sont éloquents, non ?

A défaut de capacité pour la théologie apophatique, il y a l’imagination. Par exemple, Jésus n’a pas besoin de « machine à remonter le temps » pour en faire ce qu’il veut. Et au ciel, il pourra nous en faire bénéficier, et nous pourrons revoir nos seulement tous les instants de nos vies, mais de celles des autres et même en d’autres lieux, d’autres temps. Avec quels moyens et pour quel but, mystère, et puis ce n’est qu’une possibilité, peut-être qu’elle nous paraîtra alors dérisoire et dépassée, mais peut-être pas. Pourrons-nous réellement « réparer » nos fautes, développer des talents que nous avons dû « sacrifier », aimer ceux à qui nous avons dû « renoncer », etc. ?

Tout cela peut alimenter nos prières, au moins une fois quand on y aura pensé, après cela dépend du tempérament de chacun (nostalgique ou autre) mais ce qui est sûr, c’est que cela peut et doit (sinon s’abstenir !) fortifier l’Espérance. Car il ne s’agit pas là d’autre chose, ni la foi ni la charité ne sont en cause et certaines questions comme celles ici de Ombiace ne doivent pas nous être « douloureuses » ou nous donner des complexes en attendant que nous leur trouvions une réponse. Il n’est même pas sûr que ce soit « bien » d’en recevoir une de l’extérieur, parfois oui parfois non, il vaut souvent mieux mettre sur la voie qu’en donner, c’est aussi plus humble, car chercher et persévérer renforce la vertu.

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