Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

« Assurément, il est grand le mystère de notre religion : c'est le Christ ! » (1Tm 3.16)
Règles du forum
Forum de discussions entre chrétiens sur les questions de théologie dogmatique
Avatar de l’utilisateur
Xavi
Prætor
Prætor
Messages : 2203
Inscription : mar. 28 juil. 2009, 14:50

Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Xavi » ven. 21 juil. 2023, 18:30

La récente nomination de Mgr Victor Fernandez comme préfet du Dicastère pour la Doctrine de la foi a été accompagnée d’une lettre particulièrement importante de notre Saint-Père, le Pape François, qui lui a été adressée ce 1er juillet 2023.

Elle est publiée en espagnol sur le site du Vatican :
https://www.vaticannews.va/es/papa/news ... na-fe.html
avec une traduction française proposée par le site Zénith :
https://fr.zenit.org/2023/07/03/lettre- ... de-la-foi/

J’en reproduis cette traduction ci-dessous en soulignant quelques passages qui me semblent particulièrement remarquables.
À Son Excellence Révérendissime Archevêque Víctor Manuel Fernández

Cité du Vatican, 1er juillet 2023

Cher frère,

En tant que nouveau préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, je vous confie une tâche que je considère très précieuse. Son objectif central est de veiller sur l’enseignement qui découle de la foi afin de « donner des raisons à notre espérance, mais pas comme un ennemi qui critique et condamne » (1).

Le Dicastère, que vous allez présider, a connu d’autres époques où il a utilisé des méthodes immorales. Ce que j’attends de vous est certainement très différent.

Vous avez été doyen de la Faculté de théologie de Buenos Aires, président de la Société argentine de théologie et président de la Commission Foi et Culture de l’épiscopat argentin, dans tous les cas, élu par vos pairs qui ont ainsi apprécié votre charisme théologique. En tant que recteur de l’Université catholique pontificale d’Argentine, vous avez encouragé une saine intégration des connaissances. D’autre part, vous avez été curé de « Santa Teresita » et jusqu’à présent archevêque de La Plata, où vous avez su faire dialoguer les connaissances théologiques avec la vie du saint peuple de Dieu.

Étant donné que pour les questions disciplinaires – en particulier celles liées à l’abus de mineurs – une section spécifique a été récemment créée avec des professionnels très compétents, je vous demande, en tant que préfet, de consacrer votre engagement personnel plus directement à l’objectif principal du Dicastère, qui est de « garder la foi » (2).

Pour ne pas limiter la portée de cette tâche, il convient d’ajouter qu’il s’agit « d’accroître l’intelligence et la transmission de la foi au service de l’évangélisation, afin que sa lumière soit un critère pour comprendre le sens de l’existence, surtout face aux questions que posent le progrès des sciences et l’évolution de la société » (3). Ces questions, intégrées dans le cadre d’un renouveau du Dicastère, ont été abordées dans le cadre d’une réflexion sur l’avenir de la foi. Et alors, ces questions, intégrées dans une annonce renouvelée du message évangélique, « deviennent des instruments d’évangélisation » (4) parce qu’elles nous permettent d’entrer en dialogue avec « notre situation actuelle, qui est à bien des égards sans précédent dans l’histoire de l’humanité » (5).

De plus, vous savez que l’Église « grandit dans son interprétation de la parole révélée et dans sa compréhension de la vérité » (6) sans que cela implique l’imposition d’une manière unique de l’exprimer. En effet, « des courants de pensée différents en philosophie, en théologie et dans la pratique pastorale, s’ils sont ouverts à la réconciliation par l’Esprit dans le respect et l’amour, peuvent permettre à l’Église de grandir » (7). Cette croissance harmonieuse préservera la doctrine chrétienne plus efficacement que n’importe quel mécanisme de contrôle.

Il est bon que votre tâche exprime que l’Église « encourage le charisme des théologiens et leurs efforts d’érudition » à condition qu’ils ne se « contentent pas d’une théologie de bureau » (8), d’une « logique froide et dure qui cherche à tout dominer » (9). Il sera toujours vrai que la réalité est supérieure à l’idée.

En ce sens, nous avons besoin que la théologie soit attentive à un critère fondamental : considérer que « toutes les notions théologiques qui remettent en cause la toute-puissance même de Dieu, et sa miséricorde en particulier, sont inadéquates » (10). Nous avons besoin d’une pensée capable de présenter de manière convaincante un Dieu qui aime, qui pardonne, qui sauve, qui libère, qui promeut les personnes et les appelle au service fraternel.

Cela se produit si « le message doit se concentrer sur l’essentiel, sur ce qui est le plus beau, le plus grand, le plus attirant et en même temps le plus nécessaire » (11). Vous savez bien qu’il existe un ordre harmonieux entre les vérités de notre message, et que le plus grand danger survient lorsque des questions secondaires finissent par éclipser les questions centrales.

Dans l’horizon de cette richesse, votre tâche implique aussi un soin particulier pour vérifier que les documents de votre Dicastère et des autres ont un support théologique adéquat, sont cohérents avec le riche humus de l’enseignement pérenne de l’Église et en même temps prennent en compte le Magistère récent.

Que la Sainte Vierge vous protège et veille sur vous dans cette nouvelle mission. Ne cessez pas de prier pour moi.

Fraternellement,

François

[1] Exhortation apostolique Evangelii gaudium (24 novembre 2013), 271.
[2] Motu proprio Fidem servare (11 février 2022), Introduction.
[3] Ibid. 2.
[4] Exhortation apostolique Evangelii gaudium (24 novembre 2013), 132.
[5] Lettre encyclique Laudato si’ (24 mai 2015), 17.
[6] Exhortation apostolique Evangelii gaudium (24 novembre 2013), 40.
[7] Ibid.
[8] Exhortation apostolique Evangelii gaudium (24 novembre 2013), 133.
[9] Exhortation apostolique Gaudete et exsultate (19 mars 2018), 39.
[10] Commission théologique internationale, L’espérance du salut pour les enfants qui meurent sans avoir été baptisés (19 avril 2007), 2.
[11] Exhortation apostolique Evangelii gaudium (24 novembre 2013), 35.
Traduit de l’anglais par Zenit
Cette lettre contient de précieux enseignements sur ce qui fait l’objet même de notre forum : « l’intelligence de la foi », et les orientations de cette lettre, concernant la manière de « garder la foi » qui constitue la mission principale du dicastère « pour la Doctrine de la Foi », montrent aussi, à tous ceux qui s’intéressent à la promotion et au développement de l’intelligence de la Foi Catholique, les besoins prioritaires auxquels chacun est invité à être attentif à notre époque.

Garder la foi, c’est, bien sûr, d’abord et inconditionnellement, garder précieusement le trésor des Saintes Écritures et de la Tradition qui en éclaire le sens et la portée depuis déjà près de deux mille ans dans la communion de l’Église, rassemblée par les Papes successifs depuis Saint Pierre. La foi ne change pas.

Mais, cette conservation qui assure une transmission authentique de la Foi, n’implique pas un immobilisme dans des mots figés exprimés dans un contexte particulier alors que le langage évolue dans un contexte culturel lui-même évolutif, ce qui exige, sans cesse, de réactualiser les mots pour chaque génération, en tenant compte de l’accroissement des connaissances.

La Tradition est toujours vivante et demande toujours d’actualiser l’annonce de la foi car la Parole de Dieu écrite ne suffit pas aux individus que nous sommes et qui avons toujours besoin de la comprendre à notre époque et dans notre contexte, en communion avec l’Église.

Cette communion implique une fidélité aux enseignements solides du passé mais aussi au Magistère actuel de l’Église qui est le corps du Christ.

Au cœur de sa lettre à Mgr Fernandez, le Pape François nous rappelle une évidence trop négligée à notre époque : « Il sera toujours vrai que la réalité est supérieure à l’idée. ».

À cet égard, parce que Dieu est infiniment autre et au-delà de ce que nos mots peuvent en dire, les idées (y compris les dogmes) qui sont exprimées par des mots humains ne sont jamais des absolus dans la manière dont elles sont formulées, mais sont toujours des points de vue sur la réalité avec des mots humains qui sont eux-mêmes imparfaits et imprécis de sorte qu’ils ne cessent jamais de devoir être réactualisés par le Magistère actuel de l’Église.

À notre époque, au nom de la science et de la technologie, se développe de plus en plus, dans tous les domaines (on le voit fort dans les positions sur la vaccination Covid ou sur la guerre en Ukraine) une tendance à considérer le réel par une pensée unique qui serait « la » vérité de « la science » attestée par les « experts qui savent », alors que la réalité, dans son infinie complexité, permet des points de vue parfois très différents et parfois des choix opposés. À cet égard, la lettre du Pape peut aider à rappeler que c’est le dialogue et l’écoute des points de vue différents qui permet au mieux d’approcher ce qui est vrai.

Certes, cette lettre, comme chaque parole humaine exprimant une idée, peut toujours être interprétée d’une manière mettant en évidence une lecture négative d’un élément qui peut donner un sens négatif à la parole toute entière. Toute parole humaine est toujours susceptible de compréhensions diverses dues aux imprécisions du langage lui-même et aux compréhensions très variables des humains qui l’utilisent.

Ce fut le cas dès la première parole de Dieu exprimée avec des mots humains à Adam et Ève. Au lieu de regarder la bénédiction qu’étaient pour eux tous les arbres du jardin d’Eden et même l’arbre qui contenait une limite qui devait protéger leur vie, il a suffi d’un peu de méfiance, d’un regard négatif sur le sens de cet arbre de la connaissance pour détruire la parole reçue et la vie même qu’elle portait.

Ici encore, il est possible de regarder cette très belle lettre du Pape François en lui donnant un sens négatif par lequel certains perçoivent un manque de fidélité à la foi de l’Église exprimée jadis ou en mettant en avant des dangers possibles. Mais, s’il est légitime et utile d’être attentifs aux dangers que tout point de vue particulier peut présenter, soyons certains que l’Esprit Saint veillera toujours sur l’Église qui est le corps du Christ.

Un surplus d’attention aux points de vue différents et au dialogue entre eux est un grand besoin à notre époque. Cela ne condamne pas les priorités différentes du passé, ni la nécessité toujours plus grande d’une stricte attention à la Doctrine de la Foi Catholique dont chaque Pape n’est qu’un humble serviteur.

Le fidèle catholique veille soigneusement à respecter, les Écritures, les enseignements des Pères de l’Église, et les dogmes définis tout au long de l’histoire de l’Église, non par une lecture personnelle, mais par une lecture en église, en communion avec le Pape et les évêques.

En pratique, nous pouvons cependant tous ressentir des contradictions, des incohérences, des désaccords, entre des paroles du Magistère d’hier ou d’aujourd’hui, ou entre des évêques de notre temps.

Parce que nous sommes tous des humains qui parfois se trompent, parfois s’égarent, mais parfois aussi se différencient seulement par des regards et des langages différents regardant autrement ou de points de vue différents une même réalité.

Mais, le Pape François termine sa lettre avec une indication qui vaut pour tous et qui définit ce que doit être notre examen de tout écrit concernant la foi catholique : il s’agit toujours de « vérifier » si, dans ce qui est dit ou écrit, il y a un « support théologique adéquat » et le Pape de préciser aussitôt en quoi il convient de juger ce caractère adéquat. Il s’agit de vérifier si les écrits en cause « sont cohérents avec le riche humus de l’enseignement pérenne de l’Église et en même temps prennent en compte le Magistère récent. ».

C’est toujours une double référence qui évalue ainsi la conformité d’un écrit à la foi catholique qui se transmet depuis deux mille ans. C’est, « en même temps », une fidélité sans discontinuité aux enseignements infaillibles du passé qui ne changent pas et une compréhension sans cesse renouvelée de ces mêmes enseignements en communion avec le Magistère actuel.

Il est vain, et même nécessairement erroné (car cela supposerait des contradictions dans l’action de l’Esprit Saint au cours de l’Histoire de l’Église), de prétendre opposer l’un et l’autre. Nous sommes sans cesse invités à comprendre ce que dit le Magistère récent ou actuel en cohérence avec l’enseignement de la Foi qui l’a précédé avec la même autorité.

Mais, à notre époque où les partages de savoirs et de points de vue n’ont jamais été si nombreux, le Pape François exprime une inquiétude particulière devant une attitude qui se répand de plus en plus : celle de caricaturer et de rejeter un point de vue « autre » sans avoir suffisamment cherché à le comprendre dans un dialogue attentif à discerner le sens donné par celui qui exprime ce point de vue.

Avant d’affirmer qu’un point de vue est « faux » ou le condamner, dans un contexte où les humains échangent dans des centaines de langages dont le sens est parfois très peu maîtrisé et dans des contextes culturels très différents, ne faut-il pas en tenir compte ?

Lorsque les pensées théologiques ne dépassaient guère le cercle d’une petite élite où le latin était la langue de tous, il était peut-être plus aisé de s’accorder avec précision sur les mots adéquats à admettre ou non.

Aujourd’hui, le Pape François revient à l’essentiel qui est de « présenter de manière convaincante un Dieu qui aime, qui pardonne, qui sauve, qui libère, qui promeut les personnes et les appelle au service fraternel ». Ce ne sont pas les mots et les idées qui sont premiers.

Il commence sa lettre en rappelant que l’enseignement « découle de la foi ». Oui, c’est la foi, celle qui nous convertit et nous tourne vers le Christ, qui est la source de l’enseignement, même si, à son tour, l’enseignement fait naître la foi chez d’autres. Mais, en premier, c’est la foi. Foi en l’amour infini de Dieu, Foi en Dieu créateur du Ciel et de la terre, Foi en Dieu qui se révèle et se fait homme en Jésus-Christ, Foi en l’Esprit Saint qui ne cesse jamais de veiller à la transmission de la Foi par le corps du Christ qu’est l’Église rassemblée par Pierre et ses successeurs.

Aussi, pour le Dicastère confié à Mgr Fernandez, comme pour nos dialogues sur l’intelligence de la foi dans notre forum, ce qui importe, selon la première indication de la lettre du Pape, c’est de chercher à « donner des raisons à notre espérance, mais pas comme un ennemi qui critique et condamne ».

Essayons sans cesse de comprendre chaque point de vue différent en dépassant ce qu’il peut avoir parfois de maladroit, d’imprécis ou d’imparfait pour y rechercher par priorité ce que chacun cherche à dire de vrai pour augmenter la vérité pour tous.

La lettre du Pape François n’apparaît pas, dès lors, comme une rupture avec le passé, mais comme un prolongement réactualisé pour notre temps.

Comme dans le passé, le Dicastère pour la Doctrine de la Foi dirigé par le futur cardinal Fernandez continuera parfois, et peut-être souvent, de rejeter et de condamner certains écrits, mais il est aujourd’hui encouragé et stimulé à œuvrer avec davantage d’attention à tout ce que des points de vue nouveaux peuvent avoir de vrai, à l’approfondissement de la vérité par le dialogue.

En cela, il rejoint une des grandes convictions du Concile Vatican II qui a fortement invité l’Église toute entière à être attentifs à la vérité qui peut exister chez des « autres », y compris dans les autres religions et ailleurs.

Ombiace
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 2808
Inscription : dim. 24 août 2014, 14:38

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Ombiace » ven. 21 juil. 2023, 19:04

Merci, Xavi

Gaudens
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1561
Inscription : mer. 25 avr. 2018, 19:50
Conviction : chrétien catholique

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Gaudens » sam. 22 juil. 2023, 12:34

Cher Xavi,
Nous ne lisons pas l’ annonce de la nomination de Mgr Fernandez et sa lettre de mission avec le même type de lunettes, c’est certain.
Je veux bien espérer avec vous que l’Esprit- Saint ne laissera pas errer l’Eglise et voir les aspects positifs de cette lettre mais il me semble qu’il faut éviter une admiration un peu aveugle sur ses limites.
Deux points de votre post ont attiré mon attention de ce point de vue.
Je vous cite :
… A notre époque où les partages de savoirs et de points de vue n’ont jamais été si nombreux, le Pape François exprime une inquiétude particulière devant une attitude qui se répand de plus en plus : celle de caricaturer et de rejeter un point de vue « autre » sans avoir suffisamment cherché à le comprendre dans un dialogue attentif à discerner le sens donné par celui qui exprime ce point de vue.

Le principe est excellent mais il est triste que l ‘auteur de cette lettre ne l’applique pas lui-même. Ne traite-t-il pas de façon répétée ceux qui ne lui semblent pas le suivre de néo-pélasgiens ou de néo-gnostiques sans fonder d’ailleurs ces appellations sur une quelconque démonstration ? N’a-t-il pas inventé aussi la notion d’ « indiétrisme * , maladie nostalgique » au point d’en faire un péché ,pour le même type d’opposants plus ou moins jugés « tradis » ? Un des papes précédents a-t-il eu recours aux mêmes procédés ? Aucun,je crois bien et surtout pas Benoit XVI qui avait transformé les procédures de la Congrégation pour la doctrine de la foi quand il en était préfet durent de longues années en laissant venir à Rome les théologiens mis en cause dans un dialogue ouvert, ce qui ne se faisait pas auparavant .Il reste donc à espérer que ce n’est pas la période Ratzinger qui est visée dans l’évocation de « pratiques immorales » de la congrégation en question dans le passé …

Par ailleurs,vous notez :
Il s’agit toujours de « vérifier » si, dans ce qui est dit ou écrit, il y a un « support théologique adéquat » et le Pape de préciser aussitôt en quoi il convient de juger ce caractère adéquat. Il s’agit de vérifier si les écrits en cause « sont cohérents avec le riche humus de l’enseignement pérenne de l’Église et en même temps prennent en compte le Magistère récent. ».

Certes,ceci est également acceptable et sain. Mais voyez comment le futur cardinal préfet de la Congrégation en question interprète ce paragraphe quand il affirme( cf le fil L’Eglise a-t-elle une doctrine ») :
« Il ne s’agit pas seulement d’insérer une phrase du pape François, mais de laisser la pensée se transfigurer par ses critères. Cela vaut en particulier pour la théologie morale et pastorale ».

Se laisser transfigurer, pas moins ! Cela ne vous parait-il pas excessif et inquiétant ? Imaginez vous en son temps le cardinal préfet Ratzinger suggérer cela en parlant alors de Jean-Paul II ?


* " Une Église qui ne développe pas sa pensée dans un sens ecclésial est une Église qui recule, et c'est le problème aujourd'hui, de tant de personnes qui se disent traditionnelles. Non, non, ils ne sont pas traditionnels, ce sont des "indiétristes", ils vont à l'envers, sans racines : on a toujours fait comme ça, au siècle dernier on faisait comme ça. Et l'"indietrisme" est un péché parce qu'il ne va pas de l'avant avec l'Église. Au lieu de cela, quelqu'un a dit que la tradition - je pense l'avoir dit dans l'un des discours - la tradition est la foi vivante des morts, alors que ces "indiétristes" qui se disent traditionalistes, c'est la foi morte des vivants".
(citation des propos du pape François dans l'avion qui le ramenait du Canada l'an passé)

Avatar de l’utilisateur
Xavi
Prætor
Prætor
Messages : 2203
Inscription : mar. 28 juil. 2009, 14:50

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Xavi » sam. 22 juil. 2023, 19:23

Cher Gaudens,

Merci pour votre lecture attentive et votre réaction constructive.

Vous observez avec justesse que la même lettre peut être lue avec des lunettes différentes, ou d’un point de vue différent.

Il est important qu’une telle lettre officielle et publique exprime les orientations du Pape François dans le respect de la Foi de l’Église et nous partageons à cet égard la même analyse de la justesse des principes rappelés dans cette lettre.

Certes, pour le surplus, comme chaque Pape, il avance, dans les marges où sa liberté peut agir en cohérence avec la foi de l’Église, selon les choix qu’il estime les plus adéquats selon sa personnalité et les circonstances qui orientent son action d’une manière qui peut parfois se différencier de celle de ses prédécesseurs.

Mais, face aux dangers bien réels et complexes que l’Église doit affronter aujourd’hui, il est légitime d’avoir parfois d’autres appréciations que celles de notre Pape et, selon les principes qu’il indique lui-même, il est bon que des critiques s’expriment à l’égard de ses actions ou paroles et que les fidèles, en dialogue fraternel avec les autres opinions, luttent avec détermination et persévérance pour le bien de l’Église tel qu’ils le perçoivent.

À cet égard, vous avez raison d’écarter toute forme d’« admiration aveugle » et d’insister sur les « limites » d’une telle lettre qui n’aborde pas les inquiétudes plus précises que vous évoquez.

Je peux comprendre le malaise suscité par certaines déclarations du Saint-Père.

Pour le Pape, comme pour chacun de nous, il ne suffit pas de rappeler les bons principes, il faut encore les mettre en pratique. Mais, c’est une lutte permanente pour chacun des pécheurs que nous sommes tous.

Gaudens a écrit :
sam. 22 juil. 2023, 12:34
voyez comment le futur cardinal préfet de la Congrégation en question interprète ce paragraphe quand il affirme( cf le fil L’Eglise a-t-elle une doctrine ») : « Il ne s’agit pas seulement d’insérer une phrase du pape François, mais de laisser la pensée se transfigurer par ses critères. Cela vaut en particulier pour la théologie morale et pastorale ».
En ce qui concerne le nouveau préfet, il me semble qu’il est préférable de regarder autrement la citation que vous reproduisez qui me semble, simplement, malgré le mot « transfigurer », une expression de loyauté aux orientations légitimes actuelles du Pape François (ce qui n’exclut pas les possibles critiques).

Il me semble normal que le Pape choisisse ses collaborateurs parmi des personnes qui le comprennent bien et partagent ses orientations. C’est même particulièrement nécessaire pour le préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi dont les décisions sont soumises à l’approbation du Pape ce qui suppose en effet un alignement sur les critères indiqués par le Pape dont il reçoit sa mission. Mais, bien évidemment, dans les limites des principes que le Pape a rappelé lui-même, dont la cohérence nécessaire avec l’enseignement « pérenne » de l’Église, ce qui vaut aussi pour la « théologie morale et pastorale ».

Vous évoquez enfin des propos sévères du Pape François lors de son voyage au Canada.

Le principe qu’il rappelle pour les introduire est bien juste. C’est, en effet, en Église qu’il nous faut avancer et le souci de la communion ecclésiale doit être au cœur des pensées et de l’action de chaque fidèle.

Mais, que faire concrètement lorsque des divisions s’y creusent profondément ?

Je souffre avec vous de certaines de ses réponses et je comprends bien des critiques.

Réduire les traditionalistes à un attachement figé au passé ne permet guère de comprendre toutes ces personnes qui aiment certaines formes, certaines liturgies ou d’autres expressions religieuses, certes héritées du passé et devenues minoritaires, mais simplement parce qu’elles y trouvent une nourriture qui alimente leur foi vivante.

Il reste à prier et à agir, chacun selon ses charismes et son contexte, sans cesser de veiller au bien du corps tout entier et à la communion avec le successeur de Pierre qui assure l’unité du corps du Christ.

Prions pour le Pape François et gardons-lui notre affection. C’est lui que l’Esprit Saint a inspiré aux cardinaux du Conclave de choisir comme évêque de Rome. Nous partageons la même confiance qui nous permet de considérer que l’Esprit Saint veille efficacement sur l’Église qui est le corps du Christ, au-delà des faiblesses humaines de Pierre et de chacun de ses successeurs.

Avatar de l’utilisateur
Perlum Pimpum
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1070
Inscription : lun. 19 avr. 2021, 23:28
Conviction : Chrétien
Localisation : Berry

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Perlum Pimpum » lun. 24 juil. 2023, 10:41

Bonjour Xavi,

Xavi a écrit :
ven. 21 juil. 2023, 18:30

Mais, cette conservation qui assure une transmission authentique de la Foi, n’implique pas un immobilisme dans des mots figés exprimés dans un contexte particulier alors que le langage évolue dans un contexte culturel lui-même évolutif, ce qui exige, sans cesse, de réactualiser les mots pour chaque génération, en tenant compte de l’accroissement des connaissances.



À cet égard, parce que Dieu est infiniment autre et au-delà de ce que nos mots peuvent en dire, les idées (y compris les dogmes) qui sont exprimées par des mots humains ne sont jamais des absolus dans la manière dont elles sont formulées, mais sont toujours des points de vue sur la réalité avec des mots humains qui sont eux-mêmes imparfaits et imprécis de sorte qu’ils ne cessent jamais de devoir être réactualisés par le Magistère actuel de l’Église.
Ce que vous écrivez semble reposer sur une confusion entre l’appréhension et la compréhension. La différence des termes n’est pas en ce que l’appréhension serait imprécise, donc réformable, mais en ce que seule la compréhension est pleinement proportionnée à ce qui est compris. C’est pourquoi les théologiens scolastiques disent que Dieu seul peut comprendre Dieu (Dieu est incompréhensible aux anges et aux hommes). D’où conséquemment l’affirmation qu’au Ciel, dans la vision de Dieu, les élus voient Dieu « totus sed non totaliter ». Tout Dieu est vu (totus), parce que Dieu est absolument simple. Nonobstant Dieu n’est pas totalement vu (non totaliter), parce que même surélevé par la lumière de gloire, grâce d’ordre créé, l’intellect angélique ou humain reste disproportionné à l’objet de la vision, Dieu incréé. Bref, la vision intuitive de Dieu par les élus est une appréhension, non une compréhension. Est-ce pour autant que la vision intuitive soit telle que les élus ne voient pas Dieu, ou que le voyant cette vision soit faussée ? Certes non. De même donc ici bas quant aux formulations des théologiens et du magistère. La vérité est dans l’adéquation de la pensée au réel, et nous pouvons adéquatement appréhender Dieu par la raison au service de la foi. Il sera toujours vrai que Dieu est simple, toujours vrai qu’en Dieu tout est un là où n’est pas l’opposition des relations, toujours vrai que les vérités formellement révélées sont vraies, toujours vrai que les assertions par lesquelles le magistère ecclésiastique explicite infailliblement le donné révélé sont vraies, toujours vrai que les conclusions vraies des théologiens sont vraies.

Vous répondrez que ces vérités immuables doivent être présentées de manière adaptée à l’intelligence des auditeurs selon leur contexte culturel propre, et vous aurez raison. Mais précisément, cette adaptation relève de la pastorale. La pastorale doit être proportionnée aux capacités de l’auditoire, pour retranscrire en des mots adaptés les vérités que la théologie dogmatique contemple. Et précisément encore, cette retranscription suppose que la théologie dogmatique, dans toute sa profondeur scolastique, soit pleinement comprise de ceux chargés de la retranscrire…

D’où donc l’Encyclique Humani Generis du pape Pie XII, dont voici quelques extraits.
[+] Texte masqué

En ce qui concerne la théologie, le propos de certains est d'affaiblir le plus possible la signification des dogmes et de libérer le dogme de la formulation en usage dans l'Eglise depuis si longtemps et des notions philosophiques en vigueur chez les Docteurs catholiques, pour faire retour, dans l'exposition de la doctrine catholique, à la façon de s'exprimer de la Sainte Ecriture et des Pères. Ils nourrissent l'espoir que le dogme, ainsi débarrassé de ses éléments qu'ils nous disent extrinsèques à la révélation, pourra être comparé, avec fruit, aux opinions dogmatiques de ceux qui sont séparés de l'unité de l'Eglise: on parviendrait alors à assimiler au dogme catholique tout ce qui plaît aux dissidents. Bien plus, lorsque la doctrine catholique aura été réduite à un pareil état, la voie sera ouverte, pensent-ils, pour donner satisfaction aux besoins du jour en exprimant le dogme au moyen des notions de la philosophie moderne, de l'immanentisme, par exemple, de l'idéalisme, de l'existentialisme ou de tout autre système à venir. Que cela puisse et doive même être fait ainsi, de plus audacieux l'affirment pour la bonne raison, disent-ils, que les mystères de la foi ne peuvent pas être signifiés par des notions adéquatement vraies, mais par des notions, selon eux, approximatives et toujours changeables, par lesquelles la vérité est indiquée sans doute jusqu'à un certain point, mais fatalement déformée. C'est pourquoi ils ne croient pas absurde, mais absolument nécessaire que la théologie qui a utilisé au cours des siècles différentes philosophies comme ses instruments propres substitue aux notions anciennes des notions nouvelles, de telle sorte que, sous des modes divers et souvent opposés, et pourtant présentés par eux comme équivalents, elle nous exprime les vérités divines, sous le mode qui sied à des êtres humains. Ils ajoutent que l'histoire des dogmes consiste à exprimer les formes variées qu'a revêtues la vérité successivement selon les diverses doctrines et selon les systèmes qui ont vu le jour tout au long des siècles. Or, il ressort, avec évidence, de ce que nous avons dit, que tant d'efforts non seulement conduisent à ce qu'on appelle le " relativisme " dogmatique, mais le comportent déjà en fait : le mépris de la doctrine communément enseignée et le mépris des termes par lesquels on le signifie le favorisent déjà trop.

Certes il n'est personne qui ne sache que les mots qui expriment ces notions, tels qu'ils sont employés dans nos écoles et par le magistère de l'Église, peuvent toujours être améliorés et perfectionnés : on sait d'ailleurs que l'Eglise n'a pas eu recours toujours aux mêmes termes. Et puis, il va de soi que l'Eglise ne peut se lier à n'importe quel système philosophique dont la vie est de courte durée: ce que les docteurs catholiques, en parfait accord, ont composé au cours des siècles pour parvenir à une certaine intelligence du dogme, ne s'appuie assurément pas sur un fondement aussi caduc. En effet, il n'est pas d'autre appui que les principes et les notions tirés de l'expérience des choses créées; et dans la déduction de ces connaissances, la vérité révélée a, comme une étoile, brillé sur l'intelligence des hommes grâce au ministère de l'Eglise. On ne s'étonne donc pas que les Conciles oecuméniques aient employé et aussi sanctionné certaines de ces notions: aussi, s'en écarter n'est point permis. Voilà pourquoi négliger, rejeter ou priver de leur valeur tant de biens précieux qui au cours d'un travail plusieurs fois séculaire des hommes d'un génie et d'une sainteté peu commune, sous la garde du magistère sacré et la conduite lumineuse de l'Esprit-Saint, ont conçus, exprimés et perfectionnés en vue d'une présentation de plus en plus exacte des vérités de la foi, et leur substituer des notions conjecturales et les expressions flottantes et vagues d'une philosophie nouvelle appelées à une existence éphémère, comme la fleur des champs, ce n est pas seulement pécher par imprudence grave, mais c'est faire du dogme lui-même quelque chose comme un roseau agité par le vent. Le mépris des mots et des notions dont ont coutume de se servir les théologiens scolastiques conduit très vite à énerver la théologie qu'ils appellent spéculative et tiennent pour dénuée de toute véritable certitude, sous prétexte qu'elle s'appuie sur la raison théologique.



C'est pour tant de motifs, qu'il est au plus haut point lamentable que la philosophie reçue et reconnue dans l'Eglise soit aujourd'hui méprisée par certains qui, non sans imprudence, la déclarent vieillie dans sa forme et rationaliste (comme ils osent dire) dans son processus de pensée. Nous les entendons répétant que cette philosophie, la nôtre, soutient faussement qu'il peut y avoir une métaphysique absolument vraie; et ils affirment de façon péremptoire que les réalités, et surtout les réalités transcendantes, ne peuvent être mieux exprimées que par des doctrines disparates, qui se complètent les unes les autres, encore qu'elles s'opposent entre elles toujours en quelque façon. Aussi concèdent-ils que la philosophie qu'enseignent Nos écoles, avec son exposition claire des problèmes et leurs solutions, avec sa détermination si rigoureuse du sens de toutes les notions et ses distinctions précises, peut être utile pour initier de jeunes esprits à la théologie scolastique et qu'elle était remarquablement accommodée aux esprits du moyen-âge; mais elle n'offre plus, selon eux, une méthode qui réponde à notre culture moderne et aux nécessités du temps. Ils opposent ensuite que la philosophia perennis n'est qu'une philosophie des essences immuables, alors que l'esprit moderne doit nécessairement se porter vers l'existence de chacun et vers la vie toujours fluente. Et tandis qu'ils méprisent cette philosophie, ils en exaltent d'autres, anciennes ou récentes, de l'Orient ou de l'Occident, de sorte qu'ils semblent insinuer dans les esprits que n'importe quelle philosophie, n'importe quelle manière personnelle de penser, avec, si besoin est, quelques retouches ou quelques compléments, peut s'accorder avec le dogme catholique : or, cela est absolument faux, surtout quand il s'agit de ces produits de l'imagination qu'on appelle l'immanentisme, l'idéalisme, le matérialisme soit historique soit dialectique ou encore l'existentialisme, qu'il professe l'athéisme ou pour le moins qu'il nie toute valeur au raisonnement métaphysique. Quel catholique pourrait avoir le moindre doute sur toutes ces choses 

**

Xavi a écrit :
ven. 21 juil. 2023, 18:30



Lorsque les pensées théologiques ne dépassaient guère le cercle d’une petite élite où le latin était la langue de tous, il était peut-être plus aisé de s’accorder avec précision sur les mots adéquats à admettre ou non.

Aujourd’hui, le Pape François revient à l’essentiel qui est de « présenter de manière convaincante un Dieu qui aime, qui pardonne, qui sauve, qui libère, qui promeut les personnes et les appelle au service fraternel ». Ce ne sont pas les mots et les idées qui sont premiers.

Il commence sa lettre en rappelant que l’enseignement « découle de la foi ». Oui, c’est la foi, celle qui nous convertit et nous tourne vers le Christ, qui est la source de l’enseignement, même si, à son tour, l’enseignement fait naître la foi chez d’autres. Mais, en premier, c’est la foi. Foi en l’amour infini de Dieu, Foi en Dieu créateur du Ciel et de la terre, Foi en Dieu qui se révèle et se fait homme en Jésus-Christ, Foi en l’Esprit Saint qui ne cesse jamais de veiller à la transmission de la Foi par le corps du Christ qu’est l’Église rassemblée par Pierre et ses successeurs.

Aussi, pour le Dicastère confié à Mgr Fernandez, comme pour nos dialogues sur l’intelligence de la foi dans notre forum, ce qui importe, selon la première indication de la lettre du Pape, c’est de chercher à « donner des raisons à notre espérance, mais pas comme un ennemi qui critique et condamne ».
Il me semble que le pape François veut principalement dire que la théologie, l’intelligence de la foi, n’est pas une science théorique mais pratique : la foi (et donc aussi l’intelligence de la foi) étant ordonnée à la charité : la foi spécifie la charité, la charité vivifie la foi.

Mais la foi à ses ennemis, et l’Église, qui le sait depuis l’animadversion dont fut victime le Christ, les a toujours combattus, en œuvrant sans relâche contre les hérétiques. Deux mille ans d’histoire ecclésiale en témoignent…
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

Avatar de l’utilisateur
Xavi
Prætor
Prætor
Messages : 2203
Inscription : mar. 28 juil. 2009, 14:50

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Xavi » lun. 24 juil. 2023, 13:33

Merci à Perlum Pimpum pour ses judicieuses nuances et son rappel pertinent de l’encyclique Humani Generis.

Il développe de belles et justes réflexions sur l’importance de ne pas confondre l’appréhension intuitive que nous pouvons avoir de Dieu et la compréhension rationnelle que nous pouvons en avoir. L’appréhension spirituelle peut être directement et pleinement juste alors que la compréhension qui engage l’humain tout entier avec sa raison cérébrale terrestre ne peut saisir pleinement l’absolu qui est infiniment « au-delà » de sa créature.

C’est à cet égard qu’il faut être attentif à la relativité des mots humains, mais cela ne justifie jamais de relativiser la vérité elle-même et n’exclut en rien la justesse des dogmes de l’Église, ni ne justifie de relativiser leur vérité. Ce qui est vrai ne cesse jamais de l’être, mais le sens des mots pour le dire et la compréhension humaine peuvent évoluer et varier selon les contextes.

Gaudens
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1561
Inscription : mer. 25 avr. 2018, 19:50
Conviction : chrétien catholique

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Gaudens » mar. 25 juil. 2023, 9:45

Le texte de l'encyclique Humani Generis de Pie XII est tellement clair qu'il me semble avoir quasi prophétiquement décrit le projet et les ( nombreux) discours de Mgr Fernandez, l'archevêque argentin futur cardinal préfet de la Congrégation (bientôt mal nommée ?) pour la doctrine de la foi...On comprend que celui-ci préfère que les théologiens soient tous "transfigurés" par la pensée du pape actuel....

Cela dit,la dépendance de la réflexion théologique (et au delà sans doute) de l'Eglise à une seule philosophie, le thomisme, est en soi réducteur et problématique.L'Eglise a vécu douze siècles de réflexion souvent magnifique et fructueuse avant l'invention du thomisme (bien que celui-ci repose sur l'aristotélisme évidemment bien antérieur) et la contraindre au seul thomisme serait stérilisant. Surtout quand celui-ci s'enferme dans un vocabulaire hermétique,accessible aux seuls virtuoses de la scholastique,comme Perlum Pimpum nous en offre l'illustration.
Dernière modification par Gaudens le mer. 26 juil. 2023, 9:16, modifié 1 fois.

Avatar de l’utilisateur
ChristianK
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1199
Inscription : lun. 10 mars 2008, 18:43

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par ChristianK » mar. 25 juil. 2023, 20:42

Le monde à l'envers, d'après mes observations : le milieu théologique moyen est beaucoup plus victime d'antithomisme que de surthomisme, donc infidèle au concile en ce qui concerne les séminaristes, qui doivent faire leurs études dogmatiques sous la conduite de Thomas, explicitement.

Il faut donc beaucoup plus de thomisme, surtout par prudence, que moins.

On peut observer les provinces dominicaines thomistes, qui semblent non décadentes (Washington, peut-être Toulouse), des provinces décadentes ou mortes, dites d'"avant-garde" (Lyon, morte en 97, Hollande, morte en 2022, le Québec ça s'en vient).

Avatar de l’utilisateur
Perlum Pimpum
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1070
Inscription : lun. 19 avr. 2021, 23:28
Conviction : Chrétien
Localisation : Berry

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Perlum Pimpum » mer. 26 juil. 2023, 8:19

Je suis d’accord avec Gaudens sur ses réflexions relatives au thomisme, et j’eusse vécu au début du siècle dernier, j’aurais été particulièrement indisposé contre la chape de plomb que tentèrent d’imposer à l’Église les tenants du « thomisme romain ». Saint Thomas d’Aquin n’est pas un oracle infaillible, et sur bien des points les solutions de la scolastique franciscaine, beaucoup plus marquée d’augustinisme, semblent préférables aux solutions dominicaines. Néanmoins l’étude de saint Thomas présente l’indéniable intérêt de former ceux qui s’y livrent à la profondeur conceptuelle de la scolastique, si utile à l’intelligence de la foi. On peut contester bien des points de l’enseignement thomasien, on ne peut contester l’utilité de se former à la théologie par l’apprentissage de la théologie thomasienne. La scolastique est riche de courants variés dont la confrontation est une richesse pour quiconque cherche à atteindre, par la résolution des questions disputées, à l’intelligence de la foi acquise en une synthèse théologique ouverte au débat là où la foi n’est pas en cause (on peut débattre pour savoir si telle assertion est hérétique ; mais n’est aucun débat quant à savoir si les doctrines hérétiques sont recevables dans la foi).

Et faisant ici l’apologie de la scolastique, j’ouvre deux remarques complémentaires.

D’une, si la scolastique se définit comme l’utilisation de la raison au service de l’intelligence de la foi, la patristique était déjà scolastique. L’assertion peut se prouver par maints exemples de premier ordre. L’idée souvent admise que la scolastique débuterait avec l’âge des docteurs de l’Église, qui clôt celui des pères de l’Église, résulte seulement du fait que l’inclusion de la rationalité philosophique dans l’intelligence scolastique de la foi est devenue beaucoup plus massive à partir du XIIè siècle.

De deux, il y a un hiatus entre la scolastique médiévale et la scolastique baroque. Les théologiens médiévaux sont des maîtres en « sacra pagina ». Leur office principal est de commenter l’Écriture sainte, au point par exemple que l’ensemble des Sommes de Saint Thomas d’Aquin est pensé par lui comme une propédeutique à ses Commentaires de l’Écriture sainte. Voici ainsi comment débute sa Somme de Théologie : « Le docteur de la vérité catholique doit non seulement enseigner les plus avancés, mais aussi instruire les commençants, selon ces mots de l’Apôtre (I Co III, 1-2) : “Comme à de petits enfants dans le Christ, c’est du lait que je vous ai donné à boire, non de la nourriture solide.” Notre intention est donc, dans cet ouvrage, d’exposer ce qui concerne la religion chrétienne de la façon la plus convenable à la formation des débutants. » Oui, vous avez bien lu, la Somme de Théologie, que d’aucuns jugent être un point culminant et aride, est du petit lait destiné aux bambins, afin qu’ayant ingurgité les rudiments de la théologie, ils puissent ensuite y croître en sagesse et en grâce, selon qu’il est écrit : « là où sera le Corps, là seront les aigles » (Lc, XVII, 37)… Tout à l’inverse de la scolastique médiévale, mais à partir d’éléments qui s’y trouvaient déjà, la scolastique baroque va renverser la perspective - l’idée calamiteuse de « nature pure » n’y êtant pas pour peu - en prétendant partir non plus de la foi pour en donner l’intelligence, mais de la seule rationalité philosophique pour y adjoindre ensuite adventicement les vérités de foi. D’où enfin ces manuels de thêologie, qui quoique riches et précis, laissèrent à certains une pénible impression de désolation les ayant ensuite conduit à œuvrer à l’abandon de la scolastique dans la formation du clergé, au risque de sa décérébration, à quoi Pie XII tenta de faire obstacle…
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

Avatar de l’utilisateur
Perlum Pimpum
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1070
Inscription : lun. 19 avr. 2021, 23:28
Conviction : Chrétien
Localisation : Berry

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Perlum Pimpum » mer. 26 juil. 2023, 9:23

Quant au caractère prétendument hermétique de la scolastique.

D’une, il n’est aucun obstacle que l’étude puisse lever.

De deux, la pastorale doit être proportionnée aux capacités de l’auditoire, pour retranscrire en des mots adaptés les vérités que la théologie dogmatique contemple. Mais cette retranscription suppose que la théologie dogmatique, dans toute sa profondeur scolastique, soit pleinement comprise de ceux chargés de la retranscrire pour la rendre accessible. À défaut le discours risque d’être creux, vide, inconsistant, et pire que tout, marqué d’erreurs.

De trois, quant une opinion exprimée attente à la foi, le devoir de ceux qui savent est d’expliquer pourquoi l’assertion litigieuse est hérétique, selon qu’il est écrit : « Comme de bons dispensateurs des diverses grâces de Dieu, que chacun de vous mette au service des autres le don qu'il a reçu. » (I P. IV, 10). Mais s’il est facile et rapide de professer une hérésie, la démonstration de son caractère hérétique requiert parfois d’assez longs développements ayant besoin d’user de vocables scolastiques pour montrer avec rigueur et profondeur pourquoi l’assertion litigieuse est hérétique. Reste alors à expliquer le sens des mots employés, pour qu’ils soient compris de ceux dont la théologie n’est pas la vocation, d’où donc d’amples développements.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

Avatar de l’utilisateur
Thurar
Barbarus
Barbarus

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Thurar » mer. 26 juil. 2023, 9:58

La scolastique est faite pour les clercs, les fidèles n'ont pas à se mêler de faire de la théologie.
Et de toute façon je ne vois pas quel "éclairage" pourrait apporter à la foi la nouvelle théologie. Autrefois les fidèles n'avaient aucun mal à comprendre la pastorale, pourquoi faudrait-il la modifier ?

Gaudens
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1561
Inscription : mer. 25 avr. 2018, 19:50
Conviction : chrétien catholique

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Gaudens » mer. 26 juil. 2023, 15:20

Je suis heureux de votre réponse,Perlum Pimpum,je m'attendais plutôt à une volée de bois vert de votre part.En effet,le thomisme ne devrait pas être la seule philosophie chrétienne acceptable mais il apporte un squelette solide pour l'intelligence de la foi et ne devrait pas être mis de côté (je confirme e que vous dites de la province dominicaine de Toulouse).Mais hermétique,elle l'est bien un peu (comprendre vos posts est réellement difficile la plupart du temps).
Quant à réserver la théologie aux clercs,cher Thurar, c'est un peu excessif (vous semblez rejoindre Léon là-dessus). Parfois ,il faut bien que des laics s'y hasardent au nom du sensus fidelium, surtout quand trop de clercs s'égarent manifestement ... Et vous semblez confondre théologie et pastorale dans vos deux lignes,rendant celles-ci peu claires,je trouve.

Avatar de l’utilisateur
Thurar
Barbarus
Barbarus

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Thurar » mer. 26 juil. 2023, 15:35

Un peu hors sujet, mais il n'y a pas longtemps la chaîne C8 diffusait les films de Don Camillo. Le film Le petit monde de Don Camillo a eu beaucoup de succès avec près d'un million de spectateurs. Pourtant le personnage de Fernandel n'est pas vraiment un curé progressiste !

https://www.google.com/amp/s/www.jeanma ... html%3famp

Avatar de l’utilisateur
Kerygme
Prætor
Prætor
Messages : 2046
Inscription : jeu. 30 mai 2019, 13:12
Conviction : Diacre permanent, catholique romain
Localisation : Argentoratum

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Kerygme » mer. 26 juil. 2023, 18:02

Gaudens a écrit :
mer. 26 juil. 2023, 15:20
Quant à réserver la théologie aux clercs,cher Thurar, c'est un peu excessif (vous semblez rejoindre Léon là-dessus). Parfois ,il faut bien que des laics s'y hasardent au nom du sensus fidelium, surtout quand trop de clercs s'égarent manifestement ...
Je suis d'accord, avec une remarque particulière. Il ne faut pas aussi que les laïcs oublient que les premiers théologiens sont d'abord leurs docteurs en Église (et non "de") : les évêques. Avant même les universitaires chercheurs qui ont reçu cette charge officielle avec une chaire en institut catholique et autres attributs.

Si tous n'ont pas forcément la vertu d'humilité, ils ont tous le caractère d'enseignant reçu par le sacrement de l'Ordre dans ses trois degrés (diaconal, presbytéral et épiscopal).

Je partage cette mise en garde du pape François en ce qui concerne le partage de savoirs et de points de vue. D'autant en France, où nous sommes perçus comme les champions en matière de vouloir donner son avis sur tout et ... surtout son avis.
« N’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. » (1Jean 3,18)

Gaudens
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1561
Inscription : mer. 25 avr. 2018, 19:50
Conviction : chrétien catholique

Re: Le Pape François éclaire l’intelligence de la foi

Message non lu par Gaudens » jeu. 27 juil. 2023, 10:37

Bonjour Kérygme


Vous avez raison de rappeler le triple charisme reconnu aux évêques par la tradition chrétienne en matière d'enseignement,de sanctification et de gouvernement.D'où ma profonde méfiance envers une démarche dite synodale qui noie les évêques au milieu de laics sans titre autre que d'avoir été repérés par le Vatican ou par des "synodes" locaux.
Par contre, je ne comprends pas votre référence à ce que dirait le pape François en matière de partage de savoirs et de points de vue.Si vous parlez de la lettre de mission à Mgr "Tucho" Fernandez, j'y vois plutôt une légitimation par avance d'un vraisemblable relativisme doctrinal quand il sera à la tête de la Congrégation.

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 279 invités