L’agir divin ad extra est formellement immanent, puisque Dieu agissant est Dieu ; nonobstant cet agir est virtuellement transitif, puisqu’il produit dans l’être un effet autre que sa cause, quelque chose d’autre que Dieu. L’acte formellement immanent et virtuellement transitif qu’est l’acte divin de volonté libre est donc en prolongement de l’acte divin formellement immanent de volonté naturelle par lequel Dieu s’aime nécessairement de nécessité absolue. Dit autrement, la liberté divine est toujours inclinée par l’acte de volonté naturelle ; les libres-choix divins ne contredisent jamais la volonté naturelle, la liberté divine trouvant en la volonté naturelle le principe de ses libres choix.
Pour éviter les sophismes liés à l’emploi du même mot pour signifier des réalités très distinctes, Dieu et les effets créés qu’il produit ad extra, je signifierais Dieu : soit par l’emploi d’une majuscule, l’Amour ou la Justice qu’est Dieu ; soit par l’emploi d’une minuscule en ajoutant au substantif l’épithète divin ou divine, l’amour divin ou la justice divine, surtout pour dire Dieu agissant ou opérant ad extra ; soit même sans user d’épithètes, quand le contexte laisse clairement comprendre qu’il est parlé de Dieu. Quand aux effets produits ou opérés ad extra, j’userais de la minuscule, parlant : d’amour pour signifier l’amour surnaturel créé de charité infusé par Dieu en l’âme des justes ; de justice pour signifier : soit la justification par l’infusion de la grâce, infusée par Dieu ; soit le châtiment, les peines vindicatives, infligé par Dieu. De même, je parlerais de Miséricorde ou de miséricorde selon que sera signifié Dieu miséricordieux opérant ses œuvres de miséricorde, ou cette miséricorde opérée par Dieu. De même encore pour Vindicte et vindicte.
1. Dieu est Libre de pardonner ou de punir.
Dieu s’aime nécessairement par nécessité de nature, parce qu’il est infiniment aimable et que cette amabilité s’impose à Lui. Aimer Dieu à l’infini est pour Dieu une nécessité de nature. Mais Dieu n’est aucunement nécessité à nous créer, ni donc à nous aimer : l’amour créateur est libre, donc aussi l’amour salvateur… C’est très librement que le Dieu très miséricordieux exerce sa miséricorde, et parce que cet exercice est libre, il n’obstacle pas que le Dieu des miséricordes soit aussi le Dieu des vengeances infligeant les peines temporelles ou éternelles à ceux qu’il châtie.
Concile Œcuménique de Vatican I a écrit :
« La sainte Eglise catholique apostolique romaine croit et professe qu'il y a un seul Dieu vrai et vivant, créateur et Seigneur du ciel et de la terre, tout- puissant, éternel, immense, incompréhensible, infini en intelligence, en volonté et en toute perfection ; vu qu'il est une substance spirituelle unique et singulière, absolument simple et immuable, il faut affirmer qu'il est distinct du monde en réalité et par essence, qu'il est parfaitement heureux en lui-même et par lui-même, et qu'il est ineffablement élevé au-dessus de tout ce qui est et peut se concevoir en dehors de lui. Ce seul vrai Dieu, par sa bonté et sa "toute-puissance", non pas pour augmenter sa béatitude ni pour acquérir sa pleine perfection, mais pour manifester celle-ci par les biens qu'il accorde à ses créatures, a, dans le plus libre des desseins, "tout ensemble, dès le commencement des temps, créé de rien les deux sortes de créatures, les spirituelles et les corporelles, c'est-à-dire les anges et le monde, et ensuite la créature humaine qui tient des deux, composée qu'elle est d'esprit et de corps" (4e concile du Latran). »
« Si quelqu'un ne confesse pas que le monde et toutes les réalités qu'il contient, spirituelles et matérielles, ont été produits de Dieu dans la totalité de leur substance, ou s'il dit que Dieu n'a pas créé par une volonté libre de toute nécessité, mais aussi nécessairement qu'il s'aime lui-même, ou s'il nie que le monde ait été créé pour la gloire de Dieu, qu'il soit anathème. »
Dieu est libre de créer ou de ne pas créer, mais s’il crée librement, il est nécessité (nécessité conditionnelle, de conséquence) à ordonner ses créatures librement créés à Lui comme à leur fin dernière absolue. En effet la volonté-libre de Dieu est un agir ad extra, un agir formellement immanent mais virtuellement transitif qui, en tant que formellement immanent, n’est autre que l’être-même de Dieu, absolument nécessaire, auquel sa volonté naturelle s’assimile. Et parce la fin a raison de bien, le seul bien qui puisse motiver Dieu à créer librement est Dieu-même : si Dieu assignait aux créatures une autre fin et bien que le Bien qu’est Dieu, Dieu choisirait, et ainsi préfèrerait, un bien créé au Bien suprême, chose impossible à Dieu s’aimant infiniment de nécessité absolue. La fin dernière absolue de la libre création est donc nécessaire de nécessité conditionnelle : Dieu n’est pas nécessité à nous créer, mais s’il nous créé librement, est nécessaire qu’il nous assigne à Lui comme à notre fin dernière surnaturelle absolue. Cette nécessité conditionnelle de conséquence résulte d’une nécessité absolue d’antécédence. Dieu est absolument Libre d’agir ad extra, mais en amont de tout acte libre de Dieu, de tout acte divin formellement immanent et virtuellement transitif, il est une nécessité absolue, celle de l’acte formellement immanent qu’est la nature divine. Dit autrement, tout acte divin de volonté libre repose sur la volonté naturelle ou amour absolument nécessaire de Dieu pour Dieu.
Dieu étant Libre d’agir envers nous, Dieu est Libre de nous pardonner ou de nous punir, Libre d’être miséricordieux ou vindicatif, Libre de nous sauver ou de nous damner.
Dieu par saint Paul a écrit :
« J'ai aimé Jacob et j'ai haï Esaü. Que dirons-nous donc ? Y a-t-il en Dieu de l'injustice ? Loin de là ! Car il dit à Moïse: Je ferai miséricorde à qui je fais miséricorde, et j'aurai compassion de qui j'ai compassion. Ainsi donc, cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. Car l'Ecriture dit à Pharaon : Je t'ai suscité à dessein pour montrer en toi ma puissance, et afin que mon nom soit publié par toute la terre. Ainsi, il fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit qui il veut. »
2. Que Dieu choisisse d’exercer la miséricorde ou la vindicte, en tout état de cause la justice divine est satisfaite.
S’il fait miséricorde en rétablissant le pécheur dans la charité pour Dieu, il satisfait à sa Justice (celle que Dieu est ad intra), satisfait à l’Amour de Dieu pour Dieu qu’est Dieu, en satisfaisant à l’exigence que cet Amour implique : que la créature aime Dieu sa fin dernière absolue. De ce point de vue, de toute évidence, la miséricorde satisfait à la Justice et à l’Amour, puisqu’elle permet que soit rendu à Dieu ce qui est dû à Dieu : l’amour surnaturel de charité.
S’il exerce sa vindicte en infligeant les peines temporelles ou éternelles que le péché des créatures mérite, en châtiant le désamour pour Dieu des créatures, Dieu satisfait aux exigences de l’Amour, de l’Amour de Dieu pour Dieu qu’est Dieu : Dieu, par amour infini de Lui-même, exigeant d’être aimé (premier commandement) de ceux crées pour cette seule fin dernière surnaturelle absolue, châtie en rigueur de justice (exercée ad extra) le manquement d’amour dû à sa Souveraine Bonté, châtie ceux qui, devant L’aimer, ne L’aiment pas. De ce point de vue, de toute évidence, la vindicte satisfait à la Justice et à l’Amour, puisqu’elle s’exerce par amour divin de Dieu pour Dieu en châtiant le défaut d’amour dû au Dieu souverainement aimable.
3. Dieu n’est aucunement nécessité à faire miséricorde. Nonobstant, il y incline..
Miséricorde et Vindicte relevant de la seule Liberté divine, Dieu n’est aucunement nécessité à faire miséricorde, .
Miséricorde et Vindicte sont principalement l’acte Libre de Dieu qu’est Dieu agissant ad extra, l’acte divin formellement immanent et virtuellement transitif opérant librement ad extra, transitivement, l’effet miséricordieux ou vindicatif.
Miséricorde et Vindicte peuvent secondairement signifier l’Amour divin de Dieu pour Dieu qu’est Dieu, en tant qu’il le dispose à opérer librement les effets miséricordieux ou vindicatifs. Sous ce second aspect Miséricorde et Vindicte ne sont plus envisagées comme l’acte Libre de Dieu qu’elles sont, Dieu agissant ad extra, mais comme les dispositions naturelles divines sous-jacentes à ce libre-agir. Ces dispositions naturelles conditionnant le libre agir de Dieu s’expliquent par la fait que l’acte divin de volonté libre est un acte formellement immanent et virtuellement transitif. Or, en tant qu’il est formellement immanent, il n’est autre que l’acte de volonté naturelle, nécessaire de nécessité absolue, qu’il prolonge librement en tant qu’il est virtuellement transitif. Miséricorde et Vindicte peuvent donc secondairement signifier l’Amour divin de Dieu pour Dieu en tant qu’il le dispose à opérer librement les effets miséricordieux ou vindicatifs. Sous ce second aspect Miséricorde et Vindicte ne sont plus envisagées comme l’acte Libre de Dieu qu’elles sont, Dieu agissant ad extra, mais comme les dispositions naturelles divines de ce libre-agir.
Bref, c’est l’Amour nécessaire de Dieu pour Dieu qui le dispose naturellement à être librement le Dieu de Miséricorde ou de Vindicte pour les pécheurs qui ne L’aiment pas, pardonnant et bénissant les uns tout en châtiant, maudissant (Mt. XXV, 41) et vomissant (Ap. III, 16) les autres. Et si, dans les faits, Dieu exerce davantage la vindicte, puisque la plupart des hommes sera damnée (cf. Mt. VII, 13-14 conjoint à Mt. XXV, 41), nonobstant, quant à l’inclination divine, et contre tous les jansénismes, la Miséricorde prime la Vindicte, car la Miséricorde satisfait davantage à l’Amour de Dieu pour Dieu, seule la miséricorde octroyée aux créatures leur permettant d’aimer Dieu, d’atteindre à leur fin dernière surnaturelle absolue, Dieu aimé des saints du Ciel. C’est pourquoi la Liberté divine est davantage inclinée à la Miséricorde, comme l’attestent, outre les incessants appels au repentir, la prédication du Christ, la Passion, et la manifestation du Cœur-Sacré de Jésus. Mais cette inclination divine à faire miséricorde, qui explique que Dieu préfère pardonner plutôt que châtier, ne lui interdit pas de châtier, car cette inclination à faire miséricorde n’est aucunement constitutive d’une nécessité de conséquence : c’est une simple convenance à sa nature divine, comme le prouve le fait que Dieu, dans la Bible, n’a de cesse de marteler qu’il est un Dieu exerçant sa vindicte. Bref, Dieu n’est aucunement nécessité à exercer la miséricorde, et de fait il exerce la vindicte en expédiant la plupart des hommes dans les flammes de l’Enfer éternel, comme Jesus nous l’enseigne très explicitement (cf. Mt. VII, 13-14 conjoint à Mt. XXV, 41). Bref, quant à l’inclination naturelle de la volonté libre, Dieu veut sauver tous les hommes (I Tim. II, 3-4) : c’est le dogme de la volonté salvifique universelle. Mais quant à l’exercice de cette volonté libre, il damne la plupart des hommes, comme Jésus l’enseigne. Exciper de l’Amour pour nier la Vindicte est donc folie autant qu’hérésie.
4. Conséquemment.
En affirmant que Dieu serait nécessite à punir, l’intervenant cité ci-après est dans l’erreur symétriquement inverse de ceux prétendant que Dieu serait nécessité à pardonner, de ceux prétendant que l’Amour divin serait incompossible à la Vindicte divine châtiant le désamour de Dieu, de ceux outrageant l’Écriture, et par delà Dieu révélant, qui ne cesse de marteler le fait que Dieu punit, et très durement, jusqu’à punir en infligeant des peines éternelles.
Coco lapin a écrit : ↑mar. 12 déc. 2023, 23:02
Prenons alors l'exemple du purgatoire. Les âmes qui s'y trouvent se sont repenties et ont demandé le pardon de leurs fautes avant de mourir. Pourtant elles passent souvent plusieurs années à expier sévèrement leurs péchés. Pourquoi Dieu ne leur évite-t-il pas ces souffrances s'il peut le faire sans que la justice soit lésée ?
En vérité, Miséricorde et Vindicte relèvent de la seule Liberté divine.
Pourquoi donc Dieu ne leur évite pas ces souffrances sinon parce qu’il est Libre d’agir envers ses créatures, Libre donc de leur imposer les rigueurs de sa justice vindicative plutôt que de leur faire miséricorde, mais tout aussi libre de leur faire miséricorde plutôt que de leur imposer les rigueurs de sa justice vindicative. C’est au libre-choix de Dieu.
Et d’abord, si Dieu justifie l’impie par l’infusion de la charité, n’est-il pas vrai que l’âme ainsi restaurée dans l’amour pour Dieu rend à Dieu ce que la Justice divine exige qu’elle lui rende, l’amour ? Si donc, par libre-miséricorde, Dieu justifie librement l’impie, en quoi cette miséricorde offenserait-elle la Justice divine exigeant nécessairement * pour Dieu l’amour dû à Dieu ?
(* nécessité de conséquence de la fin dernière absolue).
Et ensuite, si Dieu décide librement, non pas seulement de donner â l’impie de mourir en état de grâce, mais aussi de mourir en se repentant si parfaitement de ses fautes, qu’il lui octroie, à raison du mérite de ce repentir, l’exemption des peines temporelles qu’il eut dû subir au purgatoire, ou serait l’offense à la justice vindicative de Dieu ? Car enfin, si Dieu justifie librement l’impie en lui donnant à l’article de la mort la contrition parfaite et charité, ce simultanément, la contrition parfaite étant cause de la charité dans l’orde de la causalité dispositive ou matérielle tandis que la charité est cause de la contrition parfaite dans l’ordre de la causalité formelle, donnant au moribond d’aimer Dieu de charité par laquelle il mourra en état de grâce, n’est-il pas également libre de donner à l’acte de charité au principe de la contrition parfaite une intensité telle que la contrition parfaite soit rendue si intense qu’inclusive d’un désir de satisfaire ou d’expier si profond que Dieu, choisissant de tenir gracieusement l’intention de la chose pour la chose-même, choisisse librement de remettre toute la dette de peine, exemptant ainsi l’âme du trépassé de toute peine temporelle ?
De même, si Dieu décide d’accorder à ceux morts en état de grâce après avoir, de leur vivant, pratiqué celles des dévotions auxquelles il a décidé d’accorder le bénéfice de l’indulgence plénière, telles celles préconisées par la sainte Vierge ou par le Christ en certaines révélations privées, en quoi manque-t’il à sa Justice ?
De même, quant aux âmes actuellement souffrantes au purgatoire, Dieu n’est-il pas libre d’appliquer les mérites infinis de la Passion à certaines de ces âmes pour la délivrance desquelles le sacrifice de la Messe est offert ? Ou serait-ce que Dieu ne puisse pas remettre les peines dues aux offenses, pardonner autant qu’il le veut ? Serait-ce donc que Dieu ne soit pas Libre de faire miséricorde à qui il veut, quant il veut, comme il veut, mais nécessité à punir ?
Coco lapin a écrit : ↑mer. 13 déc. 2023, 11:32
Qu'on appelle ça justice, sagesse ou cohérence, ça revient au même : Dieu est lié par sa perfection, et il ne peut pas épargner aux âmes du purgatoire les flammes expiatoires. S'il était libre de le faire, alors la punition que subissent les âmes du purgatoire ne serait qu'une vengeance cruelle. Je vous rappelle que "dispenser l'homme d'assumer les conséquences de ses actes", c'est justement "faire miséricorde"
Il est libre de le faire, et s’il s’abstient librement de le faire malgré qu’il soit disposé à le faire, ce n’est pas cruauté mais justice inflexible, justice vindicative : « jusqu'à ce qu'il eût payé tout ce qu'il devait » (Mt. XVIII, 34).
Dieu par saint Matthieu a écrit :
« C'est pourquoi, le royaume des cieux est semblable à un roi qui voulut faire rendre compte à ses serviteurs. Quand il se mit à compter, on lui en amena un qui devait dix mille talents. Comme il n'avait pas de quoi payer, son maître ordonna qu'il fût vendu, lui, sa femme, ses enfants, et tout ce qu'il avait, et que la dette fût acquittée. Le serviteur, se jetant à terre, se prosterna devant lui, et dit : Seigneur, aie patience envers moi, et je te paierai tout. Emu de compassion, le maître de ce serviteur le laissa aller, et lui remit la dette. Après qu'il fut sorti, ce serviteur rencontra un de ses compagnons qui lui devait cent deniers. Il le saisit et l'étranglait, en disant : Paie ce que tu me dois. Son compagnon, se jetant à terre, le suppliait, disant : Aie patience envers moi, et je te paierai. Mais l'autre ne voulut pas, et il alla le jeter en prison, jusqu'à ce qu'il eût payé ce qu'il devait. Ses compagnons, ayant vu ce qui était arrivé, furent profondément attristés, et ils allèrent raconter à leur maître tout ce qui s'était passé. Alors le maître fit appeler ce serviteur, et lui dit : Méchant serviteur, je t'avais remis en entier ta dette, parce que tu m'en avais supplié; ne devais-tu pas aussi avoir pitié de ton compagnon, comme j'ai eu pitié de toi ? Et son maître, irrité, le livra aux bourreaux, jusqu'à ce qu'il eût payé tout ce qu'il devait. C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne à son frère de tout son coeur. »
2. L’Amour n’est pas le premier des attributs divins.
Didyme a écrit : ↑mar. 12 déc. 2023, 23:47
J'ai l'impression que l'on fait souvent une confusion concernant la Justice.
Ce n'est pas Dieu est Justice, l'amour procèdant de la justice, la vie procédant de la justice, etc. Mais c'est Dieu est Amour, la justice procédant de l'amour, la vie procédant de l'amour, etc. Contrairement aux autres attributs, l'amour est la nature même de Dieu, pas simplement un attribut. Il en découle certainement que tout attribut divin procède de sa nature.
Oui et Non, mais surtout Non.
5. L’Être est le premier des attributs divins.
Et d’abord, non, mille fois non, puisque, à raison de la simplicité divine, tous les attributs divins, d’ordre absolu, sont la nature divine. Dieu est identiquement acte d’être, acte d’intellection, acte de volition. Mais si, en Dieu, l’être et l’agir sont réellement identiques, n’en demeure pas moins que nous ne pouvons penser Dieu qu’en séquençant logiquement les attributs divins. Et l’attribut qui vient en premier n’est assurément pas l’agir mais l’être : l’agir suit l’être, puisque pour agir, il faut préalablement être. C’est donc l'être divin qui est au fondement des trois corrélatifs incommunicablement opposés : le Père n’est pas parce qu’il aime, mais aime parce qu’il est ; le Fils n’est pas parce qu’il aime, mais aime parce qu’il est ; l’Esprit n’est pas parce qu’il aime, mais aime parce qu’il est. Ensuite, quant à l’agir divin ad intra, la volition présuppose l’intellection, puisque vouloir ou aimer est toujours vouloir quelque chose (aliquid, res, ce que cet aliquid soit une personne ou autre chose), chose que l’intelligence représente à la volonté afin qu’ainsi spécifiée par l’intellect la volontè se décide pour ou contre cette chose. L’amour n’est donc jamais premier. Ainsi, c’est parce que l’être divin est infiniment parfait, donc infiniment aimable, et parce que Dieu sait cette amabilité pour la voir, qu’il l’aime conséquemment. Si donc « Dieu est Amour », est amour de Dieu pour Dieu, cet amour découle logiquement de l’être divin : l’essence de Dieu est son être, et si cet être est réellement, dans sa simplicité réelle, identiquement acte d’être, acte d’intellection, acte de volition, nonobstant, logiquement, l’amour découle de l’être. Bref, l’attribut absolument premier de Dieu n’est pas l'amour mais l’être. « Dieu est Amour », certes, mais avant d’être Amour ou Volition de soi, il est Intellection de soi, et avant d’être Intellection de soi, il Est, l’Éternel, Celui qui Est, comme révélé à Moïse. L’aversion pour la théologie et métaphysique de l’Exode signe la ruine du discours donnant la primauté à l’Amour sur l’Être. Non, l’Amour n’est pas le premier des attributs divins.
6. Dieu est Saint. L’Amour et la Justice sont un seul et même attribut.
Non encore, quant au rapport de la justice à l’amour en l’agir divin ad intra. Quant à l’agir divin ad intra, est faux de dire que la justice découle de l’amour, puisque ici l’amour et la justice se confondent tant réellement que logiquement : il y a identité conceptuelle de la Justice divine de Dieu envers Dieu et de l’Amour divin de Dieu envers Dieu. L’amour de Dieu pour Dieu est une Justice, puisque cet Amour rend à Dieu infiniment aimable l’amour infini qui Lui est dû. Inversement, la Justice de Dieu pour Dieu est un Amour, puisqu’il rend à Dieu l’amour que son amabilité exige. Ad intra la Justice ne découle pas de l’Amour : elle est l’Amour. Exercer l’Amour est exercer la Justice, et réciproquement. Bref, parler d’Amour ou de Justice, c’est dire deux fois le même attribut divin. Et cet attribut d’Amour/Justice ou de Justice/Amour est précisément celui que chantent les anges. En disant que Dieu est Saint, nous disons à la fois l’amabilité infinie de son être, son infinie perfection infiniment aimable, ainsi que sa justice et son amour pour cette amabilité-même. En disant que Dieu est Saint, nous affirmons simultanément que l’Acte Pur est acte d’être, d’intellection, de volition. Et remarquez bien que les deux seules fois où la Bible relate la vision des liturgies célestes, c’est du Trisagion qu’il s’agit : « Saint, Saint, Saint » (Is. VI, 3, Ap. IV, 8). Bref, l’attribut divin absolument premier n’est pas l’Amour mais l’Être, et l’attribut qui synthétise le mieux les différents aspects conceptuellement distincts de l’être absolument simple de Dieu, les différents aspects de l’être divin réellement et identiquement acte d’être, d’intellection, de volition, est Saint.
7. En quel sens la justice découle de l’amour.
Ce n’est que relativement à l’agir divin ad extra qu’il est vrai de dire que la justice de Dieu envers les créatures découle de l’amour divin. Vrai, à condition de préciser d’abord que cet Amour nécessaire de Dieu pour Dieu dont découle la libre justice de Dieu envers les créatures est la nécessaire Justice de Dieu pour Dieu. À condition de préciser ensuite que cette divine justice s’exerçant sur les créatures est double, puisque tant la miséricorde que la vindicte de Dieu envers les pécheurs, qui découlent de l’Amour de Justice de Dieu pour Dieu, sont des actes de justice (cf. 2). La vindicte de Dieu pour les pécheurs est un acte de libre justice envers les pécheurs, qu’elle châtie à proportion de leur désamour et de leurs démérites. La miséricorde de Dieu pour les pécheurs est un acte de libre justice envers Dieu, raison pourquoi la miséricorde prime la vindicte. C’est un acte de libre justice envers Dieu, puisque rétablissant librement les pécheurs en grâce et charité, elle leur donne d’aimer Dieu, d’offrir à Dieu l’amour que les créatures lui doivent, leur donnant ainsi d’être justes envers Dieu en l’aimant. Cette miséricorde de Dieu pour le pécheur est donc justice de Dieu pour Dieu rendant juste envers Dieu l’injuste qu’elle justifie ainsi.
8. Ce qui suit est donc faux :
Dire que Dieu agit toujours par Amour, c’est dire qu’il agit toujours par Justice… Quand donc il exerce la justice vindicative envers les créatures, cette vindicte a pour principe et pour fin l’Amour, l’Amour de Dieu pour Dieu, car Dieu est Saint.(1) Didyme a écrit : ↑mar. 12 déc. 2023, 23:47
Par conséquent, il n'y a pas à considérer que Dieu agit soit par amour soit par justice. Mais il convient plutôt de considérer que Dieu agit toujours par amour. Quand il applique la justice, c'est toujours une justice qui procède de l'amour et qui a l'amour pour fin...
Vous semblez dire tout autre chose : que la peine vindicative serait de soi ordonnée à la conversion de celui qu’elle frappe, de sorte que la miséricorde soit la conséquence ultime de toute vindicte divine. Nous écrivant que quand Dieu exerce sa vindicte, c’est toujours pour l’amour, de quel amour parlez vous ? De l’Amour de Dieu pour Dieu qu’est Dieu, ou de l’amour surnaturel de charité des créatures rénovées dans la grâce sanctifiante et amour de charité pour Dieu ? Si c’est de l’amour surnaturel de charité des créatures pour Dieu, votre propos conduit droit à l’hérésie (cf. infra, 3 et 4).
Et non ! La Justice divine n’est pas plus au service de l’Amour divin que l’Amour divin n’est au service de la Justice divine : c’est le même attribut : réellement, à raison de la simplicité divine ; conceptuellement, puisqu’ils disent deux fois la même chose, le rapport de la Déité-Dieu à elle même. Bref l’Amour, la Justice, la Sainteté sont un seul et même attribut divin, absolument nécessaire, duquel découle ad extra tant la miséricorde que la vindicte de Dieu envers ses créatures, ordonnées l’une comme l’autre à la Justice d’Amour ou Amour de Justice de Dieu pour Dieu, ce que la créature soit sauvée ou damnée.(2) Didyme a écrit : ↑mar. 12 déc. 2023, 23:47
La justice, la punition ne vise pas le bien de la justice mais vise plutôt le bien de l'amour par la justice. La justice comme un attribut servant l'amour.
Cette assertion est doublement fausse. Tout d’abord cette justice vindicative n’est pas sans amour, puisqu’elle procède de l’Amour/Justice de Dieu pour Dieu, et qu’elle ne se termine pas à l’anéantissement mais à la damnation : en conservant les damnés dans l’être, Dieu continue de les aimer d’amour créateur. Ensuite la vindicte ne vise pas à punir pour punir, ce qui serait cruauté, mais à rendre justice en infligeant le mal de peine en rétribution du mal de faute, en rétribution justicière du désamour de Dieu. Infliger le châtiment aux pécheurs est un acte de justice commutative, là où exercer la miséricorde est un acte de justice distributive. Quand le Dieu de Justice fait miséricorde, il donne au pécheur un bien que ce dernier ne mérite aucunement, la justification par l’infusion de la charité sanctifiante, raison pourquoi la justice exercée est ici distributive. Quand le Dieu de Justice fait vindicte, il donne au pécheur le mal de peine que ce denier mérite pour ses péchés, raison pourquoi la justice exercée est ici commutative. La Vindicte est un acte de justice commutative ayant son principe et sa fin dans la Justice de Dieu pour Dieu qu’est Dieu. La fin du châtiment n’est pas le châtiment mais le Dieu Juste manifestant sa Justice envers Lui-même par sa vindicte. L’Amour de Dieu pour Dieu est si total, si parfait, si infini, qu’il abomine tout désamour de Dieu, et que l’abominant, Dieu a le choix de sauver ou de damner, d’exercer la miséricorde ou la vindicte, et si la vindicte, en l’ordonnant à l’Amour abominant le désamour, et cela est justice, puisque l’Amour est Justice.(3) Didyme a écrit : ↑mar. 12 déc. 2023, 23:47
Or, une justice sans amour ne visant qu'à punir pour punir, ne rétabli en rien l'amour, la relation
Elle semble même hérétique, puisque semblant fortement affirmer Dieu nécessité à rétablir sa créature dans l’amour pour Lui-même. Si là est votre pensée, vous niez tant le dogme de la perpétuité des peines infernales (cf. infra, 4) que celui de la Souveraine Liberté de Dieu envers les créatures.
Vous ne parlez plus ici de la Justice qu’est Dieu, mais des effets ad extra de cette Justice, de ce que cette Justice qui est Amour produit ad extra. Vous auriez écrit qu’elle s’exerce ad extra en produisant tant la miséricorde que la vindicte, il n’y aurait rien à reprendre. Mais vous semblez tout au contraire nier la vindicte en la réduisant à l’infliction d’une peine médicinale produisant infailliblement à terme un effet miséricordieux. Et ainsi, vous semblez nier l’Enfer pour l’assimiler au Purgatoire.(4) Didyme a écrit : ↑mar. 12 déc. 2023, 23:47
La justice est lésé tant que l'amour n'est pas rétabli car l'amour est donné pour l'amour. La créature est créée pour Dieu, pour l'amour. Or, lorsqu'elle n'accueille pas l'amour divin, ne devenant instrument de l'amour, aimant Dieu de tout son être en retour alors apparaît un manque, le péché. La justice divine vise donc à rétablir la justice de l'amour, à rétablir ce cercle virtueux de l'amour à l'amour.
Vous semblez n’envisager cette justice vindicative qu’est le châtiment opéré ad extra que comme moyen de conversion, ce qu’il peut être ici-bas sans pourtant l’être toujours, loin s’en faut. Que la peine temporelle vindicative puisse être médicinale, oui. Que toute peine vindicative soit médecinale, non, à preuve les peines éternelles, dont le seul effet est de châtier, puisqu’elles sont éternelles. Si donc la justice divine ne vise qu’à l’amendement du coupable, comme vous sembler le dire, l’Enfer n’existe pas.
Car enfin, comment les peines éternelles pourraient-elles rétablir le cercle vertueux de l’amour à l’amour ? En Enfer n’est que haine formelle de Dieu ! Comment donc de telles peines pourraient-elles rétablir « l'amour, la relation », « rétablir la justice de l'amour » conçue comme rétablissement du « cercle vertueux de l'amour à l'amour » ? Comment des peines infernales sempiternelles pourraient-elles avoir pour fin le salut de ceux qu’elles frappent en les rétablissant dans le lien de la charité ? C’est strictement impossible. Vous semblez donc professer implicitement l’hérésie, soit en niant l’existence de l’Enfer, soit en l’assimilant au Purgatoire, puisque c’est à l’une de ces hérésies que votre discours semble logiquement conduire. Ceci ne serait guère étonnant, au regard de la prégnance du discours balthasarien sur le vôtre.
Constitution Benedictus Deus a écrit :
Par cette constitution qui restera à jamais en vigueur, et en vertu de l'autorité apostolique nous définissons que… En outre nous définissons que, selon la disposition générale de Dieu, les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent aussitôt après leur mort en enfer, où elles sont tourmentées de peines éternelles, et que néanmoins au jour du jugement tous les hommes comparaîtront avec leurs corps "devant le tribunal du Christ " pour rendre compte de leurs actes personnels, " afin que chacun reçoive le salaire de ce qu'il aura fait pendant qu'il était dans son corps, soit en bien, soit en mal " (II Cor. V, 10).