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par Xavi » ven. 12 sept. 2014, 13:12
Dès sa nomination comme évêque d’Anvers, Mgr Bonny a pris une place importante dans l’épiscopat belge et il est certainement la personnalité la plus souvent citée pour la succession de Mgr Léonard comme primat de Belgique en 2015.
Sa lettre récente publiée en vue du prochain synode sur la famille montre une attention courageuse aux réalités concrètes en cause et aux délicates questions qui y seront abordées. Je joins son texte en version Word ci-dessous.
Quelle que soit l’opinion de chacun, son interpellation intelligente doit être écoutée. Chacun doit faire l’effort d’y réfléchir avec lucidité et en profondeur.
Elle ne doit mettre personne mal à l’aise face aux réalités concrètes et aux questions pastorales ou théologiques qu’elles posent.
Mais, je suis cependant mal à l’aise et profondément interpellé par son approche qui semble se situer davantage dans la critique que dans la continuité.
Dans notre forum de la Cité Catholique sur l’intelligence de la foi, nous savons que les opinions diverses peuvent partir dans tous les sens les plus contradictoires.
Ce qui doit réunir des catholiques qui croient à la transmission infaillible de l’essentiel de la foi chrétienne par la succession apostolique en communion avec Pierre et les papes qui lui succèdent, ce ne sont pas les multiples discussions possibles dans la relecture du trésor de la foi à chaque époque et dans des circonstances qui changent, ni les faiblesses marginales toujours possibles, mais n’est-ce pas une même volonté de réfléchir sans cesse toute question dans la communion de la foi de la tradition vivante qui nous est transmise depuis les apôtres ?
Ne sommes-nous pas convaincus que le Saint Esprit assure sans cesse la transmission fidèle de la foi, malgré les défauts des hommes (et, notamment, des papes et des évêques) et qu’il convient de rechercher sans cesse à répondre aux interpellations nouvelles dans la continuité des enseignements authentiques du Magistère plutôt que dans la rupture ou la critique qui risquent souvent de nous entraîner dans des chemins d’interprétations personnelles particulières qui divisent plutôt que de rassembler ?
Je veux reprendre ici de manière spécifique ce que j’ai déjà développé dans un sujet sur le Pape François et la continuité dans l’Eglise, car l’interpellation de Mgr Bonny par rapport à cette continuité mérite une attention spécifique qui va bien au-delà du seul sujet du prochain synode.
Comment avancer dans des difficultés délicates comme celles développées par Mgr Bonny ? N’imaginons pas trop vite que l’Eglise va déclarer blanc ce qu’elle a déclaré noir, ni davantage qu’elle ne pourrait que répéter des mots de hier pour répondrre à des interpellations d’aujourd’hui.
A cet égard, les changements profonds du Saint Père François dans le ton, dans la forme, dans le style, dans les priorités, encouragent des audaces mais ne doivent pas être perçus comme une rupture avec les enseignements de ses prédécesseurs.
Le cœur de notre foi catholique, c’est la continuité que l’Esprit Saint assure depuis deux mille ans par une communion ininterrompue avec les successeurs successifs de Pierre. Bien sûr, cette tradition se renouvelle sans cesse selon l’évolution des cultures, mais nous croyons que l’Esprit Saint veille à ce que ce renouvellement se poursuive toujours dans la fidélité aux Ecritures et à la Tradition vivante dans l’Eglise, malgré les fautes et les égarements des hommes qui constituent l’Eglise.
Notre foi catholique ne nous incite-t-elle pas sans cesse à relire ce que les anciens ont écrit hier avec respect et fidélité, dans la continuité ?
Est-il adéquat, pour parler aujourd’hui de la sexualité et de la famille, de lire les enseignements du Concile Vatican II et des derniers papes en les mettant en contradiction ou par une lecture critique sans continuité ?
A cet égard, Mgr Bonny expose certes avec courage et intelligence des réalités actuelles et des réflexions difficiles sur les comportements sexuels multiples constatés non seulement dans la société mais aussi parmi les croyants catholiques, mais Mgr Bonny commence sa réflexion en racontant l’histoire de la délicate encyclique Humanae Vitae d’une manière qui l’amène en alléguer une contradiction entre le Pape et le Concile : « Comme en d’autres pays, les évêques de Belgique se sont retrouvés après la publication de l’encyclique Humanae Vitae devant une tâche difficile… Comment pouvaient-ils rester unis au pape et en même temps être fidèles au Concile ? ».
Comment introduire une réflexion dans une continuité en suggérant une telle contradiction entre le Pape et le Concile ? Une telle lecture est-elle adéquate ?
Lorsqu’il aborde la place délicate de la conscience personnelle que l’Eglise a toujours reconnue comme une instance ultime pour chacun, mais sans omettre l’éclairage de la vérité à laquelle elle doit se soumettre, Mgr Bonny en parle d’une manière critique qui allègue que le pape Jean-Paul II n’y aurait pas été assez attentif, ni dans l’encyclique Familiaris Consortio, ni dans le Catéchisme, jusqu’à prétendre que ces documents du magistère n’auraient laissé que peu de place pour un jugement « honnête ».
Mgr Bonny écrit : « dans l’enseignement de l’Eglise, la conscience fut manifestement reléguée à l’arrière-plan en ce qui concerne la relation, la sexualité, le mariage, le planning familial et le contrôle des naissances. Elle perdit sa juste place dans une réflexion saine en théologie morale. Dans l’Exhortation Familiaris Consortio, c’est à peine si le jugement de conscience personnel sur la méthode de planning familial et du contrôle des naissances est évoqué. Tout s’y trouve mis sous le signe de la vérité du mariage et de la procréation telle que l’Eglise l’enseigne, associée au devoir des croyants de s’approprier cette vérité et d’y répondre. Partant de la loi naturelle, des actes déterminés sont qualifiés de « bons » ou d’intrinsèquement « mauvais », indépendamment de tout ce qui est personnel : le milieu de vie, l’expérience, l’histoire. Dans une telle perspective, il y a peu de place pour un jugement honnête et motivé de valeurs à la lumière de l’Evangile et de la tradition catholique dans son ensemble. Dans les chapitres du Catéchisme de l’Eglise catholique sur le sixième commandement (n° 2331-2400) et sur le neuvième (n° 2514-2533), il est tout aussi peu dit sur le jugement de conscience personnel. Cette lacune ne rend pas justice à l’ensemble de la pensée catholique. »
Il y aurait ainsi une contradiction telle entre l’enseignement des derniers papes et le concile Vatican II que Mgr Bonny espère du prochain Synode « Qu’il rende à la conscience sa juste place dans l’enseignement de l’Eglise, dans la ligne de Gaudium et Spes. », ce qui sous-entend de manière critique que cette juste place n’aurait pas été respectée par les derniers papes. Est-ce juste ?
Une telle approche s’inscrit moins dans la continuité que dans la critique et la contradiction.
Or sans la continuité, le risque n’est-il pas grand d’augmenter davantage la confusion que la lumière de l’Evangile ?
La splendeur de la vérité à laquelle le saint pape Jean-Paul II a consacré une encyclique est lumineuse et il serait dommage d'écarter son enseignement parce qu’il considère que ce qui est vrai s’apprécie « intrinsèquement », « indépendamment de tout ce qui est personnel : le milieu de vie, l’expérience, l’histoire ».
Pourquoi présenter cette perspective de manière négative ?
Une telle approche ne néglige pas du tout la conscience personnelle, ni les circonstances concrètes infiniment variables et nuancées de chaque cas individuel, mais, au contraire, elle respecte profondément l’interdit de l’Evangile : « Ne jugez pas ! » en refusant a priori de juger concrètement les personnes, ce qui appartient à Dieu seul. Cette approche maintient l’Eglise au seul niveau possible : celui de montrer le mieux possible de qui est vrai et bien.
Souvent, on attend de l’Eglise et de ses pasteurs des jugements justificateurs des cas individuels. Dites-moi que ce que je fais, dans mes circonstances concrètes, n’est pas mal, dites-moi que c’est bien, justifiez-moi !
Mais, n’est-ce pas une voie sans issue ? L’homme est pécheur et Dieu est seul juge.
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Pièces jointes
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- Lettre de Mgr Bonny.doc
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