Les auteurs de cette lettre imputent au Pape François un certain nombre d’assertions condamnables en prétendant qu’elles se déduisent naturellement de ses enseignements ou de ses actes. Lui est reproché de soutenir les extravagances doctrinales suivantes :
I. Une personne justifiée n'a pas la force avec la grâce de Dieu d’accomplir les exigences objectives de la loi divine, comme si l'un quelconque des commandements de Dieu était impossible pour le justifié, ou comme si la grâce de Dieu, quand elle accomplit la justification d’un individu, ne produisait pas invariablement et de par sa nature la conversion par rapport à tout péché grave, ou ne suffisait pas à convertir de tout péché grave.
II. Un croyant chrétien peut avoir la pleine connaissance d'une loi divine et choisir volontairement de la violer dans une affaire grave, mais ne pas être dans un état de péché mortel à la suite de cette action.
III. Une personne est capable, tout en obéissant à une interdiction divine, de pécher contre Dieu par cet acte même d'obéissance.
IV. La conscience peut vraiment et à juste titre juger que les actes sexuels entre des personnes qui ont contracté un mariage civil l'une avec l'autre, bien que l'une d'elles ou les deux soient sacramentellement mariée(s) à une autre personne, peuvent parfois être moralement justes, voire voulus ou même commandés par Dieu.
V. Il est faux que les seuls actes sexuels qui sont bons par nature et moralement licites soient les actes entre mari et femme.
VI. Les principes moraux et les vérités morales contenus dans la Révélation divine et dans la loi naturelle n'incluent pas les interdictions négatives qui interdisent absolument certains types d'actions, dans la mesure où elles sont toujours gravement illicites en raison de leur objet.
VII. Dieu ne permet pas seulement le pluralisme et la diversité des religions, chrétiennes et non-chrétiennes, mais les veut positivement.[/i]
Les auteurs de la Lettre pensent pouvoir les déduire des enseignements pontificaux contenus dans l’Encyclique Amoris laetitia, nn. 295,298, 299, 301, 303, 304 et dans certaines déclarations publiques.
1° Les assertions condamnables I, II, IV se déduiraient d’Amoris laetitia 295 :
« Saint Jean-Paul II proposait ce qu’on appelle la “loi de gradualité”, conscient que l’être humain “connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d’une croissance”. Ce n’est pas une “gradualité de la loi”, mais une gradualité dans l’accomplissement prudent des actes libres de la part de sujets qui ne sont dans des conditions ni de comprendre, ni de valoriser ni d’observer pleinement les exigences objectives de la loi. »
L’affirmation du Pape François est inattaquable. D’une la science morale va en s’approfondissant avec le temps ; conséquemment l’application des principes généraux aux cas concrets, l’activité prudentielle de la conscience morale, va aussi en s’affinant. Il y a une gradualité dans l’acquisition de la science théologique morale : quiconque s’est attelé à la matière le sait. Conséquemment les actes humains accomplis par la volonté éclairée par l’intelligence sont de plus en plus parfaits, de sorte que la gradualité est aussi dans l’accomplissement des préceptes, de mieux en mieux cernés, compris et appliqués. En d’autres termes, mieux on comprend l’ordre moral objectif, mieux on est à même de s’y conformer avec exactitude. Tout au contraire, les défauts de la conscience erronée ou lacunaire sont des obstacles au plein accomplissement de la Loi, ce alors même qu’on est en état de grâce. L’erreur de bonne foi, ça existe ! Il y a donc bel et bien un progrès dans l’agir moral, « une gradualité dans l’accomplissement prudent des actes libres de la part de sujets qui ne sont dans des conditions ni de comprendre, ni de valoriser ni d’observer pleinement les exigences objectives de la loi ».
Dire qu’on peut être en état de grâce tout en agissant avec quelque défectuosité morale ne signifie pas qu’on puisse être en état de grâce alors que péchant formellement et gravement. C’est seulement dire qu’au regard des circonstances : Soit qu’un acte peut être peccamineux sans que le péché soit formellement imputable à son auteur (cas du péché matériel), ce que personne ne conteste. Soit qu’un acte puisse être vertueux sans l’être pleinement ou éminemment, ce qui peut s’entendre de deux façons : Soit comme signifiant qu’un acte objectivement bon (un acte bon par son objet) ne l’est que modérément à raison des circonstances (par ex. la faible intensité de la charité impérant l’acte surnaturellement bon et méritoire), d’où, chez les saints, les progrès de la vie spirituelle : l’agir du commençant sera moins parfait que celui du progressant, lui-même moins parfait que celui du parfait. Soit, comme le veut Suarez, qu’un acte objectivement mauvais mais excusé par les circonstances peut être rendu subjectivement bon par l’intention droite (cf. infra).
Il n’y avait donc pas à exciper du n. 295 pour conclure (assertion I) que le Pape François tiendrait qu’on puisse dans le même temps être formellement saint et formellement pécheur.
Il n’y avait pas d’avantage à exciper du n. 295 pour conclure (assertion II) que le Pape tiendrait qu’on puisse délibérément, en pleine connaissance de cause, pécher en matière grave sans commettre du fait-même un péché mortel. Loin qu’il parle au n. 295 d’une pleine connaissance des exigences de la Loi, le Pape y parle tout au contraire « de sujets qui ne sont pas dans des conditions de comprendre… pleinement les exigences de la Loi ». Bref, on lui fait dire ici le contraire-même de ce qu’il dit…
Quant à l’assertion IV, on se demande encore comment ces olibrius ont pu la lire dans le n. 295.
2° Les assertions condamnables II, III et IV se déduiraient d’Amoris laetitia 301 :
« Il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite “irrégulière” vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. Les limites n’ont pas à voir uniquement avec une éventuelle méconnaissance de la norme. Un sujet, même connaissant bien la norme, peut avoir une grande difficulté à saisir les “valeurs comprises dans la norme” ou peut se trouver dans des conditions concrètes qui ne lui permettent pas d’agir différemment et de prendre d’autres décisions sans une nouvelle faute. »
Quant aux « conditions concrètes qui ne permettent pas d’agir différemment », il s’agit des circonstances dont on a parlé plus haut. Quant à l’ignorance et l’erreur, qui sont des circonstances affectant la pleine advertance de la raison à l’omission ou la commission de l’acte humain, deux choses doivent être notées. D’une, rien n’est plus traditionnel que d’affirmer que l’ignorance et l’erreur peuvent atténuer voire excuser de la malice d’un acte. De deux, ce que le Pape précise ici, c’est qu’on peut connaître la norme morale (connaissance quia) sans en saisir le pourquoi (connaissance propter quid), sans « saisir les valeurs comprises dans la norme ». Or puisque la conscience morale applique prudentiellement la norme générale au cas particulier, la méconnaissance du pourquoi de la norme risque fortement d’incider sur le jugement prudentiel de la conscience déterminant comment concrètement agir. On peut ainsi penser de manière erronée que la norme n’a pas, à raison de circonstances particulières, à s’appliquer au cas d’espèce (par exemple, un divorcé remarié qui jugerait qu’il doit continuer d’entretenir des rapports sexuels avec son épouse pour assurer la stabilité de leur union et par delà de leur foyer, le risque de désunion risquant fort de nuire aux enfants nés du second mariage).
Or la doctrine catholique est très claire. D’une, on ne peut jamais agir contre sa conscience. Une conscience, même erronée, oblige : même à errer dans la détermination de ce qui est moral, la détermination est posée dans le jugement de la conscience, de sorte que s’y soustraire volontairement, c’est vouloir se soustraire à l’ordre objectif de la moralité : c’est vouloir pécher. De deux, la conscience erronée n’excuse pas un acte mauvais sauf à ce que l’erreur soit invincible ; si vincible elle ne peut qu’atténuer, pour autant que l’erreur ne ressorte pas d’une ignorance coupable.
Par contre la doctrine catholique diverge quand à savoir si l’acte mauvais mais excusé peut être bon. Les théologiens de tradition thomiste (et la majorité des théologiens avec eux) le nient, tandis que Suarez et les théologiens de tradition jésuite l’affirment.
L’objet de l’acte est l’acte lui-même dans sa réalité objective, ce à quoi l’acte se détermine, ce indépendamment des circonstances affectant l’acte. La spécification morale de l’acte, savoir sa conformité ou sa disconformité à la Loi morale, se tire principalement de l’objet. La malignité de l’objet peut être intrinsèque. Pour les thomistes un acte intrinsèquement mauvais (un acte dont l’objet est intrinsèquement mauvais) ne peut jamais être rendu bon. Conséquemment l’erreur non-coupable (et plus généralement la circonstance excusante) n’incide pas sur la moralité-même de l’acte objectivement mauvais : elle n’incide que sur la responsabilité morale. Conséquemment un tel acte, même excusé à raison des circonstances, ne peut aucunement être moralement bon : il reste moralement mauvais, même à ce que sa malignité ne soit pas imputée à péché, conformément au vieil adage scolastique : bonum ex integra causa, malum ex quocumque defectu (le mal moral résulte d’un défaut quelconque ; l’acte n’est moralement bon que s’il l’est intégralement par son objet, ses circonstances et sa fin). C’est la position doctrinale que soutiendra Jean Paul II, Veritatis Splendor, 63.
Suarez (In Ia-IIae, tr. 3, disp. 12, sect. 4, n. 8) affirme tout au contraire que si l’acte objectivement mauvais est posé sans faute (à raison de la circonstance excusante) et qu’il est accompli en vue d’une fin bonne, il est subjectivement bon alors même qu’objectivement mauvais (puisque contraire à l’ordre moral objectif) : pour peu que la malignité objective ne puisse être imputé au sujet, la malignité objective et intrinsèque de l’acte ne fait pas obstacle à ce que l’acte soit subjectivement bon. C’est la position doctrinale qu’en jésuite le Pape François adopte.
3° Les assertions condamnables II, IV et V se déduiraient d’Amoris laetitia 303 :
« Cette conscience peut reconnaître non seulement qu’une situation ne répond pas objectivement aux exigences générales de l’Évangile. De même, elle peut reconnaître sincèrement et honnêtement que c’est, pour le moment, la réponse généreuse qu’on peut donner à Dieu, et découvrir avec une certaine assurance morale que cette réponse est le don de soi que Dieu lui-même demande au milieu de la complexité concrète des limitations, même si elle n’atteint pas encore pleinement l’idéal objectif. »
La théologie morale enseigne que la moralité d’un acte se prend de son objet, de sa fin et de ses circonstances. L’enseignement catholique est que certaines circonstances (ignorance, crainte, faiblesse, passion, qui sont des circonstances liées à la personne et qui incident directement sur la moralité de l’acte) peuvent atténuer voire excuser : les circonstances modifient la moralité de l’acte humain. Certaines aggravent la responsabilité de l’agent, d’autres l’atténuent ou l’excusent, d’autres enfin modifient jusqu’à la spécification même de son acte (par ex. faire l’aumône non pour soulager la misère mais pour se faire bien voir est un acte de vanité et non de miséricorde : la fin recherchée a modifié l’espèce morale de l’acte).
L’affirmation pontificale ne serait contraire à la saine doctrine que si, dépassant la considération des circonstances, elle nierait la malice intrinsèque de certains actes humains. Or rien ne permet de conclure que ce serait là la doctrine enseignée au n. 303 de l’Exhortation Apostolique : les contestataires se livrent à un procès d’intention. Car loin que le Pape nie qu’il existe des actes intrinsèquement mauvais par leur objet, il ne fait que considérer les circonstances (la complexité concrète des limitations) pour affirmer qu’alors même que le sujet connait la Loi, il peut être embourbé dans des circonstances lui rendant subjectivement impossible d’éviter la transgression. Il en conclut ensuite que, si ces circonstances sont suffisamment sérieuses pour excuser de la transgression de la Loi, le sujet peut légitimement (« sincèrement et honnêtement… avec une certaine assurance morale ») juger « que cette réponse est le don de soi que Dieu lui-même demande au milieu de la complexité concrète des limitations, même si elle n’atteint pas encore pleinement l’idéal objectif ». Bref le Pape se borne ici aux circonstances excusantes.
Or s’il est vrai que la doctrine avait des circonstances excusantes une conception restrictive, s’il est vrai que le Pape élargit cette doctrine en considérant l’existence d’autres circonstances excusantes que celles traditionnellement reçues, encore faudrait-il, pour que le Pape soit hérétique, qu’il soit de foi divine et catholique que les circonstances excusantes sont celles-là seules traditionnellement envisagées. Or jamais l’Eglise n’a infailliblement enseigné que les circonstances excusantes traditionnellement reçues seraient les seules circonstances excusantes qui se puissent trouver. De sorte que même à supposer (supposé, non concédé) que cet élargissement des circonstances soit erroné, ce sera là une erreur théologique, nullement une hérésie.
Le Pape envisage ici le cas d’une conscience éclairée agissant en sachant que son acte « ne répond pas objectivement aux exigences générales de l’Évangile ». La circonstance atténuante sinon excusante n’est donc pas l’erreur mais la situation de fait dans laquelle la personne se trouve embourbée, situation à raison de laquelle elle transgresse sciemment l’ordre moral objectif sans pécher formellement.
La thèse est de prime abord difficile à admettre, car l’imputation morale de l’acte humain est précisément fonction de l’advertance suffisante de la raison et de la volonté. Or il y a advertance de la raison et de la volonté à l’acte peccamineux puisque en l’hypothèse la transgression des exigences évangéliques est commise en connaissance de cause.
Soit donc celui qui transgresse sciemment un commandement erre de bonne foi en pensant que la Loi morale le lui permet au regard des circonstances ; auquel cas la véritable circonstance excusante est cette erreur-même et nullement la situation embourbée où se trouve l’agent.
Soit il est des cas où la Loi permet, au regard des circonstances, de transgresser sciemment un commandement. Auquel cas, de deux choses l’une.
Soit il n’existe pas d’actes intrinsèquement mauvais. L'affirmation serait des plus scabreuses.
Soit la transgression est un acte intrinsèquement mauvais que les circonstances excusent et rendent subjectivement bon, ce qui suppose que le même acte puisse être à la fois moralement mauvais (objectivement) et moralement bon (subjectivement) : c’est la doctrine sous-jacente du Pape François qui, à raison des circonstances de fait dans laquelle la personne se trouve embourbée, envisage l’attitude du transgresseur comme une « réponse généreuse qu’on peut donner à Dieu » avec « [l’]assurance morale que cette réponse est le don de soi que Dieu lui-même demande au milieu de la complexité concrète des limitations, même si elle n’atteint pas encore pleinement l’idéal objectif ».
Bref de la théologie dans le pur style jésuite (cf. supra, 2°)…
4° Les assertions condamnables III et IV se déduiraient d’Amoris laetitia 298 :
« Les divorcés engagés dans une nouvelle union, par exemple, peuvent se retrouver dans des situations très différentes, qui ne doivent pas être cataloguées ou enfermées dans des affirmations trop rigides sans laisser de place à un discernement personnel et pastoral approprié. Une chose est une seconde union consolidée dans le temps, avec de nouveaux enfants, avec une fidélité prouvée, un don de soi généreux, un engagement chrétien, la conscience de l’irrégularité de sa propre situation et une grande difficulté à faire marche arrière sans sentir en conscience qu’on commet de nouvelles fautes. L’Église reconnaît des situations où “l’homme et la femme ne peuvent pas, pour de graves motifs – par exemple l’éducation des enfants –, remplir l’obligation de la séparation”. Il y aussi le cas de ceux qui ont consenti d’importants efforts pour sauver le premier mariage et ont subi un abandon injuste, ou celui de “ceux qui ont contracté une seconde union en vue de l’éducation de leurs enfants, et qui ont parfois, en conscience, la certitude subjective que le mariage précédent, irrémédiablement détruit, n’avait jamais été valide”. Mais autre chose est une nouvelle union provenant d’un divorce récent, avec toutes les conséquences de souffrance et de confusion qui affectent les enfants et des familles entières, ou la situation d’une personne qui a régulièrement manqué à ses engagements familiaux. Il doit être clair que ceci n’est pas l’idéal que l’Évangile propose pour le mariage et la famille. Les Pères synodaux ont affirmé que le discernement des Pasteurs doit toujours se faire “en distinguant attentivement” les situations, d’un “regard différencié”. Nous savons qu’il n’existe pas de “recettes simples”. »
Le Pape François a raison. Ce qui est requis, c’est la dissolution du lien sexuel (la sexualité adultérine), pas la séparation de fait. En d’autres termes est seulement requis des divorcés remariés qu’ils vivent dans l’abstinence, pas qu’ils se séparent. La séparation peut être souhaitable pour éviter le scandale public, mais elle ne s’impose pas, et des circonstances objectives telles l’éducation des enfants ou le bonheur amoureux peuvent légitimer le maintien d’une vie commune. Conséquemment est faux que les assertions III, IV et V soient contenues dans le n. 298 : surinterprétation abusive.
5° Les assertions condamnables II et IV se déduiraient d’Amoris laetitia 299 :
« J’accueille les considérations de beaucoup de Pères synodaux, qui sont voulu signaler que “les baptisés divorcés et remariés civilement doivent être davantage intégrés dans les communautés chrétiennes selon les diverses façons possibles, en évitant toute occasion de scandale. La logique de l’intégration est la clef de leur accompagnement pastoral, afin que non seulement ils sachent qu’ils appartiennent au Corps du Christ qu’est l’Église, mais qu’ils puissent en avoir une joyeuse et féconde expérience. Ce sont des baptisés, ce sont des frères et des sœurs, l’Esprit Saint déverse en eux des dons et des charismes pour le bien de tous. Leur participation peut s’exprimer dans divers services ecclésiaux : il convient donc de discerner quelles sont, parmi les diverses formes d’exclusion actuellement pratiquées dans les domaines liturgique, pastoral, éducatif et institutionnel, celles qui peuvent être dépassées. Non seulement ils ne doivent pas se sentir excommuniés, mais ils peuvent vivre et mûrir comme membres vivants de l’Église, la sentant comme une mère qui les accueille toujours, qui s’occupe d’eux avec beaucoup d’affection et qui les encourage sur le chemin de la vie et de l’Évangile”. »
D’une les divorcés remariés ne sont pas sous le coup d’une peine canonique d’excommunication alors même que privés de la communion sacramentelle à raison d’un état de péché grave : ce péché mortel n’est pas constitutif d’un délit canonique. Et même en état de péché grave, ils peuvent avoir des charismes (grâce gratis data) : le péché mortel ne s’oppose qu’à la grâce sanctifiante (grâce gratum faciens).
De deux les divorcés remariés peuvent retrouver la grâce sanctifiante en vivant dans la continence sexuelle et le repentir, et ainsi « avoir une joyeuse et féconde expérience » ecclésiale, « vivre et murir comme membres vivants de l’Église ».
Les formes d’exclusion pouvant être dépassées sont celles les obligeant à briser leur union civile, pouvant leur être demandé que de s’abstenir du lien sexuel pour autant que le maintien de leur union civile ne soit pas constitutive d’un scandale public. C’est sur-interpréter le texte en un sens scandaleux qu’attribuer au Pape l’affirmation (assertion IV) qu’ils pourraient sanctifier alors que se livrant à des actes adultères : les fauteurs imputent généreusement au Pape bien d’avantage qu’il ne dit.
6° Quant à Amoris laetitia 304 :
« Je demande avec insistance que nous nous souvenions toujours d’un enseignement de saint Thomas d’Aquin, et que nous apprenions à l’intégrer dans le discernement pastoral : “Bien que dans les principes généraux, il y ait quelque nécessité, plus on aborde les choses particulières, plus on rencontre de défaillances […]. Dans le domaine de l’action, au contraire, la vérité ou la rectitude pratique n’est pas la même pour tous dans les applications particulières, mais uniquement dans les principes généraux ; et chez ceux pour lesquels la rectitude est identique dans leurs actions propres, elle n’est pas également connue de tous […]. Plus on entre dans les détails, plus les exceptions se multiplient.” Certes, les normes générales présentent un bien qu’on ne doit jamais ignorer ni négliger, mais dans leur formulation, elles ne peuvent pas embrasser dans l’absolu toutes les situations particulières. »
La science morale part des premiers principes de la moralité (syndérèse) pour en déduire les conclusions directes et indirectes constitutives de la science morale. Cette activité de la raison est une promulgation de la loi. La conscience morale applique ensuite les règles générales aux cas particuliers pour déterminer prudentiellement comment bien agir. Les cas particuliers étant en nombre infini, ils relèvent moins de la vertu de science que de celle de prudence. Disant que les lois générales ne peuvent formuler toutes les situations particulières, le Pape ne fait qu’énoncer une évidence.
7° Quant à l’approbation pontificale de la déclaration de l’épiscopat argentin.
Point 6. « Si on en arrive à reconnaître que, dans un cas concret, il y a des limitations qui atténuent la responsabilité et la culpabilité, particulièrement lorsqu'une personne estime qu'elle tomberait dans une nouvelle faute en faisant du tort aux enfants de la nouvelle union, Amoris laetitia ouvre la possibilité de l'accès aux sacrements de la Réconciliation et de l'Eucharistie. »
Oui si les limitations sont excusantes ; oui encore si, atténuantes, elles transforment le péché de grave en véniel.
Point 9. « Il peut être opportun qu'un éventuel accès aux sacrements se réalise de manière discrète, surtout lorsque l'on prévoit des situations conflictuelles. Mais en même temps il ne faut pas laisser d'accompagner la communauté pour qu'elle grandisse dans l'esprit de compréhension et d'accueil, sans que cela implique de créer des confusions quant à l'enseignement de l'église à propos du mariage indissoluble. »
Oui, dans les cas où les divorcés remariés ne sont plus en état de péché mortel, ils peuvent accéder à la sainte communion. Oui encore, le risque de scandaliser les faibles peut obliger à la discrétion. Et oui enfin, il ne faut laisser planer aucune confusion quant à l’indissolubilité du mariage.
Point 10. « Le discernement ne se renferme pas parce qu’il est ‘‘dynamique et doit demeurer toujours ouvert à de nouvelles étapes de croissance et à de nouvelles décisions qui permettront de réaliser l’idéal plus pleinement’’ selon la ‘‘loi de la gradualité’’ avec confiance en l’aide de la grâce »
Évidemment.
Par où se répond aux différentes accusations d’hérésie :
1. Aucun des commandements de Dieu n’est impossible au justifié ; la grâce efficace de Dieu produit infailliblement la conversion par rapport à tout péché grave, de même que la grâce suffisante suffit à convertir de tout péché grave. Nul ne peut en même temps être formellement saint et formellement pécheur. Mais l’on peut en même temps : quant au péché grave, être formellement saint et matériellement pécheur ; quant au péché véniel, être formellement saint et formellement pécheur.
2. Un croyant chrétien peut avoir la connaissance d'une loi divine et choisir volontairement de la violer dans une affaire grave, sans que cela l’institue dans un état de péché mortel à la suite de cette action, s’il est vrai qu’il peut de bonne foi (circonstance excusante) penser que la Loi le lui permet au regard de certaines circonstances de fait (erreur de bonne foi quant à la portée de la Loi).
3. Nul ne pèche contre Dieu en obéissant à sa Loi, pour autant qu’ils l’observent vraiment. Mais certains pèchent quand, observant matériellement la lettre, ils en violent l’esprit.
4. La conscience morale ne peut juger à juste titre que les relations sexuelles adultérines soient innocentes, mais ce jugement peut n’être pas formellement fautif en cas d’erreur de bonne foi quant à la prétendue justice de telles relations.
5. Il est vrai que seuls les actes sexuels moralement licites sont entre mari et femme. Il est également vrai que l’acte illicite peut être excusé lorsque des circonstances excusantes (erreur de bonne foi, ignorance invincible…) existent.
6. Il est vrai qu’un acte humain peut être intrinsèquement mauvais à raison de la malice de son objet. Il est vrai que cet acte peccamineux peut, comme tout acte peccamineux, être excusé, dans les cas où de vraies circonstances excusantes existent. Il est débattu de savoir si l’acte intrinsèquement mauvais et excusé peut avoir une bonté morale subjective.
7. Dieu veut permissivement les religions des infidèles.
Bref, quant on met à plat la lettre des fauteurs, véritables nullités théologiques, on s’aperçoit qu'ils ont, en un jugement téméraire, gravement et publiquement injurié le Souverain Pontife en le taxant faussement d’hérésie. Leur péché est extrêmement grave.