Les plaies de l'Arménie

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ademimo
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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par ademimo » mer. 07 oct. 2020, 10:40

Daïdalon a écrit :
mer. 07 oct. 2020, 10:15
où ai-je prôné la "soumission" ? À aucun moment.
Peut-être avez-vous lu en diagonale. Ou peut-être n'avez-vous tout simplement pas compris ce que j'ai voulu dire.

Quant à Munich et au Kosovo, je suppose que vous exigez une prise de position nette et tranchée, avec les gentils d'un côté, et les méchants de l'autre ? Mais dans un cas comme dans l'autre, ça me paraît difficile, non ? Même Hitler avait de bonnes raisons de faire la guerre (Versailles etc.)
L'Hitler actuel n'est pas précisément du côté arménien, voyez-vous.

Gaudens
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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par Gaudens » mer. 07 oct. 2020, 11:02

Cher Cmoi:
je comprends votre éloge de la non violence sur un plan général,moral.Mais si celle-ci a marché dans les cas de Gandhi,Luther King( sauf leur assassinat à tous deux) et Mandela, n'est-ce pas parce qu'ils avaient devant eux des pouvoirs incarnés par des hommes qui baignaient dans la culture voire la foi chrétienne et qui, d'autre part, croyaient plus ou moins totalement dans les vertus (relatives,cher Altior) de la démocratie? Croyez-vous que la non-violence eût pu avoir une quelconque efficacité devant Hitler et le nazisme,par exemple? Et dans le cas présent, croyez-vous que les Arméniens de l'Artsakh auraient dû répondre par la non-violence à l'attaque brusquée et préméditée des Azéris avec le soutien planifié du régime d'Erdogan ?
Par ailleurs,et c'est un tout autre sujet,j'aimerais beaucoup connaitre vos sources concernant les discussions détaillées que le roi (martyr,lui aussi) Louis XVI eut avec des autorités révolutionnaires.

Bonjour Daidalon:
Il y a une spécificité qui vous échappe dans le cas des Arméniens.Ils sont,que je sache, la seule nation chrétienne qui,durant toute son histoire depuis son baptême vers 311 (et je rappelle qu'ils furent historiquement le premier Etat,la première nation, à adopter le christianisme) , dut se battre pour sa survie et sa fidélité à sa foi en endurant d'innombrables oppressions, spoliations massacres de toutes sortes dont le plusrécent eut lieu en 1915.En connaissez-vous une autre ,moi pas ? Ils sont donc martyrs au sens le plus chrétien du terme:témoins de leur foi jusqu'à la mort s'il le fallait.Une islamisation (assortie sans doute d'une turquification au moins partielle) leur aurait épargné une grande part de ces catastrophes historiques comme je l'ai écrit plus haut.
Par ailleurs,votre désir de rééquilibrer les torts et raisons des uns et des autres vous fait mal apprécier certaines réalités historiques,me semble-t-il.
J'ai lu la page wiki dse atabegs d'Azerbaidjan.Ils furent un des nombreux cas de semi-indépendants féodaux d'origine tribale ou militaire que connut le monde turc médiéval (et au delà) sous la suzeraineté des sultans seldjoukides (avec une plus lointaine encore soumission religieuse aux califes de Bagdad).En aucun cas ils ne furent l'expression d'une nation azebaidjanaise qui n'existait pas et sans doute n'existe toujours pas (cf le discours actuel d'Erdogan vis à vis d'eux:"deux Etats ,une nation").Du reste Wiki dit bien que la langue de leur cour et de leur administration était le persan ,cas de toute la région(sauf les royaumes arméniens et géorgiens dans une moindre mesure) , Seldjoukides inclus.
Quant à l'aspect de droit international de la question,je vous suggère la lecture du lien ci-dessous (s'il m,extrait du Figaro de ce jour:Gérard Guerguerian explique de façon complète et remarquable le fond historique et géopolitique de la question:
https://www.lefigaro.fr/vox/monde/si-l- ... it-les-arm


Altior:vos réflexions sur les rapports entre démocratie et nationalisme ne manquent pas d'intérêt et mériteraient un fil à elles seules.

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par Daïdalon » mer. 07 oct. 2020, 11:39

Bonjour Gaudens,
Gaudens a écrit :
mer. 07 oct. 2020, 11:02
Et dans le cas présent, croyez-vous que les Arméniens de l'Artsakh auraient dû répondre par la non-violence à l'attaque brusquée et préméditée des Azéris avec le soutien planifié du régime d'Erdogan ?
C'est pourtant un commandement chrétien : tendre l'autre joue.
Et aussi : qui vit par l'épée périra par l'épée.

Ici se vérifie de nouveau le célèbre constat de Dostoïevski (dans les Frères Karamazov) : l'homme est trop faible pour le christianisme. L'exemple du Christ est au-dessus de ses forces.
Il y a une spécificité qui vous échappe dans le cas des Arméniens.Ils sont,que je sache, la seule nation chrétienne qui,durant toute son histoire depuis son baptême vers 311 (et je rappelle qu'ils furent historiquement le premier Etat,la première nation, à adopter le christianisme) , dut se battre pour sa survie et sa fidélité à sa foi en endurant d'innombrables oppressions, spoliations massacres de toutes sortes dont le plusrécent eut lieu en 1915.En connaissez-vous une autre ,moi pas ? Ils sont donc martyrs au sens le plus chrétien du terme:témoins de leur foi jusqu'à la mort s'il le fallait.
Justement non, Gaudens, je ne crois pas. Une victime n'est pas automatiquement un martyr. Le martyre implique, je crois, une conscience aiguë des articles de foi (entre autres, l'obligation d'aimer ses ennemis : ce n'est pas une option de supermarché).
Il implique aussi le sacrifice de soi librement consenti.

Je crois que pour la majorité des Arméniens, ni l'une ni l'autre de ces deux conditions ne sont remplies.
La majorité d'entre-eux n'a jamais été placée devant ce choix : renoncez à votre foi ou mourrez. Ils ont simplement été pris dans les troubles politiques des différentes époques, de 311 à 2020. Ils ont subi ces violences dont ils ont été les victimes passives.
Cela ne fait pas d'eux des martyrs, même si bien entendu ils méritent toute notre sympathie.

Et puis, surtout, l'Arménie est une idée abstraite ; il me paraît étrange de vouloir lui appliquer des notions individuelles comme celle du martyre. On ne peut pas généraliser : je crois que la plupart des Arméniens, sommée d'abjurer le christianisme sous menace de mort, choisira de prolonger leur existence terrestre plutôt que de subir le martyre au nom de la foi. Mais comme l'immense majorité des hommes ! C'est terrible à dire, mais pour la majorité des hommes (et de nos contemporains en particulier) le corps a priorité sur l'âme.
J'ai lu la page wiki dse atabegs d'Azerbaidjan.Ils furent un des nombreux cas de semi-indépendants féodaux d'origine tribale ou militaire que connut le monde turc médiéval (et au delà) sous la suzeraineté des sultans seldjoukides (avec une plus lointaine encore soumission religieuse aux califes de Bagdad).En aucun cas ils ne furent l'expression d'une nation azebaidjanaise


Honnêtement, je ne suis pas qualifié pour vous répondre là-dessus, néanmoins il s'agissait de savoir s'il avait existé historiquement une entité indépendante sur le territoire de l'Azerbaïdjan actuel et il me semble bien que ce soit le cas... cela n'enlève rien aux questions subsidiaires sur l'identité azérie (simple province turque ? Quid alors des Kazakhs, des Turkmènes etc ?)
Et l'usage d'une langue de prestige par l'aristocratie est un phénomène qui s'est vu ailleurs (il fut un temps où, en Allemagne et en Russie, la noblesse parlait français)...

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par cmoi » mer. 07 oct. 2020, 11:55

Gaudens a écrit :
mer. 07 oct. 2020, 11:02
Cher Cmoi:
je comprends votre éloge de la non violence sur un plan général,moral.Mais si celle-ci a marché dans les cas de Gandhi,Luther King( sauf leur assassinat à tous deux) et Mandela, n'est-ce pas parce qu'ils avaient devant eux des pouvoirs incarnés par des hommes qui baignaient dans la culture voire la foi chrétienne et qui, d'autre part, croyaient plus ou moins totalement dans les vertus (relatives,cher Altior) de la démocratie? Croyez-vous que la non-violence eût pu avoir une quelconque efficacité devant Hitler et le nazisme,par exemple? Et dans le cas présent, croyez-vous que les Arméniens de l'Artsakh auraient dû répondre par la non-violence à l'attaque brusquée et préméditée des Azéris avec le soutien planifié du régime d'Erdogan ?
Par ailleurs,et c'est un tout autre sujet,j'aimerais beaucoup connaitre vos sources concernant les discussions détaillées que le roi (martyr,lui aussi) Louis XVI eut avec des autorités révolutionnaires.
en effet il y a 2 sujets.
Pour le dernier (plus court à répondre) mon grand-père était camelot du roi (et conférencier pour eux notamment), mon père écrivit aussi dans des revues pour défendre sa position légitimiste, et donc ce sont mes sources (outre une tonne de lectures que j'avais à ma disposition et dont je ne sais plus laquelle me permet de savoir ce que j'ai écris là et qui vous a intéressé, désolé! ) . Je ne suis pas royaliste (sauf pour le Christ Roi), mais je ne renie pas mes origines.

Pour le premier, j'aurai 2 réponses. La première est sentimentale, l'autre pragmatique.
la prem : il y a eu Lech Valesa (ennemi coriace, non?, cela aurait pu mal tourner...), il y a eu cette image d'un seul homme empêchant un char d'avancer (Chine...) et je pense que cette façon de combattre deviendra de plus en plus efficace grâce aux moyens modernes de communication notamment et aux médias
La seconde : il a subi des tentatives d'assassinat, et s'en est sorti "par miracle", à croire que Dieu l'utilisait tel qu'il était... donc un petit complément à la doctrine pacifiste avec des actes à la Charlotte Corday, pourquoi pas ? Je ne suis pas le pape François... Mais çà peut échouer.
Alors dans ce cas ? Je crois que perdu pour perdu, la technique du chien n'est pas la plus mauvaise : tendre le cou et ne rien faire d'autre que demander pitié. Surtout sil y a des caméras (tels portables dissimulés) et des satellites en relais...
Et sinon? J'avais un ami (mais j'en parle moins qu'un certain philosophe), il s'appelait Massoud...

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par cmoi » mer. 07 oct. 2020, 11:55

Daïdalon a écrit :
mer. 07 oct. 2020, 10:16
Et merci Cmoi pour votre intervention :)
Je vous en prie...Bienvenue. Il semble que nous soyons d'accord sur un point (ouf ! Car c'est toujours effrayant de voir débarquer quelqu'un qui semble intelligent : soyez indulgent, je suis sûr que vous me comprendrez...) à savoir que pour un chrétien qui n'est pas "de ce monde" la priorité, et si je reprends mon exemple donné à Altior avec le neuf et l'ancien, est de se servir des bons qui sont de chaque côté pour les faire s'entendre et trouver ce qui ressemblera à une transition ou un bon compromis.

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par Gaudens » mer. 07 oct. 2020, 15:32

Cmoi: si vous en avez le temps un jour, ce serait splendide de vous plonger dans les archives que vous évoquez.

Retour à notre sujet, avec un peu de gêne de ma part :
Révez-vous, Cmoi? Imaginez ce qui se passerait, ce serait passé , si tout un peuple se couchait devant l'ennemi qui l'agresse avec violence ? Votre image du chien qui tend le cou et pourquoi pas, se couche sur le dos en signe de soumission est insoutenable. Encore une fois, fallait-il agir ainsi devant Hitler? Le faudrait-il pour les Arméniens devant Erdogan et Aliev? Il me semble pourtant avoir lu sur un fil antérieur que vous aviez dû vous même, dans votre vie aventureuse passée ,pratiquer la légitime défense jusqu'à l'extrême ...

Daidalon:
Vous ne comprenez pas que tout à la fois une nation peut collectivement embrasser une foi qui devient sa matrice spirituelle et culturelle et en même temps adopter des règles de conduite qui ne peuvent s'assimiler à celles d'une personne physique. Pour le premier ,nous sommes maintenant tellement formatés par la laïcité et " l'esprit des Lumières" (pour le meilleur et pour le pire) , que nous avons du mal à comprendre cela, par exemple l'injonction de feu Saint Jean-Paul II au Bourget :"France, qu'as -tu fait des promesses de ton baptême?". Et l'Arménie est encore plus emblématique de cette sorte de baptême collectif que la France, ainsi d'ailleurs que plusieurs peuples chrétiens de l'Orient. Mais on ne peut exiger d'un peuple de tendre l'autre joue quand un ennemi l'agresse (alors que c'est concevable pour une personne physique bien que j'en sois personnellement incapable); voyez ci-dessus ma réponse à Cmoi.
Mais là où vous me consternez ( c'est peu dire) c'est quand vous prétendez que "la majorité des Arméniens"(bon, d'après vous il en resterait peut-être 49%...) n'aurait jamais eu à choisir entre renier sa foi et mourir (ou que l'ayant eu , ils aient naturellement choisi la vie et l'apostasie puisque c'est cela qui vous parait normal et habituel). Là ,désolé de le dire, j'en viens à douter de votre bonne foi à moins que comme on le voit parfois dans les forums, vous n'évoquiez cela comme vous le feriez de tout autre sujet, tout tranquillement et froidement, pour polémiquer alors que nous parlons ici du sang de martyrs* . Avez-vous déjà lu des ouvrages traitant du génocide de 1915 ou même des massacres arméniens de 1894? A moins que nous ne niiez ce génocide lui même ? Si vous connaissiez un peu mieux le sujet, vous auriez vu que ce genre de situation ne fut hélas alors pas exceptionnelle, bien au contraire. Du reste l'Histoire de l'Arménie- pays qui n'est pas un vague concept- (cf le livre monumental de JF .Mahé) montre que ce fut fréquent dans l'histoire de ce malheureux peuple. Un peuple à qui échappent d'ailleurs bien rarement des paroles de haine pour ses persécuteurs, j'ai pu le constater lors d'un bref voyage dans ce pays il y a quelques années , alors qu'en face des foules d'Azéris criaient leur haine encore il y a quelques mois dans les rues de Bakou.

Pour revenir à des choses plus paisibles et historiques:
-il est exact que l'ethnicité des peuples turcs est vague et que leur caractère tribal affirmé jusqu'à une date très récente les empêcha de s'incarner de bonne heure dans des entité étatiques pérennes et même de se forger un vrai caractère national (d'où une explication partielle de leur archi-nationalisme actuel, un peu par compensation ): en gros, Turcs de Turquie, Azéris d'Azerbaidjan et d'Iran, et Turkmènes du Turkménistan ou d'Irak sont tous des Turkmènes , des Turcs Ogouz (occidentaux) ; quand aux Kazakhs une historiographie récente les confondait largement encore avec les Kirghiz, etc...
Enfin votre contre-argument sur la langue des élites ne vaut pas : les aristocraties européennes (et même russes) avaient bien adopté le français comme langue privée mais les Etats continuaient à être gérés avec l'usage de leurs langues nationales ; dans l'Orient musulman des mondes turco-persans au sens large, le persan était langue d'Etat. Il ne faut pas toujours chercher à ouvrir de fausses fenêtres pour créer de la symétrie !


* en cela, vous seriez l'exact inverse notre ami Cmoi qui me donne toujours l'impression d'écrire avec ses tripes (qu'il veuille bien me pardonner cette intrusion triviale !)

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par Daïdalon » mer. 07 oct. 2020, 16:33

Croyez-bien que je ne cherche pas à consterner qui que ce soit. Mais le martyr a de tout temps et en tout lieu été l'exception et non la règle.

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par ademimo » mer. 07 oct. 2020, 19:01

Daïdalon a écrit :
mer. 07 oct. 2020, 11:39
Bonjour Gaudens,
Gaudens a écrit :
mer. 07 oct. 2020, 11:02
Et dans le cas présent, croyez-vous que les Arméniens de l'Artsakh auraient dû répondre par la non-violence à l'attaque brusquée et préméditée des Azéris avec le soutien planifié du régime d'Erdogan ?
C'est pourtant un commandement chrétien : tendre l'autre joue.
Et aussi : qui vit par l'épée périra par l'épée.

Ici se vérifie de nouveau le célèbre constat de Dostoïevski (dans les Frères Karamazov) : l'homme est trop faible pour le christianisme. L'exemple du Christ est au-dessus de ses forces.
Il y a une spécificité qui vous échappe dans le cas des Arméniens.Ils sont,que je sache, la seule nation chrétienne qui,durant toute son histoire depuis son baptême vers 311 (et je rappelle qu'ils furent historiquement le premier Etat,la première nation, à adopter le christianisme) , dut se battre pour sa survie et sa fidélité à sa foi en endurant d'innombrables oppressions, spoliations massacres de toutes sortes dont le plusrécent eut lieu en 1915.En connaissez-vous une autre ,moi pas ? Ils sont donc martyrs au sens le plus chrétien du terme:témoins de leur foi jusqu'à la mort s'il le fallait.
Justement non, Gaudens, je ne crois pas. Une victime n'est pas automatiquement un martyr. Le martyre implique, je crois, une conscience aiguë des articles de foi (entre autres, l'obligation d'aimer ses ennemis : ce n'est pas une option de supermarché).
Il implique aussi le sacrifice de soi librement consenti.

Je crois que pour la majorité des Arméniens, ni l'une ni l'autre de ces deux conditions ne sont remplies.
La majorité d'entre-eux n'a jamais été placée devant ce choix : renoncez à votre foi ou mourrez. Ils ont simplement été pris dans les troubles politiques des différentes époques, de 311 à 2020. Ils ont subi ces violences dont ils ont été les victimes passives.
Cela ne fait pas d'eux des martyrs, même si bien entendu ils méritent toute notre sympathie.

Et puis, surtout, l'Arménie est une idée abstraite ; il me paraît étrange de vouloir lui appliquer des notions individuelles comme celle du martyre. On ne peut pas généraliser : je crois que la plupart des Arméniens, sommée d'abjurer le christianisme sous menace de mort, choisira de prolonger leur existence terrestre plutôt que de subir le martyre au nom de la foi. Mais comme l'immense majorité des hommes ! C'est terrible à dire, mais pour la majorité des hommes (et de nos contemporains en particulier) le corps a priorité sur l'âme.
J'ai lu la page wiki dse atabegs d'Azerbaidjan.Ils furent un des nombreux cas de semi-indépendants féodaux d'origine tribale ou militaire que connut le monde turc médiéval (et au delà) sous la suzeraineté des sultans seldjoukides (avec une plus lointaine encore soumission religieuse aux califes de Bagdad).En aucun cas ils ne furent l'expression d'une nation azebaidjanaise


Honnêtement, je ne suis pas qualifié pour vous répondre là-dessus, néanmoins il s'agissait de savoir s'il avait existé historiquement une entité indépendante sur le territoire de l'Azerbaïdjan actuel et il me semble bien que ce soit le cas... cela n'enlève rien aux questions subsidiaires sur l'identité azérie (simple province turque ? Quid alors des Kazakhs, des Turkmènes etc ?)
Et l'usage d'une langue de prestige par l'aristocratie est un phénomène qui s'est vu ailleurs (il fut un temps où, en Allemagne et en Russie, la noblesse parlait français)...
Les Arméniens ne sont pas un seul homme. Tends l'autre joue, Aimez vos ennemis, cela s'adresse à des personnes, individuellement. On ne tend pas la joue collectivement. On ne sacrifie pas une nation entière en la vouant à la destruction, à l'anéantissement, pour accomplir les préceptes chrétiens. Le Christ n'a jamais dit que les peuples entiers devaient s'anéantir pour lui plaire.

Votre interprétation de l'Évangile conduit exactement à l'inverse de l'Évangile. C'est le masochisme collectif, que vous prônez. L'autodestruction collective. Le martyre collectif. Le contraire absolu de la charité, car entraînant un cortège d'injustices et d'atrocités.

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par cmoi » jeu. 08 oct. 2020, 5:03

Daïdalon a écrit :
mer. 07 oct. 2020, 16:33
Croyez-bien que je ne cherche pas à consterner qui que ce soit. Mais le martyr a de tout temps et en tout lieu été l'exception et non la règle.
Je suis cette fois encore d'accord, cer qui me semble compatible avec ce qu'a écrit Ademimo après vous
Gaudens a écrit :
mer. 07 oct. 2020, 15:32
Retour à notre sujet, avec un peu de gêne de ma part :
Révez-vous, Cmoi? Imaginez ce qui se passerait, ce serait passé , si tout un peuple se couchait devant l'ennemi qui l'agresse avec violence ? Votre image du chien qui tend le cou et pourquoi pas, se couche sur le dos en signe de soumission est insoutenable. Encore une fois, fallait-il agir ainsi devant Hitler? Le faudrait-il pour les Arméniens devant Erdogan et Aliev? Il me semble pourtant avoir lu sur un fil antérieur que vous aviez dû vous même, dans votre vie aventureuse passée ,pratiquer la légitime défense jusqu'à l'extrême ...
Vous êtes un très bon tireur vous avez fait mouche trois fois (je tiens compte de votre renvoi) : plein coeur !
Il n'y a que le premier tir qui me laisse encore bouger, alors je vais pouvoir vous répondre, même si...

Tout d'abord, je tiens à m'excuser auprès de vous, mais je me dois de le préciser, je sors compétement du cadre "Arménie" car je n'ai pas la prétention de connaître assez la situation pour en proposer une solution.
Je vais parler de la France, et si je ne parlerais pas d' Hitler en effet, en partie ce qui s'y est passé à cause de lui me l'a inspiré (depuis fort longtemps).

Ensuite, je ne pense pas que la stratégie soit la même pur un individu que pour un peuple. C'est presque à l'opposé.
Je vais distinguer 3 situations, après il y a des "intermédiaires". Car une seule chose est sûre en la matière : il ne faut pas partir "bille en tête" avec des théories, mais improviser et s'adapter avec beaucoup de souplesse au cas. Mais il faut bien avoir un "cadre".
Il va enfin de soi enfin que dans toutes ces hypothèses, nous sommes l'agressé et innocent

Ainsi, si l'attaque vient d'un beaucoup plus faible ou qui ne peut pas nous faire grand mal, genre escarmouches (terrorisme) ou attaques détournées ou de proches (Mali), etc : la riposte doit être immédiate, éclair et très déterminée, violente et sans pitié : le contraire de si c'est un individu : on temporise, on contrôle, on emmène à la raison, on ne fait pas grand mal. Mais on maîtrise et rend inofensif dans les 2 cas et on va jusqu'au bout, qu'il n'y ait pas de récidive.
Si l'attaque représente un risque réel de guerre longue et coûteuse, avec un adversaire de notre force ou voisine mais qui n'a pas la bombe atomique : on s'en sert ! Car sinon notre pouvoir de dissuasion disparaîtra à tout jamais. Encore une fois, le contraire à titre individuel : on joue le jeu avec pour principe de défense : en sortir indemne ou le plus possible et que l'autre n'y "revienne" plus jamais, en se servant de la proportionnalité " à ma manière (que je peux détailler) c'est à dire que s'il nous fait +5 en violence, on a le droit à faire +10 ! (5...+5) !
Si l'attaque provient d'un pays qui a la bombe atomique et qui est présumé plus fort que nous (URSS à l'époque) : on ne se bat pas du tout, on refuse de se battre, il devra tuer des civils, on le laisse nous occuper, et une fois qu'il nous occupe, on le harcèle (Duguesclin contre les anglais, le vietminh en Indochine, etc.) : cette technique a fait ses preuves. Le contraire de si on est un individu : on "donne tout" à mort.

Voilà dans les grandes lignes ma "ligne stratégique". Je rappelle qu'un occupant nous apprend beaucoup (époque romaine) et lui aussi de nous, qu'il y a des fraternités ponctuelles et imprégnation culturelle réciproque. Le seul hic avec l'URSS, c'est que l'extermination de masse et le goulag, elle connaissait. Alors ? Alors on ne refait pas le sabordage à Toulon, on garde la menace nucléaire à l'abri quelque part (sous-marins) on se sert de nos colonies de vacances ou de froid extrême (réunion Guyane, Nvl Calédonie, Tahiti, etc. ) pour y cacher nos atouts et on ment s'il le faut jusqu'au moment où il sera trop tard pour l'ennemi pour comprendre : on n'est pas mort, on vit encore, et il faudra négocier comme si une "fin de guerre". Pour cela l faut juste des couilles et de la diplomatie, l'avoir prévu et du secret !
Cela ne correspond pas aux choix qui ont été fait, mais c'est réaliste et moins coûteux et je peux pourrais développer mais ce forum n'est pas le lieu me semble-t-il...

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par cmoi » jeu. 08 oct. 2020, 5:18

Ceci étant écrit, vous allez me dire : mais ce n'est pas du tout ce que vous aviez prôné !
Exact: parce que la situation de la France et ses engagements ne permettent pas autre chose.
La seule solution "correcte et chrétienne" serait que la France fasse tout pour devenir progressivement un pays neutre comme la Suisse, et invite ses voisins européens à faire pareil, tout en conservant une force de dissuasion et une capacité opérationnelle de type ONU, ce vers quoi on va de toute façon... Et il serait mieux de le faire conscienment, patiemment et délibérément, d'en annoncer la couleur progressivement sans "tout" dévoiler d'un coup. Cela demande d'avoir un vrai plan diplomatique (de construire de nouvelles alliances "pour la paix" et non la guerre) à cause des engagements pris par le passé.
Sans quoi il y aura... et ce sera la m... a un moment ou à un autre

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par Altior » jeu. 08 oct. 2020, 11:10

Avec un plaisir nostalgique je me souviens de la minorité arménienne de Roumanie. Beaucoup se sont réfugiés en Roumanie après les exactions subies en Turquie. Ils y formaient une minorité moins nombreuse que les Hongrois, les Allemands, les Juifs (Ashkénazes pour la plupart) et les Bohémiens, pour s'évaporer ensuite, à partir des années 50. Ils avaient des petits commerces de famille, surtout avec des produits sucrés et des «coloniales». Ils étaient sans pareil en tout ce qui concerne le café. Depuis leurs boutiques, une odeur alléchante de combinaisons savantes de café en cours de torréfaction inondaient les ruelles de centre ville de Bucarest pour chatouiller les narines des passants. Tous parlaient le français (à cette époque, la Roumanie était très francophone dans son ensemble, mais les Arméniens se distinguaient par un français parfait). Ils étaient extrêmement polis et je me souviens qu'ils pratiquaient encore la révérence, dans un monde où tous les gens se serraient déjà la pince.
Une très large partie des Arméniens étaient catholique. Ils avaient leur propre rite, différent du rite byzantin et du rite romain. Ils étaient les seuls catholiques orientaux (à ce que je sache) qui utilisaient le pain sans levain en tant que matière première pour la Sainte Communion. À l'époque, les Arméniens catholiques avaient un diocèse dans une ville qu'ils ont bâtie en Transylvanie, ville qui s'appelait «Arménopolis». De nos jours, il ne reste que quatre paroisses où le rite catholique arménien est encore pratiqué, de façon que leur diocèse a été rétrogradé en exarchat.
Les Roumains gardent quelques souvenirs de la minorité arménienne dans leur folklore. L'expression «une visite arménienne» signifie une visite très longue, où les convives ne se dépêchent pas de s'en aller et où on parle pendant des heures autour d'une tasse de café et un peu de confiture. D'innombrables blagues circulent encore au sujet de «Radio Erevan». Ce Radio Erevan était un poste de radio dans la capitale de la République Soviétique d'Arménie qui donnaient des réponses dialectiques, sinon carrément subversives aux questions posées par les auditeurs pendant le communisme. Exemples: «Un auditeur nous demande s'il est vrai qu'en Union Soviétique le maïs pousse comme les piliers. Nous répondons: affirmatif, et même plus rarement que ça!» ou bien «un fidèle auditeur, passionné d'histoire nous pose la question s'il est vrai que le poète communiste Maïakovski s'est suicidé. Nous répondons: apparemment affirmatif, car ses derniers mots ont été "Ne tirez pas, camarades!"». Et encore: «Un auditeur nous demande quelle est la différence entre le capitalisme et le communisme. Nous répondons : dans une société capitaliste, l'homme est exploité par l'homme. Dans une société communiste, c'est exactement l'inverse.». Et pour la route: «un auditeur nous pose la question s'il est vrai que l'aspirine puisse être utilisée en tant que pilule contraceptive. Nous répondons: affirmatif, à condition que le comprimé soit bien pris en tenaille entre les genoux.».

Aujourd'hui, il ne reste que très peu d'Arméniens en Roumanie, pour la plupart en âge avancé. Leur enfants sont partout dans le monde. Tout comme les Juifs, une forte minorité qui a quitté la Roumanie dans les années 70. Tout comme les Allemands (ceux-là on commencé à la quitter dès la fin de la guerre par déportation en Sibérie, pour la «bonne» raison que leur ancêtres, venus en Roumanie au XIe siècle, étaient des Allemands).

C'est comme ça... L'histoire est écrite par les vainqueurs. On parle, on reparle et on surparle du génocide des Juifs. On parle beaucoup moins du génocide des Arméniens et encore moins du génocide des Allemands en Union Soviétique.

Le peuple arménien fait partie des peuples vaincus de l'Histoire. Pourtant, je fais confiance à ce grand peuple, le premier à avoir embrassé le christianisme. Un peuple de martyrs. Je ne doute pas que le sang de ses martyrs est la semence qui fleurira dans ce qui, un jour, sera de nouveau le Jardin de Notre Seigneur.

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par Gaudens » jeu. 08 oct. 2020, 12:17

Merci pour ce beau et parfois amusant témoignage,Altior.
Et je partage en tout point votre espérance finale:

"Le peuple arménien fait partie des peuples vaincus de l'Histoire. Pourtant, je fais confiance à ce grand peuple, le premier à avoir embrassé le christianisme. Un peuple de martyrs. Je ne doute pas que le sang de ces martyrs est la semence qui fleurira dans ce qui, un jour, sera de nouveau le Jardin de Notre Seigneur".

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par Altior » jeu. 08 oct. 2020, 19:21

Gaudens a écrit :
jeu. 08 oct. 2020, 12:17
Merci pour ce beau et parfois amusant témoignage,Altior.
Avec plaisir. Voici une chanson qui nous parle, chantée par un grand Français et un grand Arménien. C'est par ici.

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par cmoi » ven. 09 oct. 2020, 6:56

Il semble que je vous ai laissé sans voix (ou sans doigts, ou sans clavier...) cher Gaudens.
Je vais donc préciser que mon exemple qui peut paraître "par l'absurde" et qui pourtant correspond à la réalité des choix politiques qui ont été faits par notre pays, montre plusieurs choses :

Que la stratégie de défense de notre pays avec la dissuasion nucléaire est contraire à la convention de Genève (et à une idée chrétienne de la guerre juste ? Le pape en tout cas le pense...) qui suppose d'épargner les civils
S l'on ajoute à cela l'équilibre de notre balance commerciale par nos ventes d'armes (nous sommes dans le trio de tête depuis des décennies !) pas étonnant, je pense à une remarque ici de Pathos, que le pape nous boude !

Qu'il n'est pas facile à de nouveaux membres du gouvernement de faire ce qu'ils veulent, ils s'inscrivent dans une continuité qui ne peut pas toujours s'infléchir, cela demanderait trop de temps et ils n'en ont pas. C'est là d'ailleurs un des arguments de valeur des royalistes, tendance qui semble vous être chère... Ainsi, Nicolas Hulot n'a pas fait long feu au gouvernement et n'y a pas pu faire ce qu'il aurait voulu (et ce n'est pas la faute aux autres mais au "passif").
Autrement dit, la seule chose à faire, c'est de choisir plutôt d'être conseiller (peu importe sous quel habillement, épouse, coach, directeur de conscience, psy, coiffeur ...) je n'ai pas dit opposant ni sympathisant, mais motivé par la politique de son pays, reconnu pour sa "vision" et même impartial, rémunéré ou non, pour donner de la cohérence et de la sagesse, des coups de pouce pertinents et sagaces

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Re: Les plaies de l'Arménie

Message non lu par Gaudens » ven. 09 oct. 2020, 9:09

Ni sans voix ni sans clavier,cher Cmoi mais surtout sans temps pour réfléchir à vos propos et y répondre de façon un peu sérieuse et positive (d'autres urgences m 'ont occupé ces derniers jours).
Et vous avez une capacité à élargir les sujets de façon bien souvent intéressante mais parfois inattendue,comme c'est le cas en l'espèce que je n'ai pas .Pour ma part c'est le conflit de l'Artsakh ,dont je crains qu'il ne devienne bientôt le drame de l'Artskh et de l'Arménie ,qui m'occupe la tête . Peut-être plus tard trouverai-je le temps et la tranquillité d'esprit nécessaires à une réaction à vos idées en matière stratégique et éthique, qui mériteraient d'ailleurs un fil de discussion à elles seules.

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