Fleur de Lys a écrit : ↑jeu. 08 avr. 2021, 20:34
Mais je n'ai pas compris ce que risque le curé qui a désobéit à l'évêque: simple avertissement? être démis de sa fonction de curé, envoyé dans une autre paroisse?
C'est ce que va devoir définir l'enquête canonique qui va fixer les parts de responsabilités de chacun.
Alors je ne sais pas comment fonctionnent ces paroisses autoproclamées traditionnalistes, mais dans le fonctionnement d'un diocèse voici comment cela fonctionne normalement, et je vais me permettre des comparaisons institutionnelles pour imager tout cela :
L'évêque (président de la République de son diocèse) dispose d'un gouvernement pour l'épauler dans sa mission (vicaires généraux, vicaires épiscopaux etc) et de divers échelons intermédiaires (doyens de zones ...) avant d'arriver au niveau de la paroisse. Il nomme des curés ( des préfets), à la tête d'une paroisse ou d'un groupement de paroisses, qui sont chargés d'appliquer la ligne pastorale et l'autorité de leur évêque.
Le curé n'a pas la pleine gouvernance (cela c'est du cléricalisme), il est entouré d'une équipe missionnée par l'évêque : l'Équipe d'Animation Pastorale (le gouvernement de la paroisse, la Préfecture pour rester dans la comparaison) avec qui il partage collégialement les décisions, mais aussi les responsabilités. Cette EAP est instruite de la vie locale par un Conseil Pastoral qui fait remonter : informations, demandes, besoins, bref qui prend le pouls des quartiers de la paroisse pour faire simple.
L'enquête canonique va donc servir à définir le degré de responsabilité de chacun et donc d'appliquer la juste sanction. Est-ce que le curé et son vicaire ont agit seuls ? Est-ce que l'EAP a été d'accord ou pas ? etc etc.
Le curé peut se voir enlever sa curie et être envoyé comme responsable de la machine à couper le pain dans un quelconque recoin du diocèse. Les membres de l'EAP peuvent se voir enlever leur lettre de mission, car tout ce petit monde agit par et sous l'autorité de l'évêque qui est le seul vrai pasteur du diocèse, les autres ne sont que des collaborateurs. Et ce point là beaucoup ont tendance à l'oublier, comme si le curé était le boss et l'évêque un lointain gestionnaire administratif : non ! Il est le successeur apostolique !
Demain tout évêque peut retirer pour des raisons disciplinaires ce que le prêtre ne possède pas en soi car relevant du sacrement dans l'ordre épiscopal : le droit de confesser et d'absoudre, le droit de faire une homélie, le droit d'exorciser et même le droit ce célébrer
publiquement la messe (mais pas en privé) etc etc.
Et dans l'Église la juste attitude pour les serviteurs, c'est le service !
Pas la révolte ou l'insubordination, et ce que l'on soit d'accord ou pas avec son évêque, avec l'Église de France, avec l'Église catholique dans son universalité.
Deux exemples opposés me viennent à l'esprit concernant la révolte, l'insubordination : Luther et saint François d'Assise.
Mais c'est Bernanos qui en parle le mieux dans "Frère Martin :
« Non, ce n'est pas le diplôme qui fait le prêtre, c'est le sacrement, c'est au nom du sacrement qu'il enseigne... La grande entreprise divine ne saurait être très compromise par la médiocrité de ses instruments... Le pharisaïsme est une suppuration sans fièvre, un abcès froid, indolore. Il y a dans le pharisaïsme une malfaisance particulière qui exerce très cruellement la patience des saints, alors qu'elle ne fait le plus souvent qu'aigrir ou révolter de pauvres chrétiens dans mon genre. Je me méfie de mon imagination, de ma révolte, l'indignation n'a jamais racheté personne, mais elle a probablement perdu beaucoup d'âmes, et toutes les bacchanales simoniaques de la Rome du XVIème siècle n'auraient pas été de grands profit pour le diable si elles n'avaient réussi ce coup unique de jeter Luther dans le désespoir, et avec ce moine indomptable, les deux tiers de la douloureuse chrétienté. Luther et les siens ont désespéré de l'Église, et qui désespère de l'Église, c'est curieux, risque tôt ou tard de désespérer de l'homme. A ce point de vue, le protestantisme m'apparaît comme un compromis avec le désespoir... Les gens d'Église auraient volontiers toléré qu'il joignît sa voix à tant d'autres voix plus illustres ou plus saintes qui ne cessaient de dénoncer ces désordres. Le malheur de Martin Luther fut de prétendre réformer... C'est, par exemple, un fait d'expérience qu'on ne réforme rien dans l'Église par les moyens ordinaires. Qui prétend réformer l'Église par ces moyens, par les mêmes moyens qu'on réforme une société temporelle, non seulement échoue dans son entreprise, mais finit infailliblement par se trouver hors de l'Église... avant que personne ait pris la peine de l'en exclure... Il en devient l'ennemi presque à son insu, et s'il tente de revenir en arrière, chaque pas l'en écarte davantage, il semble que sa bonne volonté elle-même soit maudite. C'est là, je le répète, un fait d'expérience, que chacun peut vérifier s'il prend la peine d'étudier la vie des hérésiarques, grands ou petits. On ne réforme l'Église qu'en souffrant pour elle, on ne réforme l'Église visible qu'en souffrant pour l'Église invisible. On ne réforme les vices de l'Église qu'en prodiguant l'exemple de ses vertus les plus héroïques. Il est possible que saint François d'Assise n'ait pas été moins révolté que Luther par la débauche et la simonie des prélats. Il est même certain qu'il en a plus cruellement souffert, car sa nature était bien différente de celle du moine de Weimar. Mais il n'a pas défié l'iniquité... il s'est jeté dans la pauvreté... Au lieu d'essayer d'arracher à l'Église les biens mal acquis, il l'a comblée de trésors invisibles, et sous la douce main de ce mendiant le tas d'or et de luxure s'est mis à fleurir comme une haie d'avril... L'Église n'a pas besoin de critiques, mais d'artistes… L'Eglise n'a pas besoin de réformateurs, mais de saints.
Voilà, j'espère que ma longue tirade a remis en perspective le fonctionnement diocésain et la place que chacun y occupe, au service des autres et non de soi-même.