Gaudens a écrit :En effet en quoi liberté religieuse et unité de l’Eglise /oecuménisme sont-ils caractéristiquement à ranger dans la « doctrine »(irréfragable,permanente,etc…) et non dans la discipline ?
Il me semble que vous soulevez un point très juste, rendant incroyablement outrancier un schisme ou même une défiance profonde envers les clercs récents.
Et cela renforce mon soupçon, apparu au travers de ces dialogues souvent à sens unique, qu'en réalité la divergence porte sur la conception de la place de l'Eglise dans la société. Les intégristes semblent (les nombreux ici me contrediront si besoin) avoir pour vœux une sorte de Parousie avant l'heure, avec un Christ Roi triomphant de toute la force de Sa puissance, et le monde pliant le genou avec dévotion et obéissance selon un rite sacralisé et une morale élaborée par les clercs dans tous les détails de la vie courante.
Ainsi le monde occidental d'avant est-il jugé l'âge d'or vers lequel il faut revenir, avec une Eglise devenue puissance terrestre, intimement liée au pouvoir et même le dirigeant, avec légitimation d'une morale forcée qui s'appliquerait à tous, de façon coercitive si besoin. Et la messe de Saint Pie V la seule assez solennelle pour adorer ce Dieu victorieux avec la pompe qui convient, le latin partagé par tous les peuples en une même foi, le chant grégorien le seul ayant la sacralité nécessaire, etc. Le Concile Vatican II devient alors l'infamie qui avalise la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la liberté religieuse, l'œcuménisme et donc une coexistence sans prosélytisme accentué...
D'ailleurs sont passés sur ce site pas mal de fils sur les vertus de la théocratie, et comme quoi l'état aurait le devoir d'imposer la morale (chrétienne évidemment), renforçant ainsi cette opinion.
Les peuples étant plus éduqués qu'avant, émergeant de l'état de pauvreté et de simple survivance pour acquérir une certaine liberté d'existence et une connaissance permettant des opinions diverses, cette conception de l'Eglise ** parait désormais impossible sans guerre civile vous avez raison. Elle me parait même contraire à l'évangile, NSJC demandant l'évangélisation par la persuasion, le prêche et non une forme d'autorité terrestre. La foi doit être une adhésion de cœur, et c'est en fait elle qui nous juge :
"et, si la maison en est digne, que votre paix vienne sur elle; mais si elle n'en est pas digne, que votre paix retourne à vous. 14Lorsqu'on ne vous recevra pas et qu'on n'écoutera pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds. 15Je vous le dis en vérité: au jour du jugement, le pays de Sodome et de Gomorrhe sera traité moins rigoureusement que cette ville-là."
D'ailleurs vous avez raison de dire que cette conception rigoriste est contre-productive, un vrai repoussoir qui au lieu de freiner la fuite due au libéralisme l'a en fait accélérée, y compris en lui donnant des justifications.
Le Concile Vatican II était donc nécessaire.
Maintenant il est vrai que ce Concile, qui voulait une Eglise plus humble et revenant aux fondamentaux initiaux, a semblé légitimer * également les thèses modernistes et libérales, conduisant à un appauvrissement en perdant momentanément et brutalement beaucoup d'enseignements traditionnels (il semble y avoir un retour en arrière sur ce plan là), mais surtout rendant plus probable l'émergence future d'hérésies autrement plus dangereuses que l'intégrisme, donnant raison ici à quelqu'une de ce site. Le modernisme réformateur reste le danger principal (ce que vous appelez le courant progressiste et allemand entre autre). Par exemple en commençant à enseigner contre la présence réelle dans l'eucharistie.
Les intégristes, ultra minoritaires et d'une niche sociologique, même s'ils se manifestent beaucoup, sont finalement à la marge, sans grande incidence.
Le vrai combat, me semble-t-il, est pour une ré-évangélisation, avec toute la douceur, la patience et l'exemplarité nécessaire pour semer la Bonne Parole et aller chercher les brebis égarées. Cela ne veut pas dire épouser les idées mondaines, on peut parfaitement le faire avec un enseignement orthodoxe et traditionnel, mais sans la rigueur
. Gardons la rigueur pour les plus avancés d'entre nous.
* Ou beaucoup ont pris ce prétexte, invoquant l'esprit du Concile
** Qui pouvait trouver une justification dans le fait que le pouvoir était de toute façon entre les mains d'un homme ou d'une caste, il était opportun de les éclairer pour le bien du peuple, y compris spirituel