Il semble que la cause du mal soit déjà trouvé. Quoi ? L'abus de cléricalisme, la sacralité encore excessive pouvant entourer la personne des prêtres en général et qui induirait le mutisme, donnerait prise à la manipulation, paralyserait les plaignants potentiels, forcerait les évêques eux-mêmes à vouloir sauver les meubles ou l'image parfaite d'une sacralité sans tache, sans compter le personnel religieux dans l'Église qui ne se serait pas lui-même encore assez à l'aise avec l'univers de la sexualité humaine qui vivrait encore trop dans le déni d'un côté, comme le prêtre devrait être déjà un petit chérubin avec des ailes totalement dépourvu de tensions sauvages et souterraines, un truc propice à voir son bonhomme pratiquer la dissociation mentale à fond. Une double-vie quoi ! Pur et parfait, chérubin les ailes déployées au moment du culte ou pendant les heures ouvrables de prestation de service aux fidèles de la paroisse, mister Hyde dans l'ombre avec les enfants du camp scout ou ceux de l'école du samedi !
Belle analyse ! Mais…
Non, ce n’est pas cela le plus grave, même s’il y a aussi cela et qui peut être appréhendé psychologiquement et donc faire intervenir la société civile. J’ai décidément beaucoup de mal à faire entrer dans vos esprits une idée simple et qui n’est que théologique, ou même plutôt mystique, ce qui montre que cette désacralisation est peut-être déjà opérationnelle en vous.
Nous parlons d’une époque passée, si cela peut vous aider, où cette sacralisation était non seulement encore enseignée mais vécue, appréhendée comme partie prenante de la foi. Par la foi nous croyons ce que nous ne voyons pas, et heureux ceux- là. Un enfant croyait donc que le prêtre était un autre Christ, caractère ontologique et indélébile reçu à son ordination.
Et voilà que Jésus le viole et commet sur lui un acte immonde ! Mystiquement c’est insupportable, absurde, un sommet, de quoi vous rendre fou, vous faire vous suicider, à moins de descendre d’un degré si ce n’est de tous, dans votre foi. Car la foi est une, c’est du tout ou rien.
Ce n’est pas le prêtre devant vous, c’est Jésus qui devient mister Hyde. L’enfant n’est pas idiot, il le sait bien que le prêtre est pécheur, mais là cela dépasse le possible, il y a le vœu de chasteté, il y a toute son éducation et sa vie et si le prêtre lui n’a plus la foi (comment expliquer sinon son acte ignoble !) alors pourquoi la conserver, et s’il l’a comment peut-il nous faire cela même s’il en avait une irrépressible envie, quand on sait ce que les évangiles disent à propos des enfants (ce que les enfants retiennent en premier ou presque) !
Normal qu’il nous oblige à nous taire, mais comment en guérir, comment y survivre ? Dans quels abîmes l’enfant est plongé, pourrez-vous jamais l’imaginer, sans réussir à imaginer une foi que Jésus a donné en exemple !
Les histoires de sexualité, l’enfant les ignore et n’en a rien à faire, cela lui passe au-dessus de la tête… (Certes pas de celle qui religieuse s’était donnée à Jésus et qui est une adulte, c’est son seul avantage mais qui pourrait bien se retourner contre elle, vu sa dépendance matérielle - vœu de pauvreté oblige…)
Croyez-vous encore qu’il fasse le lien entre ce qui lui est arrivé et la politique ou des préoccupations sociétales ?
Pour que cette difficulté soit traitée, il ne faut pas la traiter comme un simple cléricalisme, ce qui peut être le cas s’il avait manqué de foi ou l’aura perdue. Mais en la traitant telle qu’elle est, on soigne du coup le cléricalisme du même coup.
En conséquence ...
En conséquence dites-vous… Eh bien en conséquence le reste de vos propos est hors sujet avec un rien de désabusement et presque de cynisme affleurant davantage par la suite, mais aussi une grande part de « jeu » quand on vous connaît. Ce « sujet » qui est un drame devrait vous (je vous associe à tous ceux auxquels vous vous associez, mis à part l’aparté ci-devant… ) permettre de changer un peu votre regard, de sortir de la routine de vos attendus sociologiques, je crains qu’il échoue.
Si on a la foi, on se fiche de comment la société civile percevra cela et de ce qu’elle demandera, le sujet est avant tout religieux et tragique. Si vous passez à côté, ne vous étonnez pas que d’autres passeront à côté de la foi et voudront la destruction de l’Eglise, puisqu’alors cela voudra dire qu’elle n’assume même pas ce qu’elle est.
Pour paraphraser l’éduction des jeunes de bonne aristocratie (donc élite chrétienne), à qui on leur apprend en famille que la noblesse entraîne des devoirs avant d’être un honneur (quitte à offrir sa vie) il faudrait redire aux prêtres que le sacerdoce aussi est un devoir avant d’être un honneur, que l’honneur vient après, mais encore faudrait-il leur avoir d’abord inculqué le sens du devoir et de l’honneur !
Désolé si je suis rude, mais je ne peux pas le dire autrement…
Le mal vient du relâchement dans les moeurs des prêtres. Mais le dire ainsi est pourtant loin d’être suffisant, car les mœurs peuvent se relâcher tant et beaucoup sans tomber si bas. Prétendre donc soigner ce mal en surveillant cela est aussi viser à côté de la plaque et offenser les victimes, autant que de se soucier de politique ou de la réputation de l’Eglise. Il aurait fallu s’en préoccuper avant de cette réputation.
Le devoir d’un prêtre est d’être un saint, pas de le devenir. A cela aussi servent les séminaires. Et s’il n’y parvient pas de s’abaisser, et de réessayer, et non de tomber dans l’hypocrise : il ne faudrait pas que cette « difficulté » soit par lui utilisée pour se justifier des pires horreurs.
C’est un point de commun que vous auriez avec les dits complotistes : vous vous refusez à ne pas voir les choses telles qu’elles sont et c’est très bien. Mais alors, il vous faut aussi accepter les choses que vous ne voulez pas voir parce qu’elles dérangent vos convictions, et les voir comme elles sont.
Si ici vous vous montrez joyeusement désabusé et cynique, d’autres fois vous faites preuve d’une fraîcheur d’enfant. Alors choisissez ai-je envie de vous dire, on ne peut cultiver les 2 !
Quoiqu’il en soi subsistent ces questions, car elles sont bien réelles pour d’autres que vous : comment un prêtre peut-il oser faire de telles abominations, et ensuite célébrer la messe, instruire l’enfant dont il a abusé, lui donner des « devoirs » et juger de son avancement en présence de ses parents, les conseiller ? Quel film rendra compte de ce cauchemar éveillé, de cette nuit de la foi s’abattant sur des années qui devraient être parmi ses plus belles ? Aucun, ce serait trop insupportable. Imaginez avec quel raffinement ce prêtre peut s’en servir pour acculer l’enfant au désespoir le plus terrible, dans des situations cornéliennes et sous les yeux de témoins qui ne voient rien et qui sans s’en rendre compte se font ses complices ! Avec cet enjeu particulier : la foi. Et non pas seulement sa raison mentale.
Et cela (qui est peut-être le pire) même pas par sadisme, mais
par lâcheté.
Pour compléter mon propos initial à Relief, on ne peut prétendre « ne pas juger » que si réellement on ne le fait pas, sans quoi cela se verra (en l’occurence il s’agit de cette commission CIASE) et cela n’empêche pas d’exercer son jugement critique. Mais faisons-le sur l’essentiel en priorité, pas sur l’accessoire.
Oui, il y a un côté stratégique à déployer, et il ne faut pas le négliger.
Un péché est un péché et doit être traité comme un péché. Qui mieux que l’Eglise devrait savoir comment le faire ? Comme le disait Blanche de Castille, il n’est honteux que lorsque l’on s’ y abandonne (le dissimule, le nie, le travestit, ne le combat pas, etc.)
Personne ne nous reprochera le temps perdu à n’avoir rien fait ou mal fait, si nous nous montrons efficaces et compétents maintenant !
Prenons les choses par ordre :
Les abus relèvent de la personnalité et volonté individuelles des abuseurs, et l’Eglise doit aider leurs victimes car c’est une oeuvre de miséricorde et cela rentre dans sa mission.
Elle ne l’a majoritairement pas fait,
c’est un tort et elle doit non seulement le réparer, mais empêcher que cela se reproduise et prendre toutes les mesures en ce sens.
Mais le débat actuel ne porte pas tant sur la rédemption (et non le châtiment, vue civile) de ces pécheurs, ni le secours à porter à leurs victimes quoique ce soient 2 préoccupations, mais sur la complicité active de l’Eglise et à la fois la façon d’y remédier pour l’avenir, la façon de la sanctionner pour le passé, enfin comment elle peut s’en relever sans perdre de vue sa mission.
L’Eglise
a eu le tort de considérer que ces personnes avaient été appelées par le Seigneur. Elle a pu être en cela abusée (aucune faute de sa part), elle a pu s’abuser (mauvais discernement) elle a pu en être complice (via certains autres représentants qui peu à peu se seraient cooptés entre eux : la fumée de Satan introduite dans l’Eglise !).
Dans le second cas seulement elle a quelque chose à se reprocher, et qu’elle doit corriger autant que faire se peut.
Quand le mal s’est produit, au lieu d’exercer sa mission (ci-dessus) elle a, c’est reconnu, se sentant partie prenante, essayé de se désolidariser du mal commis. Pour cela elle a parfois mal agi et n’a pas pris sa part de responsabilité. Ou, en la prenant, elle a négligé les victimes et s’est focalisée sur la rédemption des pécheurs. Il n’y a plus aucun remède à cela, que d’
en reconnaitre le tort !
Je ne vois pas en quoi la société civile devrait être mêlée en quoi que ce soit à ces constats. Le faire c’est noyer le poisson, même si c’est de votre part et par crainte !
Et si je continuais dans ce filon et abordais la réparation, autant que les mesure à prendre pour l’avenir, là encore et parce qu’il s’agit d’un péché, l’Eglise devrait être la seule et la plus compétente pour s’en occuper, et si elle le fait bien je ne vois pas en quoi la société civile interviendrait.
J’ai trop entendu « ce n’est pas seulement un péché, c’est un crime » pour justifier une intervention civile. Je dirai moi le contraire : ce n’est pas seulement un crime, c’est un péché. On a trop l’habitude de voir par péché des petites affaires qui ne concernent que nous et Dieu, gourmandise, paresse, luxure, orgueil, avarice, petites escroqueries, mensonges, etc. et d’oublier les graves conséquences que le péché peut avoir sur les autres et la nécessité de les éviter ou de les réparer.
On a aussi fait des vaudevilles de l’adultère, on peut oui en rire, mais pour certaines personnes qui en sont victimes c’est un drame suivi au mieux d’une longue dépression : parce qu’elles en avaient une haute idée, celle de l’Eglise.
Plus la victime aura eu de foi, plus cela lui sera difficile de s’en remettre.