Ordinations d'hommes mariés

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Gaudeamus
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Ordinations d'hommes mariés

Message non lu par Gaudeamus » ven. 15 avr. 2005, 23:45

Selon le magazine La Vie de cette semaine, Mgr Barbarin jette un pavé dans la mare.
Il ne verrait pas d'un mauvais oeil l'ordination d'hommes mariés, et il semblerait que l'idée fasse son chemin à Rome. Désolé de ne pas donner les citations précises, mais j'ai destiné ce chiffon au classement vertical dès après la lecture du seul article qui m'intéressait.

Qu'en pensez-vous ?

Je suis contre, car le célibat du prêtre est un signe fort qui frappe l'imagination du païen, qu'il le veuille ou non (sinon on ne ferait pas tout ce foin).

Et n'y a-t-il pas une voie intermédiaire à travers le diaconat ?

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VexillumRegis
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Message non lu par VexillumRegis » ven. 15 avr. 2005, 23:56

Bonsoir,

Rappelons tout d'abord que le célibat des prêtres est une loi strictement disciplinaire, et qui ne touche donc pas au dogme. L'Eglise peut, pour des raisons appropriées, dispenser de cette obligation. C'est le cas par exemple dans les Églises de rite oriental sous la juridiction de Rome, dans lesquelles les prêtres peuvent vivre dans l'état du mariage.

On notera cependant deux passages des Ecritures qui, s'ils n'obligent pas positivement les clercs au célibat, élèvent cependant cet état au-dessus de l'état du mariage :

Matthieu XIX, 12 : "Car il y a des eunuques qui le sont de naissance, dès le sein de leur mère ; il y a aussi des eunuques qui le sont devenus par la main des hommes ; et il y en a qui se sont faits eunuques eux-mêmes à cause du royaume des cieux. Qui celui qui peut comprendre, comprenne !"

1 Cor. VII, 8, 25-26, 32-33 : "A ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves, je dis qu'il leur est bon de rester comme moi-même (...) Pour ce qui est des vierges, je n'ai pas de commandement du Seigneur ; mais je donne un conseil, comme ayant reçu du Seigneur la grâce d'être fidèle. Je pense donc à cause des difficultés présentes, qu'il est bon à un homme d'être ainsi (...) Celui qui n'est pas marié a souci des choses du Seigneur, il cherche à plaire au Seigneur ; celui qui est marié a souci des choses du monde, il cherche à plaire à sa femme, et il est partagé."

In Christo,

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Dernière modification par VexillumRegis le ven. 15 avr. 2005, 23:59, modifié 1 fois.

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Christophe
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Sacerdotalis caelibatus

Message non lu par Christophe » ven. 15 avr. 2005, 23:58

Pour ceux que la question intéresse, le document magistériel de référence :

:arrow: Encyclique Sacerdotalis caelibatus "Sur le célibat sacerdotal" de SS le Pape Paul VI (1967)


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Message non lu par aramis » sam. 16 avr. 2005, 0:00

Difficile de te répondre Gaudémaus, d'autant plus que je crains le classement vertical :roll:

Quelques remarques cependant :

1. Les Rabbins, les pasteurs, les Imam, ne sont pas astreints au célibat. Seuls les prêtres catholiques le sont. Sont-ils à ce point des surhommes ?
2. Pour ma part, si l'ordination d'homme mariés était possible, je crois que je me ferai prêtre.
3. Thimotée, Ch3 V2 " Aussi faut-il que l'Evêque soit irréprochable, marie d'une seule femme..."
Donc, les écritures ne s'y opposent pas.
4. Le corps a des besoins, que certains ont bien du mal à dompter. Faut-il encourager l'hypocrisie et sourire chaque fois qu'une bonne du curé accompagne son employeur lors d'une mutation... ?

Maintenant, je ne pense pas que cela résoudra totalement la crise des vocations, qui est d'abord une crise morale. Mais je pense qu'en acceptant qu'un prêtre puisse se marier, l'Eglise devra affiner ses jugements sur certaines souffrances du couple, sur ses difficultés dans le monde moderne, et que ces nouvelles perspectives la rendront plus à même de remplir sa mission. et surtout d'être écouté et entendue.
Dépassionner l'homme pour les choses terrestres, j'appelle cela une spiritualité de massacre. (François Varillon. 1980)

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Message non lu par VexillumRegis » sam. 16 avr. 2005, 0:05

aramis a écrit : Pour ma part, si l'ordination d'homme mariés était possible, je crois que je me ferai prêtre.
Il est cependant faux (à mon avis) de croire que l'ordination d'hommes mariés mettrait un terme à la grave crise des vocations qui touche toute l'Europe occidentale. J'en veux pour preuve que cette crise existe aussi chez les protestants, qui autorisent pourtant le mariage des pasteurs...

In Christo,

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Message non lu par aramis » sam. 16 avr. 2005, 0:08

C'est effectivement ce que j'ai écris ensuite... ;-)
Dépassionner l'homme pour les choses terrestres, j'appelle cela une spiritualité de massacre. (François Varillon. 1980)

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Message non lu par VexillumRegis » sam. 16 avr. 2005, 0:10

aramis a écrit :C'est effectivement ce que j'ai écris ensuite... ;-)
Cela m'apprendra à ne lire que la moitié des messages ! :P

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Message non lu par Gaudeamus » sam. 16 avr. 2005, 11:24

aramis a écrit :Difficile de te répondre Gaudémaus, d'autant plus que je crains le classement vertical :roll:
Mais non mais non. J'ai ma position sur le sujet, mais si j'ouvre un fil, c'est bien parce que je considère que ça se discute. :)

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Message non lu par Gaudeamus » sam. 16 avr. 2005, 11:29

aramis a écrit :3. Thimotée, Ch3 V2 " Aussi faut-il que l'Evêque soit irréprochable, marie d'une seule femme..."
Donc, les écritures ne s'y opposent pas.
D'autre part, il semblerait que certains apôtres fussent mariés.

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Message non lu par Jean-Pierre DALIBOT » sam. 16 avr. 2005, 12:13

Je vais être dans l'impossibilité pendant plus de huit jours de continuer ce débat.
Cependant, rapidement:
1 - Les pasteurs protestants peuvent être mariés, et pourtant le problème du nombre des pasteurs se pose.
2 - Le même problème existe aussi pour trouver dans les associations loi 1901 des permanents pour assurer un certain service. Nous sommes à cause de toute une histoire dans un monde des exigences et non des devoirs.
3 - Je ne pense pas comme impossible que demain des hommes mariés puissent devenir prêtres, comme actuellement diacres, à condition que la famille soit d'accord.
5- Je repense actuellement à cette émission dernièrement sur ARTE concernant l'Eglise du silence. Ces hommes qui clandestinement, mariés, ont assuré un service dans l'Eglise en célébrant l'Eucharistie et d'autres sacrements et qu'aujourd'hui pour une liberté retrouvée ils ne sont plus rien. Quelle Hypocrisie!
Tout cela me fait souffrir, m'interroge.
Réponse rapide, donc imparfaite, mais simplement des questions?

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Message non lu par wanderer » sam. 16 avr. 2005, 12:29

[+] Texte masqué

Fr. Pisani : En lisant les actes des Apôtres on est frappé de constater que certains apôtres étaient mariés. Qu’en était-il précisément de la situation matrimoniale des disciples du Christ et plus spécialement des Apôtres ?



Bernard Callebat : Même si une obscurité enveloppe l’histoire des Apôtres, il est généralement admis qu’il y eut des apôtres mariés. Par exemple, l’union de Saint Pierre est vraisemblable.




Fr. Pisani : Que disent les Evangiles ? Marc et Luc ne rapportent-ils pas que Jésus a fait un miracle en faveur de la belle-mère de Pierre ?



Bernard Callebat : : Les Evangiles rapportent effectivement que Notre Seigneur Jésus Christ fit un miracle en faveur de la belle-mère de Saint Pierre. On en trouve mention dans l’Evangile de Saint Marc, au chapitre 1, versets 29-31 et également dans l’Evangile de Saint Luc, au chapitre 4, versets 38-39. L’un et l’autre rapportant la scène où Jésus guérit d’une forte fièvre la belle-mère de Saint Pierre.




Fr. Pisani : Les Apôtres ont-ils des enfants ?



Bernard Callebat : Saint Pierre a eu des enfants, peut-être une fille ; Sainte Pétronille, dont la tradition rapporte qu’elle mourut vierge et martyre. Peut-être aussi un fils, du nom de Marc auquel il est fait allusion à la fin de sa première épître, au Chapitre V, verset 13.




Fr. Pisani : Et les autres Apôtres ?



Bernard Callebat : Il est admis que Saint Paul demeura célibataire. Pour les autres, il y a une incertitude entretenue par des légendes.




Fr. Pisani : Pourquoi Jésus a-t-il choisi des hommes mariés et des hommes non mariés pour le suivre et annoncer son Evangile ?



Bernard Callebat : Je crois que l’important est de relever que Notre Jésus Christ a choisi indifféremment ses Apôtres aussi bien parmi les gens mariés que les célibataires. Il les exhorte à tout quitter, même leurs épouses, pour le Royaume des Cieux. C’est la grande force de la Pentecôte qui transforme toute faiblesse en force.




Fr. Pisani : Quelle est la conduite des Apôtres une fois mariés ? Abandonnent-ils leur femme pour suivre le Christ ? ou poursuivent-ils la mission qui leur est confiée tout en étant mariés ?



Bernard Callebat : La ligne de conduite des Apôtres mariés a été immédiatement tracée et imposée. On peut considérer qu’ils s’abstinrent dès ce moment d’avoir commerce avec leurs femmes. Saint Jérôme argumente dans ce sens. La continence figure, du reste, dans un passage de l’Ecriture sainte où il est dit : « Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre (…) Quelle sera notre récompense ». Le mot tout comprend l’abandon de leurs épouses. Dans l’Evangile de Saint Matthieu (Chap. XIX, 27-29), nous trouvons également cette incise où le Christ fait cette promesse à tous ses disciples indistinctement : « quiconque aura abandonné sa maison, ses frères, ou son père ou sa mère, ou son épouse (…) recevra le centuple et possèdera le royaume des cieux ». En complément, il n’est pas inutile de souligner que les Pères de l’Eglise, Saint Augustin, Clément d’Alexandrie ou encore d’autres auteurs comme Tertullien ou Origène sont unanimes à déclarer que ceux des Apôtres qui pouvaient être mariés ont ensuite cessé la vie conjugale et pratiqué la continence parfaite.




Fr. Pisani : : Qu’en est-il de saint Paul ?



Bernard Callebat : Plusieurs textes de Saint Paul ont servi de matière à discussion entre les auteurs (Ière Lettre aux Corinthiens au chap. 9, Ière Lettre à Timothée au chap. 3 ou encore celle à Tite chap. 1). Clément d’Alexandrie dans son commentaire suppose que tous les Apôtres étaient mariés, même Saint Paul, sauf Saint Jean. Il admet la continence des Apôtres. Tertullien, dans son De monogamia, suppose que les femmes présentes n’étaient pas des épouses, mais des dames qui les accompagnaient pour les servir comme elles faisaient pour Notre Seigneur. Il insiste lui aussi sur le fait que les Apôtres respectaient la continence parfaite.




Fr. Pisani : Dans l’épître aux Corinthiens, Saint Paul écrit : « N’avons-nous pas le pouvoir de mener partout avec nous une femme qui soit notre soeur en JC, comme font les autres apôtres, et les frères de notre Seigneur, et Céphas ? » [I, Cor., 9, 5]. N’y a-t-il pas là une lecture toute favorable au mariage des apôtres, et donc des prêtres ?

Bernard Callebat : Saint Jérôme explique ce verset en disant qu’il ne faut pas traduire par « épouse » mais par « dame » et que le mot « sœur » qui suit en explique la signification. L’argument principal, celui du bon sens, nous le trouvons dans une lettre de Saint Isidore de Péluse au Vème siècle, un des hommes les plus savants de son époque. Il a cette formule judicieuse :



« Ceux qui exhortaient à la virginité, qui prêchaient la chasteté et conduisaient les chœurs des vierges, se passaient de femmes ; on n’aurait pas suivi leur enseignement, si l’on avait vu que ceux-là mêmes qui inculquaient la virginité étaient eux-mêmes plongés dans la boue de la volupté. »




Fr. Pisani : De même, dans l’épître à Timothée, Paul exhorte ses frères à mener une vie droite, et à l’égard de l’évêque, il écrit : « Il faut qu’il soit irrépréhensible ; qu’il n’ait épousé qu’une femme ; qu’il soit sobre, prudent, grave et modeste, chaste, aimant l’hospitalité, capable d’instruire » [I Tim 3, 2] : qu’il soit un modèle : le mariage est donc possible, ce qui compte, ce n’est pas que l’on se marie ou non, c’est que ce mariage chrétien soit un modèle de vie en Christ.



Bernard Callebat : : Il serait inexact de faire là une lecture favorable au mariage des évêques. Pour Saint Paul, l’idéal est le célibat dans la virginité comme lui-même l’a inculqué à ses disciples-évêques. Il est évident que le grand besoin d’évêques a fait chercher parmi les veufs, hommes d’âge mûr. Saint Paul ne parle pas ici d’hommes mariés vivant avec leurs épouses. Cette question s’est sans doute posée et la solution se trouve dans la conduite des Apôtres que les premiers chrétiens avaient encore devant les yeux. Celui qui acceptait son élection aux ordres sacrés devait quitter son épouse, s’il était marié, ou vivre désormais dans la continence parfaite avec elle. Cela ressort avec netteté dans sa lettre à Tite où Saint Paul exige que l’évêque soit continent.




Fr. Pisani : A partir de quand a-t-on pour la première fois dans l’histoire de l’Eglise une formulation explicite, canonique du célibat des prêtres ?



Bernard Callebat : La ligne de conduite de l’Eglise en faveur du célibat des prêtres est fixée dès les premiers conciles, c’est-à-dire dès le début du IVème siècle. D’abord au concile d’Elvire en Espagne vers 300-305. Puis au concile de Nicée en 325. Egalement au concile de Carthage de 390. Mais pas seulement dans les conciles : une décrétale du pape Sirice de 386 s’exprime au sujet du célibat et de la continence parfaite dans une forme solennelle puisque les préceptes, nous dit la source, « ont été établis par l’ordonnance des Apôtres et des Pères ». Cette législation est confirmée également dans le Code civil de l’époque, le Code Théodosien de 428. Elle s’articule principalement autour de deux principes : l’interdiction du mariage proprement dit, ou l’obligation de continence absolue après la nomination.




Fr. Pisani : Le célibat concerne-t-il les prêtres ou seulement l’évêque ?



Bernard Callebat : C’est plus que cela. La législation sur le célibat s’impose aux évêques, aux prêtres et aux diacres, c’est-à-dire à tous les clercs constitués dans un ministère.




Fr. Pisani : : Pourquoi sous Justinien, à partir du VIème siècle, le mariage des prêtres devient-il un obstacle à l’épiscopat ? N’est-ce pas aussi la preuve qu’il était jusqu’alors possible ?



Bernard Callebat : Le Code de Justinien pose des principes de nature ecclésiastique ; mais, comme législation civile, il s’intéresse aussi aux effets civils de la discipline canonique. Entre autres explications, l’interdiction de consacrer évêque, un prêtre qui a une femme et des enfants, est justifié par des considérations patrimoniales, c’est-à-dire par la volonté d’éviter la dispersion des biens d’Eglise, plus exposés entre les mains d’un administrateur marié et père de famille. Faut-il alors tirer de ces mentions, la conséquence que le mariage était finalement possible pour les prêtres ? Evidemment non. La législation comme l’histoire ecclésiastique fixent l’attention sur ce qui est anormal, sur ce qui ne tourne pas rond, comme le fait aujourd’hui la presse. Dans les actes, on ne parle pas ou presque jamais de ceux qui accomplissent normalement leur devoir.




Fr. Pisani : Sur la question du célibat, il y a une divergence nette entre l’Eglise d’Orient et l’Eglise d’Occident. Quelle est la position de l’Eglise d’Orient sur cette question ? Quels sont les textes de référence qui abordent cette question ?



Bernard Callebat : En vérité, la divergence entre l’Orient et l’Occident est née assez tard ; précisément, la concession d’un clergé marié a été décidée par les Orientaux au Concile grec de Constantinople de 692, appelé le concile In Trullo.

Elle n’est cependant pas générale puisqu’elle ne concerne que les prêtres et les diacres à l’exclusion des évêques. Il est évident que ce concile s’oppose en partie à la loi du célibat adoptée par l’Occident ; du coup, les décisions du concile de Constantinople sont repoussées par l’Eglise romaine qui ne reconnaîtra jamais le caractère œcuménique et donc obligatoire à cette assemblée. Notons au passage que cette concession a soulevé des difficultés d’applications en Orient. En attestent les réformes de Léon le Philosophe au IXème siècle qui interdit le mariage aux ecclésiastiques pendant les deux années qui suivent l’ordination.




Fr. Pisani : Qu’en est-il aujourd’hui pour la pratique du célibat des prêtres dans l’Eglise d’Orient ?



Bernard Callebat : L’Eglise grecque ou orientale orthodoxe (c’est-à-dire qui appartient au rite grec – grec pur, grec melchite, grec ruthène, grec bulgare et grec roumain –) suit aujourd’hui en grande partie les canons du concile In Trullo, lesquels s’articulent autour de trois principes : d’abord, les clercs inférieurs peuvent se marier à condition que ce ne soit qu’une fois ; ensuite, les prêtres et diacres ont le libre usage du mariage antérieur à l’ordination avec suspension des rapports conjugaux le jour où les fonctions sacrées sont exercées et même les trois jours précédents, étant aussi précisé que le mariage est interdit après l’ordination même en cas de veuvage ; enfin, le clergé supérieur doit vivre dans une continence absolue. En pratique, les plus hauts degrés de la hiérarchie sont refusés au clergé marié. Les patriarches, exarques, métropolitains, évêques ou encore archimandrites se recrutent uniquement parmi la minorité des moines.




Fr. Pisani : Qu’en est-il pour les uniates qui suivent le rite oriental, et qui pourtant sont restés attachés à l’Eglise catholique romaine après le schisme du XIème siècle ?



Bernard Callebat : Les Eglises uniates regroupent les différentes communautés chrétiennes d’Orient qui ont reconnu l’autorité du pape depuis le schisme du XIème siècle. Elles sont généralement d’une importance infime. Aucune Eglise à l’exception de celle de rite syro-maronite ne s’est entièrement soumise. Unies au point de vue dogmatique, elles ont conservé la discipline matrimoniale orientale.




Fr. Pisani : Autrement dit, il y a dans l’Eglise catholique des prêtres mariés, en toute « conformité » avec l’Eglise ?



Bernard Callebat : C’est un fait. Est-ce à dire que Rome a accepté les règles sur le célibat ecclésiastique imposées au concile In Trullo ? Certainement pas, mais il est apparu prudent de ne pas aggraver les difficultés toujours existantes avec ces Eglises.

Ce sont des raisons de stratégies diplomatiques qui expliquent la neutralité occidentale à propos de cette question épineuse.

Il est incontestable que l’Eglise occidentale n’a jamais accepté la discipline orientale. Par exemple, au concile de Florence de 1439, où l’on tente vainement le retour à l’Eglise universelle, les latins font ressortir certains abus introduits dans la législation matrimoniale des Grecs.




Fr. Pisani : Que se passe-t-il dans l’Eglise d’Occident ?

Bernard Callebat : Dans l’Eglise d’Occident, selon une tradition ancienne, le principe applicable est celui de la loi du célibat ou de la continence absolue applicable à tous les ministres de l’autel.




Fr. Pisani : A partir de quand s’impose la loi du célibat ? Est-elle applicable aux seuls évêques ou seulement aux prêtres ?



Bernard Callebat : Sur le plan disciplinaire, dès le IVème siècle, cette loi s’impose aussi bien aux évêques, aux prêtres qu’aux diacres. L’Eglise d’Occident est conséquente avec elle-même. Il n’y a pas de raison pour imposer le célibat aux seuls évêques. Cette loi crée ainsi une parité de condition entre tous les membres des ordres majeurs, qu’ils soient célibataires ou non lors de leur consécration.




Fr. Pisani : Synodes et conciles à partir du IVème siècle confirment au cours des siècles la loi du célibat des prêtres. Est-elle respectée ? La répétition de cet appel à la continence n’est-elle pas le signe d’un manquement du clergé et d’une certaine façon d’une difficulté humaine à vivre cet état de vie ?



Bernard Callebat : Il faut rappeler qu’il s’agit là d’une discipline identique dans les quatre principales Eglises composant l’Occident, à savoir l’Espagne, les Gaules, l’Italie et l’Afrique. On en trouve référence dans les conciles d’Elvire, d’Arles, de Carthage ou encore d’Hippone. Il est d’ailleurs probable qu’elle ait connu une application conciliaire antérieure dans les Eglises d’Afrique dès le milieu du IVème. Preuve, en tous les cas, de leur importance : ces ordonnances sur le célibat seront toutes reprises dans les collections canoniques du Moyen Age, y compris et surtout dans le recueil fondamental du Corpus Iuris canonici. Légitimement, on peut se poser la question : cette loi du célibat est-elle réellement respectée ? La fréquente répétition des mêmes défenses prouverait peut-être la difficulté d’enraciner cette règle, d’autant plus que la disparition de l’empire romain a été suivie d’un effondrement moral de la société. En fait, il ne faut pas confondre le rappel des normes avec sa fréquence dans les faits. Les actes des conciles sont aussi le reflet de l’actualité la plus récente et la plus marquante. Pas nécessairement la plus courante.




Fr. Pisani : L’Eglise d’Occident du Haut Moyen Age prévoit-elle des sanctions pour ses prêtres qui ne respecteraient pas la loi du célibat ?



Bernard Callebat : Les sanctions ne sont pas uniformes et dépendent assez souvent de la sévérité ou de l’indulgence des évêques. La peine ordinaire est la déposition qui consiste dans la privation perpétuelle de l’ordre ou du bénéfice, ou plus fréquemment des deux à la fois. Le déposé est en outre dépouillé du privilège clérical. Cette peine est souvent doublée d’une excommunication qui entraîne le bannissement de l’Eglise et de la communion des chrétiens. Il arrive aussi que les sanctions soient moins sévères. Dans ce cas, les coupables sont maintenus dans leur ordre ; on leur refuse un avancement, ou on les rabaisse au rang de lecteurs ou de chantres, fonctions ecclésiastiques compatibles avec le mariage.




Fr. Pisani : Au préalable, vous pourriez peut-être nous dire pourquoi selon vous, il y a une telle passion ? Une telle répression du prêtre ou du religieux défroqué ?



Bernard Callebat : Aujourd’hui, il y a effectivement une passion publique autour de la question du célibat ecclésiastique. Passion qu’il faut replacer dans un contexte culturel où le sexe est présenté comme la source exclusive de l’épanouissement humain ; le célibat du prêtre devient alors un reproche vivant, une anomalie scandaleuse, une provocation incomprise. Quant au caractère de la répression, il a évolué avec le temps. A présent, et dans la mesure où le clerc marié veut s’amender, on ne parle plus généralement que de perte de l’état clérical et de dispense du célibat. Ce n’est que dans la mesure où le clerc marié maintient une position de scandale qu’il se verra imposer des sanctions pénales particulières.




Fr. Pisani : Je citais en introduction les propos de Luther et de Calvin qui parlent finalement d’une loi tyrannique ? Quelle est leur argumentation théologique ?



Bernard Callebat : Luther traite pour la première fois du célibat ecclésiastique en juin 1520 dans l’appel qu’il adresse à la nation allemande sur la réformation du christianisme. La loi du célibat y est présentée comme la cause de toutes les misères qui rongent le clergé. Pour sauver la conscience des pasteurs, il les engage à se marier et à vire honnêtement en lançant cette célèbre sentence : « le salut de leurs âmes importait davantage que les lois tyranniques et arbitraires qui n’émanaient pas du Seigneur ». De son côté, à la suite de Luther, Calvin affirme sans hésitation le droit au mariage pour le prêtre ; il réfute les arguments de l’Eglise catholique et rejette l’origine apostolique de cette discipline.




Fr. Pisani : Dans quelle mesure est-elle aujourd’hui reprise par les théologiens favorables au mariage des prêtres, je pense par exemple au Cardinal Kasper ?



Bernard Callebat : La discipline classique sur le célibat des prêtres est contestée. A l’extérieur, et nous venons de le voir avec Luther et Calvin, mais aussi à l’intérieur de l’Eglise catholique. La position du cardinal Kasper en faveur d’un relâchement de la discipline sur le célibat n’est pas récente puisqu’il s’était exprimé dans ce sens en 1991 lorsqu’il était évêque de Rottembourg-Stuttgart. Le motif principal avancé était de nature pastorale : la crise des vocations sacerdotales, le vieillissement du clergé, la disparition du tissu paroissial traditionnel justifieraient, selon lui, l’appel à des clercs mariés.




Fr. Pisani : La question du célibat des prêtres est-elle disciplinaire ou dogmatique ?



Bernard Callebat : Le célibat des prêtres est aujourd’hui une ordonnance de nature disciplinaire ou de droit ecclésiastique, c’est-à-dire qu’elle a été portée par l’Eglise même ; cette ordonnance, en théorie, pourrait être remise en cause. Mais en vérité, cette ordonnance est de nature dogmatique. Si le prêtre est tout entier à N.S. Jésus-Christ et à son Eglise, ce qui exclut l’état de mariage et la famille naturelle, ce n’est ni pour être libre de son temps, ni pour obtenir une plus grande confiance des fidèles : ce sont là des conséquences, et non des fins. C’est pour participer au Sacerdoce du Christ. Or, dans son essence, le célibat du Christ a pour motif sa consécration non seulement à Dieu son Père, mais aussi à l’Eglise son épouse ; sinon, il serait bigame. De même qu’est-ce qui légitime la virginité inviolable de Marie, sinon sa consécration à Dieu et à l’Eglise. Le prêtre malgré la fragilité de sa nature est l’héritier et le continuateur du Sacerdoce du Christ ; et, pour renouveler réellement le sacrifice de la Croix, il est revêtu du pouvoir et de la dignité de Jésus-Christ lui-même.




Fr. Pisani : Pourquoi devient-elle dogmatique ? Comment expliquez-vous cette évolution du dogme ? Et d’abord comment expliquer l’émergence d’un dogme ?



Bernard Callebat : Cette dimension dogmatique ressort parfaitement après le concile de Trente, notamment dans l’Ecole française de spiritualité avec Olier, Condren, Bérulle, Bourgoing, Bossuet. Elle est ordonnée autour du motif de l’Incarnation qui consiste à rendre à Dieu un hommage qui fût parfait et éternel. Par voie de conséquence, le prêtre va s’identifier à N.S. J. C. Les voix concordantes des papes au XXème siècle ne font guère de doute s’agissant de cette évolution vers un caractère dogmatique du célibat des prêtres. Pourquoi et comment expliquer cette évolution de la discipline vers une approche dogmatique ? Certainement parce qu’il y a un approfondissement permanent, fidèle et continu du sacerdoce ministériel reçu comme une consécration perpétuelle à Dieu, une configuration ontologico-sacramentelle indélébile au Christ souverain et Eternel pontife. Jean-Paul II a écrit lui-même :



« Par la consécration sacramentelle, le prêtre est configuré à Jésus-Christ en tant que Chef et Pasteur de l’Eglise » »



et il ajoute ces mots qui montrent à quel point cette dimension dogmatique est avancée :



« Le lien du célibat avec l’ordination sacrée configure le prêtre à Jésus-Christ, Tête et Epoux de l’Eglise. L’Eglise comme épouse de Jésus-Christ veut être aimée par le prêtre de la même manière totale et exclusive avec laquelle Jésus-Christ, Tête et Epoux, l’a aimée. »




Fr. Pisani : Ne devrait-on pas laisser le choix aux jeunes qui désirent donner leur vie au Seigneur de se marier ou non ?



Bernard Callebat : Faisons l’honneur aux jeunes gens portés vers la vocation sacerdotale de leur enseigner les devoirs, les vérités et les grandeurs de la vie sacerdotale. Même si ces exigences vont à l’encontre du monde et de ses modes. C’est une manière de les prendre au sérieux. Car le problème du recrutement sacerdotal, avant d’être quantitatif, est qualitatif. S’il y a si peu de jeunes gens qui répondent à l’appel, c’est parce qu’ils trouvent cette vocation trop redoutable.

Ils ont été nourris de sucreries et de spectacles faciles. Ils reculent devant le célibat comme devant une pratique d’un autre âge. Ils se marient par incapacité au sacrifice. Et certains réclament ensuite le sacerdoce : puisqu’il n’y a pas assez de célibataires, c’est un devoir de l’Eglise de les ordonner. Ce raisonnement est celui qui entretient la décadence des professions d’élites : puisqu’il n’y a pas assez d’agrégés et que les agrégés sont médiocres, recevons-les avec 5 sur 20. C’est le discours inverse qu’il faut tenir : puisque l’institution du sacerdoce n’a pas les sujets qu’elle mérite, n’acceptons que les candidats rigoureusement éprouvés dans ce domaine. Notre époque, par un faux concept du respect des personnes voudrait sacrifier les institutions aux individus, et la vérité à la pédagogie.




Fr. Pisani : Et pourtant, ne peut-on pas suivre le Christ tout en se mariant ? Pourquoi en serait-on moins prêtre ?



Bernard Callebat : Le mariage est une voie éminente de salut. Comme celle du sacerdoce. Mais pas seulement. Vous auriez pu ajouter que l’on peut suivre aussi le Christ, sans se marier et sans être prêtre. Ce qui indique assez que le mariage des prêtres n’est pas une réponse absolue à la faiblesse numérique du clergé. Du reste, il y aurait un risque grave à admettre le mariage inconditionnel des prêtres : si le prêtre venait lui-même à divorcer. Quel crédit aurait alors l’Eglise alors qu’elle considère le mariage comme un sacrement, c’est-à-dire par nature indissoluble ?




Fr. Pisani : On a invoqué que le prêtre devait pouvoir disposer de plus de temps, d’une plus grande disponibilité pour les fidèles, au fond de pouvoir être tout à tous ? Est-ce que cette raison est pertinente ?



Bernard Callebat : Cette raison peut avoir sa pertinence dans la mesure où elle est comprise comme l’état du prêtre agissant in persona Christi, avec l’intention du Christ, avec les paroles du Christ, avec la vocation du Christ dans une fonction pour laquelle il a été consacré. En ce sens, cette disponibilité dans le temps est nécessaire à l’homme de la liturgie, de l’hommage que l’Eglise et la création entière rendent à Dieu. En particulier dans les fonctions sacrées qui surpassent toutes les autres occupations.




Fr. Pisani : Le mariage des prêtres ne serait-il pas un moyen de pallier la crise des vocations presbytérales ? D’une certaine manière, l’Eglise ne sera-t-elle pas contrainte de réviser sa discipline du célibat si elle veut avoir des prêtres ?



Bernard Callebat : Le mariage des prêtres est une fausse réponse à une vraie question, celle de la crise des vocations sacerdotales. Fausse réponse car dans les autres religions chrétiennes par exemple, luthérienne, anglicane, orthodoxe où le mariage des pasteurs est autorisé, il y a également raréfaction du personnel ministériel. Il faut donc s’interroger sur les raisons profondes de la crise des vocations sacerdotales. Une crise ancienne qui remonte au XIXème siècle et qui est liée principalement au processus de sécularisation, de laïcisation de la société post-révolutionnaire.




Fr. Pisani : Un prêtre qui vit en concubinage, a-t-il toujours aux yeux de l’Eglise le droit de célébrer la messe ?



Bernard Callebat : La célébration du sacrement de la sainte Eucharistie n’est pas un acte mineur. C’est, pour reprendre l’expression d’un théologien, le sacrement suprême de l’Eglise. Le prêtre ne pourra pleinement le réaliser que s’il est en état de grâce. Le prêtre en situation d’indiscipline grave n’est pas en état de grâce. Il ne peut donc célébrer licitement la sainte Messe.




Fr. Pisani : Quelle réponse concrète, humaine aussi, propose l’Eglise à ses prêtres qui dans leur histoire affective vivent – et l’on sait que la situation existe – en concubinage ?



Bernard Callebat : Le prêtre en situation de concubinage est en situation de péché. Comme tout pécheur, il doit être reçu avec miséricorde. Dans pareille hypothèse, deux solutions sont possibles : ou bien le prêtre vit en concubinage sans intention d’y renoncer, et dans ce cas, il sera prudent d’engager une procédure canonique de perte de l’état clérical avec dispense de célibat ; ou bien, le prêtre désire rester dans l’institution ecclésiale et alors il doit se séparer de sa concubine suivant les recommandations de son supérieur.




Fr. Pisani : Quel regard l’Eglise porte-t-elle sur les associations de femmes de prêtres ? Y a-t-il un dialogue ? Le sujet est-il abordé dans les milieux ecclésiastiques ou rejetés ?



Bernard Callebat : C’est une question douloureuse pour l’Eglise dans la mesure où elle concerne certains de ses membres ; douloureuse aussi pour ces épouses de prêtres contraintes bien souvent à une discrétion absolue, y compris dans leur propre famille. Le dialogue existe dans des cas très particuliers. D’une manière générale, ce sujet n’est jamais abordé publiquement par les supérieurs pour éviter de blesser à la fois le corps ecclésial, ainsi que les personnes intéressées.




Fr. Pisani : Qu’en est-il de l’enseignement des papes sur cette question au cours du XXème siècle ? Que dit Pie XI ?



Bernard Callebat : La doctrine des pontifes romains sur le célibat des prêtres n’a pas varié au XXème siècle. Bien souvent, elle n’est abordée qu’indirectement à l’occasion du thème général du sacerdoce. Précisément, le Pape Pie XI dans son encyclique de 1935 Ad Catholica sacerdotii fastigium y renvoie à trois points de vue : d’abord, par référence à la sainteté du prêtre : il écrit notamment,



« Une telle virginité réclame de celui qui en est revêtu une élévation de pensées, une pureté de cœur, une sainteté de vie qui répondent à la sublimité et à la sainteté de la fonction sacerdotale; »



ensuite par référence à la continence, vertu spécifique du prêtre et enfin par référence aux fins dernières.




Fr. Pisani : Quels sont les principaux angles d’approche de la question ?



Bernard Callebat : La pensée de Pie XII dans l’exhortation apostolique sur la sainteté du mariage en 1950 offre une spiritualité nettement christocentrique et le célibat se situe dans cette perspective mystique. Conscient des difficultés du temps, Pie XII recommandait une éducation exigeante de cette vertu. Jean XXIII se situe dans le même mouvement. C’est dans l’encyclique Sacerdotii nostri primordia de 1959 publiée à l’occasion du centenaire de la mort du saint curé d’Ars qu’il remet à l’honneur les vertus sacerdotales du prêtre, en particulier la chasteté. Le pape Paul VI fit paraître en 1967 l’encyclique Sacerdotalis caelibatus alors que dans l’Eglise naissait à cette époque une vive contestation à propos du célibat. Les interrogations sont multiples : le célibat ne devrait-il pas être facultatif ? Sa suppression ne serait-elle pas un progrès ? Ne faciliteraient-elle pas le rapprochement œcuménique ? A toutes ces questions, le pape Paul VI répond fermement que le célibat est lié au ministère ecclésiastique.



« Il doit être, écrit-il, un soutien pour le ministre de l’Eglise dans son choix exclusif, définitif et total de l’amour unique et souverain du Christ, de dévouement au culte de Dieu et au service de l’Eglise ». »



L’œuvre de Jean-Paul II est marquée par le souci de la sanctification du clergé. C’est au célibat ecclésiastique qu’il consacre l’un de ses premiers actes en 1979 avec une Lettre à tous les prêtres de l’Eglise. D’autres documents sont venus compléter cet écrit. Trois arguments sont régulièrement développés pour justifier le célibat ecclésiastique : l’exemple du Christ, l’enseignement des Apôtres et la tradition propre à l’Eglise latine.




Fr. Pisani : N’y a-t-il pas une obsession de la continence ? En quoi un prêtre concubin conduirait-il moins bien ses brebis, les fidèles qui lui sont confiés, sur les chemins de la sainteté ? Sainteté ne veut pas dire être continent ? N’y a-t-il pas là une confusion qui découle d’un regard négatif de la sexualité ?



Bernard Callebat : Il n’y a pas une obsession de la continence. Il y a en revanche une récurrence de l’opinion à remettre en cause la discipline de l’Eglise. La question du célibat, qui ne s’était plus guère posée durant les derniers siècles, a rebondi à la faveur de plusieurs facteurs : d’une part, celui de l’émancipation des mœurs de la société moderne et d’autre part, celui de la sécularisation dans l’Eglise elle-même. Il y a une tendance à fixer les modes de la société civile sur la société ecclésiale. Comme si l’Eglise était une société de même nature que le monde profane. La conception qui ferait dire à l’Eglise qu’elle a un regard négatif de la sexualité est inexacte. C’est un faux procès. Au contraire. L’Eglise a toujours posé un regard positif et réaliste, dans le cadre du lien matrimonial. Mais elle le fait dans une perspective particulière, celle de la famille. Vis-à-vis du prêtre, le célibat imposé porte la marque d’une autre paternité, de cette paternité spirituelle qui s’étend à toutes les âmes. Elle est le reflet de la paternité de Dieu qui ne fait acception de personnes. Le prêtre célibataire est le père de tous ; ce qu’illustre parfaitement cette incise de saint Paul dans la lettre aux Corinthiens (VII, 32-34.) :



« Un célibataire prend à cœur les intérêts du Seigneur et s’applique à lui plaire. Un homme marié doit s’occuper des intérêts terrestres et aviser aux moyens de plaire à sa femmes. Ainsi est-il partagé . »




Fr. Pisani : Un prêtre, marié et père de famille, n’est-il pas en mesure de mieux comprendre les difficultés qui se présentent aux couples mariés ? Comment donner un conseil réaliste si l’on ne connaît rien à la réalité de ce qui est vécu, tout simplement parce que l’on ne la vit pas soi-même ?



Bernard Callebat : Il serait prétentieux de croire que l’imitation des modes de vie civils suffit à les comprendre. D’autant que ces mêmes modes de vie que l’on prétend imposer à tous sont en échec avec la multiplication des dissolutions de mariage. Du reste, dans l’ordre des choses, il appartient à chacun de s’adresser aux conseillers de son choix. Il n’y a pas de primauté de l’Eglise en matière de conseils. L’essentiel est de rechercher la lumière auprès de ceux qui sont capables de la fournir et donc de recourir à des conseillers humains (parents, médecins, maîtres, amis,…), s’il s’agit de questions simplement humaines, et à des conseillers spirituels s’il s’agit de questions d’ordre spirituel.




Fr. Pisani : L’argument selon lequel l’Eglise romaine par la doctrine du célibat sacerdotal serait seule à respecter la tradition apostolique n’est-elle pas un obstacle à l’oecuménisme ?



Bernard Callebat : Certainement. Mais le vrai œcuménisme ne consiste pas pour l’Eglise catholique à renoncer à ses Traditions, surtout quand elles sont d’origine apostolique.
Voilà qui répondra à beaucoup de question je pense.

:)

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Message non lu par guelfo » lun. 18 avr. 2005, 16:10

L'exaltation du célibat est surtout une contamination païenne (néo-platonicienne) du christianisme.
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Message non lu par Gaudeamus » lun. 18 avr. 2005, 16:15

guelfo a écrit :L'exaltation du célibat est surtout une contamination païenne (néo-platonicienne) du christianisme.
Je me pose la question depuis un moment (l'exemple des cathares est éloquent).
Mais ce qui me paraît païen, c'est plus la condamnation de la sexualité, par mépris pour le monde matériel, que l'exaltation du célibat, lequel est réservé à des personnes choisies.

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Message non lu par guelfo » lun. 18 avr. 2005, 18:23

L'un et l'autre sont liés. Cette idée est totalement étrangère aux "Sémites".

Tu remarqueras que ni le judaïsme, ni l'islam ne promeuvent le célibat, au contraire.

Ce n'est d'ailleurs pas tant l'Evangile que Saint-Paul (pétri de culture grecque) et les Pères de l'Eglise (plus pétris encore de philosophie antique que Saint-Paul) qui ont exalté le célibat.
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Message non lu par Gaudeamus » mar. 19 avr. 2005, 8:50

guelfo a écrit :L'un et l'autre sont liés. Cette idée est totalement étrangère aux "Sémites".

Tu remarqueras que ni le judaïsme, ni l'islam ne promeuvent le célibat, au contraire.

Ce n'est d'ailleurs pas tant l'Evangile que Saint-Paul (pétri de culture grecque) et les Pères de l'Eglise (plus pétris encore de philosophie antique que Saint-Paul) qui ont exalté le célibat.
Je pense que le célibat choisi est un état de vie supérieur dans la mesure où il ouvre à un amour moins exclusif, et il t'autorise une disponibilité et des sacrifices que ne peut pas toujours consentir un homme qui a la responsabilité de ses enfants.
Tu crois que le Christ eût été aussi ouvert à toutes ces rencontres s'il avait dû traîner une femme et une ribambelle d'enfants derrière lui, avec les soucis que ça représente, avec le temps que cela demande ?

Et cela n'a rien à voir avec le mépris de la chair.

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