Kerygme a écrit : ↑lun. 16 nov. 2020, 12:50
Bonjour Riou,
Riou a écrit : ↑dim. 15 nov. 2020, 18:54
Au fond, la doctrine sociale de l’Église, qui promeut le principe de subsidiarité, me semble parfaitement équilibrée : il faudrait peut-être articuler de manière plus fine le niveau local et les différents secteurs avec les décisions globales qu'une épidémie requiert nécessairement. Et ceci pourrait être fait avec du consentement, et pas sur une modalité paternaliste que le pouvoir impose en ce moment.
Je suis d'accord.
Croyez bien que je suis attentif aux malheurs de mon prochain, que ce soit personnellement, professionnellement (sans être infirmier pour autant), ou ecclésialement en aumônerie ou dans ma paroisse.
Re-bonjour,
Je n'en doute pas, et je crois bien que vous faites partie des gens avec qui il est possible de comprendre plus clairement ce qui arrive.
Kerygme a écrit : ↑lun. 16 nov. 2020, 12:50
Mon propos visait surtout à dire que je ne comprends pas ceux que je vais nommer les anti et les pro (anti covid/pro covid , anti confinement/pro confinement) car je pense que les anti ne font que jouer le jeu des pro, comme des pantins manipulés avec des ficelles, je m'explique :
Comme vous, je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment on peut être pour ou contre un virus, pour ou contre une mesure qui essaie de faire ce qui paraît le meilleur (toute la discussion est de discuter sur ce qui est le "meilleur"). Je ne comprends pas bien, de manière générale, ce que signifie être "pour" ou "contre" dans des situations pareilles. Les "anti-covid" nous disent, par exemple, que le virus ne tue pas et ne pose pas de problèmes à notre système hospitalier, pour dire ensuite que c'est une création humaine qui vise à faire plusieurs milliards de morts afin de se débarrasser des "inutiles". Je crois que nous retrouvons dans la même tête des idées complètement contradictoires qui ne tiennent pas debout. La pensée, dans cette affaire, a déserté depuis longtemps.
Kerygme a écrit : ↑lun. 16 nov. 2020, 12:50
Et là j'en arrive à mon raisonnement. Au lieu de choisir une tactique (respect du confinement car pour le non-confinement il faudrait l'aval de toute la population) et d'en prouver le bien fondé ou son inverse, ces derniers préfèrent faire des petits actes de guérillas (crier au complot par ci, inviter à ne pas mettre les masques par là, nier telle vérité par ci ou par là ...) or on ne combat pas un incendie avec des verres d'eau. C'est bien plus efficace en allumant des contre feux et c'est ce que font les pro.
Résultat, une population divisée dont une partie pense être entrée en résistance civique ou civile (par exemple en ne mettant pas les masques) ce qui fait le jeu de ceux d'en face et justifie à augmenter la pression. Donc au lieu de respecter scrupuleusement ce que préconisent les "rois" et d'en prouver éventuellement l'inefficacité, ils ne font qu'accélérer ce processus qu'ils voudraient combattre.
Qui est la marionnette, qui est le marionnettiste ?
Oui, j'adhère pleinement à votre raisonnement. C'est un cercle vicieux, comme vous le dites par la suite. Le paternalisme suscite ces réactions de pseudos-résistances ("bas les masques!"), et ces dernières, le moment venu, viennent renforcer le paternalisme qui était à la source (en partie, au moins) de ces pseudos-résistances. Je crois que la mécanique est en effet très prévisible, et qu'elle est désormais lancée. Difficile d'arrêter un carrosse lancée à toute allure en pleine descente sans personne dedans pour piloter la machine.
Kerygme a écrit : ↑lun. 16 nov. 2020, 12:50
Il s'agit donc de raison garder et de ne se faire manipuler ni par les uns ou les autres, mais comme vous le stipuliez de trouver de vraies solutions.
En effet. Et en matière de raison, notre société a perdu le sens de cette belle vertu qu'est la prudence, vertu de la tradition qui se définirait comme la recherche d'un point d'équilibre en se basant sur l'interprétation la plus juste possible du réel. Cela suppose une disposition affective qui lui correspond, en évitant les excès de la panique et de la témérité, afin de se donner les moyens de comprendre correctement ce qui se passe et de trouver, peut-être, les vraies solutions.
Ce que les "pour" ou les "contre" ne voient pas, c'est que nous sommes dans une aporie, un embarras de l'intelligence et de la volonté devant une situation qui ne semble pas offrir de chemin satisfaisant. C'est pourquoi la discussion et quelque chose comme le principe de subsidiarité serait une bonne méthode, car le consentement est le meilleur ressort de l'obéissance et de la résistance aux évènements malheureux.
Les pour et les contre tombent dans un piège similaire : ils ne supportent pas cette aporie, ce qui révèlent en eux un idéal de maîtrise absolu de la situation qui n'est pas possible. Quand les complotistes voient dans les dysfonctionnements les indices d'un plan maléfique supérieur qui contrôle tout et gouverne le monde, ils se font bien une idole du mal en voyant derrière les apparences incohérentes un Deus ex machina qui, à les lire, semble bien plus puissant que Dieu et que l'espérance qu'il donne. Tout cela car ils ne supportent pas que notre société se retrouve mise en échec sur un virus, et qu'ils cherchent par conséquent une cause supérieure qui contrôle tout (car dans leur esprit, des hommes peuvent atteindre une maîtrise absolue du réel, au point de créer un virus pour engendrer, comme dans une démonstration mathématique, un ensemble de déduction certaines et imparables).
Nos hommes de pouvoir croient aussi, à leur manière, pouvoir tout contrôler dans leur cabinet, et faire face seuls, et inévitablement, ils se retrouvent à produire des incohérences tout à fait normales dans une telle situation. Ils ne supportent pas ces dysfonctionnements inévitables et ils évitent la discussion car au préalable ils rejettent le fait que la situation actuelle puisse être une aporie qui leur échappe en partie.
Je parle d'une aporie car: il est légitime de partir du principe qu'on veut sauver le plus de vies possibles, et que chaque patient est un absolu qu'on ne peut pas sacrifier. Alors, pour éviter des services de réanimation saturé, on confine totalement. Problème : cette mesure crée des dommages collatéraux externes à la crise sanitaire qui sont tout aussi problématique, dans certains cas, que de devoir trier les patients.
On partait d'un principe moral où chaque vie était un absolu à protéger de manière inconditionnée, et on se retrouve dans cette désagréable situation d'avoir l'impression de faire des "choix" un peu utilitaire où tout faire pour sauver les patients atteints du covid semble mettre gravement en péril la vie d'êtres humains non atteints par le covid. On ne veut pas faire ce choix utilitaire (à juste titre), et pourtant il nous est arrivé de le faire, ce qui suscite des tensions légitimes et des alertes en provenance des autres secteurs de la société (le travail social, l'éducation, et j'en passe). Difficile, et c'est pourquoi je parle d'aporie.
Il faut que notre société accepte cette impasse, accepte de quitter son désir de toute puissance qui pourrait atteindre une maîtrise totale de la réalité, pour qu'ensuite nous puissions discuter sur ce qui nous paraît le plus prudent, en acceptant que des choix difficiles seront faits, mais avec le consentement global de la population. Le pouvoir refuse de faire cela, et c'est là son erreur profonde : il approfondit le problème auquel il doit faire face, parce qu'il n'accepte pas de ne pas être le maître de la création. Nous rejetons notre condition limitée, et notre société n'était pas prête à voir cette limitation. De là toutes les réactions irrationnelles dont vous parliez très bien là haut, avec ce sentiment de "cirque" que je trouve très approprié.
L'homme n'est pas Dieu; c'est un des enseignements de cette période, enseignement difficile à digérer pour notre société.